Ainsi donc, Lilie se fit à l’idée qu’une multitude d’autres races devaient exister, et qu’elle n’était pas au bout de ses suprises. Forte de cet apprentissage et de cette ouverture d’esprit qu’elle était en train de se forger, elle se rendit, aux côtés d’Elianna, jusqu’à la porte du bureau de la Doyenne. Les explications qu'elle avait reçues la satisfirent grandement.

Par ailleurs, la Shaman fut bien déçue de ne pas être accompagnée, mais se montra compréhensive. Il était évident que son amie désirait retrouver les siennes au plus vite et se réapproprier ses appartements sans tarder. Lui adressant quelques mots bredouillés, elle finit par la remercier de sa gentillesse.

« Merci pour tout, on se revoit bientôt n’est-ce pas ? Bon retour chez toi ! Profite bien ! »

Et se faisant, elle toqua à la porte en prenant son courage à deux mains. Lilie avait déjà dû faire face à bon nombre de situations nouvelles et imprévisibles, néanmoins, elle restait toujours un peu nerveuse lorsqu’il s’agissait de rencontrer l’inconnu.

Lilie rentra immédiatement dans la pièce lorsqu’elle y fut invitée par une tendre voix enchanteresse. L’elfe grise qui se tenait à l’intérieur de la pièce était d’une incroyable beauté et la Taurion se sentit soudainement détendue et paisible. La simple vision de la quiétude habitant la doyenne suffit à la calmer définitivement. Pour sûr que cette vision immaculée resterait longtemps gravée dans son esprit.

N’osant troubler le calme du lieu, la Shaman garda le silence en fixant de ses yeux curieux la doyenne. La pièce sentait bon le bois et elle s’y sentait vraiment bien. Tout en ce monastère, finalement, respirait la nature, la beauté et la sincérité. On en oubliait presque que l’ensemble de ces femmes ici présentes avaient vécues d’innommables histoires. En tous les cas, tout semblait être fait pour.

S’asseyant avec délicatesse sur le petit siège qui venait de lui être indiquée, elle se mit immédiatement à rougir. Les remerciements qui lui furent adressés la troublèrent grandement, elle qui avait l’impression de n’avoir fait que son devoir. C’est donc ce qu’elle se contenta d’expliquer à la blanche doyenne.

« Je n’imaginais même pas pouvoir faire autre chose que de me porter à son secours… Yuimen m’a mise sur sa route et c’est notre dieu qu’il nous faut remercier toutes ensembles… »

La jeune elfe verte se tenait bien droite sur sa chaise, avec prestance elle aussi. Parler de son dieu l’avait emplie d’une ferveur et d’une grandeur d’âme qui la faisait se montrer sous son plus beau jour. La gêne qui l’avait habité l’instant d’avant s’était envolé, tant elle était heureuse de pouvoir partager l’émotion religieuse qu’elle ressentait avec un être semblant si pure et noble.

L’elfe verte regarda sa noble interlocutrice coucher quelques mots sur une feuille de papier sans parvenir à décrypter ce qui y avait été noté. Comme hypnotisée, son attention fut instantanément redirigée sur la belle Sindel au moment même où elle reprit la parole pour confirmer ceux d’Elianna. Ainsi donc, désormais, Lilie était ici chez-elle.

« Je suis vraiment enchantée de faire votre connaissance. Ma nouvelle amie m’a dit très grand bien de vous et c’est donc un réel honneur que de vous entendre me dire ceci. Merci, dame Alphéa ! »

Ce titre de ‘dame’ acheva de témoigner à la doyenne le profond respect et l’autorité que Lilie lui avait immédiatement reconnue. Il ne s’agissait pas de ce genre d’ascendance que la violence pouvait avoir sur un être plus faible, mais bien de cette prestance naturelle qui établissait le statut des relations en douceur, sans jamais rien imposer d’autre que le sourire et l’élégance.

« Yuimen est sage, il sait reconnaître ses alliés et je pense, sans me vouloir faire l’interprète de sa pensée, qu’il a protégé bien plus que ces lieux. Il protège toute votre communauté. »

Lilie n’avait pas calculé ses mots, pourtant, il lui sembla que l’occasion était venue d’entrer dans le vif du sujet, d’autant plus qu’elle venait à l’instant d’y être invitée.

« Je suis partie du temple de Yuimen d’Eniod, à la recherche des Ermites de Yuimen les plus connus sur le continent. »

Elle marqua un court temps d’arrêt pour sortir le parchemin sur lequel était inscrit le nom de tous ceux qu’elle devait aller quérir, avant de le lui présenter.

« Ainsi, ma prochaine destination sera Dehant. Je me rendais justement à la Sororité pour y trouver Elianna, mais c’est, miraculeusement, elle qui est venue à moi, d’une certaine façon, et elle m’a conduite jusqu’à vous. Pour moi, il n’y a pas de hasard, il nous fallait nous rencontrer à ce moment-là, bien que j’ignorais totalement son identité durant les premières heures de voyage en direction de votre monastère. »

S’assurant que la doyenne suivait toujours, la Shaman verte poursuivit :

« Je suis porteuse d’une tragique nouvelle, lourde à porter, en solitaire, à travers le continent d’Imiftil dont j’ignore tout. Alors voilà : les Shaakts ont pour objectif d’envahir et de détruire l’ensemble de la forêt dense et les Ermites de Yuimen doivent être réunis pour se battre contre ce fléau. Les ravages ont déjà commencés. La végétation se meurt et Yuimen compte sur ses fidèles. »

Peu à peu, le maintien et le port altier de la Taurion avait fait place à une position de repli nerveux. Ses mains crispées l’une sur l’autre et agitées semblaient vouloir adresser à Alphéa un message que ses lèvres ne parvenaient pas à exprimer.

« Mais j’ai peur que nous ne soyons pas assez nombreux et forts surtout… », continua-t-elle, cherchant à voir si la Sindel devinait la suite de sa demande…

« Si Elianna ramène, pour l’instant, des informations rassurantes quant à la sureté de cette contrée, je crois bien que ce combat a de forte chance d’être le vôtre d'ici quelques temps si nos forces ne se montrent pas à la hauteur. En votre âme et conscience, je me tourne ainsi vers vous pour solliciter votre soutien dans cette guerre qui n’est peut-être pas encore celle de la Sororité, mais qui risquerait de le devenir dans un avenir hélas bien trop proche. Eniod, avec peine, lutte déjà de front pour défendre ses terres, les Ermites de Yuimen se battront pour la protection de la nature et ainsi, j’ose invoquer le danger que vous encourez pour vous demander votre aide. »

Lilie souffla fortement en se rendant compte qu'elle avait parlé extrêmement rapidement et avait donc monopolisé la parole durant de longues minutes. Elle était néanmoins satisfaite d’être parvenue à mettre de l’ordre dans ses idées et à construire un argumentaire structuré. L’émotion avait bien sûr fait fluctuer sa voix à de nombreuses reprises, mais elle ne souhaitait pas que cette dernière influençât le verdict d’Alphea. Elle ne s’attendait d’ailleurs pas à recevoir une réponse immédiate, songeant qu’une telle personne allait sans doute prendre son temps pour avancer sa décision, autant positive comme négative.

Lilie souhaitait faire une halte pour le reste de la journée afin de mieux connaître la Sororité et ses habitantes. Dehant était effectivement la prochaine destination qu’allait rejoindre Lilie, en partant le lendemain matin.

Enchaînant ensuite sur le sujet épineux, Alphéa apporta sans tarder sa réponse, bien évidemment négative, bien que celle-ci se justifiait d’elle-même. La Sindel avait néanmoins témoigné sa volonté de soutenir cette cause militaire, en annonçant mettre à disposition les talents de la forgeronne de la Sororité à leur service pour la guerre. Il lui fallait donc, idéalement, pouvoir rendre visite à cette dernière dans l’après-midi.

« Je comprends votre sage décision et j’imagine que peu de femmes ici savent, finalement, combattre. La faveur que vous nous offrez est en tous les cas, à elle seule, vraiment formidable. Merci dame Alphéa, merci pour tout. Je ne remercierai jamais assez les personnes qui s’impliquent dans cette lutte à venir. »

Elle était bien évidemment déçue, mais beaucoup d’éléments se mettaient peu à peu en place dans son esprit. Lilie se devait d’être réactive et de ne pas se laisser abattre par la moindre des contrariétés. Chaque porte fermée laissait entrevoir l’ouverture d’une nouvelle, elle en était intimement convaincue.

« Il est vrai que rien ne sert d’avoir des alliés s’ils ne sont pas armés et parés correctement... »

La déception passée, la Shaman avait retrouvé elle aussi le sourire et annonça à la doyenne ses nouveaux plans.

« D’ici une grosse dizaine de jours, j’aurais achevé l’ensemble du voyage. Les choses se bousculeront alors et nous risquerions de très vite avoir besoin de l’aide matériel que vous nous proposez. L’anticipation semble donc être de mise. Croyez-vous qu’il soit possible de mobiliser dès à présent votre forge ? Les personnes que je dois chercher à travers le continent seront elles-mêmes chargées de rassembler du monde, si bien que nous pourrions être une cinquantaine au moins. Cela ne s’improvise donc pas… »

Très pragmatique, il était néanmoins important pour Lilie de penser au côté opérationnel des choses. C’était également un moyen pour elle de se rassurer, car elle avait pris conscience d’un nouvel impératif que représentait l’équipement et cela avait légèrement commencé à l'effrayer. Et qu’en était-il de la formation au combat ? Si la Shaman avait reçu un solide entraînement militaire auprès des Orgamiis, elle n’était finalement pas si sûre que l’ensemble des Ermites de Yuimen aient eu la même chance. Il lui faudrait donc réfléchir à cet aspect là également, mais plus tard, lorsque l’occasion se présenterait, ou qu’elle aurait à la forcer.

Ainsi donc, leur entretien se conclut sur une note d’enthousiasme non dissimulée. Lilie avait bien conscience que ce qu’elle venait de révéler à Alphéa allait lui demande bon nombre d’heures de travail et de réflexion et elle fut soulager de trouver en elle une alliée tactique de choix. Si elle ne souhaitait pas engager les sœurs dans la guerre, il ne faisait aucun doute qu’elle se montrerait à la hauteur en ce qui concernait le déroulement stratégique des opérations préliminaires.

« Vous m’ôtez là un énorme poids des épaules. Tout cela est déjà si astreignant que je me demande parfois si c’est réel. Je m’en remets volontiers à vous, dame. »

Le geste attentionnée qu’Alphéa eut à l’égard de sa nouvelle protégée toucha énormément Lilie. Sentir le contact chaleureux des paumes de la Sindel la revigora et elle se leva sans plus tarder, se dirigeant vers la porte en affichant une expression radieuse. Son moral semblait briller au beau fixe. Une fois de plus, l’Ermite de Yuimen était parvenue à faire face à l’imprévu avec brio.

« Souhaitons-nous bien du courage pour les tâches qui nous attendent ! Je resterai ici pour la nuit avant de repartir, sans manquer bien sûr de revenir vous saluer ! », lança dynamiquement Lilie, en refermant la porte derrière elle.

Elle n’avait maintenant plus qu’à retrouver le chemin qui la mènerait dans la cour, là où devait normalement l’attendre Alphéa. La Shaman ne cherchait même plus à comprendre comment les informations circulaient dans cet établissement. C’était la magie du lieu et elle viendrait probablement à l’elfe verte aussi si elle se laissait un jour y demeurer suffisamment longtemps.

<<< Précédemment.

45. Face à face.


Sump était très mal à l'aise.
Après s'être réveillé, le matin suivant, dans un lit douillet d'une petite salle où il s'était tout de suite senti à l'étroit, il avait toutefois découvert que l'intégralité de ses blessures avaient été guérie. Sa plaie près de la nuque, ses douleurs à la clavicule et au poignet, sa coupure au mollet...tout.

Après avoir constaté cela, il avait regardé sa main gauche, avec, au fond de lui, l'espoir que la tache noire ait disparu mais elle était malheureusement toujours là.

Deux sœurs de la Sororité avaient ensuite fait irruption dans la salle pour lui attacher les poignets et sans aucun ménagement et sans l'avoir fait manger ni boire, l'avaient traîné dans, s'il avait bien suivi, le bureau de la Doyenne.

Et le voilà, à attendre que cette dernière daigne bien se montrer. Il jeta un coup d’œil autour de lui. Il était dans une autre petite salle sur une chaise en bois qui semblait polie et coûteuse. Il n'y avait partout que du bois, un magnifique bois au passage, qui brillait et arborait un marron foncé qui contrastait avec la couleur blanche du reste du Monastère.

En face du Sekteg, se trouvait un bureau bien ordonné alors que derrière celui-ci, une grande fenêtre donnait une vue sur le fleuve et les vastes terres lointaines.

Sump se demandait ce qu'on allait faire de lui. Puisqu'on l'avait soigné et logé, il espérait qu'on le laisserait partir.

À ce moment-là, la porte du bureau s'ouvrit enfin sur celle qui l'avait sauvé, la veille. Elle était vêtue de blanc, avait la peau pâle et au grand étonnement du Sekteg, possédait une paire d'oreilles pointues qui sortaient de sa touffe dorée et frisée.

Elle portait une sorte de cylindre en verre dans lequel il y avait sa dague dorée. Dès qu'il la vit, Sump eut envie de bondir sur cette femme pour lui reprendre son bien.
Toutefois, il résista à cette pulsion aussi dangereuse qu'inutile.

Elle s'assit sur le fauteuil en face de lui derrière le bureau et lui dit avec la même voix douce et ferme de la veille, avec toutefois une légère moue de dégoût sur le visage à peine dissimulée :

"Bonjour, je me présente, Vaëa Valiamiss mais vous pouvez m'appeler Madame. Je suis la Doyenne de ce Monastère et pour faire simple, c'est moi qui "commande" ici."

Semblant attendre qu'il se présente à son tour, elle marqua une pause puis voyant que l'individu en face d'elle n'en ferait rien, elle continua :

"Sans doute vous demandez-vous pourquoi je n'ai pas laissé Ellindra vous tuer hier ?"

Elle sembla à nouveau attendre une réponse mais voyant qu'elle ne viendrait pas, elle poursuivit, l'agacement se teintant légèrement sur son harmonieux visage :

"Écoutez, certaines de mes consœurs se servent de l'interdiction formelle de la présence de mâles sur le territoire pour assouvir leurs pulsions refoulées ou comme excuse à leurs actes, nous faisant peu à peu passer pour des barbares comme ces vulgaires Sangs-Pourpres ou comme ces Elfes noirs. Ellindra, comme vous pouvez vous en douter, fait malheureusement partie de cette catégorie. Des hommes lui ont fait beaucoup de mal dans sa jeunesse, aussi cherche-t-elle à se venger d'une certaine manière. Le fait que vous soyez un Gobelin n'ayant pas joué en votre faveur non-plus, désolé de vous le dire."

Sump était ébahi et n'écoutait presque pas. Il trouvait cette femme encore plus...il ne connaissait pas le mot et ça l'énervait. Il aimait la regarder encore plus que Wace en tout cas. La femme qui se trouvait devant lui, Vaëa, dégageait une telle blancheur, une telle beauté, un tel charisme que le Sekteg se sentait comme écraser.

"Heureusement que Lisa est venue me prévenir du drame qui allait se jouer dans mon Monastère autrement vous seriez mort depuis longtemps."

Elle regarda ensuite le Gobelin dans les yeux. Ce dernier put constater la formidable couleur de ceux de la Doyenne. ils étaient d'un bleu saisissant.

"Pourquoi êtes-vous venu ici ? Vous n'aviez pas vu les panneaux d'avertissement à la frontière ? Où peut-être ne savez-vous pas lire ?"

Devant ces questions, le Sekteg ne sut quoi répondre ce qui porta l'agacement de son interlocutrice à son paroxysme.
Perdant son calme, elle frappa du plat de la main son bureau :

"Écoutez-moi bien, Sekteg, je n'ai pas la journée devant moi et je n'ai aucunement envie de perdre mon temps pour quelqu'un de votre espèce !" cracha-t-elle.

Puis elle cligna des yeux, comme-ci elle s'était un peu effrayée, avant d'ajouter en replaçant une mèche derrière une de ses oreilles en pointe :

"Sachez que votre cas est exceptionnel. Je sais très bien que les Gobelins sont souvent intelligents, ou qu'en tout cas, ils le sont généralement assez pour ne pas pénétrer dans un territoire où ils se savent en danger. Alors répondez, ou je serais obligé de sévir."

"Je ne sais pas lire." mentit Sump.

Cela lui évitait moult explications gênantes.

Soulagée qu'il ait répondu, la Doyenne unit ses mains sur son bureau pour le dévisager
avec un air soupçonneux :

"Et vous auriez réussi à vous introduire aussi loin dans la Sororité ? Aucune patrouille ne vous aurait repérées ? La surveillance des routes menant à notre frontière est pourtant très serrée. D'où venez-vous ?"

"Je ne vais pas sur les routes." lui répondit le Gobelin, voulant à tout prix éviter de révéler qu'il venait du Comté de Nélys.

On ne savait jamais avec les Humains, peut-être s'entraidaient-ils tous...

"Moui, cela me semble plausible avec ce qu'on ma dit..." marmonna la Doyenne en regardant le plafond, pensive. "Donc vous ne pouviez aucunement savoir que vous veniez de pénétrer dans un territoire interdit aux représentants mâles de toutes races..."

Le Sekteg retint de pousser un soupir de soulagement. Il avait l'impression de jouer sa vie à chaque réponse qu'il formulait. Et c'était probablement bien le cas.

"Bon, passons à la suite de l'"interrogatoire"." dit-elle, une esquisse de sourire sur son joli minois et en s'emparant de la dague doré."La partie la plus intéressante selon moi."

Elle contempla un moment l'arme avant de demander :

"Où avez-vous trouvé cette magnifique dague ?"

Sump déglutit avec difficulté. Il s'attendait à voir Kronh débarquer dans la pièce à tout moment.

"Je...je l'ai trouvé dans une ferme abandonnée."

"Trouvée, vraiment ?" répéta la Doyenne, visiblement soupçonneuse.

Sump avait maintenant chaud. Elle était au courant qu'il était un criminel recherché, c'était sûr. Il devait s'enfuir de là avant que ça ne tourne au vinaigre et...

"Savez-vous au moins que cette arme n'est ni plus ni moins qu'une relique ? Un objet unique dans tout Yuimen, indestructible, léguant à son possesseur des pouvoirs spéciaux ?"

Sump ne savait pas trop quoi répondre. Devait-il dire qu'il le savait très bien ou devait-il mentir ?

"Dans ma poche, il y a un papier qui..." choisit-il de répondre.

"Oui, nous l'avons découvert en vous fouillant mais il était tellement abîmé par l'eau que je l'ai donné à notre Magicienne pour qu'elle essaye de le remettre en état."

"C'était écrit Grifoniss." lâcha le Sekteg malgré lui.

"Oh, c'est bien ce que je pensais...la relique Grifoniss..." marmonna à nouveau la Doyenne en contemplant l'arme dans sa moitié de cylindre.

Puis elle reprit :

"Vous voyez, il est très rare de voir quelqu'un de votre espèce avec autant de richesse... Il y avait sur vous plus d'un millier de yus, vous êtes au courant ? Vous disposez de pièces d'or valant une centaine de yus chacune et d'un collier valant sûrement le double."

Elle reprit un instant son souffle, avant de renverser le cylindre en verre pour que l'arme tombe sûr le bureau puis poursuivit :

"Ellindra et la plupart de mes consœurs m'ont affirmé que vous étiez sûrement un effroyable voleur, ou qu'au mieux vous étiez un Gobelin très chanceux mais votre oreille tranchée ainsi que cette mystérieuse tache sur la main que même notre Magicienne n'a pu faire disparaître me font penser que vous avez peut-être bien mérité toutes ses possessions...Et c'est pour cela que je me suis opposé à votre mort mais aussi à votre dépouillement matériel. Vous ne semblez pas être un Gobelin comme les autres...Vous semblez civilisé, calme et en outre il semble que vous ayez plu à la petite Fouly."

Elle avait finit sa phrase avec une légère note amusée puis elle inspira comme-ci ce qu'elle allait dire lui coûtait avant d'ajouter :

"Je pense donc que ce serait du gâchis qu'un Gobelin si spécial meure aussi stupidement. Aussi, une des Sœurs de la Sororité va vous raccompagner jusqu'à l'endroit d'où vous êtes venus avec l’intégralité de vos biens. De quelle région êtes-vous déjà ?"

Sump n'en croyait pas ses oreilles. Il allait s'en sortir comme ça, bien vivant et sans perdre quoi que ce soit ! Il se rendait compte de la chance qu'il avait et était très heureux de savoir qu'il verrait de nouveaux levers de soleil.
C'est dans cet état d'euphorie totale qu'il avait rarement ressenti dans sa vie qu'il commit l'erreur à ne pas faire. L'erreur qu'il avait réussi à éviter depuis le début de l'entretien :

"Je viens de Nélys..."

La suite.

La première promenade en Sororité






La guérisseuse semblait avoir bien compris l'embarras de N'Kpa et l'urgence de la situation.
Elle compatit donc et emmena sans tarder la future maman vers les quartiers de celle qui était la maitresse de cette communauté.
Elles quittèrent rapidement la grande place, laissant à plus tard comme elle le souhaitait la confrontation avec Shar Ceda.

Elles enchaînèrent les couloirs maçonnés et les escaliers qui petit à petit les menèrent de plus en plus haut dans les étages à flan de montagne.
La cité était construite comme une tour s'enroulant autour du piton rocheux et faisait face à la mer.
Un pont reliait les deux rochers. Le premier accueillait les gens de passage, principalement les voyageuses. L'autre partie était le sein des seins. La cité où toute l'administration, les greniers, armureries, forges, élevage et lieux d'entraînements étaient concentrés. On y trouvait aussi l'infirmerie, la bibliothèque, les cellules et les dortoirs des novices et enfin la salle d'audience de la Sayadina et ses appartements.




Arrivées devant une porte basse Mélisande demanda à l'Humorane d'attendre, le temps qu'elle s'informe.

Rapidement, elle réapparut et céda sa place en invitant N'Kpa à pénétrer. La pièce petite n'offrait visiblement pas un grand confort. À peine meublée d'un fauteuil, un bureau encombré, avec deux chaises devant et enfin une armoire ouverte pleine de papiers épars et de livres.
Derrière le bureau assise, une petite personne trapue aux cheveux blonds au visage autoritaire releva la tête et la dévisagea de pied en cap. Une Thorkine probablement. Elle inclina la tête et souhaita d'une voix chaude et un peu caverneuse la bienvenue à la sauvageonne, non sans émettre une remarque sur son arrivée un peu trop bruyante. En une phrase, elle lui déclina les conditions de son séjour si elle décidait de rester.

N'Kpa se fendit d'une grande courbette, posant un genou à terre et salua de la tête.

Madame, oui, je vais mieux et vous en remercie. La renommée de la communauté de la Sororité a traversé les océans et je louerais les vertus de votre accueil aux femmes qui souffrent de l'hégémonie masculine.
Je suis certaine que Nellia vous a raconté longuement les conditions de notre rencontre et les épreuves que nous avons traversées pour arriver à vos portes.

Une petite pose, elle reprend son souffle :

Mais ce n'est pas là votre question. Voici ce que j'espère en venant ici, pourquoi je viens vous voir dans le besoin. Elle se releva doucement. Je porte l'enfant de mon compagnon qui s'est sacrifié pour nous permettre de vivre. Mais dans le pacte de dupe qu'il a accepté contre sa propre vie, il ne savait pas qu'il y avait une condition. N'Kpa désigna le collier. Cette … chose aussi belle soit-elle est l'empreinte du pouvoir de Kynt. Ce collier est agrippé à notre chair comme une tique et le seul fait d'essayer de le retirer par la force nous condamne à une mort certaine. De plus, je soupçonne le démon de pouvoir nous rappeler à tous moment comme des chiens que l'on siffle.

Elle s'aperçut qu'elle venait de jeter ces phrases d'une seule traite sans respirer, tant la colère s'était installée. Elle haletait comme si elle venait de piquer un sprint, tant évoquer cela pouvait la peser. Elle se calma et inspira une bouffée d'air.

Madame, l'idée même de lui laisser la possibilité de me prendre l'enfant à naitre et de le transformer en une machine à tuer m'est insupportable. Enfin, je veux retrouver mon compagnon et j'ai un espoir de le ramener à la raison. Quand il saura qu'il est père, il reviendra…

Encore une pose et une inspiration :

Alors, si je viens à vous, c'est pour sollicité votre indulgence, votre protection le temps que je puisse apprendre les mots écrits, trouver le moyen de me séparer de cet objet et offrir la protection à mon enfant, quant je partirais chercher son père.
En dédommagement de votre accueil, si vous acceptez de m'aider, je peux vous proposer de faire profiter de mes modestes expériences et compétences martiales à vos novices, tout le temps que je pourrais.

Elle baissa la tête, sachant qu'elle demandait beaucoup en espérant n'avoir pas été trop loin. Avait-elle un autre choix, un autre espoir? La Thorkine prit le temps de la réflexion. Le silence qui s'installa devint vite intenable et elle se réfugia dans ses pensées qui dérivèrent vers Sirat et son père N'Kroën.
Même si elle tremblait de peur de recevoir un refus, elle avait grandi depuis son départ de Cuilnen. Comme il était loin ce temps où une jeune Humorane inexpérimentée, naïve et farouche quittait la forêt sur les traces de son père…

Dirigé de N’Kpa

La Sayadina écouta attentivement les paroles de N’Kpa, sans l’interrompre une seule fois. Son intérêt sembla croître lorsqu’elle lui parla de Kynt.

- Les règles de la Sororité sont simples à ce sujet. Toutes les femmes dans le besoin sont les bienvenues et seront aidées du mieux possible pas nos Sœurs. Nous pouvons, et nous vous aideront en ce qui concerne l’enfant à naître. S’il s’agit d’une fille, elle sera la bienvenue autant qu’elle le souhaitera ici. S’il s’agit d’un garçon, il pourra séjourner parmi les sœurs jusqu’à ce qu’il ait atteint la maturité, après, il devra partir.

Elle poursuivit d’une voix ferme, les mains croisées sur son bureau.

- Concernant le mâle que vous souhaitez retrouver, cela devra se faire hors de la Sororité et sans notre aide.

Finalement, elle conclut en disant ceci :

- Ce sera avec plaisir que les femmes de la sororité vous apprendront à lire et à écrire, en échange, vos talents martiaux seront en effet appréciés. Vous pouvez voir avec la Shar Ceda en ce qui concerne la supervision des combattantes, elle saura sans doute vous trouver une place. Sinon, vous pouvez également rejoindre la Dépositaire, elle est en charge des provisions et de bonnes chasseuses sont toujours prisées, vous pourriez y trouver votre place. Dans tous les cas, il faudra attendre que votre enfant soit né, en attendant, vous pourrez aider aux cuisines.

Elle marqua un petit temps de pose, comme si elle réfléchissait, avant de se lever de son bureau et d’en faire le tour pour s’approcher d’N’Kpa d’un air méditatif. Elle s’arrêta non loin d’elle, la regardant d’en bas. Sa petite taille thorkine, cependant n’ôtait rien à l’autorité qui lui semblait inhérente.

- Une dernière possibilité peut se présenter à vous, une fois l’enfant née, bien sûr, et si vous acceptez de la laisser à nos soins. Même si nous vivons recluses dans ce Monastère, les femmes de la Sororité ont besoin de connaître ce qu’il se passe dans le monde et ont des contacts dispersés à travers Yuimen. Toutes ces personnes rendent des comptes à l’Auscultatrice. Cette dernière a toujours besoin de jeunes femmes aptes à parcourir le monde, qui ne sont pas traumatisées par les Hommes. Peut-être pourriez-vous devenir une de ces femmes, cela vous permettrait peut-être d’en apprendre plus sur ce collier que vous avez autour du cou et sur le mâle que vous recherchez.

La Naine marqua un nouveau temps de pause avant d’ajouter :

- Évidemment, je ne vous demande pas une réponse immédiate, vous pouvez prendre le temps de choisir. Si vous le désirez, vous pouvez vous rendre auprès de l’Auscultatrice et de la Dépositaire, elles répondront à vos questions.