Earnar ne put s'empêcher de soupire aux paroles du garde qui devait en avoir vu d'autres pour être aussi impassible, en dépit du fait qu'il le provoquait pour trouver la faille dans sa défense, cependant en grand héros, il lui annonça qu'il serait ravi de mourir pour laisser le temps à la servante d'aller prévenir la reine Ardélianne et qu'ainsi il accomplirait son devoir. Son devoir ? Par pitié, doit-il supporter encore un preux chevalier qui se laissera mourir et n'en ressentira aucun regret ? Un assassin n'a pas d'honneur, pas de famille, pas d'amis et la mort n'est pas une option lorsqu'un travail doit être fait dans les règles de l'art. Pour autant, une partie de lui parvint à garder à double tour sa moitié plus sombre et celle cherchant à tuer pour donner un sens à sa vie. Il n'avait pas oublié que c'était des humains qui avaient massacré en partie son peuple, qui avaient tué sa femme et le fils qu'il attendait avec impatience. Un crime de sang ne peut être réglé que par le sang, il n'y avait nul justice à attendre à part celle du couperet sectionnant le fil de la vie.
Bien vite, il vit la servante s'échapper pour prévenir la garde et la reine, bien inutile puisque Lorielle était sans nulle doute chercher les deux après l'avoir laissé près de la cour du palais. Le factionnaire gardait la porte comme s'il en allait de sa survie, il ne connaissait pas le potentiel danger et préférait éviter tout risque inutile. Bientôt, quelques minutes plus tard qui laissèrent à Earnar tout le loisir d'admirer les bas-reliefs, le martèlement de bottes et le bruissement de capes se firent entendre et en un instant, le boudoir fut envahi de toue la garde du palais, main sur le pommeau de leur épée. Vint ensuite Lorielle et la servante du garde qui n'en menait pas large même si elle devait se sentir en sécurité avec toute la petite troupe. Une sécurité bien relative étant donnée qu'il restait à l'assassin deux voies de secours et qu'il trouverait sans nul doute un autre moyen de pénétrer les lieux.
Il commença à perdre patience et se leva, les gardes l'encerclant rapidement, alors qu'une personne qu'il reconnut comme étant la reine Ardélianne décrite par le coq de la Baleine Blanche s'avançait vers lui. Tout de noire vêtue, son corps rachitique était recouvert d'habits somptueux, peut-être de la soie songea-t-il un instant. En tant que voleur, ses yeux s'accrochaient immédiatement à la bague surmonté d'une pierre d'opale dont la valeur devait laisser rêveur. Il s'attarda ensuite plus longuement sur la personne en elle-même, la reine semblait exténué et cela sentait la fin d'un règne, ses yeux bleus sans doute autrefois alertes étaient à présents voilés et usés par le temps. Le temps faisait beaucoup plus de ravages chez les humains que chez les elfes ou les élémentaires. Souffle-de-l'aube qu'il avait rencontré dans la forêt près d'Elivagar semblait être la seule humaine à avoir vécu aussi longtemps, cependant l'exception n'en était pas vraiment une, Earnar doutait qu'il puisse encore la considérer comme humaine aujourd'hui. Se reconcentrant sur la reine d'Arden, la cité agricole par excellence, il vit un bandeau d'or et d'argent ceignant son front et sur lequel trônait une améthyste dont la couleur contrastait avec la pâleur de sa peau et ses lèvres peintes en violette.
Elle semblait comprendre la situation d'un simple coup d'œil et après une étude minutieuse de sa personne, l'invita à parler. Il s'inclina gracieusement devant la reine, puis releva la tête et le buste pour s'adresser à elle d'égal à égal.
- Nombreuses sont les histoires mystérieuses que je pourrais narrer, reine Ardélianne. Il me semble approprié de vous révéler ma véritable nature, comme je l'ai dit à votre servante Lorielle, je suis un étranger mais surtout je n'appartiens pas à votre race.
- Vos sujets louent votre sagesse, j'espère que vous pourrez tolérer ma vue, enchaîna-t-il .
Ses mains se dirigèrent lentement en direction de sa capuche qui l'avait aidé à se dissimuler aux yeux des humains et des autres espèces depuis des siècles et ses doigts agiles en agrippèrent les bouts avant de la rabattre pour dévoiler son visage. Ses écailles bleues longeant sa nuque et recouvrant son visage étaient éclairées par les lueurs du soleil et il plongea ses deux perles blanches lui servant d'yeux dans le regard de la reine.
- Ma venue en votre royaume est fortuite, reine Ardélianne, nous autres elfes nous nous mêlons peu à votre race et à vos politiques. Cette fois-ci, la menace nous concerne aussi et nous devons répondre présent, notre politique isolationniste doit prendre fin, tel est le sens de ma présence. Je suis venu à Arden en quête d'artéfacts ou de ruines datant de l'époque du Crépuscule des Dieux soit il y a mille-huit cent ans pour comprendre la chute des Dieux anciens et mettre un terme à la menace. La guerre que mènent les guerriers du peuple de Sihle ne sont que les prémisses d'une destruction programmée de tout Elysian. Nos forêts se font corrompre, d'étranges prédateurs surgissent près d'Illyria, le monde comme il est aujourd'hui est en grand péril, annonça l'assassin d'une voix aussi claire que l'eau de source dévalant les montagnes.
Il se tut un instant pour laisser la reine intégrer toutes ces informations, puis il ajouta sur un ton plus trivial.
- Oui, je vous propose mes services en tant que diplomate, en tant qu'elfe et enfin en tant qu'assassin, mais plus avant de vous exposer mes idées, j'ai besoin que vous me dévoilez un peu plus la raison qui pousse les guerriers du désert à apporter la guerre en vos terres et de savoir si vous avez déjà envoyé un coursier à Illyria pour prévenir la royauté.
Terminant son discours, il attendit ses réponses avant d'imaginer un plan cohérent à cette situation de crise.
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