J’attrape une nouvelle flèche, l’encoche, vise… Mais baisse aussitôt mon arc. Les deux premières ont atteint la carotide de mes cibles, les faisant chuter aussitôt, gargouillant, sans aucune chance de survie. La troisième atterrit dans l’œil du garde le plus éloigné alors qu’il se tourne vers moi. Il tombe sur les fesses, mort également. La pointe a déchiré sa cervelle. Ils n’avaient pas une chance. Je fronce imperceptiblement les sourcils à cette pensée qui me provoque des sentiments mitigés. Ils n’avaient pas l’ombre d’une chance. Ces soldats de métier entraînés au combat. A la seconde où j’ai trouvé le chemin des geôles, leur sort était scellé, leur mort annoncée. Je ne sais qu’en penser.
Je chasse ces idées de ma tête et m’avance, retendant mon arc, vers l’endroit d’où provenaient les cris. Je trouve rapidement la salle de torture, apercevant une silhouette vêtue de noir devant un homme avachi sur une chaise, attaché, le visage tuméfié et couvert de sang et visiblement évanoui, ou proche de l’être. Mais rapidement un mouvement arrête le fil de mon observation : une lame d’acier s’approche dangereusement de ma tête, me forçant à me décaler prestement sur le côté pour faire face à mon assaillant. Encore un soldat, vêtu des mêmes couleurs que ses défunts compagnons, le vert et argent de Valmarin. Il me regarde férocement, voulant apparemment me faire payer la mort de ses collègues. Le tortionnaire ne tarde pas à sortir également de la pièce pour s’approcher, désireux de lui filer un coup de main. Mais je n’ai pas peur. Pas le moins du monde. Ce n’est pas de la vantardise stupide qui me pousserait à me croire invincible ni une moquerie à leur égard, non, juste le constat d’un fait qui me saute aux yeux maintenant qu’il a été mis en évidence par mes récentes actions. Ces hommes sont… ordinaires. De bons combattants mais qui n’auraient jamais eu l’occasion d’être quoi que ce soit d’autre, quoi que ce soit de plus. Des êtres humains interchangeables.
Une seconde attaque vient dans ma direction, accompagnée d’un cri de haine, mais je bande rapidement mon arc et tire, sans même prendre la peine de viser. Le garde est obligé d’interrompre son geste pour se plaquer sur le côté du corridor, me laissant le temps de reculer de quelques pas. Profitant de l’avance que j’ai, j’encocher un nouveau projectile et tire dans leur direction, presque à l’aveuglette. Puis un second, un troisième, un quatrième, obligeant les hommes à pénétrer de nouveau dans la cellule. C’est là que j’entends un premier message, de Hrist. Elle me demande des détails, m’appelant de nouveau Pureté, sur les armées postées à Arden, me signalant que je dois lui répondre le plus vite possible. Alors c’est ce que je fais. Je lâche la corde de mon arc et serre le pendant d’Uraj, me concentrant sur elle pour formuler une réponse sans me soucier des deux hommes qui, du coup, en profitent pour sortir leur tête de la salle de torture.
( Hrist, c’est Leykhsa, ) appelé-je mentalement en insistant bien sur mon nom. Pureté est le signe de ma soumission à Equilibre, tant que je n’aurai pas réglé mes affaires avec elle, je préfère utiliser mon nom de naissance. ( Je n’ai pas beaucoup d’informations sur les armées pour le moment, demande à Cromax. )
Du coin de l’œil, je vois finalement le garde qui s’approche, profitant de ma concentration pour arriver avec une discrétion toute relative, croyant certainement que je suis en transe, ou peut-être que j’ai juste complètement tourné la carte.
( Je me renseigne, je te renvoie un message dès que j’en sais plus, ) finis-je avant de lâcher le pendant pour attraper une flèche dans mon carquois, faisant visiblement paniquer le garde, qui se précipite maintenant vers mois à grands pas.
Je bande rapidement ce nouveau projectile et tire dans sa direction, ne lui laissant que peu de latitude pour esquiver au vue de l’étroitesse du corridor. Aussi est-il forcé de se jeter à terre en une roulade tout à fait maladroite pour ne pas se voir percé de part en part. Derrière lui, je vois le bourreau s’approcher également, quoiqu’apparemment bien plus frileux à l’idée de s’avancer dans un couloir rectiligne face à un tireur d’élite. C’est un laps de temps plus que suffisant pour que je ne me concentre sur mon for intérieur.
Alors je visualise la source de mon énergie, une seconde fois aujourd’hui, l’imaginant de manière tangible et malléable. Comme précédemment, ce sont mes sens et les muscles de mes bras que je dois affiner pour me débarrasser du soldat qui se redresse avec une rapidité toute relative. Seulement cette fois mes yeux ne sont pas le plus important. Non ce qu’il me faut, c’est un meilleur sens du temps, pour frapper pile au bon moment. Mais, surtout, des muscles d’acier pour bander mon arc à son maximum. Alors je répartis mon énergie physique, vivifiant mon esprit pour qu’il puisse plus facilement comprendre les mouvements de mon adversaire et frappe au moment où sa position est la plus précaire. L’idée est que mon coup le déséquilibre et pour ça je dois toucher une zone pour laquelle il aura moins d’appui. J’améliore également ma force brut, tout simplement pour lâcher ma flèche à sa puissance maximale. Légèrement mes yeux pour frapper à l’endroit le plus optimal pour provoquer sa chute. Et pour terminer, je répète la scène dans mon esprit. Je le vois, comme au ralenti, qui reprend son chemin vers moi d’un pas vif, soulevant son épée au-dessus de sa tête. Le poids de l’arme m’aidera, c’est ce flanc, le droit, que je dois toucher. Je vois sa trajectoire, je la comprends. Et imagine, comme quelques secondes plus tôt. Je l’imagine qui s’avance de deux foulées, tout son poids sur son pied gauche. Je m’imagine tirant ma flèche dans son épaule droite. Mon coup touche au moment où son équilibre est le plus instable. Son bras recule sous l’impact, l’entraîne en arrière et l’oblige à reculer d’un pas pour se repositionner, mais la vitesse ainsi cumulée l’emporte plus encore et le fait tomber sur le dos. J’imagine la scène une seconde fois, variant sa vitesse, sa direction. Puis le temps revient à la normale. En deux foulées à il a réduit de moitié la distance qui nous sépare, mais mon bras est armé, ma flèche encochée, mon arc bandé. Je lâche, le projectile file à la vitesse de l’éclair, parcourant la pièce dans une trajectoire impeccable, pile au bon moment, pile à la bonne vitesse. Les deux corps se heurtent alors que le garde s’apprête à bondir de nouveau, car, surpris par la puissance du tir, il s’est mis à esquiver trop tard. C’est à l’épaule que la flèche touche alors qu’il recule dans un mouvement de panique et chancèle légèrement. Sa propre vitesse plus que celle de la flèche le fait vriller sur lui-même et il s’éclate violemment par terre, lâchant son épée au passage.
Dans le même temps, le tortionnaire s’approche, dague en main, mais je l’ignore royalement, me concentrant sur le soldat. Je l’ai mis à terre pour une bonne raison, c’est pour me débarrasser de lui une bonne fois pour toute. J’encoche une seconde flèche rapidement, vise ; il lève péniblement la tête, comme pour se relever, mais son regard rencontre le mien. Il comprend. La panique se lit dans ses yeux. La peur. Que dis-je, la frayeur. Je lâche la corde. Claquement à travers la pièce maintenant silencieuse. La pointe lui rentre dans la bouche, déchire son palais et ressort de sa nuque.
Mais le bourreau en a profité, il est sur moi. Un premier coup s’approche de mon visage et je dois reculer d’un bond. Puis un second et cette fois j’esquisse un écart. Un troisième et je passe finalement derrière lui sans trop de difficulté. Puis cette froide réalisation me frappe de nouveau : il n’a vraiment aucune chance. Je vois ses gestes, ses mouvements. Je comprends ce qu’il va faire avant même qu’il ne le fasse et ses coups sont d’une lenteur et d’une imprécision qui ne lui laissera jamais le luxe de me toucher. Si encore il était créatif, peut-être arriverait-il à quelque chose, mais en l’occurrence, ses mouvements ont beau être ceux d’un homme entraîné, la mort est la seule issue possible pour lui. J’attrape une flèche et vais pour l’encocher, mais il frappe de nouveau. Et c’est de nouveau le vide qui le réceptionne, lui faisant légèrement perdre l’équilibre. Alors plutôt que d’armer mon arc, je dirige la pointe du projectile de mes mains et la plante sous son aisselle, lui attirant un cri de douleur et le faisant s’écarter d’un bond maladroit. Apparemment, le sadisme ne s’accompagne pas de masochisme chez ces hommes. Mais qui cela étonnerait-il ? Ils sont des lâches incapables de se défendre seuls, ne s’attaquant qu’à des personnes attachées, livrées et gardées par d’autres qu’eux. Si je révère la mort, je n’ai aucun respect pour ceux qui ne cherchent à dispenser que la douleur.
Il revient rapidement à la charge, plus lent encore qu’avant, à mes yeux, handicapé par sa nouvelle blessure. Il s’approche assez près pour que je puisse voir les gouttes de sueur perler de son front et ses yeux déformés par une crainte de plus en plus puissante. Il comprend qu’il va mourir et seul la panique et l’espoir l’empêchent de simplement se jeter au sol pour attendre son exécution. Mais peu importe, car sa dague passe une fois de plus à quelques centimètres de ma peau, m’offrant une ouverture pour lancer mon genou dans ses côtes, le contorsionnant de douleur l’espace d’une seconde. Il ne m’en faut pas plus pour tirer mon poignard ornementé de ma ceinture et le lui coller dans le ventre, le faisant de nouveau couiner comme le lâche qu’il est. J’ai l’impression d’être une chatte jouant avec sa proie. Avec une petite souris fraîchement dénichée de derrière un meuble. Cet instinct de chasseuse me tire un sourire jubilatoire, qui ne fait qu’intensifier encore l’expression d’horreur de mon dîner. Il panique, halète, tremble même en me voyant ricaner devant son désarroi. Si je préfère d’ordinaire dispenser des morts rapides, je me délecte cette fois de le torturer comme il torture ses propres victimes.
Il sort douloureusement mon poignard de son ventre et le garde en main, s’en servant comme d’une deuxième arme, avant d’avancer de nouveau vers moi. Beaucoup moins d’entrain encore, cette fois. S’il pensait que j’avais la moindre chance de le rater, il aurait décampé voilà bien longtemps. Mais il ne ferait qu’une cible facile, et il le sait. Je recule d’une pas, puis d’un autre, me décale sur la droite, sur la gauche, jouant avec ses nerfs alors qu’aucun de ses coups ne touche. Puis finalement le fait simplement trébucher, le faisant chuter au sol la gueule la première. Alors j’attrape une flèche, l’encoche. La plaisanterie a assez duré. La pointe transperce ses omoplates jusqu’à son cœur avant même qu’il ne se relève.
Rapidement, je fais le tour du couloir pour récupérer les flèches qui peuvent l’être et fouiller les cadavres en espérant trouver quoique ce soit d’utile, ne serait-ce qu’un ordre de mission. Pendant ce temps, une voix retentit de nouveau dans mon esprit. C’est celle de l’elfe bleu, se présentant sous le nom d’Earnar. Il me dit que Mastriani est bien vivant, en pleine forme au palais d’Illyria, ce qui m’attire un sourire. Il en profite pour me demander de tuer le Roi de Sihle et celui de Valmarin de sa part, ainsi que le conseiller ayant trahi la Reine d’Arden. Nouveau rictus de ma part.
( Je n’y manquerai pas, ) fais-je mentalement en tenant le pendant d’une main.
Après cela je m’avance de nouveau vers la salle de torture pour faire face au supplicié. Est-ce bien Trarik ? Je m’agenouille à ses côtés et relève doucement son menton pour l’éveiller, plantant ses yeux au niveau des miens.
« Vous êtes bien Trarik, Général des armées d’Arden ? » demandé-je doucement.
Pendant ce temps, j’attrape de nouveau l’artefact magique, prêt à m’en servir immédiatement s’il me confirme son identité. Aussitôt que ce sera fait, nous nous téléporterons pour le bureau de Cassandre. Elle sera sans aucun doute particulièrement surprise de me voir apparaître par magie devant elle, surtout si rapidement après m’avoir quittée. Je me délecte d’avance de son expression de stupeur sur le visage.
Mais la stupeur devra attendre. Car quand l’homme, à la chevelure et à la pilosité d’argent, symbole de son âge honorable, pose les yeux sur moi, c’est pour me parler d’une épée. Me dire qu’il faut aller la chercher, qu’on ne peut pas partir sans.
« L’épée ? » réponds-je, passablement agacée. « Quelle épée ? »
Le dénommé Trarik me répond, comme une évidence, qu’il parle de l’Epée des Moissons. Car Mastriani doit apparemment la brandir. Surement une connerie de succession, quelque chose comme ça. Alors je fronce les sourcils ; on a quand même mieux à faire il me semble, on verra plus tard pour sa putain d’épée.
« Il aura tout le temps de la brandir quand on aura foutu Valmarin dehors, de toute façon il est à Illyria, Mastriani. »
Dans un souffle, il insiste, disant que Valmarin ne peut pas mettre les mains sur cette épée. Je fronce les sourcils de plus belle, intriguée.
« Pourquoi, qu’a-t-elle de spécial ? » demandé-je.
Elle est le cœur du peuple d’Arden, c’est sa réponse. Un symbole. Je secoue la tête, agacée. Il veut pas qu’on reparte avec une couronne, des vêtements d’apparat et le pot de chambre aussi ?
« Vous allez risquer nos vies à tous les deux pour un symbole ? Je vois pas ce qu’une épée peut avoir de si important. »
Mais cette fois la réponse me tire un petit « Ah » de dépit. C’est un artefact des Temps Anciens, selon lui, et la brandir donne du courage aux Ardenois… ou leur donne des envies de suicide.
« Oui, » fais-je platement. « Là, d’accord. Et elle est où cette épée ? »
Il me dit qu’elle est dans une salle cachée sous le palais. Tiens donc, faut encore descendre. Je réfléchis quelques secondes. Je peux difficilement le laisser là plus de quelques minutes, au risque de devoir aller le secourir une seconde fois à mon retour. Mais en même temps je me vois mal le trimballer avec moi. Bon, au pire si c’est trop loin et dangereux, je lui donnerai le pendant d’Uraj pour qu’il se transporte seul à l’Ami des Bêtes. Après tout, moi je peux sortir d’ici seule, normalement.
« Vous croyez que je peux aller la récupérer et revenir ici en moins de cinq minutes ? » lui demandé-je alors.
Mais il rejette mon projet. J’ai besoin d’un membre de la famille royale, me dit-il, et il se trouve qu’il est le père du Prince héritier. Je soupire.
« Dites moi au moins que c’est proche, » lui fais-je, lasse. « Parce que vous êtes à moitié mort et que si je suis parfaitement capable de traverser ce palais sans me faire repérer, ça devient autrement plus compliqué avec un boulet dans les bras. »
Il affiche un léger sourire, visiblement amusé par ma tirade, avant de secouer la tête. Il me dit que ce n’est pas très loin, mais que ce sera peut-être gardé. Je laisse échapper un petit ricanement.
« Je sais pas si vous avez suivi mais il y a cinq cadavres devant votre cellule. Donc pour ce qui est de la garde, je gère. »
Je le détache alors et l’aide à se relever, avant de conclure.
« Bon, on y va, mais ça a intérêt à valoir le coup. »
Puis je suis ses indications pour me rendre à cette fameuse pièce, évoluant avec prudence dans le palais.
(((+2 500. Apprentissage de la CCAJ Recul : L’attaquant imposant de la puissance hors du commun dans son tir, le choc fait reculer sa cible en même temps qu’elle la renverse. (For +1/lvl, la cible met 2 tours pour venir au combat au corps à corps, 1 pour se relever, 1 pour se déplacer.) - )))