Tathar a écrit:
Chaque membre du groupe descend un par un, Raesha attendant près de moi que les autres soient passés. Bizarrement, elle n’a pas tiqué lorsque j’ai parlé d’Anya et de Leagrane… peut-être n’a-t-elle même pas entendu ou peut-être fait-elle comme si de rien n’était. Je lui prends la main et plonge mes yeux dans les siens.
« Ca va, ma Raesha ? Tu ne dis plus rien depuis tout à l’heure… »
Notre tour arrive et nous descendons donc les escaliers, l’elfe grise devant moi, comme le veut la galanterie. Les marches, si pénibles à gravir pour moi, n’étant pas au mieux de ma forme, finissent par disparaître et laissent place à un tunnel complètement noir et froid, aussi bien à cause du manque de lumière que de la couleur de la roche, sans doute du basalte. Le couloir qui plonge dans les profondeurs obscures de la terre est un simple boyau au plafond arrondi si bien qu’il n’y a aucune distinction entre lui et les murs.
Se retrouver ainsi dans le noir est quelque peu oppressant, surtout que maintenant, Mongoor peut de nouveau nous observer, la bénédiction du temple ne protégeant plus non plus mes compagnons. Heureusement, Max arrive à trouver des torches, et je le soupçonne même de les avoir fait sortir de nulle part comme pour son nécessaire d’écriture, qu’il allume alors avec ce qui semble être un sort de feu mineur. Le regardant faire, je me prends à réfléchir aux diverses possibilités que pourraient offrir une combinaison de ma magie de terre et de feu.
« Une colère verte enflammée !! Oups, excusez-moi, ça m’a échappé… »
Je crois que j’étais un peu trop dans mes pensées… enfin, il n’empêche que ça pourrait être une bonne idée.
Une fois toutes les torches prêtes, Max en distribue une à chacun puis nous repartons, Ezak et moi en tête de peloton. Nous prenons un tout petit peu d’avance, environ deux mètres, moi clopinant près du guerrier bien silencieux…
(Qu’est-ce qu’ils ont tous… Hey, bougez-vous un peu les gens !)
Devant le mutisme de l’humain, je pousse un soupir à fendre l’âme et tire la gourde d’alcool de mon sac. Raesha, que j’ai réussi à convaincre de rester un peu derrière avec le reste du groupe, aura beau me faire une scène, cette boisson a un effet plutôt positif sur moi : elle me rend un peu plus joyeux, même si les circonstances n’ont rien de gaies, et elle apaise ma douleur, ce qui n’est pas négligeable. Portant le goulot à mes lèvres, je me prépare à en boire une bonne lampée lorsque des bruits d’abord inaudibles puis de plus en plus distincts se font entendre : des battements d’ailes et des cris stridents, à vous vriller les tympans.
« Attention !!! Des Chauves-souris !! Couchez-vous !! »
Bien que je ne sache pas si les autres ont exécuté mon ordre (si on peut appeler ça un ordre), de mon coté, je m’affale lamentablement par terre, lâchant un grognement de douleur sous le choc avec le sol rocheux et lâchant également mon outre qui tombe à quelques centimètres devant la tête d’Ezak.
Normalement, le simple fait de nous baisser aurait permis aux bestioles de passer sans nous faire le moindre mal, mais seulement, les charmantes petites créatures n’ont pas l’air d’avoir l’intention de prendre un bol d’air dehors mais plutôt de nous écorcher vifs.
Trois ou quatre petites morsures et griffures en plus de mes blessures peuvent peut-être passer pour une goutte d’eau dans la mer mais les assauts de toute la colonie, c’est autre chose.
« Ezak ! Il faut nous en débarrasser sinon je ne donne pas cher de notre peau !! Nos petites compagnes semblent affamées !! »
Nos deux regards se posent alors successivement sur nos torches et sur ma gourde qui repose là, sur le sol et qui a perdu un peu de son contenu. Un grand sourire s’affiche alors sur nos deux visages. Il a eu la même idée que moi.
Me protégeant comme je peux, je récupère la gourde puis la porte à mes lèvres, non pas pour boire mais pour conserver le liquide brûlant dans ma bouche. Je la passe ensuite à Ezak avec un clin d’œil et il fait de même. Ce n’est pas évident de respirer par le nez avec la bouche pleine et l’alcool est de plus en plus douloureux, rien de tel pour un bon bain de bouche, en tout cas, il faut faire vite.
Tendant ma main libre vers le guerrier, l’autre tenant la torche, je lui fait signe : 3… 2… 1… C’est parti ! Nous retournant tous les deux sur le dos, nous expulsons, en dirigeant notre souffle vers le tunnel qui s'ouvre devant nous, le liquide sur les flammes dansantes, en fines particules qui s’embrasent rapidement, formant deux souffles incandescents et lumineux. La chaleur monte alors très rapidement, une forte odeur de chair et de poils brûlés emplissant l’air déjà assez lourd, quelques gouttes de liquide enflammé venant nous brûler le visage et nous roussir les cheveux.
Il nous faut rapidement cesser notre premier jet sans quoi le retour de flamme pourrait être dangereux, puis nous recommençons une seconde fois pour expulser le reste d’alcool de notre bouche en un nuage embrasé plus petit que le premier. Tout en étant optimiste, une petite pointe d’appréhension est là, bien présente, se demandant si notre tentative a été la bonne ou si elle a été vaine. Les ténèbres et le froid retombent peu à peu autour de nous, seules subsistent la faible lueur des torches, qui n’est rien comparée à celle qu’ont produit nos souffles de feu, et l’odeur entêtante des chauve-souris rôties qui gisent un peu partout au sol, dégageant de petites fumeroles.
Au loin, les cris stridents et apeurés des survivantes disparaissent peu à peu. Nous avons réussi ! Je me redresse et jette un regard au reste de la troupe, le coeur battant encore la chamade.
« Tout le monde va bien ?? Pas trop de casse ?? »
(Reste à espérer que personne n’a attrapé la rage…)
Poussant un soupire de soulagement, je félicite mon partenaire qui reste un peu froid malgré le sourire fier qui arbore son visage puis je me rallonge par terre et reprends mon souffle. Après ça, on a bien droit à une petite pause…
Quelques minutes plus tard, la marche reprend, plus difficile qu’au début et au bout d’un bon quart d’heure nous nous trouvons face à une intersection et deux choix s’offrent à nous : tout droit ou à droite. Tout repose désormais sur les épaules de Max hormis que celui-ci ne sait absolument pas où nous sommes. Je laisse donc le choix à mes camarades, ayant déjà fait ma part avec les chauves-souris.