L’orque ne me répondit pas tout de suite ; il semblait attendre d’atteindre le palier où se trouvait déjà Selen. Lorsque nous nous y hissâmes à sa suite, il me sembla, l’espace d’un très bref instant, alors qu’il parcourait rapidement les lieux du regard, pouvoir lire dans le regard de l’étrange orque une expression étrange, comme de la déception. Je ne pouvais en être sûr, mais c’était comme si, connaissant déjà les lieux, il n’y trouvait pas ce qu’il y attendait ; quelque chose, c’était évident, ne comblait pas ses attentes –encore fallait-il savoir si ce quelque chose pouvait jouer contre nous.
Le souffle court, haletant, il s’adossa à la paroi rocheuse, respirant plus lentement. Ce n’est qu’alors qu’il répondit à mes interrogations –la démonstration qu’il nous fit ne me convainquit guère. Ce coffre était vide d’objets de valeur, et pourtant il s’évertuait à le porter, avait sacrifié ses frères pour le conserver, et tout cela par un très fort sentiment d’amour envers sa défunte mère? Attendant nos objections, il l’avait ouvert, nous dévoilant son contenu en effet peu intéressant. Je ne me laissai cependant pas berner : si ces frusques paraissaient bien anodines, elles avaient à coup sûr une fonction bien précise, qui nous échappait pour le moment.
Continuant sur sa lancée, il affirma ensuite que nous ne pouvions le tuer sans nous condamner en même temps, puisqu’il était la clef qui nous permettrait, selon ses dires, de quitter ces lieux maudits. Je souris intérieurement ; cet orque était décidément bien plus rusé que ses congénères, et même vaincu, était toujours redoutablement dangereux. Ce à quoi Selen réagit admirablement. Avec son art de la menace, il mit dans la balance la survie de l’orque, non pas avant que nous ne sortions, mais bien une fois que nous serions sortis.
Ce dernier semblait bien décidé à aller boire une gorgée d’eau avant de continuer l’ascension, éveillant ma méfiance. Le regard qu’il avait eu en prenant connaissance des lieux me revint en mémoire. De plus, cet atermoiement, alors même que les lieux étaient à deux doigts de s’effondrer, était étrange.
-Je vous accompagne, j’ai soif aussi, me contentai-je de dire.
Je le suivis, le laissant passer devant, mais prêt à intervenir s’il s’avérait, comme je le pensais, que ce filet d’eau était plus qu’il ne paraissait.