J'écoute attentivement le discours de Gagachose, sans l'interrompre, buvant ses paroles et enregistrant chaque petit détail dans un coin de ma mémoire. Je suis un peu déçu de m'être planté dans mon raisonnement sur Donald Mâk, mais ce qui compte, c'est que j'ai vu juste et que nous savons maintenant comment agir. La créature violette continue son monologue et finit par donner leur récompense à Sirat et Ezak. Cependant, alors que je pensais qu'il avait fini que nous allions pouvoir partir, il reprend la parole et nous annonce une nouvelle des plus terribles. Josh et deux autres de nos compagnons ont péri. C'est horrible, ce jeune rouquin était doué et plutôt sympathique, c'est terrible que sa vie se termine ainsi, mais nous savions que cette île est dangereuse et, malgré l'annonce de ces morts affreuses, nous n'avons pas le temps de nous lamenter. Il y a encore beaucoup de personne sur cette île, qui risque la mort si nous ne faisons rien.
Quelques secondes plus tard, le Gardien des Cieux nous envoie une boule lumineuse. Je ne vois plus rien, ne sens plus rien, n'entend plus rien. Je suis comme prisonnier d'un cocon imperméable, plongé dans le néant et ce n'est pas une impression des plus agréables. Au bout de quelques instants, je retrouve enfin me sens et je peux assister à un étrange spectacle. Toutes les personnes que nous avons côtoyées, plus quelques autres que nous n'avons jamais vus, se tiennent là, devant nous. Même Margh est ici et, bien que cela me parait incroyable, il semble parfaitement rétabli...A bien y réfléchir, je me sens moi-même en pleine forme. Toute sensation de fatigue a disparu, les douleurs persistantes de mes précédents combats se sont envolées! Décidément, Gagamachin nous aura été d'une aide précieuse jusqu'au bout.
Regardant un peu autour de moi, je peux voir le sablier dont nous avait parlé Aenaria, le sable s'écoule, inexorablement et le temps du grand final approche dangereusement. Mon regard se pose ensuite, inévitablement, sur l’immense créature qui se tient derrière les personnes que nous venons de rejoindre. Serait-ce le gardien de l’île, la créature puissante que nous allons devoir affronter ? C’est impensable ! Elle est immense et son épée et probablement aussi grande que moi. Sommes-nous assez nombreux pour affronter une telle engeance ? C’est alors que les paroles du gardien des cieux me reviennent en mémoire. Nous devons convaincre les personnes ici présentes de se joindre à nous, et si nous n’arrivons pas à les persuader, nous aurons des ennemis en plus de l’immense chose noire derrière eux. Et la tâche ne va pas être simple, car il faut avoir une très bonne raison pour affronter une créature aussi grande et aussi dangereuse. N’importe qui de censé, s’il n’a pas une bonne raison de faire le contraire, choisira d’affronter un groupe d’aventurier aux côté de la chose plutôt que l’inverse. Et c’est logique. Nous allons donc devoir convaincre chacune des personnes ici présente une par une, faire en sorte qu’elles trouvent, au fond d’elles-mêmes des raisons de se battre contre le gardien de l’île, ou dans une autre optique, de se battre à nos côtés. Sans même consulter mes compagnons. Mû par mon instinct, je m’avance de quelques pas tout en fouillant dans mon carquois, pour en sortir le précieux artefact. Je lance la petite sphère à Donald Mâk avant de prendre la parole.
« Ca y est, c’est le grand moment. Le moment où nous allons tous devoir faire un choix et pas des moindres, puisqu’il déterminera sans aucun doute le sort de cette île. En débarquant ici malgré nous, nous avons condamné cette île et si nous sommes là, c’est pour réparer tout ça. Il y a probablement deux moyens de sauver cette île. Nous tuer, tous, ou alors, faire en sorte que Messire Mâk retrouve la totalité de ses moyens et tuer la créature géante derrière vous. Personnellement, vous me comprendrez, j’opte pour la seconde solution et pour cela, nous allons avoir besoin de l’aide de vous tous. Ce choix est le vôtre, c’est à vous de choisir la solution que vous jugerez la meilleure, mais réfléchissez, vite et bien. »
Décidément en ce moment, j’enchaine les longs discours ! Je fais une petite pause avant de me tourner vers la noble kendranne pour entamer la lourde tâche qui consistera à rallier tout le monde à notre cause.
« Dame Garrow, je ne sais pas si vous avez quelques compétence martiales, je ne sais même pas si vous comptez vous battre et à dire vrai, je doute que vous aimiez la violence, mais sur l’aynore, vous avez pu constater le courage de mes compagnons qui ont affronté le dragon. Nous avons traversé mille dangers sur cette île et pourtant, nous sommes toujours en vie. Avec nous, vous serez en sécurité, je vous protégerai, tout comme mes compagnons, n’ayez craintes. Nous rentrerons à Kendra Kâr sains et saufs. »
Il faut trouver la corde sensible chez chacun et jouer dessus, quitte à mentir, comme je m’apprête à le faire avec le nain. Notre survie dépend du choix de ces personnes et je ne suis pas en très bon termes avec lui.
« Maitre nain, vous avez probablement beaucoup de rancœur envers moi, car je suis en partie responsable de la cicatrice sur votre tête. Vous voulez sans aucun doute votre vengeance et je le comprends, mais écoutez, si vous nous aidez, je vous serai redevable, vous pourrez me demander ce que vous voulez et même si vous le désirez, vous battre avec moi. Mais pour le moment, je vous en conjure, mettons nos querelles de côté et battons-nous pour un but commun, notre survie à tous. »
Mon regard passe sur Donald Mâk, mais s’arrête sur Fiki Raff. Ce n’est pas encore le moment de convaincre Donald, la pièce maitresse.
« Monsieur Raff, vous êtes quelqu’un d’une grande sagesse. Vous savez de quoi nous somme capable car vous avez pu voir que mes compagnons sont sortis victorieux d’un terrible combat dans la forêt et ont réussi à récupérer l’artefact. Grande et votre sagesse et vous savez que venir à nos côtés est la meilleure solution. Vous n’êtes plus le bouffon du roi que vous étiez. Vous êtes devenus quelqu’un d’autre, prouvez le nous en faisant le meilleur choix et joignez-nous à nous. »
Infatigable, je continue de prêcher notre cause. Le suivant, c’est Margh Erith, le minotaure fou. J’ai parcouru pas mal de chemin à ses côté sur cette île et si il y a bien une chose dont je suis sûr, c’est que je ne veux pas me retrouver contre lui.
« Messire Margh Erith, fier minotaure à la puissance dévastatrice. Vous êtes celui qui, par le biais d’Aenaria « l’elfe au cuisse désirable » et moi-même, nous avez informé du malheur qui pesait sur cette île. Vous nous avez dit que c’était notre faute et nous avez demandé de régler ce problème. Votre aide nous a été précieuse tout au long du chemin, et c’est un regrettable accident qui a fait que nos chemins se sont séparés. Oui, j’ai commis des erreurs, j’ai été odieux envers vous par moment et j’e m’en excuse, mais vous savez que nous n’agissons que pour le bien de cette île et de ses habitants. Vous savez que nous volons que tout revienne dans l’ordre. Alors je vous en conjure, prêtez nous votre force. »
Mon regard se pose ensuite sur la petite serveuse aldryde.
« Alyaisis, vous avez passez beaucoup de temps avec Messire Mâk à n’en pas douter et vous ne voulez sans doute que son bien…tout comme nous. Nous nous battons pour cette île et pour ses habitants. Alors pourquoi prendre des chemins différents pour un même but ! Joignez-vous à nous. »
Je me tourne ensuite vers le petit lutin. Je n’ai aucune idée de comment l’aborder celui-là, mais je me dois de tenter quelque chose, quitte à ce que mes compagnons m’aide ou me corrige par la suite.
« Noble représentant du peuple lutin, vous me semblez bien triste. Est-ce le sort de cette île qui vous chagrine de la sorte ? Je vous comprends, avant que tout ne soit inversé, ce devait être un magnifique endroit et d’une certaine manière, ça l’est toujours, mais nous allons la protéger, ne vous en faite pas. Faite nous confiance et apportez nous votre soutien. »
Pas fameux, mais je n’ai aucun point de repère, aucun indice sur lui et j’ai du mal à discerner quoi que ce soit. Pas comme la jolie jeune femme…Complètement nue ! Mes yeux, maintenant qu’ils se sont posés sur la délicate créature, n’arrivent plus à s’en défaire et j’ai du mal à trouver mes mots. Ce n’est pas tant sa nudité que la grâce de son visage et le profondeur de son regard qui m’attire. Etrangement, peut-être aussi parce qu’elle manie l’arc tout comme moi, je me sens proche de cette jolie jeune femme.
« Jeune archère, de par votre nudité, je pense pouvoir affirmer que vous ne vivez pas au milieu des autres. Vous devez habiter seule, dans la forêt probablement et je vous comprends. Le sentiment de liberté, ne dépendre de personne si ce n’est des quelques animaux et végétaux qui nous permettent de survivre. Je connais ce mode de vie, ces sensations, j’ai moi-même vécu comme ça pendant plusieurs années. Il serait dommage que vous perdiez tout ça. Le simple fait de savoir, si je ne me trompe pas, qu’une personne qui me ressemble vit sur cette île, me donne encore plus envie de la protéger. Battez-vous à nos côtés, s’il vous plait. »
Plus que quatre personnes. Donald Mâk et les autres. Car oui, si je me fie à ce que je vois et aux renseignements que nous m’a donnés le Gardien des Cieux, les trois dernières personnes sont celles que l’on appelle les Autres. D’après Gagatruc, les autres sont dangereux, mais le retour à la normal les arrange et ils ont probablement dû nous aider. Ca concorde avec la femme aux cheveux d’araignée. Elle a de terrible pouvoir, car c’est elle qui a lancé une malédiction à messire Ezak, mais elle nous a soutenu, car c’est elle qui a aidé Aenaria, la première fois qu’elle est venue dans cette pièce. Qui plus, toujours d’après le Gardien des cieux, les Autres, sont le père, la femme et le frère de Mâk. Or il y a bien une femme et deux hommes, dont l’un est clairement plus âgé que le second. Il nous faut les convaincre, absolument car ils seront de terribles adversaires dans le cas contraire.
« Pour les autres, car c’est comme ça que l’on vous nomme par ici, je ne peux qu’imaginer la douleur que vous devez ressentir. Vous noble dame, condamnée à garder cet aspect hideux alors que vous deviez autrefois être la plus séduisante des femmes. Vous vous retrouvez éloignée de votre amour et qui plus est, il vous a oublié et vous considère comme quelqu’un de dangereux. Ô combien la souffrance qui vous habite doit être grande, laissez nous vous aider et ensemble, ramenons les choses à la normale. »
Je me tourne alors vers celui qui semble, de par son âge apparemment plus avancé, être le père de Donald Mâk.
« Messire, comme vous deviez être fier de votre enfant à l’époque où tout était normal. Maintenant, il n’est qu’un simple gérant de taverne et a oublié votre existence. Que ce doit être douloureux de voir la chair de sa chair changer du tout au tout sans que l’on ne puisse rien y faire. Ne voulez-vous pas retrouver votre fils, vivre paisiblement sur cette île et être à nouveau fier de lui, ou tout du moins l’être plus que vous ne l’êtes déjà. Si c’est le cas, et je suis sûr que ça l’est, aidez-nous et combattons ensemble la terrible créature qui se tient derrière vous. »
Pour finir sur les Autres, je me tourne vers le frère de Donald.
« Alors vous êtes son frère. Vous savez, je comprends en quelques sortes, bien votre situation soit moins enviable que la mienne. Je suis à la recherche de ma sœur et je sais que les liens fraternels peuvent puissant et indestructible. Je comprends ce que vous devez ressentir. Sauf que dans votre cas, vous êtes éloigné de votre frère, mais pas physiquement. Il est là, mais ne vous connais plus, ne se souviens plus de vous. Vous êtes séparés, mais vous êtes tout de même près de lui, sans pouvoir l’atteindre, lui parler. Venez avec nous, ramenons votre frère et sauvons cette île. Faites-nous confiance. »
Je parle avec mon cœur, n’hésitant pas à confier des morceaux de ma vie privée pour convaincre toutes ces personnes. Je fais de mon mieux et j’espère que mes efforts ne seront pas vains. Jetant un œil au sablier derrière moi, je pose finalement mon regard sur le personnage principal de toute cette histoire.
« Monsieur Mâk, vous en avez fait des choses il semblerait, mais je doute que vous vous attendiez à ce que tout ça se produise. Je suis sûr que ce n’était pas votre but, mais n’ayez craintes, tout va s’arranger. Il suffit que vous revêtiez la tenue qui était autrefois la vôtre et que vous combattiez à nos côtés. Une fois victorieux, nous partirons, sans jamais revenir et tout rentrera dans l’ordre. C’est la meilleure solution croyez moi. »
Je n’ai oublié personne. J’ai fait de mon mieux et j’espère que mes compagnons vont en faire de même. L’heure du grand final approche, nous ne pouvons nous permettre aucun faux pas, notre vie et celles de tous les habitants de cette île en dépend. Gaïa….Protège-nous.
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Car celui qui aujourd'hui répand son sang avec le mien,sera mon frère. - William Shakespeare
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