Si j'en crois les sons autour de moi, Siril continue à jouer avec son athamé en ne s'occupant que de moi, me trouvant forte à son goût manifestement. Même si ça se fait surtout à mes dépens, mon travail de distraction est efficace. Je ne parviens d'ailleurs pas à éviter le coup suivant du golem qui m'arrache un cri de douleur et m'envoie valser dans le décor. Il faut que je me concentre mieux sur le combat, mais pour ça il faudrait que je puisse prévoir les attaques de mon adversaire, ce qui n'est pas le cas, privée de ma vue.
(Utilise un autre sens, le guidage mental n'est pas assez précis !)
Et si c'était pour ça que Yuimen m'avait fait développer mes cinq sens ? Terrée au ras du sol, je tente d'oublier les sensations de mon corps, ainsi que les odeurs entêtantes du monstre, de ne penser plus qu'aux sons que j'entends. Je perçois le moindre frôlement des lianes, le moindre tapotement du pied de Siril, le frôlement du tissu de la robe royale glissant sur le sol. Chaque bruit vient éclairer mon esprit d’une couleur différente, traçant un dessin complexe, beaucoup plus que celui avec les pas et les portes, plus coloré et nuancé mais tout aussi précis dans leur localisation. Un frôlement de lianes vient dessiner une trace verte proche de moi. Non, pas un frôlement, mais plusieurs, plein de lianes glissent les une sur les autres, formant un bras qui se déploie, je perçois même des branches qui craquent en profondeur laissant des traces brunes fugitives dans le flot vert qui prend la forme d'un bras à proximité. Brutalement, celui-ci s'écarte de moi dans un grincement de bois, mais ce n'est pas ce son-là qui attire mon attention, mais un autre, beaucoup plus léger, en arrière-plan, presque dissimulé. Le sifflement du vent proche de moi, signe que le bras s'agite avec vitesse me contraint à une roulade assez peu conventionnelle vers ce que Anouar m'indique être une table.
"Je m’attendais à plus combattif de la part d’une gardienne. Même ce crétin de chambellan luttait plus que ça."
Planquée, bien à l'abri, je fais fi de la réflexion déplaisante, guettant le petit bruit que j'ai capté plus tôt, et me retrouve secouée par une explosion de couleurs due sans doute au choc du golem. Difficilement, je poursuis mon idée, persuadée que la solution est là derrière ce murmure, ce qui nécessite d'ôter toutes les parasites tels ceux des pas de Naémin et du chancelier s'écartant dans le couloir, ceux de leur vêtement se frottant ou encore celui du vent qui se caresse les branches et les feuilles de ma propre coiffure et de mon bouclier. A nouveau, un petit clapotement, comme celui d'un doigt tapant un objet me parvient juste avant d'être couvert par le glissement des lianes et les grincements du bois.
(Tu l'as entendu ?) (Oui, c'est Siril qui tapote son couteau !) (Mais bien sûr, un druide derrière le golem !)
Un grincement de pierre, mais surtout un souffle de magie s'échappe du monstre proche de moi. Je souris, Siril a oublié que j'ai combattu moi aussi sa créature et que je connais sa magie. Je compte jusqu'à trois et me rue vers la druide au lieu du golem, laissant la colonne s'abattre sur la table derrière moi, la réduisant en miettes vu l'explosion suivie de petits éclats de couleur rebondissant tendrement sur le tapis précieux qui se trouvait manifestement sous le point d'impact. Utilisant toute ma puissance, je frappe non pas sur mon adversaire, mais sur son couteau qu'elle lâche sous la puissance de l'impact. Coupée du lien le reliant à sa maîtresse, le mouvement du golem s'arrête net tandis que la lieutenante lâche un juron digne de certains piliers de comptoir de la taverne des sept sabres à Kendra Kâr alors que le sifflement du couteau fendant l'air s'éloigne de nous, passant peut-être même par la fenêtre, ce qui m'arrangerait.
"Peste soit de Yuimen et de ses maudits gardiens. Je vais devoir te tuer de mes propres mains, vu que je ne peux pas le faire avec mon joujou !"
Pour ma part, entraînée par mon élan, je roule contre le mur où je m'immobilise, accroupie. Un chuintement typique m'avertit que Siril vient de tirer une épée d'un fourreau que je n'avais pas repéré. J'ignore quelle est sa puissance réelle, mais cela m'importe peu, ma mission est remplie, j'entends le chuchotement de Naémin poussant le chancelier à passer derrière le tableau.
"Désolé, mais le duel n'est pas pour aujourd'hui !"
Sans attendre qu'elle utilise sa lame sur moi, je me sauve en direction de la porte, rengainant une Astinor qui voulait pourtant en découdre, suivant les indications d'Anouar pour éviter le sofa où était couchée la Reine et me rue dans le couloir sous les imprécations d'une Siril manifestement pas ravie de la tournure de la situation, mais dont les pas se dirigent droit vers moi. Epuisée par mes blessures, mais sans trop réfléchir, je me retourne et plante mon bâton au sol dirigeant ma magie droit vers l'antichambre de la suite Royale, le sol se met à trembler dans un feu d'artifice coloré agréable pour mon esprit.
(On t'a demandé de sauver Tahelta, pas de démolir la ville plus que tes ennemis.)
Je relâche la pression de mes fluides sans trop comprendre la remarque de ma faera. Ce n'est que quand Siril se redresse et se met à courir vers moi, sautant au-dessus d'un buste ayant appartenu à un valeureux ancêtre du Prince que je réalise, au bruit, la connerie que je viens de faire. Le sol, sous mes pieds autant que sous ceux de mon adversaire est entrain de se fissurer en un tas de craquements qui laissent dans mon esprit des traces comme des coups de couteau puis un grondement plus sourd et moins sympathique apparaît dans mon esprit, couvrant toute la surface des bruits précédents. L'image est trop claire pour que je fasse autre chose que de m'enfuir, laissant Siril et son golem qu'elle va regretter d'avoir fait si lourd dans la pièce, non sans avoir déclenché une nouvelle secousse, plus faible, mais ciblée sur une l'origine du grondement, de manière à précipiter la chute. J'ai à peine atteint le tableau qu'un vacarme se produit, m'obligeant à rompre ma "vision" auditive sous peine de devenir sourde.
"Descendez ! Et courrez si vous le pouvez !"
Deux exclamations de surprise accueille mon ordre, je sens que quelque chose ne va pas, mais sachant ce que je viens de faire, l'urgence est de partir, quoiqu'il arrive.
"La Reine est morte !"
La voix du prince est froide, presque détachée, même si on sent une certaine pointe d'amertume.
"Et nous allons subir le même sort si nous ne courrons pas alors descend cet escalier !"
Sans le moindre respect, et sur les indications d'Anouar, je me saisis du corps déjà froid de sa majesté que je charge sur mon épaule avant de dévaler l'escalier. Mon geste choque sans le moindre doute, mais fait réagir les deux hommes qui se mettent en mouvement. Une fissure apparaît juste à ce moment-là dans le mur qui tient le tableau, celui-ci chute au sol d'ailleurs, éclairant le passage secret. Un bref regard tandis qu’une secousse nous fait chuter dans la tapisserie du bas de l’escalier. Nous nous redressons et courrons à travers le couloir, tous le monde fait de même : plantes, Sektegs, Garzoks et même l’un ou l’autre troll, chose rare. Plus personne ne se soucie de nous, tout le monde veut s’écarter de la zone qui tremble, nous y compris. Nous courrons, dévalons les escaliers. Je m’efforce de maintenir l’état de stress propre au combat pour prolonger un peu la durée de ma puissance, nécessaire pour courir avec un corps sur les épaules. Autour de moi, le chambellan, soigné par une des potions de Naémin ainsi que celui-ci frappent autant qu’ils peuvent pour me protéger, moi et le corps de sa défunte majesté. Je continue à courir, ne suivant que les ordres précis d’Anouar, me dirigeant enfin vers la sortie de ce maudit palais. La lumière du soleil couchant filtrant à travers la porte démolie parvient à percer mes yeux, je ne distingue rien, juste un changement de couleurs. (Ta vision mettra du temps à revenir je pense.) "A droite, on va monter sur le petit toit de l’établi, l’aynore pourra nous récupérer là ! " Je commence à sentir l’épuisement me gagner et soupire, je ne peux pas voir mon tatouage et ignore ce qu’il me reste comme magie. Mon bouclier s’effeuille, je commence à perdre mes poils. (Un sort, pas plus.) Je n’hésite pas et relance mon sort de force, interrompant la pelade et renouvelant même les poils déjà tombés. Nous continuons à courir, mes deux alliés forçant le passage contre des ennemis pas forcément enclin à nous laisser pénétrer plus avant dans le château. Après de nombreux morts, de nombreuses blessures et une courte volée d’escaliers, nous nous retrouvons sur le toit, au-dessus de la marrée verte qui orne la plateforme d’embarquement. Naémin, après avoir vidé la place avec le chambellan, sort un miroir de sa poche qu’il dirige vers le ciel. Il ne faut guère de temps pour que l’aynore vienne et nous rejoigne, nous lançant une échelle de corde. Je laisse Naémin monter en premier, très leste, manifestement habitué à l’opération. J’ai déjà pratiqué ce genre d’escalade, mais sans poids sur l’épaule et avec quelque chose pour couper le vent. Une main tenant toujours la Reine sur mon épaule, l’autre sur l’échelle, je gravis tant bien que mal, ne devant mon absence de chute qu’à la force de mon sort qui me permet de me maintenir, avec sa Majesté et à mes réflexes. C’est ravie, et épuisée que j’arrive dans l’aynore, déposant le cadavre royal pour m’affaler au sol, terrassée par la fatigue et les blessures. Je ne sens même pas l’aynore partir.
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Je suis aussi GM14, Hailindra, Gwylin, Naya et Syletha
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