La zone d'embarcation

"La compagnie Air Gris vous souhaite un bon voyage sur ses lignes"

C'est ici que les voyageurs embarqueront en direction de Kendra Kâr, Tulorim, Lebher, Tahelta ou Kers, dans un anyore uniquement.

La piste de décollage est en fait une grande étendue miroitante autour de la salle d'embarquement, un long ponton permet de s'y rendre. L'accès à la piste est strictement interdit au public.

"La compagnie Air Gris espère que vous avez fait un agréable voyage à bord de son aynore"

Vous posterez ici jusqu'à votre embarquement.

Je m'approche d'Harniän et lui caresse la crinière doucement en souriant aux aventures qu'on a vécues ensemble et à toutes celles que j'ai vécues sans lui, comme le Naora. Plusieurs Ermansis débattent à voix hautes, un peu plus loin sur la plateforme, manifestement penchés sur une chose ou un être plus petit. Bien que ne voulant pas être indiscrète, ma curiosité l'emporte et c'est une bonne occasion de tester mes pouvoirs dans une situation de paix. Continuant mon geste sans plus y réfléchir, je ferme mes yeux et concentre mon ouïe sur le groupe. Les voix viennent colorer mon esprit comme elles le faisaient dans le monde aux pas et aux portes. Chacune a sa couleur, fonction de son timbre.

"Vos explications n'ont aucun sens. Vous n'avez rien à faire ici!
"Je dérange pas, je fais que passer!"
"Comment êtes-vous arrivés d'ailleurs?"
"Dans mon traîneau. Avec mes six rennes bien sûr."
"J'ai plutôt l'impression que t'as trop bu et que tu t'es endormi dans un aynore!"
"Je viens chaque année avec mon traîneau. Laissez-moi passer, j'ai encore quelques continents à faire moi et j'ai pas une vie pour le faire!"
"Tu vas encore nous raconter ton histoire de livraison en une nuit..."
"Il lui faudrait un fluide temporel pour le faire moi je dis..."
"Il vient peut-être pour ça..."
"LAISSEZ-LE PASSER, BANDES D'IDIOTS!"

La voix soudaine et forte me surprend et je sors de ma concentration, rompant l'ouïe plus brutalement que je ne l'avais prévue. Je plonge directement mon regard dans la direction du groupe. Je ne tarde pas à comprendre que la voix vient du grand elfe doré qui s'est tout juste incruster dans la masse et qui continue à crier, presque assez fort pour que je comprenne sa voix malgré la distance, en faisant de grands gestes. Les autres s'écartent petit à petit, me laissant entrevoir la raison du conflit, un sinari à la voix grave et calme. Ses vêtements sont des plus particuliers, il est entièrement vêtu de rouge des mollets à la tête. Il porte un bonnet ridicule orné de fourrure blanche et d'un pompon de la même teinte. Il conduit six rennes traînant un simple traineau de bois, tellement chargés de colis divers et variés que je me demande si lui-même ne chevauchait pas un de ces animaux pour le voyage.

"Ah, j'avais peur qu'on le rate!"
"Qu'on le râte? Qu'on râte qui?"
"Le Sinari Rouge!"

J'attrape mon père par la tunique pour l'empêcher de se ruer droit vers l'être. Bonne idée, il est manifestement entrain de se faire interroger par le garde Ermansi. Mon père me regarde, une lueur de doute passe dans ses yeux tandis qu'il observe la scène.
"Mais qu'est-ce qu'ils font? Ils sont nouveaux ou quoi?"
"De quoi tu parles, Âdar?"
"Des Ermansis. C'est le Sinari Rouge, il passe chaque année ou presque pourtant..."
"Et qui est-il?"

Je ne peux m'empêcher d'être inquiète face à ce Sinari arborant aussi fièrement les couleurs de Meno et même sur ce lieu-ci, je peux m'attendre à n'importe quoi...
(Non, là t'es paranoïaque... C'est le père Noël de Yuimen, c'est tout, tu devrais aller le voir!)
(Tu vas pas t'y mettre toi aussi?)
(Il a pas d'aura... Il n'a aucun rapport avec Meno, idiote... Suis ton père, il sait ce qu'il fait.)

Mon père, que j'ai lâché durant quelques poussières de seconde d'hésitation court déjà vers le Sinari. Abandonnant la lutte, je décide de le rejoindre, me fiant à ma faera. Sans doute mon manque de sommeil embrouille mon esprit parce qu'en effet le Sinari n'a rien de dangereux et semble même emprunt d'une bonhommie toute agréable au final.

"OH, OH, OH... Tenez, c'est pour vous!"

Il me jette alors un paquet que j'attrape d'un geste souple, il fait de même avec mon père qui commence déjà à déballer son cadeau sans attendre. On dirait réellement un enfant, à croire qu'il n'a que trente ans et pas huit cent passé... Pour ma part, je commence par m'asseoir et ôte le ruban vert semblable à de la liane avec même des feuilles dessus, à croire que le colis était fait pour moi et que le Sinari savait qu'il pouvait me trouver ici à ce moment précis. J'ôte le papier qui emballe le cadeau, j'hésite un peu, mais ça ressemble plus à de l'écorce qu'à du papier ou du parchemin. Enfin, je parviens à la boîte légère que j'ouvre avec impatience...

Dans la boite carrée, j'y trouve des chocolats. Je hausse les épaules et dépose le paquet dans ma besace, on sait jamais que j'ai faim...

"J'ai eu une bouteille de doux-rêve et toi?"
"Une simple boite de pralines, bon, on y va?"
"Une simple boite de pralines? Non, ça c'est pas possible, ou alors il s'est trompé de cadeau!"
"Pourquoi donc?"
"Parce que le Sinari de Noël ne donne jamais de cadeau dans le genre à une âme héroïque!"
(Une âme héroïque?)
(Je t'expliquerais ça un jour!)
"Et donc?"
"Passe-moi ton cadeau que je vois ça!"

J'envoie le ballotin de pralines à mon père qui l'ouvre et éclate de rire en me tendant le paquet tandis que je reste incrédule devant sa réaction.
"Qu'est-ce qui se passe encore?"
"T'as pas lu la carte qui était dedans?"
"Non..."
"Les chocolats au lait avec noisette contiennent un mélange de manon et de café. Les chocolats au lait parsemés de tayram sont fourrés aux chamsians lactés. Les chocolats noirs recouvert d'une couche de sanim sont aux tayram et au manon. Les chocolats blancs décorés à la crème sont fourrés au pralinés de nimrai..."
"Bien ce que je dis, des bêtes chocolats..."
"Non, attends d'avoir lu la dernière sorte: Les chocolats blancs avec un pétale de snaria en décor permet de voir les esprits."
"C'est quoi ce délire encore?"
"Et bah fait attention quand tu dévoreras les pralines... Ne touche pas à celles-là."
"DAME LOTHINDIL! MESSIRE HERAME!"
"Quoi encore?"
"On vous attend! Venez vite!"
"Allez viens, on y va!"

J'ai à peine le temps de refermer le paquet de chocolats et de le glisser dans ma besace avant de me faire entraîner par mon père vers la porte de l'aynore.

(((Vers l'Aynore)))