Dans le chapitre précédent…




La Sindel arborait le ton condescendant caractéristique de sa race, doutant très clairement de la véracité des propos de Akihiko. (A raison peut-être) se dit-il, mais il ne le saurait qu'une fois là-bas. Akihiko la remercia tout de même de ses indications, récupéra les billets puis voulut se diriger vers le cynore qu'elle lui avait indiqué lorsque l'homme derrière lui le bouscula, visiblement pressé de prendre son billet lui aussi. Surpris, l'enchanteur attrapa instinctivement la poignée de son arme et dénuda sur quelques centimètres la lame irisée. L'homme qui devait être visiblement kendran déglutit bruyamment avant de bredouiller confusément un début d'excuse. Il se souvint alors des deux gardes du corps qui l'accompagnaient et reprit alors une posture plus digne, mais il regardait tout de même avec une pointe de crainte dans les yeux Akihiko. Celui-ci rengaîna son arme, voyant que ce n'était qu'un simple client. Il vit aussi les deux gardes du corps se décrisper et éloigner leurs mains de la poignée de leurs armes. Ils avaient l'air soulagé de ne pas avoir à se battre contre cet épéiste au sabre d'une facture somme toute exceptionnelle. Sans un mot, le fulguromancien s'éloigna de la file et rejoignit d'un pas rapide le cynore qui semblait se préparer à partir. Des tonneaux pleins d'un liquide non identifié étaient déversés dans des réservoirs par des entonnoirs. La nature de ce liquide et son utilité lui était complètement inconnue, mais encore une fois Amy lui expliqua.

(C'est ce qu'on appelle du carburant, la source d'énergie des cynores. La matière et l'origine de ce liquide argenté m'est en revanche totalement inconnue. J'y perçois aussi une très forte concentration fluidique, sans parvenir pourtant à l'identifier.)

(Carburant ?) C'était la première fois qu'il entendait ce mot. Si cela fournissait l'énergie nécessaire aux cynores pour voler, peut-être était-ce similaire aux chevaux tirant une charrette. Mais voyant mal comment le mastodonte utiliserait ce liquide pour voler, il supposa que l'exemple de l'avoine donnant de l'énergie aux chevaux était sans doute plus proche de la réalité.

Il en fit le tour et monta par ce qui devait être l'arrière du véhicule, via une trappe qui s'abaissait comme un pont-levis. Derrière, il apercevait une rangée de sièges solidement fixés au sol qui était un peu en pente pour une raison que le jeune homme ne parvenait pas à saisir. Ils étaient tous numérotés sur leurs assises et Akihiko alla à la place marquée sur le billet, le numéro 12, situé au deuxième rang à droite. Il vit également que chaque siège était muni d'une curieuse bande de tissu, très résistante, pendant au niveau de l'épaule gauche. Le siège était curieusement très légèrement penché en arrière, si bien qu'il avait en face de lui le toit du cynore et non le siège devant lui. Il regarda tout autour de lui, détaillant son environnement. Fasciné, Akihiko pouvait voir le squelette du cynore en la présence de robustes poutres qui partaient toutes en arc de cercle d'une bien plus grosse, comme une colonne vertébrale munie de ses côtes. Les parois étaient peintes dans un gris clair très sobre, ornées par endroits de motifs stylisés dans une peinture métallisée plus sombre. Devant lui, il pouvait voir une porte solidement bâtie ainsi qu'un garde Sindel étonnamment musclé pour son espèce. Une courte rapière et une dague pendaient à sa ceinture, parfaites pour se battre dans des milieux aussi exigus.

(La cabine du conducteur de cynore.) présuma sans trop de mal l'enchanteur.

Justement, celle-ci s'ouvrit quelques minutes plus tard, laissant passer le visage émacié d'un autre Sindel aux cheveux blancs. Il observa d'un rapide coup d'œil ses passagers, sembla s'attarder sur Akihiko puis son garde du corps lui fit un rapide hochement de tête. Le conducteur fit un rapide hochement de tête et disparu dans l'embrasure de la porte qui se referma aussitôt. Le Sindel prit alors la parole, d'une voix grave de baryton.

« Messieurs Dames bonjour et bienvenu dans ce vol en direction de Kendrä Kar. Une fois la porte arrière refermée, elle ne s'ouvrira plus avant la fin du voyage. Si certains veulent partir, c'est maintenant. » il balaya l'assemblée soit attentive à ses paroles, soit désintéressée par l'habitude. « Bien. Nous allons donc refermer la porte arrière. Derrière votre épaule se trouve une bande de sécurité. Veuillez l'attaché par un nœud à la boucle située sur le bord droit de votre siège et laisser de quoi glisser votre paume entre la bande et votre poitrine. » Il tapa alors deux coups rapides du poing sur la porte derrière lui. Aussitôt après, des cris retentirent, un mécanisme dont Akihiko ne voyait aucun signe sembla se mettre en marche avant que la trappe ne commence à se lever pour refermer tout accès vers l'extérieur. Il entendit le bruit de l'acier racler contre l'acier et se douta qu'on verrouillait de l'extérieur le vaisseau.

Le Sindel reprit alors la parole. « Je suis Hilin' et pour toute indication, veuillez vous adresser à moi. Ne détachez votre bande sous aucun prétexte avant la fin du décollage. De plus, et pour tout le vol, j'attaquerai quiconque se lèvera sans m'avoir prévenu à l'avance. Un pot de toilette propre se trouve dans une cabine à droite au fond de l'appareil. Le vol durera une journée. Je rappelle qu'Air gris n'est en aucun cas responsable des incidents ayant lieu sur ses vols et qu'il ne fournit aucun repas. Je vous souhaite à tous un agréable vol. »

Sur ces derniers mots, L'homme croisa les bras sur sa poitrine et tout juste après, le cynore se mit soudainement à violemment trembler. Les hélices se mirent à rugir et un vrombissement sourd commença à se faire entendre. Akihiko se cramponna par réflexe aux accoudoirs de son siège en sentant l'étrange sensation de son corps quitter le sol. L'habitacle se mit à tanguer un peu sur la droite puis la gauche, alternant alors qu'il s'élevait dans les airs. Luttant quelque peu pour rester en place mais maintenu par l'inclinaison du siège et les bras du siège, le jeune homme observa que le fameux Hilin' n'était pas le moins du monde affecté par ces oscillements, fermement campés sur ses pieds. Au bout d'une petite minute, le véhicule cessa de pencher sur la droite et sur la gauche pour se pencher légèrement en avant et Akihiko sentit son corps s'enfoncer un peu dans son siège, sentant qu'il accélérait à une vitesse incroyable. Le siège se trouva alors dans une position plus horizontale, de même que le sol. Certains des passagers qui n'avaient pas prêtés aux instructions de Hilin' se détachèrent et sortir de leurs sacs divers documents qu'ils commencèrent à parcourir, parfois annotant certains bords avant de passer à un autre.

Akihiko décida de rester attaché. Dans son esprit, plusieurs sensations s'entrechoquaient. D'abord, l'excitation de son premier vol mêlée à une crainte on ne peut plus naturelle. Par-dessus s'ajoutait une dose de fatigue due à son combat de la journée ainsi qu'un début de haut-le-cœur provoqué par le décollage. C'est pour ça que lorsqu'il ferma les yeux pour contenir l'envie de vomir, la fatigue s'abattit sur lui en même temps que ses paupières sur ses yeux et il sombra dans un profond sommeil, bercé par le balancement rythmé et à peine perceptible du cynore.

A suivre…

Tentative d'identification de la rune Phu, résultat D100: 13, réussite.

Cette fois, Cherock parvint à ses fins et le sens de la mystérieuse petite pierre lui apparut soudain: "Phu" n'était autre qu'une rune objet signifiant "livre".

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Akihiko rangea la rune dans sa poche et se pencha de nouveau pour observer le paysage qui défilait. Il avait pu l'identifier comme la rune signifiant « Livre ». (Je me demande bien ce qui pourrait se passer si je la brisais ici et maintenant...)

Il passait actuellement au-dessus des étendues boisées du dûché de Luminion et pouvait observer au loin les contours des montagnes au centre du continent. Et, quelque part parmi elles, se trouvaient Mertar. La ville abritait aussi bien des amis que des ennemis, dont certains lui en voulaient avec beaucoup de férocités. Les Enragés de Valyus, pour ne citer qu'eux, lui vouait une haine démesurée. Assez pour se lier avec une secte vouant un culte à un dieu autre que Valyus.

Il prit alors le Marteau runique de Valyus en main et le soupesa, admirant encore une fois le travail d'orfèvre produits par les maîtres forgerons qu'avaient pu être Vlad Poigne-Ardente et ses collègues. La magie qu'il fit circuler dans l'arme activa un à un les différents caractères runiques qui étaient gravés sur toute sa surface. Vraiment, le travail avait été exceptionnel. Même maintenant, il sentait sa force et son affinité avec ses fluides de foudre augmenter. (Jamais je ne laisserai un tel artefact tombé dans les mains de personnes aussi tordues.) Il avait en plus souffert pour entrer en sa possession et le libérer de son sarcophage de foudre.

Puis alors qu'il faisait rouler le manche entre ses mains, quelque chose lui revint en tête. Une vieille histoire perdue sur laquelle il était tombé alors qu'il faisait ses recherches sur les métaux élémentaires qui le fascinaient. Evidemment en cherchant tout ce qui pouvait y atraire, il était tombé sur quantités de légendes sur leurs origines, leurs utilisations, mais également sur des artefacts réalisés avec ceux-ci pour en faire des objets aux pouvoirs phénoménaux. Cette partie avait particulièrement attiré son attention et après plusieurs recherches dans la bibliothèque d'Oranan et celle du temple de Rana, il avait pu apprendre l'existence des reliques élémentaires. Les reliques élémentaires étaient des artefacts profondément liés à un élément en particulier, à tel point que le Dieu de l'élément en reconnaissait la valeur. Toujours selon ces différentes légendes, rassembler les reliques d'un même élément donnait des pouvoirs impressionnant à son détenteur. Cependant, les informations étaient incomplètes sur de nombreux points : le plus évident, c'est qu'aucune liste clairement établie des différentes reliques n'était étable. Par exemple, Akihiko n'avait trouvé aucune mention de reliques liée à l'élément glace, alors que les reliques du feu étaient pour leur part bien renseignées. Il avait notamment appris l'existence d'une épée de feu brûlant de façon continuelle ainsi que d'un boomerang enflammé, une curieuse arme en croissant de lune qui aurait la capacité de revenir vers son propriétaire après avoir été lancée.

Mais ce qui a intéressé Akihiko évidemment, ce furent les reliques de Foudre. Les informations concernant celles-ci étaient parcellaires, mais il avait pu à force de recherche en tirer quelque chose. D'abord, et à sa connaissance c'était les seules dans ce cas, plusieurs reliques avaient appartenues directement à Valyus lors de l'ère des Dieux, cette mythique époque où les Dieux avaient foulé le sol de Yuimen. Avant de partir, le Dieu de la Foudre aurait selon un écrivain méconnu laissé derrière lui sa fidèle cotte de maille ainsi que son heaume. Leur trace s'était dissipée après le départ de leur propriétaire originel. Certaines armes avaient également été reconnue comme digne du Dieu de la Foudre, comme la Lance Foudre, une lance pouvant faire s'abattre la foudre sur sa victime après avoir été lancée. Il était également fait mention d'un stylet ou d'un surin électrique, mais le texte très abîmé n'avait pas pu être déchiffré correctement.

(Ce Marteau est très récent et n'a jamais eu le temps de briller pour paraitre dans de nombreuses légendes, mais je suis sûr que Valyus l'aurait grandement estimé.)

Akihiko passa une grande partie du reste du voyage à contempler le paysage défiler, jusqu'à ce que la faim le tenaille et qu'il aille manger une partie de ses provisions dans l'habitacle. Il remonta ensuite et admira Yuimen se réveiller avec le soleil depuis les hauteurs du cynore. Il réchauffa rapidement le jeune homme qui retira sa cape, le laissant dans une tiédeur bienvenue. Avec la lumière solaire, la vie qui se déroulait sous lui devenait visible et bien que sa vitesse l'empêchât de pouvoir se focaliser sur des habitants en particulier, il apprécia le fait de voir le monde de ce point de vue.

Lorsqu'enfin la cité de Kendrâ-Kar montra le bout de son nez, l'après-midi venait d'être entamé. Au bord de la mer comme Oranan, la plus grande ville de Nirtim et capitale du royaume humain le plus puissant imposait de par sa masse. Les hauts murs n'avaient pas pu contenir l'ensemble de ses habitants et certaines maisons étaient construites au pied des remparts. De longues routes pavées partaient dans toutes les directions et étaient bondées de caravanes de marchands attendant leurs tours pour pénétrer dans l'enceinte de la ville. Il ne put en voir plus, le garde sindel sommant à tous les passagers de descendre s'attacher à leurs sièges respectifs. La secousse lors de l'atterrissage fit s'entrechoquer les dents de Akihiko, lui causant une douleur déplaisante. Cette douleur disparue aussitôt lorsque la porte s'ouvrit pour faire descendre les passagers.

(Les cynores ? Enormes ? Il fait office de nain à côté de tels mastodontes !)

Car devant lui se tenait, avec toute la majesté possible de sa centaine de mètres de long, ce qui ne pouvait qu'être un Aynore.

A suivre...