RencontreIl me prend délicatement le bras et m'emmène sans me forcer, à mon rythme habituel. Il garde le silence, un léger sourire sur les lèvres. Moi même je regarde ce qui m'entoure, la beauté simple de cet aynore, le luxe apparent de certaines personnes et la discrétion d'autres.
Il me fait contourner la salle de "l'auberge", longeant la grande baie vitrée. Je m'arrête un instant pour contempler la vue. La baie vitrée n'est pas verticale , mais enfoncée vers l'extérieur au niveau du plafond. Ainsi la vue couvre un vaste territoire sous nos pieds. Je vois par dessous les quelques nuages bas, Yuimen, cette terre qui nous accueille et qui nous fait vivre. Je reste pensive, admirative devant ce spectacle
"C'est beau, n'est-ce pas ?"Je sursaute. Je l'avais oublié, obnubilée par ce qui se déroulait sous mes pieds.
"Vous savez vous faire discret.""Je n'aime pas m'imposer. Et vous sembliez heureuse de la vue."Je baisse le yeux et me concentre sur la vue, me sentant à deux doigts de rougir.
"En effet, elle est magnifique.""C'est la première fois que vous montez à bord d'un aynore ?"Je me tourne vers lui.
"Non. Je suis issue de la noblesse elfique, les voyages en aynore sont assez courant, chez moi."[color=#BF0040"Ainsi donc vous êtes une elfe ? Cela explique cette beauté naturelle qui vous caractérise."[/color]
Je rougie et baisse les yeux.
"Ne soyez pas gênée. Je suis sûr de ne pas être le premier à vous le dire, et encore moins le premier à le penser."En même temps il relève son bras, m'invitant à le prendre pour de nouveau le suivre, ce que je fais doucement. Cet homme sait parler, et sais toucher les cordes qu'il faut. Il me fait penser à cet homme qui m'a renseigné sur la magie. Est-il lui aussi magicien, professeur ? Ou peut être musicien.
"Puis-je... vous demander qui vous êtes ?""Bien sûr. Je m'appelle Arthurus, Baierouge Arthurus."Baierouge. Ce nom me dit quelque chose. Je suis presque sûre qu'il est elfique, et qu'il vient de près de chez moi. Il est comme le mien. Rosenoire, Baierouge... Et soudain je m'arrête. Il se retourne et me regarde. Je tiens son regard, presque étonnée de croiser un tel homme ici.
"Vous êtes de la famille Baierouge ? Celle dont il a été dit qu'ils pratiquaient la magie noires et que...""...leurs enfants étaient illégitimes. Oui, j'en fait partie. D'où la connaissez-vous ?"Son sourire s'est effacé, mais il ne semble pas courroucé. Plutôt intrigué, en fait. Je le regarde dans les yeux, espérant ne pas l'avoir blessé.
"Je... suis une Rosenoire."Il doit forcément savoir ce que ça signifie. Un de ses parents, ou peut être un oncle ou une tante a dépassé les limites de la magie. Apparemment un acte abominable a été commis, et un membre de ma famille est liée à l'affaire. Mais je ne connais aucun détail.
Il semble réfléchir, me regardant sans violence, sans dégoût, sans déception. Puis un léger sourire se dessine sur ses lèvres.
"Le monde est petit, n'est-ce pas ? J'imagine que vous savez que vos parents ne peuvent plus voir les miens, et que l'inverse est aussi vrai.""Oui. Les propos sur les Baierouge que j'ai pu entendre n'ont rien de courtois.""Il en est de même pour votre famille de mon côté. Savez-vous pourquoi ?""Je... On m'a simplement parlé d'un rituel... sordide, de mort et... c'est tout."Il sourit un peu plus et soupire.
"Vous êtes semblable à une blanche colombe. Une blanche colombe que personne n'oserait salir, ne serait-ce que par des mots."Je hausse un peu les sourcils, intriguée.
"Venez avec moi, nous n'avons toujours pas vu ce que je voulais vous montrer."Il se remet en marche et je le suis, silencieuse. Je trouve étrange qu'un membre de la famille Baie rouge soit si gentil avec moi. Nos deux familles sont censées se détester depuis trop longtemps. Il est vrai que je n'ai rien contre eux, ni contre cet Arthurus. Mais en est-il de même pour lui ?
Je me surprends à penser que peut être lui aussi est tiraillé par ces questions. Alors que nous entamons l'ascension d'un bel escalier en bois, en spirale autours d'une colonne sculptée, je décide de lui demander. Tenant ma robe d'une main pour ne pas marcher dessus, j'inspire avant de prendre la parole.
"Qui... êtes-vous ? Vous... Nous devrions nous détester non, ne serait-ce que parce rien ne nous lie, tout nous oppose."Il ne répond pas tout de suite. En fait, il attend que nous arrivions en haut de l'escalier. Mais il m'arrête à quelques marches du haut, avant de plonger son regard dans le mien.
"Ce qu'ont fait ceux qui sont à l'origine de cette scission étaient pourvus de bons sentiments, j'en suis certain. Cependant ils ont été trop loin. L'art de la magie n'est pas maitrisable facilement, et ils ne le maitrisaient pas.""Mais qu'ont-ils fait ?""Ce n'est pas à moi de vous le dire, du moins pas maintenant. Mais il n'y a aucune raison pour que nous nous détestions. C'est le passé et nous n'y sommes pour rien. Venez."Je le regarde puis le suis. Dès que j'arrive en haut de l'escalier, dans cet endroit qu'il voulait me montrer, j'écarquille les yeux. Mes longs cheveux libres volent dans le vent alors que je contemple la vue de ce balcon à l'air libre. C'est encore plus impressionnant qu'à travers la baie vitrée, même si le vent est froid. Je me sert instinctivement contre Arthurus qui lui semble habitué à cet endroit. Il regarde loin devant, contemplant je ne sais quel point de l'horizon.
Et très vite j'aperçois notre destination, encore loin mais déjà si nette. Tulorim. Je n'y suis jamais allé.
"Connaissez-vous Tulorim ?""Pas entièrement, mais j'en connais quelques parties. Pourquoi ?""Je... Vous y vivez ?""Oui, j'étais partie voir ma famille. Et vous ?""Non, j'y vais pour la première fois. Et je m'appelle Amalia.""Prénom tout aussi jolie que vous, il vous va à ravir."Encore une fois je rougie.
"Nous devrions retourner à nos cabines, nous n'allons pas tarder à arriver. Si vous le souhaitez, nous pourrons nous retrouver à Tulorim, je pourrais vous y guider. Quoi qu'il en soit, votre compagnie me fut très plaisante.""Volontiers et... merci, la votre aussi."Il me sourit et me baise la main doucement, avant de partir sans se retourner. Je regarde encore quelques instants l'horizon, et cette grande ville vers laquelle je me dirige, puis m'engouffre dans l'escalier pour rejoindre ma cabine.
Atterissage