C’était typiquement le genre de couac que l’on pouvait commettre quand on n’avait pas assez connaissance du monde extérieur. Le monde extérieur commençait juste aux portes de la ville pour Naori, la zone d’embarcation incluse. De ce fait, la jeune fille n’avait pas su distinguer une simple étale d’un marchand étranger tout crasseux et mauvais caractère, de la bâtisse officielle de la zone. Après une telle altercation, elle se sentait bête et honteuse, mais il ne fallait pas non plus qu’elle s’en inquiète trop. C’était les petits aléas de la vie ! Naori pouvait s’estimer heureuse de ne pas être tombée sur une personne réellement dangereuse, qui aurait pu en venir aux mains sous un coup de sang. Heureusement, un Sindel finit par la prendre en charge et corrigea alors le tir. S’adressant plus poliment, il finit par lui vendre le précieux billet, et lui souhaita bon voyage. Naori inclina légèrement sa tête et le remercia, avant de ranger soigneusement le billet obtenu.
Elle se dirigea vers l’imposant appareil, l’admirant une dernière fois dans sa globalité. Elle peinait à croire que cet amas de fer allait s’élever dans les airs, voler, ou encore moins traverser tout le continent. Pourtant, le génie des Sindel était réputé et si chaque grande ville possédait une ligne de transport de cet acabit, c’était que ça devait être fiable. Elle soupira un coup puis embarqua, montant à bord grâce à la passerelle reliant l’appareil au sol. Naori se retrouva bien vite à bord, sur le pont, observant alors la foule au sol d’en haut. (C’est incroyable !) Pensa-t-elle, alors que l’appareil n’avait même pas encore quitté le sol. Pour une première, cela promettait d’être un beau voyage pour la jeune femme. Naori s’attendait à patienter tranquillement, le temps que le Cynore l’emmène jusqu’à Kendra-Kâr, où elle pensait prendre un Aynore, sur place, en direction de Tulorim. Si le temps ne jouait pas contre elle, Naori aurait pris le bateau … Mais malheureusement, elle ne pouvait se le permettre.
Le Cynore finit donc par décoller après que les autres passagers soient venus. L’appareil s’éleva dans les airs, provoquant une certaine fascination de la part de Naori. Ses yeux voyaient le sol s’écarter et s’éloigner. C’était quelque chose de furieusement surprenant, surtout pour quelqu’un n’ayant jamais mis les pieds en dehors de sa ville. Son cœur battait fort, elle pensait que c’était le fait de voler qui devait lui faire ça. Il s’avéra, quelques dizaines de minutes plus tard, qu’il s’agissait d’un petit mal de l’air. Naori n’en était pas au point de rendre parterre ou d’avoir la tête coincée dans un seau, mais son malaise se voyait. Ce fut après un certain temps que quelqu’un finit par la rejoindre, et toussa assez bruyamment pour se faire remarquer d’elle. La jeune femme tourna son visage vers le monsieur, et vit alors un homme d’un certain âge, les cheveux grisonnants, possédant une petite barbe et étant assez richement vêtu. Certainement un marchand, comme on en croisait beaucoup sur ce type d’appareil.
« Je vois que vous semblez mal-en-point, ma petite dame ! C’est votre premier vol n’est-ce pas ? » Lui dit-il d’une voix avenante, au ton assez excentrique. Naori était plus mal, et sa pâleur ne faisait que confirmer cela. Main sur la rambarde, tête légèrement penchée dans le vide, la jeune guerrière avait l’impression qu’elle allait dégueuler d’un instant à l’autre, sans pour autant passer à l’acte. Une sensation très désagréable ! Elle déglutit puis entreprit de répondre au mystérieux bonhomme.
« Vous avez bien deviné … Je ne me sens pas très bien là, excusez-moi … » Lui répondit-elle, signifiant par là qu’elle était indisposée à parler. Cependant, cela ne découragea pas le monsieur qui se mit à fouiller dans son baluchon, avant d’en sortir une petite flasque. « Là, tenez ça ma petite dame. Buvez-en un peu ça vous fera du bien. Et fixez l’horizon ; regarder un objet stable vous fera passer le mal. » Lui déclara-t-il, lui tendant avec sa petite flasque. Naori la prit soigneusement en main et remercia son interlocuteur d’une petite inclinaison de tête. Pourquoi faisait-il cela ? Nul doute qu’elle allait le savoir dans peu de temps. En attendant elle ouvrit la flasque et sentit immédiatement une odeur assez forte. Comme du … Gingembre ? Naori but un peu, découvrant un arôme assez fort et peu délicat. Mais ce n’était pas désagréable ! Elle rendit la flasque à son propriétaire puis tourna sa tête pour regarder l’horizon comme il le lui avait dit. La vision d’un objet stable comme l’horizon aidait visiblement à moins ressentir les effets du mal de l’air. Cet homme devait avoir beaucoup voyagé par Cynore et Aynore pour devenir un connaisseur.
« Je vous remercie beaucoup monsieur. Mais, pourquoi faites-vous cela ? Je peux faire quelque chose pour vous ? » Lui demanda-t-elle sans se tourner, conservant son regard sur l’horizon. L’homme soupira puis s’appuyer sur la rambarde, fixant à son tour l’horizon, mais par pur envie d’admiration du panorama. « Vous êtes une lame à louer, vu celle que vous portez dans le dos ! Et ça tombe bien, j’ai … Un petit travail pour vous. » Déclara-t-il, faisant ainsi froncer les sourcils de Naori, qui répliqua qu’il faisait erreur et qu’elle n’était pas une mercenaire. L’homme la coupa en lui rétorquant qu’il n’était jamais trop tard pour s’y mettre et, pour la convaincre, lui fit miroiter une belle récompense. « Ce que je vous demande est simple, en plus. Voyez … Je suis un homme d’affaire. Je suis certes vieux mais, mes os sont encore assez solides pour me permettre d’aller là où ma fortune m’attend. Le problème … C’est qu’à mon grand regret, je n’ai que peu de temps à passer chez moi, à Kendra-Kâr. J’y possède une belle maison, pourtant. Quel gâchis … Sans compter que, elle est hantée ! » Dit-il, dans un premier temps.
« Hantée ? C’est-à-dire … Y’a des fantômes, des spectres ? Comme ceux qui font tomber les cadres et qui font claquer les fenêtres ? » Répondit Naori, intriguée. C’était assez curieux, jamais elle n’avait vu de type de créature à proprement parlé. Sa voix semblait trahir d’une certaine fascination, d’une envie de voir ça de ses propres yeux. Bien sur ce détail n’échappa guère au marchand, qui se mit à sourire légèrement.
« Oh, je ne sais pas ce qui la hante à vrai dire. Je l’ai acheté au prix fort pourtant … Ces foutus vils MALANDRINS, ils vont m’entendre grogner ! En attendant, le travail est simple ; débarrassez-moi de ce qui hante ma demeure. Ne faites pas la timide, vous avez une arme et vous savez vous en servir. Je vous paierai à hauteur de vos efforts ! » Déclara-t-il, laissant Naori perplexe. Elle, se lancer dans le mercenariat ? Elle n’était qu’une pauvre guerrière en quête de son mentor, elle n’était nullement le genre de casse-cou prête à braver le danger pour une poignée de Yus. Pourtant l’offre était alléchante, car elle allait avoir besoin de sous pour continuer son voyage. Naori soupira et pencha sa tête, avant de retrouver l’horizon avec ses yeux. Elle ne savait pas si elle devait accepter, si elle avait le temps de faire ce travail. Elle devait se rendre au plus vite à Tulorim, après tout. Le choix était dur … Mais en voyant ce monsieur insister, et lui promettre une récompense, elle finit par se laisser séduire. Le risque était grand car Naori n’avait jamais affronté de créatures tels que des fantômes ou autre, mais elle avait appris à s’adapter.
« D’accord … Je vais voir ce que je peux faire, monsieur, mais je ne vous promets rien. Comment je pourrai reconnaitre votre maisonnée ? » Dit-elle, avant que l’homme ne semble sauter de joie. Il lui décrit la façade de sa maison Kendrane, ainsi que le quartier où Naori pourrait la retrouver. Elle ne savait pas dans quoi elle s’était engagée, mais elle était prête à tirer sa lame au moindre danger. La propriété du monsieur étant gardée, il lui donna des consignes, notamment sur le gardien de la maison qui allait forcément lui demander d’où venait-elle.
« Comment dois-je vous appeler au fait ? » Finit-elle par demander, avant de recevoir sa réponse. « Agrasor Pelinant ! Hum, je suis un homme reconnu dans le métier. Vous direz simplement à mon gardien que vous venez de ma part pour le problème de nuisible, et il vous laissera entrer. » Dit-il. Naori acquiesça et eut un petit sourire, même si elle ne savait franchement pas à quoi s’attendre. C’était sa première fois dans le genre, et autant dire que l’anxiété la gagna rapidement. Fantôme, spectre, esprit frappeur, elle ne savait pas. D’autant plus que monsieur Pelinant avait été très vague au sujet des faits ; des murs qui tremblaient, des grognements … C’était assez maigre. Naori était inquiète.