Planquée derrière mon rocher, j’entends l’animal sauvé pousse un cri de détresse, et faire vivement demi-tour, reprenant sa folle course, mais en sens inverse, revenant vers nous. Je le laisse me dépasser et fuir sans tenter de l’arrêter ou de le rattraper. Il a sans doute une bonne raison de le faire. Et s’il le fait si vite, c’est que cette raison est plus que valable. Le problème, et j’en prends soudainement conscience, c’est que s’il court vite, ça n’est pas mon cas, surtout sur ce monde de lave et de roches. Mon meilleur atout restera la discrétion, sans doute…
J’agrippe mon arc et y encoche une flèche, sans pour autant le bander. Prudente, j’avance à couvert, derrière des roches qui se présentent à moi. Ma curiosité est piquée au vif, et je sais que si Sihlaar était là, il me rabrouerait et m’indiquerait de partir… Mais le frangin n’est pas là, cette fois. Il ne m’a pas suivie. Trop hésitant, il m’a laissée tomber. Et là encore, je chute seule dans l’inconnu de ce pays où je me suis engouffrée comme une furie, laissant ma vie entre les mains du destin.
Et puis, je la vois. La chose. Le monstre. La créature. Je ne sais comment appeler cette chose. Ça a l’air vivant, même si l’idée même que ça puisse l’être me parait incongrue. Une flamme gigantesque, dotée de bras, d’yeux et d’une bouche prête à tout dévorer. Menaçante, elle se tenait là, barrant le passage vers la lumière claire qu’elle semblait presque garder.
(Comment on peut te vaincre, toi ?)
Je n’essaie même pas de décocher une flèche. Ça me semble peine perdue, contre un monstre fait de flammes. Et pourtant, nous devons passer. Plus rusée que l’animal, plus discrète aussi sans doute, de par ma nature chasseresse, j’avance toujours. À pas feutrés, lentement, presque à quatre pattes, maintenant juste mon arc et la flèche y étant encochée dans une main, en dernier recours. Je cherche le couvert des rochers, des ombres que la flamme elle-même crée. L’animal m’a peut-être fourni une diversion, en criant et fuyant : si je dois tenter ma chance, c’est maintenant.
Alors j’avance. Je continue, priant qu’elle ne m’aperçoive pas.
(Yuimen, fais en sorte que tes roches couvrent mon avancée et ma vie. Moura, donne-moi la force et le courage de tes tempêtes, et la fluidité de tes eaux.)
_________________ Asterie
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