Douleur violente. Un gout de sang imprégné profondément dans mes gencives. Voila ce que je ressens au moment ou je m’écroule sur le sol, inanimé. Qu’est ce que ça fait mal… Les années ici n’ont pas atténué la douleur et c’est peut être la pire chose à vivre dans cet endroit maudit. L’enfer sur terre… Comme à chaque fois, à cet instant, je ne peux m’empêcher de penser que la mort serait un sentiment plus enviable que continuer à subir tous ça. J’en ai oublié ce que ça fait d’être libre, heureux, sain. D’ailleurs, ai-je seulement vécu tous ça ? Je ne pourrais le dire, car j’ai oublié… Trop jeune probablement, pour me rappeler de ce temps ou souffrance n’avait pas de sens.
Groggy, je laissai volontiers mon âme s’échapper dans le néant. Je pouvais bien lui accorder ça, un peu de répit. Mais c’était sans compter sur le mépris et la violence de mon tortionnaire. Une main que je devinais hideuse agrippa mes cheveux pour me décoller de terre. Une poigne féroce appartenant à ce garzok de malheur. Je gardai les yeux fermés mais mon visage se crispa tant mon cuir chevelu était soumis à une tension inhabituel, comme si il était sur le point de rompre sans jamais vouloir se détacher de mon crane. Quel supplice ! Punition pour avoir tué à nouveau l’un de mes congénères, un autre prisonnier. Cet orque hideux prendrait il en compte le fait que j’avais fait cela juste pour me défendre, pour ne pas être tué à sa place ? Impossible, la justice et la compréhension étaient des notions inconnu dans ce monde à part. Et puis j’avais appris après toutes ces années d’arrêter de me plaindre. La plainte, chose inutile, futile en ce monde.
« Je ne sais pas ce qui me retiens de te tuer »
Ces paroles avaient étés prononcés si proches de mon visage que je sentis la caresse du souffle chaud de la vermine, et son haleine putride à l’odeur de mort et de chaire gangrénée perturber mon odorat. A cet instant, je ne pus qu’ouvrir les yeux, bravant la douleur, pour faire face à mon bourreau. Cette chose au teint verdâtre, aux petites oreilles ressemblant à des choux, au visage déformé, irrégulier, comme si des cratères avaient élu domicile sur cette face. Je savais qu’à cet instant, je n’avais qu’une chose à faire. J’aurais dû tenir ma langue et me contenter de subir. Cependant, le dégout montant devant cet être abject qu’avait engendré la nature eut rapidement raison de mon silence.
« Moi je sais que ce sont ces chaines liant mes poings qui m’empêchent de t’envoyer rejoindre Phaistos. »
A mes mots, le visage difforme du monstre prit une forme encore plus hideuse, mélange de haine et de désarroi. En moins de temps qu’il ne fallait pour le dire, mon visage alla côtoyer le sol d’une violence inouïe. Mon nez me lançai terriblement, une chaleur intense semblia prendre naissance contre les parois de mon arrête nasale. Puis, ce fut la souffrance, la douleur à nouveau, comme toujours, l’enfer ! Et mon âme, elle, hurlait ! Elle n’en pouvait plus de ce supplice, chaque jours, de cet épreuve impossible à surmonter. Quant à mon corps, il ne put rester inerte cette fois et mes jambes gesticulèrent, du mieux qu’elles le puent entravées dans leurs chaines, comme pour expier la douleur. Un geste inutile, mais indépendant de ma volonté blessée. Ma tête sembla partir, et bientôt mes pensées s’emmêlèrent tellement dans cet abysse de douleurs effrénées que je ne pus m’empêcher de pousser un râle, mélange de gémissement de douleur et de toussotement.
J’entendis un rire rauque et grinceux et je ne pouvais plus dire à cet instant, s’il provenait du Garzok ou du tréfonds de mon esprit qui semblait perdre tout fondement, toute base de raison et de logique. Cela faisait trop longtemps que je subissais cela, trop d’années, pour être encore sain dans ma tête. Et puis alors que la douleur se calmait, j’entendis les pas de l’orque s’éloigner, alors que la grille de ma cellule se refermait dans un grand fracas. Allongé la, sur les dalles froides, et granuleuses qui ornaient cette pièce je cessai tout mouvement. Comme apaisé en apparence. Mais mon esprit n’avait pas finit de disjoncter, souffrant encore plus que mon corps, et les dieux seules savaient que cela était presque impossible.
« Ahahah… ahahah… HAHAHAHA ! »
C’était à mon tour de rigoler, de me fendre la poire comme on disait. J’étais à cet instant rien qu’une démence placide. Contraste étrange, probablement inadapté, mais il y avait t’il encore quelque chose de sensée dans les tréfonds de mon âme ? Et cette folie soudaine, je ne pouvais la contenir, je ne devais pas le faire, triste état de mon égo. C’était pour moi le seul moyen d’adoucir ma peine, de laisser à ma réalité un peu de douceur. Cela dura encore quelques secondes, quelques minutes, ou même peut être quelques heures… Je ne savais pas, je ne savais plus, j’avais perdu pied. Plus de notion du temps, plus de notion de rien, c’était simplement « zéro », le temps infini… Pour un temps… Car je savais moi, ce qui empêchait ce Garzok de malheur de fouiller sa lame dans mes entrailles. Oui, bientôt, je sortirais d’ici… Oaxaca avaient besoin de main d’œuvre ailleurs parait-il, et j’étais l’un de ceux qui allaient bientôt partir vers cette destination inconnue. Elle avait besoin de personne résistantes, pour du dur labeur. Le genre d’esclave, qui ne rendra pas l’âme sous les coups de fouet dès le premier jour et j’étais sans vouloir me vanter, l’un des plus résistants dans cet endroit. Le nombre d’années que j’avais réussi à tenir ici en était la plus belle preuve. Cet imbécile de Liam de Falek avait dû me recommander… On se connaissait bien lui et moi, enfin, c’était une façon de parler. On avait déjà eu l’occasion de discuter, plusieurs fois, et il semblait toujours aussi surpris de me voir encore en vie… Cette sale ordure sans nom… Enfin, grâce à lui, j’allais quitter cet endroit, et je comptais bien me faire la malle durant le transfert ou mourir. Pour moi, il n’y avait que ces deux solutions.
« Ils ont raison les autres… Tu es vraiment un malade !»
(Qu’est ce que…)
Le nez dégoulinant de sang, je me relevai, non sans quelques difficultés, pour faire face à cette voix inconnue. Assis dans un recoin de la pièce, un humain qui devait approcher la quarantaine me détaillait du regard, un sourire confiant suspendu aux lèvres. Je l’observai alors moi aussi, lui, avec ses oreilles décollés, ses cheveux grisonnants, sa barbe hirsute et ses traits grossiers. Mais un élément attira plus particulièrement mon attention. C’était une cicatrice imposante traversant son front à l’horizontale, comme si un coup de hache avait été donné juste la. Fichtre ! Ces incapables en avaient profités pour m’assigner un compagnon de cellule. Comme si j’avais besoin de ça.
« Narranazir ! M’enfin, c’est le nom que tu te donnes. »
Des les premiers mots qu’il prononça, je sus que ce type était du genre volubile. Encore un condamné à l’enfer qui se croyait intéressant, parce qu’il avait survécu quelques petites années à ce lieu maudit. Je décidai bien vite de ne pas m’attarder sur son compte. Ce type allait sûrement finir par comprendre que je ne m’intéressai pas aux vulgaires cloportes de son espèce. Je fis alors demi-tour, essuyant le sang de mon visage grâce à ma manche alors que je me dirigeai à l’autre bout de la cellule. Une pièce exigüe avec peu de place, assez grande pour contenir trois personnes. Quatre murs gris, sales, creusés dans la roche de la montagne. Seule une lourde porte en métal renforcée faisait office de décor dans cette salle. Celle-ci ressemblait d’ailleurs plus à un tombeau qu’à autre chose. C’était ma prison souterraine et elle empestait la mort… Seuls effluves restant, des nombreux cadavres qui avaient élu domicile en ce lieu. Ici, on côtoyait la crasse, les rats et les mouches bouffeuses de chaires. Personnellement, je m’en accommodais parfaitement. Après tout, on n’avait pas réellement le luxe de se plaindre.
Le corps encore endolori, je m’allongeai, recroquevillé sur moi-même contre les dalles froides du sol Je voulais dormir, oublier l’espace d’un temps onirique cet endroit. Ce lieux de malheur, ou je n’avais pas même une couche pour dormir. Enfin, j’aurais bien voulu, mais le cloporte ne semblait pas disposer à m’en laissé le loisir.
« Je suis Gorth ! Je suppose que toi aussi tu feras partit du transfert. »
Et en plus, j’allais devoir me coltiner cette langue pendue durant tout le trajet. A peine arriver, cet humain arrivait déjà à faire l’exploit de devenir envahissant. Il était un peu comme tous les membres de sa race, une sorte de parasite pour le monde.
« Si ça t’intéresse… J’ai un plan pour pouvoir nous échapper d’ici…»
Vulgaire cloporte ! Il avait réussi à cet instant à faire monter en moi une vague d’intérêt pour lui. Quelques minutes plus tôt, j’avais souhaité qu’il se taise, qu’il me lâche la semelle quelques instants et voila que la, je voulais qu’il en dise plus. J’étais piqué au vif, repoussé dans mes derniers retranchements, ne sachant pas si je devais l’écouter ou bien continuer à l’ignorer royalement. Mais mon envie de savoir prit bien vite le dessus sur mon indifférence, la repoussant loin, très loin dans mon subconscient. Elle avait gagné ce duel à mort, du moins, pour l’instant. Je me relevais sur mes avant-bras tournant vers l’humain un regard dur, mélange d’attention et de menace silencieuse. Si cet imbécile m’avait roulé dans la farine, je jurai à cet instant que je le tuerais sur le champ.
«Parle… »
Je sentis le tressaillement de joie, qui anima soudain le regard de mon compagnon de cellule. Je lui avais donné ce qu’il voulait, et à cet instant je ressentis une haine incommensurable me gagner. Dirigé vers lui et aussi vers moi pour m’être laissé avoir… J’allais le tuer c’est sûr.
« Ca t’intéresse alors ? »
« Parle ! »
Mon ton se fit plus ferme, plus froid, cet homme n’avait pas l’air de savoir que ma patience, si elle était grande, avait quelques limites….
« Tu sais… Je suis comme ça moi, je suis méticuleux ! Cela fait des années que je pense à un moyen de m’évader. J’étais quelqu’un de très futé dehors, un jour j’avais réussi à… »
S’en était trop, la colère pris possession de mes membres, et malgré ces chaines qui liaient mes poings et mes pieds entre eux, j’arrivai en quelques enjambées sur le dénommé Gorth. J’étais affaibli certes, mais pas assez pour que cela puisse m’empêcher de le tuer. Alors de tout mon poids, je tombai sur son corps, enserrant de mes grandes mains sa gorge. Mon visage s’était rapidement déformé par l’expression de ma haine. Je détestais profondément que l’on me fasse perdre mon temps.
« Vas-tu parler, enfin ? Si tu as réellement un plan dis le moi tout de suite ! Sinon je risque de… »
« D’acc…ord ! »
La voix de l’homme sortit difficilement, sous la pression que j’exerçais sur sa gorge. Des sons gutturaux horriblement désagréables émanèrent de sa trachée réduite par ma force. Ses yeux luisaient, d’une lueur horrible à voir. Celle de la peur, l’apanage des faibles et des lâches. Les humains étaient si enclins à se faire ronger par ce sentiment.
L’homme commença à ouvrir la bouche à l’ instant où je desserrai mes mains autour de son cou. Il s’emblait réfléchir, à la meilleure manière d’exposer son idée, sans fioritures. C’était bon signe, il avait finit par me cerner.
« Je… Voila… Je sais ou ils nous emmènent. Dans un camp situé dans les montagnes, non loin de Mertar. Là-bas il y a une garnison d’Omyre qui se prépare. Aussi tôt qu’on aura pénétré les montagnes, il n’y aura plus aucun moyen de fuir. »
« Et donc ? »
« Et donc, nous devons nous libérer avant même de quitter l’enceinte du camp. »
Ces derniers mots eurent la résonance d’un coup de fouet dans mon esprit. Nous libérer dans l’enceinte même du camp ? Mais cela était complètement impossible, avait il perdu la raison ?
« Tu es bien audacieux je trouve. Trouve moi une seule personne qui à pu quitter cet endroit si ce n’est en étant déjà mort ?! C’est impossible ! »
Mes mots eurent le don de provoquer chez l’homme une réaction que je n’avais pas prévu jusque la. Un sourire se dessina sur son visage dévoilant ses dents jaunes et rongées par leur mauvais entretien. Et ses lèvres dessinèrent des mots qui me firent tressaillirent. Le genre de frisson qui vous traverse, quand l’espoir voit le jour au milieu de la désolation.
« Nous serons les premiers… »
« Tu es bien trop confiant… Pourtant, tu as dis être ici depuis un moment déjà… Alors sois cet endroit t’as fait perdre la raison sois tu as un vraiment un plan. Mais il va échouer car on ne sort pas d’ici de son plein gré. Tu devrais le savoir mieux que quiconque. »
« C’est la que tu te trompes Narranazir ! En creusant dans les mines avec d’autres gars, on à découvert un nouveau réseau de tunnel sous-terrain. Et cela mène, directement vers les montagnes. »
« Mais encore… »
« Non ! Des montagnes, nous partirons vers Dahram. J’ai quelques amis la bas. Alors, nous partirons par bateau vers un lieu plus sûr. Si on reste sur la terre ferme, aucun doute qu’ils n’auront pas de mal à nous rattraper avant que nous ayons atteint une ville libre. »
Je m’étais tut un instant. Tout cela semblait émaner d’un songe. Qu’est ce que je devais faire ? Le suivre ? Ou bien tenter de partir par moi-même avec mon plan de départ. Toute cette histoire me paraissait étrange et je ne savais pas trop la marche à suivre. Néanmoins quelque chose d’évident, un problème qui se posait finit pas me sauter aux yeux. Cet homme que je ne connaissais ni de Yuimen ni de Gaïa venait me proposer de m’enfuir avec lui ? Dans quel but ? Non… C’était probablement un piège. Faire confiance aux gens ici est la pire chose à faire. Je l’avais appris à mes dépends…
« Pourquoi tu me dis ça ? Quel intérêt tu y trouves. »
« Je devais m’enfuir d’ici, avec quelques camarades, mais voila on m’a changé de cellule. Alors j’ai besoin de toi pour que l’on sorte d’ici. Demain c’est le jour J, il ne faut pas qu’on manque le bateau. Si tu vois ce que je veux dire. »
L’espoir… Ce sentiment j’avais vite fait de l’abandonner. Et voila que Gorth me l’avait ramené. Je ne savais pas si je devais lui en être reconnaissant ou pas. La seule chose sûre était que j’allais attendre de sortir d’ici vivant avant. Car malgré ce qu’il venait de me proposer, je ne lui faisais pas vraiment confiance.
« Et tu veux que je t’aides comment ? »
« Au signal, il faudra que l’on quitte cette cellule pour rejoindre les autres à la mine. Malheureusement, cette cellule est plus éloigné que la mienne de cet endroit et je ne sais pas comment m’y rendre, n’y comment en sortir. »
Mes yeux durent se plisser d’incompréhension à cet instant car Gorth se sentit obliger de continuer.
« Tu comprendras bien assez tôt, je te rassure.
[b]« Je n’aime pas ça, mais c’est d’accord. Au signal nous sortirons d’ici et je t’emmènerais vers les mines. Au réveil, tiens-toi prêt. »[/b]
L’humain me souri alors, comme si il venait de gagner ce petit duel improvisé. Il avait en quelques secondes prit l’ascendant, mais nous savions tous les deux que nous avions besoins l’un de l’autre. Je devais voir ça comme un échange de bon procédé et rien de plus. Je me levai, libérant l’homme de ma menace prête à frapper. Je me dirigeai alors vers ce recoin même ou je m’étais couché tout à l’heure. Avant que tous ça ne surviennent. Avant que cet homme ne vienne troubler mes pensées. Je ne saurai dire si je pourrai dormir, combien de temps je le pourrais tant mes pensées était remués, tant mon corps était meurtri. L’espoir me rongeait l’âme…
[b]« Je serait prêt Narranazir. » [/b]
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