Comme prévu, la suite s'avère assez désagréable dans un premier temps. D'abord la vue qui se trouble jusqu'à disparaître totalement, me plongeant dans un noir à la limite de l'oppressant, ensuite un à un les cinq autres sens qui disparaissent, me laissant vide de tous contacts avec l'extérieur, même Anouar a disparu, je la sais près de moi, mais je ne la sens plus. L'impression terrible d'être morte, comme ça, stupidement pour avoir fait confiance à un vieil homme fou.
Mais ce n'est pas un coma, non, ça n'est pas possible. Je sens la fièvre qui traverse mon corps, j'ai froid, ou plutôt j'ai chaud, je meurs de chaud, plus que dans le désert. Non, finalement il fait froid, plus froid que quand je suis revenue avec la graine au temple. Puis j'ai faim, c'est idiot, mais là précisément, j'ai faim... Mon corps réclame à manger, il lui manque de l'énergie, il a besoin de force pour se battre. Comme s'il allait se laisser détruire par une simple décoction de plantes. En même temps, une druide qui mourrait par les plantes, ça aurait quelque chose de très ironique, non ?
(Sans doute...) (Hey, mais t'es qui toi ?) (Et toi, dis-moi qui tu es...) (Je suis...) (Cherche pas, je suis toi et tu es moi... ou l'inverse, c'est comme tu préfères.) (Et depuis quand je me parle à moi-même ?) (Depuis que tu as bu un produit hallucinogène, je suppose. D'ailleurs, si tu ouvres les yeux, tu peux même me voir !)
En effet, il suffit que j'ouvre mes paupières pour me découvrir. Pas comme je pourrais me voir dans un miroir, non. Mais moi telle que je suis, particulièrement réaliste, sous toutes les dimensions et...
(Oui, je suis toute nue...) (Tu lis dans mes pensées ou quoi ?) (Je suis toi, crétine. Tes pensées sont les miennes !) (Ca explique pas pourquoi tu te ballades nue.) (Ah, ça c'est parce que je suis toi.) (Ca n'explique pas tout. Je ne suis pas à poil, moi !) (Ca c'est normal. Toi t'es toi. Et moi je suis Toi.) (Arrêtes, tu m'embrouilles !) (Y a rien de complexes pourtant. Moi je suis toi, naturelle. Telle que tu aurais pu, du ou a été, comme tu veux. Je suis Toi, telle que la nature t'as créé.)
Je me secoue la tête, pour tenter de comprendre ce qu'elle me raconte-là. Ce n'est qu'en la regardant que je m'aperçois d'un certain nombre de différences entre nous : sa peau est légèrement plus grise que la mienne qui porte une teinte légèrement terreuse, invisible d'ailleurs sans pouvoir comparer. Puis ses cheveux, bien sûr, ils sont fins et blancs. Pas de tatouage non plus d'ailleurs. Nulle part. Et les yeux... Tiens, elle a les yeux bleus, c'est dingue finalement à quel point j'ai changé ces dernières années.
(Ca je te le fais pas dire. Plutôt jolie ta crinière. Je constate que les Dieux n'ont toujours pas appris à raccommoder les corps. D'ailleurs, sais-tu que ton père porte de l'écorce en guise de peau sur sa jambe droite ?)
Je souris, essayant de me rappeler si je m'étais déjà aperçue de ce détail ou non.
(Tu sais ça comment ?) (Tu le sais depuis que t'es gamine. T'ignorais juste à quoi ça correspondait. Et comme toi tu sais, bah moi aussi je sais !) (Bon et à part ça, t'aurais pas vu un sort ultime traîné je suppose ?) (Oh si... Plein même. Cette grotte est géniale, y en a de partout des ultimes ici !) (Où ça ?) (Regarde, idiote... Tout ça ce sont des ultimes.)
Maintenant qu'elle... ou moi, je ne sais plus d'ailleurs, le dit, c'est vrai qu'il y en a partout. Nous sommes entourés de sorts, enfin si ces boules sont des sorts bien sûr. Mais comme à part de la roche et nous deux y a rien, ça doit être ça que je cherche. Y en a pour tous les goûts. Des biens rondes toutes lisses, des cristallines, des avec fourrures aussi, ou encore des fleurs, des lianes emmêlées ou du bois; certaines ressemblent à des pépites d'or, ou d'argent, ou même de mythril.
(Ouais, c'est un fameux bordel... Je le trouve où, le mien dans tout ce choix ?) (Bonne question. Si tu sais pas, moi non plus. Mais ça devrait pas être si dur.) (On va voir de plus près à quoi ça ressemble.) (Pourquoi pas, au pire ça t'arrache un bras, c'est tout !)
Je tends la main vers la boule de poils grise la plus proche de nous, enfin de moi. A peine l'ai-je frôlée, que je fais bombarder l'esprit d'images, comme Anouar sais si bien le faire. Une meute, pas un loup, mais une bien une meute complète d'une dizaine d'individu invoquée en même temps qui s'élance vers une destination inconnue.
(Non, ça c'est pas pour toi. J'aime pas les loups de toute façon.) (C'est vrai que j'aimais pas ça. Bon trouvons autre chose...)
Je tends ma main vers la boule métallique juste à côté de la boule de poils. Directement, je vois des images d'armures rutilantes, lourdes et pompeuses, décorées avec minutie qui se changent en puissantes armures de guerre.
(Non, pas ça non plus. Argent sur gris, ça fait moche. T'es bien mieux avec ton pourpoint !) (Ouais, là je suis entièrement d'accord avec toi. C'est pas pour nous ça !)
Je passe à la suivante, espérant ne pas devoir toutes les tester, parce que ça risque d'être sacrément long. La boule suivante est en bois, elle ressemble à vrai dire, à une balle de jeu. A peine ai-je posé le doigt dessus que je me retrouve avec des images de forêt grandiose où les arbres se réveillent et...
(Trop sombre, trop terrifiant, sans intérêt.) (J'aurais voulu voir la suite...) (Depuis quand t'aimes les histoires d'horreur, toi ? On aurait dit les vieilles forêts des contes que maman nous lisait où les méchants Oudios mangeaient les gentils enfants jusqu'à ce qu'arrive un bûcheron.) (J'avais pas fait le rapprochement. Bon, la suivante ?)
La suivante est à moitié en plante, à moitié en cristal, un peu comme moi entre ma magie et mon épée. Je la frôle et sans image dans ma tête, je vois la boule se transformer en cristal. Quand je la touche à nouveau, elle se change en plante. Puis une nouvelle fois, elle devient du métal...
(On a autre chose à faire ! Je te rappelle que tu cherches ton ultime !) (Il est pas sympa celui-là ? Il permet de changer la matière à volonté.) (Parce que t'as vraiment besoin d'un jouet ? T'es devenue une guerrière, crétine. A la limite, tu serais restée une pov' fille à bosser dans les bois, pourquoi pas, ça aurait été inutile, mais sans plus. Mais là, ça sert juste à rien.) (Attends, pouvoir changer les armures des gens, en plantes, c'est hyper-puissant comme truc !) (Et t'as pas remarqué que tu devais toucher pour ça ? Tu te vois en plein combat devoir toucher toutes les armures de tes adversaires ? Puis tant que t'y es, tu pourrais changer leur caleçon en sable, ça leur mettrait bien la honte.) (En gros, ça te plaît pas ?) (Moi ça m'aurait plus. Mais t'es une gardienne de Yuimen, je te rappelle. Il te faut du plus grandiose, un truc qui en jette quoi. Là c'est ridicule...) (Oh, d'accord... On va en tenter une nouvelle alors !) (Attends deux secondes. On va tenter de faire le tri plus rapidement. La boule de poils invoquaient des animaux, la changeante, permettait des transmutations, celle en bois, elle modifie des arbres. Celle en métal, joue sur le métal.) (Il y a donc un lien entre l'apparence de la boule et son pouvoir.) (Ouais. Donc faut chercher celle en or !) (Et pourquoi donc ? Ca nous servirait à quoi ?) (T'imagines pas le pied ? De l'or à volonté. Je prends ma retraite à 140 ans et on s'installe sur une île déserte avec une belle forêt.) (C'est ta vie ça, pas la mienne. Moi l'or, ça me sert à rien... T'imagines pas, j'ai filé 10 000 yus au vieil homme pour qu'il me file sa potion dégueux !) (Depuis quand tu rêves plus de t'acheter un aynore, toi ?) (Hey, mais comment tu sais ça... ah oui, c'est vrai, tu es moi. Donc forcément, tu sais ça aussi. Bref, pas d'or, pas de cristaux, pas de diamants, pas d'argent, pas de métal, ni de fourrure...)
Je regarde autour de moi, espérant un truc, un tri, une aide quoi...
(Non, mais sérieusement. Tu pensais pas réellement que les sorts allaient se trier tout seuls ?) (Ah bah si... Ca aurait été sympa, non...)
Mais fallait pas rêver non plus, on a beau être dans mon hallucination, c'est pas pour ça que j'obtiendrais de l'aide.
(Bon, les végétaux, le bois et la terre, près du bassin. Le reste, dans le coin là-bas.)
A peine ai-je formulé clairement cette idée que tout se met à bouger autour de nous. A tel point que nous sommes obligées de nous coucher pour éviter d'être traversée par l'un des nombreux sorts qui traversent la pièce. Quand nous nous relevons, plusieurs minutes plus tard, nous nous retrouvons avec deux tas. Une énorme pyramide de sorts de géomancien ou de shaman empilé dans un coin, parfaitement régulière et de l'autre, un paquet en vrac, se tassant tant bien que mal contre le bassin. Dans le silence, je crois même entendre des chuchotements, mais mon esprit n'est manifestement pas encore assez drogué pour croire que les sorts ça parle.
Je m'approche du tas végétal. Le premier sort que j'approche tente de me bouffer le doigt, littéralement. Manifestement, il sert à donner des dents à des plantes. Je ne peux m'empêcher de sourire en songeant au pouvoir de mon aïeul et l'envoie balader dans la pile des autres sorts, désormais nettement moins rangés. Le second est plus doux et prend la forme d'une rose perdant ses épines pour gagner en douceur. Ca aurait pu être sympathique dans le jardin royal, mais il me faudrait plutôt l'inverse. Ce sur quoi je tombe juste derrière d'ailleurs. Un sort capable de rajouter des épines, des échardes à n'importe quelle plante.
(T'en penses quoi ?) (Ca manque de charme, de féminité. On dirait un sort de gros barbare.) (T'es du genre difficile, toi !) (Ouais, t'as un caractère de chien. On te l'avait jamais dit ?) (Non, les gens sont polis.) (Ou hypocrite. Tiens, essaye celle-là, elle semble pas mal !)
Elle m'envoie une boule dans les mains. Elle est faite de toute sorte de plantes. Dès que je la réceptionne, elle me fait comprendre quel est son pouvoir. Elle s'étend, elle se développe, d'abord une petite forêt très dense, puis une plus grande mais plus légère, pour finir sur un tapis d'herbes. Le tout sans jamais me lâcher. Puis elle se recompose en petite boule avec deux jolies fleurs, ressemblant à celles de mon diadème.
(T'as vu, on dirait qu'elle te fait du charme.) (Je l'aime bien cette petite. C'est la première qui nous parle de créer et pas de dénaturer la vie... Puis ses fleurs, ce sont celles de mon diadème !) (Faut avouer qu'elle en a des qualités. Je vois pas ce que tu pourras en faire au combat, mais ça on verra après tout. Puis faut reconnaître que faire pousser une forêt, ça a de la classe au moins.) (Va pour celui-là... Et maintenant... J'en fais quoi ?) (A partir de là, tu vas être toute seule. J'étais là pour t'aider à trouver, t'as le tien, donc moi je pars.)
Aussitôt dit, aussitôt fait... Je me retrouve seule, avec ma boule de sort entre les doigts, ne sachant toujours pas quoi faire avec.
(Ouvrir les yeux peut-être ? Puis arrêter de me serrer ainsi, c'est désagréable !)
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Je suis aussi GM14, Hailindra, Gwylin, Naya et Syletha
Dernière édition par Lothindil le Dim 23 Déc 2012 15:49, édité 1 fois.
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