~Auparavant~




Le jeune Homme Pâle m'indique d'un geste simple de baisser la voix, avant de me renseigner. Il me parle de créatures appelées perpins et écugliers. Ses propos semblent par contre indiquer qu'une créature territoriale, du nom d'ourgle, ne serait pas un bon présage. Comme je m'en doutais, il me somme d'être discret et me laisse finalement porter deux épaisses branches. Mes yeux voient de moins en moins clair dans cette forêt, dans laquelle le jeune D'Omble s'obstine pourtant à avancer. Les noms des créatures évoquées me font presque sourire. On dirait des patronymes créés à partir de divers animaux de Yuimen. Ou peut-être sont-ce au contraire les nôtres qui ne sont pas complets ?

Je suis sorti de mes pensées par le craquement d'une branche, qui me fait tourner mes yeux violets sur ma droite. C'est alors que je découvre une créature émergeant de buissons qui me fait écarquiller les yeux, à quelques mètres à peine de nous. Cela ressemble à un ursidé, avec fourrure coloris écorce, et sans doute de taille adulte. Mais cela a aussi un puissant bec rappelant les rapaces, une paire d'aile pour le moment repliée, des pattes avant d'ours et arrière telles des serres.

( Par Gaïa ! Une créature à demie ours et rapace... Serait-ce... )

Je m'immobilise aussi naturellement que possible, incertain que le traqueur l'ait remarqué. La créature n'a pour l'instant pas l'air hostile, mais si elle est territoriale, cela peut rapidement changer. Je m'efforce de garder la zone où elle se tient en vue, sans fixer son regard, tout en m'accroupissant lentement pour déposer mes branches sans brusquerie. Soit elle nous observe pour évaluer la menace, soit elle cherche une cible potentielle. Entrouvrant la bouche, je souffle mes mots à l'intention du jeune humain sans hausser le ton, cherchant à résumer rapidement la situation. De deux, nous venions de passer à trois entités inconfortablement proches.

"Khar'Tal... Notre duo devient triade."

Il me faut pouvoir rapidement agripper mon Fang Bian Chan si la situation tourne à l'affrontement. Et aux paroles du jeune chasseur, je me doute que cela a des chances de se produire.

( Reste calme, Instructeur. Surtout, reste calme. )

L’exploration des alentours par Therion ne tarda pas à le guider vers ce qu’il cherchait : un abri, et plus précisément une grotte. Sans doute l’aurait-il manquée, cachée qu’elle était entre deux rochers, sans l’odeur caractéristique des souterrains. Considérant rapidement le lieu, la pente telle qu’il la voyait, le liykor noir songea que sans doute le tunnel s’enfonçait-il sous l’éminence de terrain.

(Un tunnel c’est comme un gros terrier… Et les grottes font de bonnes caches… Moi, par exemple, je vais m’y cacher ce jour. Mais qui me dit qu’un autre n’a pas déjà eu cette idée ? Le soleil a déjà amorcé sa course dans le ciel depuis longtemps, et les bêtes de la nuit qui connaissent leur territoire se sont déjà réfugiées dans leurs cachettes, en attendant le soir…)

Conforté par ces pensées, Therion se saisit de sa hache et de la Lame sombre. Cette caverne n’est pas sans lui rappeler celle dans laquelle il a pénétré, sous les ordres d’un mage à la solde d’Oaxaca, pour récupérer l’étrange artefact. Dans cette grotte marine, il n’avait pas affronté que des ténèbres, mais également des menaces bien plus conséquentes, à commencer par son esprit. D’instinct, la caverne ne lui inspira pas confiance. N’était-il pas fait pour chasser sous le ciel immense, à la lumière de la lune et des étoiles, sous le regard et le jugement du Père et de la Mère ? Mais si leur regard se portait jusque sur ce monde, permettraient-ils à l’un de leurs Enfants de gagner les forêts éternelles et giboyeuses à sa mort si d’aventure il devait reculer comme un lapereau face au terrier du renard ?

La grotte est large, il peut s’y dresser, il peut tendre les bras, manier ses armes. Et s’il devait affronter un ennemi, alors ce dernier devrait lui faire face. Et Therion voyait. Son regard ne portait pas loin, deux mètres tout au plus, mais les ténèbres s’écartaient, et deux mètres lui suffisaient largement. Une soif nouvelle remplaça la faim et le sommeil qui avaient point avec l’aube, celle de la chasse, du défi qui lui était offert. Il pourrait dormir, il pourrait manger, mais pas avant de pouvoir le faire en sécurité. Hors de question d’être surpris dans son sommeil par une bête venue des entrailles de la terre, le liykor y voyait une mort infamante, digne d’un idiot, d’un inconscient. S’efforçant d’avancer lentement, limitant au plus ses mouvements pour ne pas faire tinter les maillons de sa cotte, pour ne pas laisser entendre trop vivement ses bruits de pas, il pénétra dans la grotte, les oreilles dressées et le museau humant l’air ambiant pour compenser la portée de sa vue.

Forêt d’Emeraude – Chemin vers Treeof. (Jour 3 – 20h30)

Khar’Tal prévenu, il se retourna vers l’animal, et déglutit en le voyant se camper sur ses pattes arrière, se dressant de toute sa hauteur, et déployant sur le côté ses ailes immenses pour paraître le plus grand possible. En vérité, il n’en avait guère besoin, puisqu’il était déjà énorme. De la taille des grands grizzlys. L’homme Pâle dégaina lentement son épée, sans faire de geste brusque, ou plus de bruit qu’il n’en fallait. Inutile, désormais, d’être plus prudent que de rigueur, concernant la discrétion : ils étaient repérés. Dans un souffle, il murmura vivement :

« Essayons de le contourner… Mais… préparez-vous à combattre. Quand il sera sur nous, il sera déjà trop tard. »

Il se déplaça alors de biais, marchant baissé, sur le côté, un peu comme un crabe. Il déclina ainsi un début d’arc de cercle autour de l’ours. Mais la manœuvre, bien que sensée, sembla ne pas plaire à l’ursidé, qui grogna dans son bec tranchant. Il allait charger… Et il était temps de faire quelque chose pour l’en empêcher

.



Forêt d’Emeraude – Grotte de l’orée Est. (Jour 4, 9h30)

Alors qu’il avançait dans les ténèbres du boyau, Therion put distinguer, humant l’air renfermé, une odeur qu’il put reconnaître entre mille : celui d’un cadavre en putréfaction. À mesure qu’il avançait, l’odeur était de plus en plus forte, et, poursuivant sa route, il ne tarda guère à en distinguer, à trois mètres devant lui, un corps allongé sur le sol… Aucun bruit aux alentours, et l’odeur était trop persistante pour détecter quoique ce soit d’autre, à part peut-être cette odeur minérale inhérente à toute grotte un peu humide.

[Therion : XP : 0,5 (post). Mot : 0. - portable.
Kiyo : Xp : 0,5 (post). Mot : 1XP. - cribler.]

~Auparavant~




À mes paroles, le jeune chasseur a une réaction parlante. Il déglutit assez violemment tandis que la créature se dresse de toute sa taille, et déploie ses ailes pour être plus impressionnante encore. Si elle ne paraissait pas aussi dangereuse, je l'aurais trouvée fascinante. Khar'Tal m'indique son plan : tenter de le contourner lentement, mais d'être prêt à combattre tout de même. Ce jeune Homme Pâle a l'air moins équipé que moi, et je ne doute pas qu'un puissant coup de patte ou de bec de l'animal soit véritablement dangereux. Alors que le jeune chasseur se déplace latéralement, je mets la main à mon arme et la fais lentement glisser de mon épaule. L'ourgle pousse un grondement menaçant dans son bec qui ne laisse place à aucun doute.

Peut-être puis-je éviter un combat dangereux. J'ai déjà réussi à calmer mon percheron en faisant usage de ma magie, il me serait peut-être possible de recommencer. Lentement, j'élève la main libre en direction de la bête, hésitant une brève seconde en songeant au loup d'épines malencontreusement créé par Lothindil. Les conséquences exactes de ma magie me sont inconnues, mais mon autre sort de lumière, destiné à appuyer la guerrière, n'a pas semblé avoir d'effets secondaires.

Avant que la créature ne charge, il me faut tenter ma chance, ne serait-ce que pour créer une opportunité de repli.

(Gaïa, je vous en conjure, si votre puissance peut s'exercer sur Aliaénon, faites que cela fonctionne. )

Et sur cette pensée, je tente de matérialiser le sort destiné à ôter l'agressivité présente chez cet animal au territoire envahi. J'ai bon espoir, mais il me faut rester souple sur mes jambes au cas où je devrais néanmoins esquiver une charge de ce large opposant.





Tentative d'utilisation du sort de lumière "Calme animal" sur la grosse bête.

~Auparavant~




La lueur qui éclaire les environs suite à mon intervention est d'une douceur qui me surprend moi-même. Plus un bruit ne se fait entendre, comme si la parcelle de forêt m'entourant avait trouvé la paix. Je savais que la magie fonctionnait différemment sur Aliaénon, mais pas à ce point. Mon but est cependant atteint. L'ourgle s'est doucement enroulé sur lui-même, contre un arbre, et semble endormi. Il n'est d'ailleurs pas le seul. Assis par terre, le jeune homme pâle semble somnoler. Le calme animal est ici assez puissant pour toucher tous les êtres vivants sauf celui qui l'emploie ? C'est une chose que je note.

Je n'ai cependant pas le temps de réagir qu'un autre phénomène se produit. Une créature étrange et vraisemblablement humanoïde, à la tête comme une pointe de flèche et auréolée de lumière apparait. Fascinante, cette présence n'appartenant à aucune race que je connaisse semble s'adresser directement à mon esprit. Elle m'offre un présent, et je le découvre dans mes doigts alors qu'elle disparait. C'est un sifflet dont j'ai le sentiment de connaître l'utilité. J'ai l'image d'un étalon doté d'ailes, galopant à travers Aliaénon à une vitesse si rapide que l'on croirait assister au passage d'une étoile filante. Sa force est éphémère, apte à me mener partout, mais restreinte à une dizaine d'usages. Voyager aussi vite que le vent, mais sans avoir tout à fait le contrôle sur le trajet. Bien que le potentiel de ce cadeau soit gigantesque, je me vois mal abandonner Ganko au profit de cette créature. Ceci dit, je suis reconnaissant et méfiant envers ce généreux donateur. Était-ce un envoyé de Gaïa ? Un leurre ?

( Plus tard, plus tard Instructeur. )

Je place la sangle de mon Fang Bian Chan en travers de mon torse et me hâte jusqu'à Khar'Tal. Avec précaution, pour ne pas le brusquer, j'appose ma main contre son bras et lui donne une légère secousse car doutant que mon appel suffise. Ma voix est calme et posée, suffisamment forte pour me faire entendre, mais que j'espère assez faible pour ne pas déranger cette tranquillité causée par la magie.

"Éveillez-vous, Khar'Tal. Partons tant que cette boule de poils et de plumes est aussi étendue au sol qu'une cucurbitacée."

Je garde un œil sur la bête assoupie et ravive d'un frôlement la pierre de mon casque pour y voir plus clair. Si le jeune homme ne se réveille pas, je devrai me résoudre à le porter sur le chemin du retour. Cela ne sera pas aisé vue notre différence de taille, mais j'ai confiance en la force que je peux déployer en cas de nécessité. Par contre, si c'est le cas, je ne pourrai pas aussi rapporter ces branches au campement. Mais peut-être va-t'il se reprendre et, maintenant que j'y songe, utiliser cet avantage sur la bête pour la terrasser.

Je fais un léger signe de tête négatif.

( Mieux vaut taire cette éventualité. L'important est de retrouver les autres D'Omble et de nous écarter du chemin de cette créature avant qu'elle se reprenne. )

Therion sentit un cadavre dans la grotte, le parfum nauséabond propre aux charognes de plusieurs jours déjà. Avançant encore, il pouvait percevoir à la truffe qu’il approchait de la source des effluves, bien avant que ses yeux ne le renseignent sur le corps gisant dans les ténèbres. Avant même qu’il ne puisse s’y intéresser, une preuve que le monde sur lequel il avait mis les pieds regorgeait de surprise se manifesta à lui. Grande, sans visage, d’un aspect curieusement argenté, la créature présentait un corps dont il ne pouvait déterminer s’il était fait de métal ou de chair. Avant même qu’il n’ait pu songer à lever ses armes pour se défendre de cette mystérieuse apparition, le liykor noir ressentit une bienveillance émanant de l’apparition, si bien qu’il n’envisagea pas de porter le fer contre elle. Mieux, il accepta le présent qu’elle lui tendait, un sifflet qu’il recueillit au creux de sa main tendue, après avoir repassé la hache à sa ceinture.

La voix dans sa tête, dont il ne doutait pas qu’elle émanait de ce curieux porteur de présent, lui parla de l’utilité de ce petit instrument. Alors qu’il le serrait dans son poing fermé, se déversèrent dans on esprit ouvert des explications, si bien qu’il avait maintenant connaissance des pouvoirs de l’objet, et de la manière dont les mobiliser.

Avant qu’il ait pu grogner la moindre parole de remerciement, la chose s’en est allée come elle est venue, et la tranquillité qui dominait Therion s’évapora dans l’obscurité de la grotte, comme ses jours heureux où il n’était encore qu’un louveteau s’étaient évanouis au soleil levant de sa maturité.

« Un cheval ailé qui me permettra d’aller là où j’ai dit que j’irais ? »

Dans le doute, il souffla dans la babiole.

~Auparavant~




Le jeune Homme Pâle s'éveille à mon geste et, après avoir ramassé du bois, nous rentrons en direction de l'abri. La maisonnée est illuminée et offre un parfum de soupe végétale agréable. Malgré tout, la rencontre avec ce prédateur a du mal à quitter mon esprit. J'ai brièvement un frisson en pensant à ce qui serait advenu de Khar'Tal si je ne l'avais pas accompagné. Non, je n'ai pas fait grand-chose au final, et il est débrouillard. Il aurait certainement repéré la créature lui-même. Me mettre martel en tête à penser à ce qui aurait pu arriver est inutile.

Les deux autres D'Omble ne semblent pas être contrariés par l'absence de proie, et je me retiens d'évoquer la présence de l'ourgle. Si le plus jeune d'entre eux ne l'évoque pas, il doit avoir ses raisons. Les branchages rapportés sont placés dans la réserve, vidée par les deux hommes, et certainement destinés aux occupants suivants. Astucieux.

Finalement, alors que le repas est partagé, c'est Kar'Tash le plus âgé qui fait entendre sa voix. Il me demande ce que je vais faire à Treeof.

"La réussite de ma mission est tributaire des forces que j'aiderai à réunir en Aliaénon."

Mes yeux en amande vont à la rencontre de ceux de mon interlocuteur.

"Et Treeof en est une étape importante. J'y suis dépêché pour aider à informer votre Reine du plan de bataille du seigneur Astidenix, qui souhaite former un front uni des vôtres. Il semblait aussi compter sur la persuasion et l'adhésion des habitants d'Arothiir à ce conflit."

Je réfléchis un instant, avalant une gorgée du breuvage chaud, et m'adressant aux Hommes Pâles présents.

"Mais je suis étranger à votre monde, et je redoute de commettre des impairs. S'il existe des règles qu'il me faut respecter, j'aimerais les connaître. Et je ne vous l'ai pas demandé avant mais... Que pensez-vous de toute cette situation ?"

Protocole, bienséance et valeurs de ce peuple sont des notions floues pour moi. Je sais juste que leur culture ressemble à celle des humains de mon monde, mais je préfère en être assuré. Mais je dois avouer que je ne sais guère plus que ce dont je leur ai fait part. Mon rôle était d'accompagner une émissaire qu'il m'a fallu laisser à Andel'Ys, pour convaincre les elfes et les Hommes Pâles de faire front ensemble. Mais après ? Me faudra-t-il pousser plus avant et chercher le contact d'autres peuplades ?

J'émets la supposition que la Reine de Treeof sera en mesure de m'informer avec davantage de précisions, si elle accepte de me recevoir, bien évidemment.

Therion resta un instant interdit devant la ma manifestation magique. Non pas qu’il ait eu peur, ou ait été impressionné : simplement, un tel spectacle était nouveau pour lui, et toute son attention était focalisée pour essayer de comprendre ce qui venait de se passer. La chose était une bête, une bête puissante, dotée de grandes ailes, à la robe bicolore. Et qui disait bête, aux yeux du liykor, disait également créature du Père et de la Mère ; pouvait-il considérer ce sifflet comme un de Leur présent ? Il l’ignorait, mais si les pensées qui l’avaient envahi lorsque son poing s’était refermé sur l’objet n’étaient pas à des fins de tromperies, sans doute pourrait-il poursuivre assez loin son chemin. Un avantage qui pouvait très bien être une faveur divine. Ou autre chose.

La grotte n’était guère un environnement pour un liykor noir, du moins Therion n’aimait pas se retrouver sous terre, cela lui rappelait trop les souvenirs de l’acquisition de la lame qu’il portait au côté ; et si le Père et la Mère avaient voulu qu’il fouisse le sol, Ils lui auraient sans doute placé des pelles à la place des doigts, un peu comme les taupes. Quant au cadavre, son odeur en disait long sur son état, pas de quoi combler la faim du grand humanoïde.

S’approchant doucement, il flatta l’encolure du cheval ailé, sans songer un instant à en faire son repas. Il trouvait qu’il se dégageait de cet animal quelque chose de plus impressionnant que ce qu’il avait rencontré chez les autres équidés rencontrés au cours de sa vie, que ce soit lors de ses chasses à l’époque de sa liberté, ou durant ses années de servitude à Omyre. Une fois assuré de la matérialité de l’apparition, et qu’elle ne s’enfuirait pas à son contact, il l’enfourcha. Presque couché sur le cou de la bête pour ne pas toucher le plafond, il chercha et trouva son équilibre, puis murmura à l’oreille du cheval :

« Si tu me comprends, peux-tu m’emmener là où se trouve un être mi-elfe mi-bête, venu avec moi sur ce monde ? »

~Auparavant~




Les D'Omble réagissent différemment à mes paroles, après avoir laissé planer un silence dérangeant. D'après eux, je me montre trop optimiste car même si leur seigneur est quelqu'un de respectable, la Reine est celle qui prend la décision finale. Apparemment, il me faudra la convaincre de laisser ses troupes rallier Andel'Ys, et sans doute du bien-fondé de cette union des peuples. J'en fronce les sourcils. Je ne suis pas un orateur, un diplomate ou même un tacticien. Je ne suis qu'un milicien, venu aider à la défense de ce monde. Qui suis-je pour contraindre des puissants de ces terres de s'allier ?

Le doyen du groupe laisse également entendre qu'il est stupide de compter sur les Hommes d'Arothiir, ces derniers semblant dépendants d'une substance nommée Thiir et ne valorisant que cela. Leur seigneur nous avait prévenus, une société proche de la nôtre, et en voilà une des dérives. Pour peu que cette drogue ait des propriétés particulières, autre que de rendre dépendant, alors je devrai définitivement me rendre sur place. Tout ce qui pourrait potentiellement intéresser les forces d'invasion doit être mis hors de leur portée, s'il n'est pas trop tard.

J'apprends ensuite la façon de ne pas me montrer offensant en demeurant simplement poli et en évitant de négocier avec la Reine. Il me faudra m'en souvenir. Viennent ensuite les avis des trois cavaliers. Le plus jeune fait partie de ceux pensant qu'une union des peuples est notre meilleure chance, même s'il doute de la réussite de ce plan. Son père laisse entendre qu'une cité est certainement déjà tombée et préférerait une lutte plus fourbe, retranchée dans cette forêt. Et le doyen du groupe d'annoncer qu'il serait préférable de se soumettre avant d'être sacrifié par les autres peuples les qualifiant de Sans-Magie, pour leur permettre à eux de se mettre en sécurité.

"Si nous en arrivons là, c'est qu'il sera déjà trop tard. Les peuplades épargnées deviendront telles des créatures insulaires, retranchées sur quelques parcelles de terre, et acculées par le flot ennemi."

J'avise les différents visages et m'adoucis un peu, même si mes pensées ne sont guère joyeuses.

"Je vous suis gré d'avoir partagé vos pensées. Si des étrangers venaient dans mon monde pour unir humains tels ceux de Fan-Ming et peuple garzok, la chose serait presque impossible. Ou il faudrait alors dénicher un meneur capable de se faire respecter des uns et craindre des autres."

J'avale une rasade de soupe, mais n'y trouve guère de réconfort.

"J'ai vu ce qu'est l'existence sous le joug de cette maîtresse sombre. L'asservissement. La cruauté. Les esprits brisés et la mort mise en scène comme le plus banal des spectacles. C'est peu, mais je compte faire tout ce qui est en mon pouvoir pour qu'Aliaénon ne devienne pas une autre Omyre."

Je m'assombris en repensant à ce que j'ai vu dans cette cité sombre. Toute cette détresse et ce déni de la vie qui ont fait se révolter mes fluides lumineux. Je me tais, ne voyant guère d'autre explication qu'une soif de conquête à cet acte de guerre en cours. Mais se pourrait-il qu'il existe d'autres raisons ? D'ailleurs, si nous savons si peu de choses quant à ses troupes, comment a-t-on appris leur arrivée ? Parviendrons-nous à allier ces peuples ? Serais-je en mesure de les convaincre de nous aider ou précipiterai-je leur adhésion à la puissance de la Demie-Déesse ? Y penser me fait froid dans le dos.

( Questions sans réponses, hélas. Va te reposer, instructeur. Tu y verras plus clair demain. )

Si les D'Omble n'ont rien d'autre à ajouter, j'irai prendre du repos autant que possible. Je me sens nerveux, mais mon sang ynorien m'aide à n'en rien laisser paraitre.

Rien ne se passa. Après un moment d’attente – peu familier de la magie et de ses manifestations, le liykor noir songea qu’il y avait peut-être un délai avant effet – Therion se résolut à considérer l’échec de sa tentative.

(Ou c’est le canasson qui ne va pas, ou c’est ma demande...)

Et le souvenir encore frais de l’apparition revint en mémoire au guerrier lupin en exil provisoire sur ce monde étrange. Aucun mot ne fut prononcé, seules des idées, des notions s’étaient insinuées sous le crâne épais du lupin ; toujours à califourchon sur le pégase, il essaya de se remémorer ces impressions qui l’avaient envahi, pour déterminer une demande autrement plus adaptée.

« Bon l’animal. A l’est de cette forêt il y a un lac. A l’est de ce lac, il y a à nouveau une forêt. Emmène moi là bas. »

~Auparavant~




Ni la nuit ni la matinée suivante ne sont troublées, sauf peut-être par quelques pensées attristées que j'ai en songeant à ce qui se passe sur ce monde. Mais cela reste passager. Après avoir avalé le reste de soupe, rangé les couchages et être remonté en selle, je suis l'allure des D'Omble sans un mot. Ganko n'a pas l'air plus touché que cela de ne plus se trouver sur Yuimen et galope à bonne allure. Il semble s'être accoutumé à la proximité des autres montures car je n'ai pas autant besoin de le retenir qu'auparavant.

Lorsque le soleil semble atteindre son zénith, notre quatuor est obligé de faire halte. La voie est barrée par un être armé de deux épées tirées au clair, apparemment humain et vêtu d'une protection honorable. Son attitude me laisse l'impression de quelqu'un de sûr de lui et à bien le regarder, toute son allure est marquante. Apparence assez jeune, chevelure type crinière féline et feu, regard direct. Selon des critères humains, il pourrait certainement être qualifié de bel homme, ou tout du moins, d'un individu avec un certain charisme.

Il apostrophe notre groupe, demandant notre destination. C'est le plus jeune des D'Omble qui répond avec honnêteté. Ils sont mandés par le seigneur Astidenix pour voir la Reine, chose qui semble acceptée par l'inconnu. Lui-même demande si nous avons vu un homme-loup, que ses hommes et lui chassent. Je ne parviens pas à m'empêcher d'être intrigué. Les hommes-loups existent sur Aliaénon ou fait-il référence à un liykor ? Mais dans ce cas, que ferait ce dernier ici ? Aventurier égaré ou éclaireur d'Omyre ?

Mon attention est accaparée par l'homme armé quand ce dernier s'adresse à moi. Mes sourcils se froncent légèrement, même si je masque ma désapprobation derrière une expression impassible. Encore un nouvel inconnu qui fait fi de la politesse la plus élémentaire pour me demander qui je suis, et commentant sur le fait que je ne suis pas homme pâle. Je pousse un court souffle nasal contrarié mais me reprends aussitôt, rivant mon regard violet à celui de l'être roux.

"Instructeur D'Esh Elvohk Kiyoheiki, non Homme Pâle en effet, car pas même d'Aliaénon."

Je décide de m'en tenir là quant à ma présentation et regarde les D'Omble. Je doute qu'ils deviennent plus loquaces maintenant que ce matin, surtout envers quelqu'un qu'ils ne semblent guère connaitre plus que moi. Mes yeux glissent brièvement autour de la voie. Cet arrivant a parlé de ses chasseurs. Il n'est donc certainement pas seul dans les environs. Je reprends la parole avec calme, et juste une légère pointe d'amusement.

"Croyez bien que j'aimerais également vous tutoyer, mais je ne m'y connais guère en troc. Je ne sais donc pas si vous offrir mon nom est suffisant pour m'accorder le droit de le faire, tout en prenant connaissance du vôtre."

Je m'abstiens de formuler ma pensée quant à la présence de ses épées hors de leur fourreau. Dans mon monde, croiser un voyageur possiblement entouré sur une voie forestière, et bien armé de surcroit, n'est généralement pas bon signe. Je ne peux que me poser des questions à son sujet, comme par exemple si sa troupe de chasseur et lui font partie des ressortissants de Treeof. Mais si mon escorte est pressée, comme cela me semble évident, je doute avoir le temps d'en apprendre davantage à son sujet.