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 Sujet du message: Re: Ruines de Nayssan
MessagePosté: Lun 21 Aoû 2017 05:44 
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À peine ma main noire a-t-elle agrippé l'objet que je sens comme un travers. Prêt à recevoir une décharge de feu, c'est autre chose qui me frappe. Une impression étrange, un peu comme lorsque mon esprit s'est égaré à la frontière ynorienne.

Mais là, c'est différent. Plus sombre. Plus froid. Ma tête se secoue d'elle-même pour chasser la sensation, mais elle persiste. Pire, elle se renforce. Je vois mal, comme si la nuit était tombée, sans parvenir à m'en inquiéter pour autant. J'agite ma main devant moi sans la remarquer puis me donne un léger coup sur le casque, mais rien. Aucune douleur, ni crainte liée à cette étrangeté. C'est cela, je dois faire encore un de ces incompréhensibles rêves éveillés. Étrange, j'ai la certitude d'avoir égaré quelque chose sans parvenir à me rappeler ce dont il s'agit.

Mes ailes me portent instinctivement dans une direction lorsque mes spirales auditives attrapent quelque chose. Un chant. Non, plutôt une psalmodie qui ressemble à un appel. Je grimace. Des imbéciles conteurs de louanges, vénérant un individu qui aurait triomphé des aurores et qui n'ont sans doute pas même levé le petit doigt pour le faire eux-même. Comme d'habitude. Le chant se renforce, se teintant de crainte alors que d'autres titres sont décernés. Terreur des géants qui le vénèrent pourtant. Des abrutis, tous autant qu'ils sont ! S'en remettre à d'autres ? Ha ! Lavettes préférant courber l'échine que de se dresser d'eux-mêmes !

Les appels continuent, se renforcent et m'exaspèrent au plus haut point. Que croient-ils donc, ces imbéciles ? Que leur demande va recevoir une réponse ou même être entendue ? Naïfs. Ils devraient savoir que l'on ne peut compter sur personne, et en particulier lorsque de graves ennuis vous tombent sur les plumes. Mépris croissant, regard hautain, je prends de l'altitude et me perche sur une fourche au sommet d'un arbre, avisant un spectacle des plus navrants. Des humains, encore et toujours de ces stupides grandes-gens, prostrés pour la plupart, priant pour d'autres, avec des corbeilles remplis d'un tas d'objets que j'ai du mal à distinguer. Je sens une pointe de curiosité malgré le dégoût que me fait ressentir cette vision, concernant l'être qu'ils espèrent atteindre avec leurs mimiques.

Et puis, d'un coup, l'attention est sur moi. Les chants cessent pour s'unir en une seule voix horripilante et suppliante. Pitoyable même, et qui ne m'inspire que dégoût et haine. L'on m'affuble de grands noms d'abord. Moi ? Un grand seigneur, ha ! Je n'ai jamais entendu flatterie hypocrite aussi évidente que celle-là ! Et voilà que l'on m'annonce aussi dans cette cacophonie insipide être sous le joug des forces de la garce sombre. Je hausse malgré moi un sourcil. La voix multiple semble me donner des capacités que je n'ai pas. Moi ? Commander aux aldrydes ? J'ai l'air de ressembler à une greluche en armure de feu ? Et voilà que le groupe de vermine tente de marchander mon aide, soi-disant prêt à m'offrir tout ce que je souhaite !

J'enrage et dévoile mes dents en une grimace.

M'ont-ils offert ma liberté quand j'étais au bord de la rupture ? M'ont-ils un jour regardé sans vouloir me remettre en cage ? M'ont-ils ne serait-ce qu'une seule fois considéré comme autre chose qu'un animal savant et ridicule ? Et maintenant que j'ai fait la preuve que je suis une existence puissante, valant des milliers de fois les leurs, ils se rendent compte que j'existe ? Vils morts en sursis qui croient pouvoir effacer des décennies de souffrance à l'aide de paroles non sincères et d'offrandes ridicules ! Eux qui se moquaient du pauvre aldron animal de compagnie que j'étais se mettent à trembler devant moi, devant la magie d'une puissance incroyable que la volonté de les voir souffrir fait croître en moi. Je suis créateur de ma propre voie ! Un être qui s'est forgé seul, par sa propre force et sa volonté, pas l'une de ces engeances divines qui n'ont jamais daigné ne serait-ce que me donner un signe de soutien ! Je n'ai pas besoin de ces lâcheurs, ni des faibles se tournant vers moi par crainte de mon courroux, et parce que je parcours le même monde qu'eux !

Comme si je ne les contrôlais pas, mes mains aussi noires que les abîmes les plus profonds se tendent vers la foule. Nul n'a le loisir de bouger, de crier, de le voir venir. Ma puissance sombre se déchaîne, fauchant la vie de tous ces imbéciles. Vidés de leur essence, les corps ne sont plus que chair morte et sèche comme de l'écorce. Le silence s'installe. Euphorique, ivre de cette vengeance envers tous ceux qui m'ont méprisé, humilié et sous-estimé, je lève les yeux vers ces cieux sans lune. Nul châtiment divin pour venir me faucher. Même maintenant, alors que je détruis la vie sans aucun remord, ceux qui l'ont créée restent muets. C'est bien. Cela ne fait que me conforter dans une chose : à mes yeux, ces entités sont mortes. Si même les dieux préfèrent m'éviter, alors j'ai gagné ! Nul ne peut plus prétendre me dominer ! Me contrôler ! Je suis mon propre maître, comme je l'ai toujours affirmé !

Et accompagnant ce sentiment de toute-puissance, reflet de ce que j'ai toujours ardemment souhaité, la voix honnie du Cœur Sombre s'élève dans le silence de mort. Il m'approuve. Ce Crapaud haï m'encourage dans cette voie, m'offrant un cadeau terrible. La sombre magie m'habitant prend une toute autre signification : elle est la Corruption elle-même. Enfin, je peux laisser libre cours à cette frustration et cette haine que j'accumule depuis mes jeunes années ! Enfin, je suis celui que j'aurais toujours du être !

J'observe mes mains noires un moment, voyant entre elles tourner de sombres volutes sans reflets. Ce rêve est incroyable ! Il est parfait !

(Parfait ?)

Ce simple mot résonne dans mon esprit et brise l'harmonie mortelle que je ressentais jusque-là. Une fausse note alors que dans ce paysage et dans cette ivresse, un infime doute s'immisce et persiste. Ces intentions, cette voix, cette puissance... C'est moi et rien que moi... N'est-ce pas ? L'incertitude gagne un peu plus de terrain. Alors se renforce dans un recoin de mon esprit la conviction que j'ai oublié quelque chose. Une chose importante. Une chose qui fait que je suis... Moi.

Mon ivresse s'estompe tandis que ce doute s'ancre dans ma poitrine, me causant une sensation de malaise. Une nausée. Un déséquilibre. Ma main droite s'appuie sur l'arbre, le faisant noircir sous mon toucher. Mon autre main se porte à mon visage. Cela va passer. Juste un instant, je ferme les yeux.


Quand je les rouvre, la nausée et la confusion qui m'habitent se renforcent. Pire, elles s'accompagnent d'un sentiment difficile à identifier. Je ne suis plus dans la salle en contrebas, mais dans la pièce des humains. Chaos. C'est le premier mot qui me vient à l'esprit. Tout est immobile, silencieux. L'intégralité de l'endroit est tapissé de suie et quelques flammes dévorent encore une poignée de corps. Une odeur atroce de chair carbonisée me monte aux narines. Tous les êtres de la pièce sont morts. Mes yeux d'un bleu sombre avisent les visages encore intacts de certains, figés dans une profonde terreur. Méfiance, peur latente et instinctive. Sur le point d'agripper mon arbalète, je la constate tranquillement à mon épaule, tandis que je tiens toujours l'écharde du même côté. L'objet pulse rapidement mais semble moins briller qu'avant.

Incompréhension. Recherche de sens, de logique. Mon regard finit par tomber sur une forme. Fad'aran, l'éclaireur rebelle. Comme si ce n'était pas moi qui vivait cela en cet instant, je me vois me poser à côté de lui. Ses ailes sont déplumées, prenant l'aspect de bras aussi ridicules que ceux de la femelle à laquelle j'ai fait subir le même sort. Son corps git dans une flaque de sang, couvert de lacérations. Même si je sais déjà ce que je vais constater, j'applique ma main contre sa gorge. Rien. Mort lui aussi. Je ne ressens qu'à peine une légère contrariété à cette nouvelle. Shada'ïs va me rebattre les spirales de cette histoire, je le sens. Nulle autre émotion, à part la brève pensée d'un certain gâchis.

Debout à côté du cadavre, je ne peux que constater la dévastation et froncer les sourcils. Que s'est-il passé ? Et surtout, comment ai-je survécu ? Je n'ai aucun souvenir, à part... Cet étrange rêve. En proie à un terrible pressentiment, je n'ai pas le loisir de me questionner longuement. De la gratitude. Ce sont les premiers mots du Crapaud que j'entends résonner dans mon crâne. Avec sa jovialité morbide, il me décrit avec un plaisir certain le massacre qu'il vient de commettre. En quelques instants, je réalise toute la portée de ses paroles. Cette puissance... Ce rêve... C'était lui. Non... C'était lui et moi.

Il parle encore et encore, mais seuls quelques mots me marquent tandis que je mesure l'ampleur de ce que cela signifie. Il veut que je poursuive dans cette voie, que j'accepte son cadeau et que, pour pouvoir accéder à la totalité de sa puissance, je me débarrasse du Protecteur. Alors que sa voix de créature repue s'estompe, toutes les sensations de mon corps me reviennent. Il brûle. Je connais cette impression. J'y suis habitué depuis quelques mois déjà. Pourtant, je n'y crois pas. C'est trop grand, trop présent et oppressant. Serrant les dents, je décolle et cherche du regard une surface réfléchissante. Soulevant de la suie sur mon passage, je prospecte entre les corps puants jusqu'à dénicher un éclat de miroir. Voletant dans la pièce dévasté comme au lendemain d'une tempête, je plonge les yeux dans mon reflet. Le constat me laisse muet et décontenancé.

Ma peau est entièrement assombrie, chaude au toucher, sans que la moindre lueur parvienne à l'illuminer. S'ils ne cassaient pas la ligne de ma cicatrice, j'aurais du mal à distinguer mes doigts sur ma joue. La Corruption. Partout. Ce que je vois de ma gorge, la totalité de mon visage... À part le blanc de mes yeux contrastant avec le reste, je sens qu'aucune parcelle de mon corps n'a été épargnée. Seule la pointe de mes cheveux et de mes sourcils porte encore la trace de ma blondeur d'aldron. Je relâche le morceau lisse, le regardant se briser au sol et me renvoyer un regard sinistre.

(Il m'a eu.), pensé-je, consterné.

L'Orbe de Nostrad s'est joué de moi. J'ai cru la Gardienne lorsqu'elle m'avait assuré que le pouvoir noir ne serait capable de m'atteindre que superficiellement. Soit elle avait sous-estimé son partenaire, soit il est bien plus puissant que prévu. Lentement, il s'est frayé un chemin sous ma carapace, tapis, attendant le bon moment. La prise de l'Echarde a été le déclencheur. Il a pris le dessus et m'a contrôlé, relégué au rang de simple témoin, pour déchaîner sa puissance. Un pantin. Un vulgaire outil. Mes poings se serrent. Je ressens encore le goût de cette puissance. Une part de moi est en harmonie parfaite avec cette idée, cette tentation, mais une autre...

"Pfff... Haha... Haha !", m'entends-je rire avant de grimacer cruellement. "Tu t'es bien empiffré, hein, l'ami. Mais si tu crois que je vais simplement me laisser porter par le courant et te faire plaisir, tu te fourres ta griffe dans l’œil jusqu'au fondement."

Mon sourire s'estompe, ma provocation ne pouvant pas être entendue avant son réveil. Mes sourcils se froncent. J'avise ma main gauche, dont le scintillement a disparu, ne laissant que quelques traces éparses plus claires sur ma peau.

"Je sais que tu es encore quelque part, Gardienne. Sans quoi, je ne me serais probablement pas repris. Merci.", soufflé-je doucement. "Mais crois-moi, il n'a pas encore gagné. Si puissant qu'il soit, s'il s'avise de toucher à une seule plume de Dae'ron...", grondé-je en serrant les poings jusqu'à me griffer une paume et faire crisser le pan de pagne sur l'Echarde.

L'éloigner de moi était bien la meilleure idée, mais maintenant que je le sais cible du Coeur Sombre, je suis partagé entre rompre définitivement tous liens ou au contraire... Le garder au plus près de moi, pour veiller à sa sécurité.

Silence. Claquement agacé de langue. Je dois partir et vite.

Toutefois, en passant à côté de l'éclaireur, j'ai un regain de lucidité. Si je laisse son corps là, les ynoriens suivants vont penser les aldrydes responsables de ce massacre. Vérité, certes, mais qui les pousserait à envoyer des forces armées contre les autres. Et franchement, j'ai bien assez de problèmes sans en ajouter de grande taille ! Je m'accroupis près du corps aldryde et commence par fermer ses yeux vitreux. Souffle nasal moqueur. L'influence du Protecteur, j'imagine. Lui tournant le dos, je passe ses bras sur mes épaules, le cale entre mes ailes et agrippe ses genoux. Il est lourd... Et poisseux. Impossible de le ramener jusqu'au camp sans m'épuiser ou devoir prendre des semaines. Mais ce n'était pas dans mes intentions.

Sortir, trouver un recoin où l'ensevelir et quitter les lieux, direction le quartier général des rebelles. Comme une évidence, je me sens soucieux. Non pas à cause de l'irritation de m'être fait duper ou du trajet que je vais devoir effectuer, mais justement à cause du sentiment contraire.

Jamais auparavant n'ai-je ressenti un tel calme...




(2 200 mots)

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Dernière édition par Nessandro le Sam 2 Sep 2017 12:31, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Ruines de Nayssan
MessagePosté: Dim 27 Aoû 2017 10:14 
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Tu passes une petite heure à enterrer le corps. C'est une bonne chose, car en sortant, tu vois qu'il y a encore quelques camps de gardes à l'extérieur, plus loin. Ils ne sont manifestement pas encore au courant du massacre, mais ce n'est qu'une question de temps avant qu'ils ne remarquent l'absence d'activités de la caverne.

La nuit est en train de tomber. L'artefact serré contre toi, tu dois chercher un endroit abrité pour te coucher. Le lendemain, tu pourras reprendre la route du retour, sans guide cette fois...

((( Nessandro : +0.5(post) +0.5(dissimulation du corps) +1(longueur) Acte de prestige : récupération de l'écharde de feu de Nayssan, je te laisse rp le voyage de retour jusqu'au campement rebelle qui prendra plusieurs jours et tu arriveras la nuit, je te décrirais davantage à ce moment là )))

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 Sujet du message: Re: Ruines de Nayssan
MessagePosté: Sam 2 Sep 2017 12:30 
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Si on m'avait dit que je me retrouverais un jour à transporter le cadavre d'un autre aldryde en territoire humain parce qu'une puissance sombre a pris le contrôle de mon corps et l'a éliminé... Non seulement j'aurais pris mon interlocuteur pour un fou, mais je l'aurais massacré pour avoir laissé entendre que je suis un faible. Et pourtant me voilà en-dehors de ruines de grande taille, près de quelques buissons qui ont survécu à la patte humaine, en train de remuer la terre avec un tesson en guise de pelle pour ensevelir un emplumé déplumé. Je sens encore le fluide poisseux dans mon dos et qui craquèle sous mes mouvements. La sensation est désagréable, mais je ne ressens pratiquement rien. C'est bien différent de la fois où Dae'ron m'a recouvert du sien. Que peut-il être en train de faire en ce moment ? S'occuper de Lyïl ? S'attaquer à des passants avec cet insupportable blondinet ? Rattraper le temps perdu avec Shada'ïs ? Poussée d'amertume. Je plante violemment mon outil dans le sol et arrache une énorme pelletée.

À plusieurs reprises, je suis tenté d'arrêter là, de recouvrir le cadavre sommairement et de partir. Autrefois, je l'aurais fait sans états d'âme, mais pas aujourd'hui. Peut-être parce que je ne suis pas du genre à abandonner une tâche à moitié finie, ou que je veux prouver au Crapaud qu'il a encore du chemin à faire pour me modeler à son image. En tous cas, il me faut une bonne heure pour parvenir à mes fins. Le corps dans la fosse, je vérifie rapidement ce qu'il a avec lui, surtout en matière de vivres. Pas grand-chose. Je vais devoir me rationner si je veux arriver à destination. Mes oreilles en spirale m'apportent un son éloigné, d'activité, de présence de vivants. Des gardes qui n'étaient pas en poste là-dedans. Les heureux gagnants du jeu de la vie !

Sans plus de façons, une fois débarrassé du guide, j'avise la position du soleil. Cet aldryde était un boulet à traîner, mais il avait au moins le mérite de connaître les environs. Contrarié, j'émets un claquement de langue. Je vais peut-être perdre un peu de temps aujourd'hui, mais demain, dès l'aube, à l'heure où blanchissent les cadavres, je voyagerai. Le soleil naissant à ma gauche me permettant de filer en direction du sud-est. Mes ailes me semblent plus légères et mon corps plus lourd quand je prends enfin mon envol. Seulement, il commence déjà à faire sombre. Je ne peux que m'éloigner du lieu et surtout des campements de gardes. L'endroit est grandement découvert. Mon seul refuge possible est un groupe de buisson bas, presque en cloche, accessible par en-dessous. La fatigue me frappe, ne me laissant pas d'autre choix que de m'installer sur des branches basses rudes pour passer la nuit.

La première journée après mon réveil, quelque peu endolori et maussade à cause de la rudesse du matelas, je suis contraint de voler en hauteur et d'être attentif. Les terres entourant les ruines sont cultivées par les ynoriens. Cela signifie silhouettes difformes courbées par l'effort, mouvement de grandes gens assez fainéants pour s'arrêter et scruter les cieux, attention que je ne veux pas attirer. Pas que leur crever les yeux pour leur donner une leçon me dérangerait, mais je n'ai pas le temps. Très peu d'arbres ensuite dans la plaine qui s'offre à moi, et qui ne soient pas trop exposés. Lorsque le soir tombe, je suis devant un choix qui me fait enrager. Soit je prends le risque de pousser plus loin en pleine nuit, pouvant me faire prendre pour cible par un rapace nocturne, soit je me fais un couchage dans un arbre rachitique. La lassitude de la journée se permet de m'étreindre au moment où je me pose sur une branche. Non seulement ce végétal a des feuilles trop petites, donc que je mets un temps fou à tourner en couchage, mais le seul endroit possible pour y arriver est entre le tronc et une fourche étroite. En gros, je passe une nuit désagréable, recroquevillé pour ne pas choir, et avec cette foutue écharde qui ne veut pas rester discrète.

Même chose le jour suivant. Humeur maussade à cause d'une nuit peu agréable, chose qui me fait regretter de ne pas avoir emporté mon hamac lutin avec moi. D'un autre côté, j'aurais été contraint de porter cette charge supplémentaire à présent. Je ne sais pas combien de temps je vais devoir supporter cela, mais une chose est certaine : je me suis laissé aller. Pas en prise de poids, mais en confort. Lyïl me manque, et il n'est pas le seul. C'est la première fois depuis plusieurs mois que je me retrouve à voyager sans personne. À la différence de ma fuite de la cité humaine kendrane, je ne me cache plus, cependant. Toutefois, ne pas avoir qui que ce soit sur qui déverser ma frustration ne fait qu'accroître celle-ci. Sentiment renforcé quand, pendant un bivouac, je prends conscience d'être proche d'une voie passante. Certes, peu de gens l'empruntent, mais cela m'oblige à prendre de la hauteur, donc à être balloté par les vents de cet abruti de territoire humain, le temps de m'en éloigner.
C'est la cime d'un arbre de petit bosquet qui m'accueille cette fois-ci, et je n'ai même pas envie de perdre mon temps à me façonner une couche. Je m'étends à même la branche, un bras en oreiller, mais les yeux grands ouverts. J'ai beau tout tenter pour ne pas le faire, je ne parviens pas à m'empêcher de penser au Protecteur. Est-il aussi couché ? Dort-il seul ou à côté des autres greluches aux ailes peintes ? Fredonne-t-il comme tous les soirs, même si mes spirales ne sont pas à portée ? Pense-t-il à moi en ce moment, comme je songe à lui ? Claquement de langue. C'est sur cette pensée que je me laisse vraiment trop aller que je clos les yeux, m'attendant à passer une nouvelle nuit désagréable.

Par mes ailes, pourquoi ai-je toujours raison ! Non seulement je m'éveille d'une humeur de chien, mais pour en plus me retrouver nez à nez avec une saloperie de rongeur bouffeur de noisette qui tentait de se faire les dents sur mon casque ! Et cette foutue bestiole de le faire choir au pied de l'arbre, m'obligeant à perdre un temps précieux pour remettre la main dessus. Pas de chance, cela a été la fois de trop. Je lui ai tordu le cou magiquement et il m'a servi de casse-graine matinal. Partiellement, cependant. Je n'ai ni pris le temps de le décortiquer ni de préparer ce qui restait pour l'emporter. Tout de même, ce bout de viande fraiche, quoique pas terrible niveau goût, m'a remonté le moral.
Je poursuis ma route en ce troisième jour, irrité par un détail d'importance : je pue l'oiseau mort. Malgré tout ce que me hurle mon instinct, je fais un arrêt pendant mon voyage à proximité d'un lieu de vie humain. Ce ne sont pas eux qui m'intéressent, mais leur puits. Perché dans un arbre non loin de celui-ci, je camoufle au mieux l'écharde pour ne pas attirer leur attention et demeure posé dedans, attentif. Et ça va, et ça vient, et ça frappe un gamin qui vient de trébucher et de renverser un pot de bizarres céréales blanches...

(Tch !)

Et le morveux de courir à toutes jambes vers mon arbre, de l'escalader et donc de m'obliger à... User de mon pouvoir pour me fondre dans une ombre. Et il reste là à chouiner et gémir, et se plaindre. Comme si les larmes pouvaient tout résoudre. Morfle donc, vermine. Chute et apprends à te relever tout seul, parce que personne ne le fera pour toi. Après une attente interminable, le bestiau bipède se décide à bouger sous l'injonction d'une femelle s'activant au puits. Il commence à faire sombre donc il faut se bouger. Et forcément, pour bien montrer à quel point les rejetons sont des poids morts, il se prépare à se laisser tomber de ma branche et hésite. Longtemps. Trop. La main avec laquelle il se retient râpe brutalement contre l'écorce, et... Il chute, atteignant le sol en se tordant la patte, attirant à lui une nouvelle torgnole et l'attention des présents. Je me frotte lentement le coin des yeux, fatigué, mais soulagé. La femelle a eu le bon goût d'abandonner un seau plein pour s'occuper du mouflet et emmener d'autres humains à sa suite. Enfin une bonne chose ! Et juste pour le prix d'un petit coup de pied bien ajusté.

Quatrième jour. J'aperçois enfin la ligne de la forêt au loin. J'ai hâte d'arriver, de refourguer cette foutue épine de feu à la meneuse et de manger quelque chose qui ait du goût ! Par mes ailes, marre des fruits séchés ! Je change mon rythme de voyage tant j'ai envie d'arriver. Quelques heures de vol puis bivouac et repos. Si on peut utiliser ce terme lorsque chaque période de sommeil me fait rêver d'être face avec un autre moi-même, sans ailes, aux yeux au coloris inverse des miens. Le blanc est teinte ténèbres, le bleu sombre est blanc. Et il se permet de sourire, de me passer le bras sur les épaules comme s'il était un camarade toléré. Et j'ai beau le frapper de mes ailes, la brume qui le forme se dissipe pour se réunir sur un visage goguenard. J'ai beau détester ce que je vois, je finis par m'y habituer. Quelque part, j'ai la certitude que c'est le Crapaud et en même temps, je suis persuadé de voir mon reflet. Déstabilisant, mais pas aussi alarmant que j'aurais cru.

La nuit est tombée quand je perçois enfin distinctement le bruit d'ailes de plumes. Énervé, je peste contre ces arbres qui se ressemblent tous et du temps qu'il m'a fallu pour me rappeler de l'emplacement du campement. Tenant l'objet de ma mission de manière assez visible, je m'assure avoir mon casque rivé à mon crâne. Si je sens trop de regards sur mon teint de peau, je vais arracher des mirettes et les faire bouffer aux autres curieux !

Par mes ailes, que j'ai hâte de revoir un visage apprécié, peu importe l'expression qu'il reflétera !




(1 700 mots)

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Dernière édition par Nessandro le Dim 3 Sep 2017 22:07, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Ruines de Nayssan
MessagePosté: Dim 3 Sep 2017 10:22 
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Ton arrivée ne déclenche pas plus de réactions que cela. Sans doute parce que des éclaireurs t'avaient remarqués depuis longtemps. Tu t'enfonce donc sans problème dans le camps, jusqu'au grand arbre, où tu trouves Shada'iss, non pas au sommet, mais au pied, accompagné de Gorog, d'un lutin et d'un des miliciens qui étaient là au début de la mission, le dénommé Cassius. Ils ont l'air en grande conversation et l'aldryde à entre les mains une étrange amulette...

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