Pas de réponse du Crapaud, évidemment. Il adore se faire désirer alors qu'il est tout bonnement insupportable. Je me demanderais bien comme l'Âme Pure fait pour le supporter, mais je ne le fais pas. Après tout, je m'en contrefiche. L'origine de la lueur rouge apparait devant mes yeux, dans une pièce circulaire et en cul-de-sac. Rien que ce détail me fait claquer la langue de contrariété. Une seule porte de sortie, en somme. J'ai horreur de sentir le coup fourré de loin et de devoir quand même me jeter dans la gueule du loup. Je ressens un frisson désagréable en fixant la pointe irrégulière et sanguine sur son socle. Pas de doute, ce doit être ce que je suis venu chercher. Quelques aménagements indiquent que les humains ont commencé à jouer aux savants ou à se donner un genre en prétendant l'étudier.
Curieux de voir ce qu'ils ont pu en dire, si leur étrange engin muni d'une sorte de cristal sert à ça, je me dirige vers le bureau quand un éclat de voix soudain m'envahit le crâne. Tout mon corps se raidit tandis que mes doigts serrent mon arme. Il ne me faut qu'une poignée d'instants pour passer de l'état d'alerte à celle de la rancune. C'est ce crétin de Coeur qui m'a fait peur ! Il se fout de moi et part encore dans des délires de malade s'extasiant de souffrir et de faire souffrir. Le voilà qui m'explique avec amusement que brûler une femelle enceinte permet de voir apparaitre les os de son rejeton.
Je fixe ma main assombrie d'un air blasé, songeant qu'il faudrait être stupide ou grandement désœuvré pour devoir se distraire de la sorte. Après tout, cela voudrait dire endurer ses égosillements d'agonie, étouffer à cause de la puanteur de sa chair brûlée, la maintenir pour qu'elle ne puisse pas aller se jeter dans la première fosse à purin à portée, et devoir
attendre que le feu fasse son office. Aucune efficacité. Et quelle utilité en plus ? La tuer lentement et douloureusement ? Il y a tout de même plus distrayant et pour le même résultat. Certains jours, je me dis qu'essayer de comprendre le Cœur Sombre exigerait d'être au moins aussi atteint que lui. Personnellement, je n'ai nulle envie de passer les prochains siècles en souffrance insupportable juste pour y parvenir.
Ce qui est sûr, c'est que cette écharde le fascine. Je peux percevoir une gêne croissante dans ma poitrine. Mon cœur frappe au rythme des pulsations à la fois de l'orbe et de la chose rouge. Mauvais signe, ça. Est-ce que cela veut dire que si l'écharde s'affole, mon muscle cardiaque va le faire aussi ? Ou alors est-ce que l'objet et mon orbe sont liés et c'est mon propre lien avec ma maudite possession qui induit un écho ? Encore un tas de questions inutiles et sans réponses ! Perte de temps, par mes ailes !
Sourire en coin tandis que le Coeur me supplie presque de le laisser s'emparer d'une partie du pouvoir de cette chose, contre sa protection. Il croit franchement que je vais lui faire ce plaisir ? Moi ? Obéir à ses caprices ? Ha ! Je poursuis d'ailleurs jusqu'au bureau, ignorant sa voix dans ma tête et faisant exprès de m'écarter de l'objet. Bref coup d’œil par-dessus mon épaule pour m'adresser au rôdeur.
"
Garde tes distances si tu ne veux pas finir en volaille rôtie."
Je ne sais pas de combien de temps je dispose, mais vue la panique au-dessus, je devrais avoir le temps de consulter ce qui a été analysé puis de récupérer l'écharde. Un minimum d'information peut toujours m'épargner un rien de frustration.
(
T'emballe pas, Crapaud. J'en ai besoin pour détruire un cœur de givre. ), pensé-je avant de choisir la prudence. Mieux vaut avoir cette entité avec soi que contre, même temporairement. (
Mais tu pourras te repaître de la puissance de ses restes une fois la tâche accomplie. Et de ce qui s'en échappera à coup sûr quand je vais mettre la main dessus. )
Parce que oui, cette sensation sinistre que je perçois ne me laisse que peu de doutes. Quelque chose de moche va se produire dès que je vais m'emparer de cet artefact. Pourtant, si je veux en finir avec ces histoires d'aldrydes, de lumières dans le ciel et pouvoir m'occuper de mes affaires, il faut que je la récupère. Je n'ai pas le choix.
Comme d'habitude !
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