~
Auparavant~
~53~
Le capitaine de la patrouille nous informe que hormis l'homme-loup noir, aucun danger n'a été signalé. Il nous fait même part de la poursuite de sa traque en direction des régions sud, nous demandant d'en informer leur Reine. En quelques instants, ces chasseurs se sont enfoncés en forêt, me faisant silencieusement admirer leur capacité à ne faire qu'un avec ce milieu. À mes côtés, le jeune Khar'Tal me conseille de ne pas sous-estimer ces êtres, même s'ils semblent plus insouciants que les habitants du lac, car ils restent Hommes Pâles d'honneur et de principe. Et ce commentaire ne semble guère approuvé par le doyen.
"
Rencontre intéressante, pour ma part. Une information supplémentaire placée dans l'un des nombreux tiroirs du meuble de mon esprit."
Nous nous remettons rapidement en route. Il nous reste apparemment plus de temps de trajet que prévu et nous arriverons le lendemain en fin de journée. Cela signifie sans doute une autre nuit passée dans l'un des abris de la route.
La voie est dégagée, le voyage sans encombre. Seuls quelques animaux dont certains totalement inconnus, mais pas aussi dangereux que l'ourgle, fuient notre présence. L'atmosphère est si paisible qu'elle me rend presque coupable. Le sang coule sans doute encore, ailleurs, et je ne suis pas aux côtés de camarades. Je sais pertinemment que rassembler des forces est une tâche louable, mais elle ne m'ôte pas ce goût désagréable de la gorge. Je suis un milicien, guère un diplomate. Plus vite j'aurais accompli ce devoir, plus vite il me sera possible de revenir là où on a besoin de moi.
De rares moments de pause sont pris, dont celui d'un repas de mi-journée. Grandement silencieux, j'offre une partie des réserves d'avoine aussi bien à ma monture qu'à celles des D'Omble. Je ne me sens pas spécialement l'envie de parler, mais ne rechigne pas à répondre quand on m'adresse la parole. Ces Hommes Pâles me rappellent un peu les ynoriens par leur absence d’exubérance, sauf peut-être le plus jeune. Pour le moment, ces trois cavaliers me laissent une impression de respectabilité.
La route est reprise peu après, rythmée par le son des sabots, les chants d'animaux haut-perchés mais guère davantage. Plus le temps passe, et plus j'ai la sensation que Ganko m'accepte vraiment comme cavalier. Certes, il continue d'avoir son petit caractère, mais le temps passé avec lui, que ce soit dans les plaines ou à présent, m'a permis de mieux ressentir la grande force qui l'habite. Pourtant, si je dois utiliser ce sifflet magique, il me faudra le laisser en arrière. Je flatte son encolure à cette pensée. Non, je trouverai bien une solution quand le moment viendra.
Le soleil décline, amenant un brin de pénombre au-dessus de nous, comme la veille. Nous devrions bientôt nous arrêter avant que la nuit n'entrave nos gestes.