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Auparavant~
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Les D'Omble me conduisent en bordure de la cité, là où se trouve leur demeure. C'est un manoir de pierre et de bois, mais doté d'un jardin d'une beauté certaine entre folie naturelle et arrangement humain. Bien des ynoriens de ma connaissance admireraient le travail fait sur ces plantes, arbustes biscornus mais colorés, qui me fait un instant éprouver une certaine nostalgie. L'Ynorie me manque, mais ce sentiment ne demeure pas. Nous conduisons nos montures dans leur écurie où je prends le temps de flatter longuement mon étalon. Ganko a beau avoir son petit caractère, ces derniers jours passés nous ont rapproché. J'ai l'impression qu'il répond mieux à mes directives. Il a du finir par s'habituer à moi.
Le manoir est un peu sombre, mais habitué à la pénombre de mon propre logis, je m'y fais vite. D'autant plus que quelques flammes éclairent les pièces. Le père du jeune Homme Pâle nous informe que le diner se tiendra dans une heure et met un point d'honneur à préciser que son épouse n'apprécie pas les retardataires. La chose amuse le cadet, qui m'assure que sa mère est une hôte d'excellence malgré la surprise. J'y acquiesce, simplement reconnaissant pour l'invitation. Ynorien bien élevé, je compte faire honneur aux miens en respectant mes hôtes.
Il ne faut que peu de temps avant que le jeune humain ne me guide jusqu'à un appartement destiné aux invités. Là, il y dévoile un mobilier d'ébène qui me laisse plutôt impressionné. Jamais je n'ai vécu dans le luxe, toujours content d'une existence humble et simple. Ma gratitude se manifeste par un signe de tête et un léger sourire. Un paravent protège à la vue une bassine qui est bientôt remplie par une servante. Quand sa tâche est terminée, je lui adresse un remerciement puis m'attèle à ôter cette poussière qui me recouvre. J'en profite pour nettoyer aussi ma tenue, mais suis tout de même content d'avoir pensé à prendre de quoi me changer. Au moins pour ce soir, je retrouve mon yukata bleu nuit, mes tabis et mes getas. Sans un bruit, j'appose ma main cerclée de mon ruban doré contre mon torse, puis j'adresse des prières à Gaïa, Moura, Rana et Zewen, comme chaque jour quand je trouve un peu de temps.
Je finis juste d'enrouler mon ruban autour de ma chevelure, à la base de mon crâne, quand une clochette précède de peu la venue de Khar'Tal. Il me conduit dans une salle occupée par une très grande table. Plusieurs convives sont présent, dont des visages familiers. Le patriarche occupe le bout de table, son fils et l'épouse de ce dernier à sa droite. Deux jeunes femmes sont assises en face, la place à côté d'elle sans doute réservée à leur frère auquel elles ressemblent grandement. Le reste semble occupé par les gens de maison.
Cette organisation me fait penser à l'idéal des miens. La République, où les puissants et gens du peuple ont une valeur équivalente. Ceci dit, je suis étonné d'un tel système. Je pensais les Hommes Pâles plus proches d'une organisation kendraine. Khar'Tal me tire de ma réflexion en me présentant les convives. Il s'agit de sa mère, Dame Elisa, et de ses soeurs Talia et Lisa.
Je me tourne vers la maîtresse de maison et m'incline respectueusement, à l'ynorienne. Si mon apparence semie-shaakte et ma petite taille ont le moindre risque de les déranger, je compte leur prouver que je suis quelqu'un de digne et de respectable.
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Instructeur D'Esh Elvohk Kiyoheiki, envoyé de Fan-Ming, et honoré de vous être présenté."
Mon buste se redresse de cette posture polie et j'affiche une expression reconnaissante, la dirigeant à l'ensemble de cette famille.
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Je vous remercie pour votre hospitalité."
Je patiente un instant, le temps que la place me soit officiellement offerte. Offenser mes hôtes est la dernière chose que je souhaite, que ce soit par mon attitude ou mes paroles.