Se rendant sans rechigner un seul instant à mes instances combinées aux précédents arguments de Glaya, mon gatch bratty me suit sans discuter jusqu’à l’armurerie de fortune qui est décidément en train de devenir mon lieu de prédilection. Sur le chemin, je l’inspecte attentivement du regard, non seulement parce que je me demande quelle influence ce satané esprit peut bien encore exercer sur lui, mais aussi et surtout pour jauger de sa pointure et ainsi savoir de quels genres de plaques je pourrai faire usage pour renforcer convenablement ses défenses. C’est que peut-être que cette saleté de couche ténébreuse le protège pas mal –j’en sais quelque chose !-, mais ça n’empêche que mis à part cette armure surnaturelle, pas mal des parties de son corps sont à découvert, et plus on pourra en recouvrir, mieux ce sera. Ainsi, alors que Krochar inspecte les protections crâniennes disponibles, je m’assieds en tailleur auprès de toute la collection que j’ai précédemment disposée par terre, l’entreprise de sélection prenant moins de temps que la première fois puisque je peux maintenant faire mon choix parmi le tri plus ou moins significatif et clair que j’ai déjà exécuté. Prenant une pièce ou l’autre, je me tourne successivement vers mon tas d’équipements en devenir et vers mon « client », tâchant de jauger à l’œil de si elle pourra s’adapter à tel ou tel segment de son anatomie. Au passage, je peux voir avec une satisfaction qui ne va pas sans une certaine appréhension que la carapace obscure est plus accommodante que je ne l’aurais cru, celle-ci se déformant pour se conformer au gabarit de la barbute d’aspect solide bien que légèrement ébréchée que mon ami garzok pose sur son crâne. Il exécute ensuite quelques mouvements de la tête pour s’assurer qu’il a trouvé chaussure à son pied, puis me pose une question à laquelle je m’attendais et à laquelle je réponds avec un sourire assuré tandis que je me dirige vers lui avec un exemplaire de la métallurgie locale entre les mains, une huitaine d’autres attendant l’essayage :
« Question d’improvisation ! Il suffit de dégoter le bon morceau pour le bon endroit, et on peut se retrouver avec une armure très correcte ! »
Et pour preuve, je commence par lui faire bénéficier d’une petite trouvaille qui lui va le mieux du monde comme je m’y étais attendu : à mi-chemin entre une espèce de ceinture et un protège-abdomen, il s’agit d’une épaisse bande de mailles, élément assez exceptionnel au milieu de tous les matériaux de seconde main, et qui colle fameusement bien à la bidoche du guerrier garzok, le bidule se fermant comme toutes les autres protections à l’aide d’une lanière de cuir que je noue dans son dos. Toujours aussi craintif vis-à-vis de l’entité maléfique qui hante l’esprit de mon ami, j’avoue tout de même que je prends garde à disposer ce garde-bedaine en faisant au maximum usage des courroies qui le retiennent de manière à ne pas toucher cette substance noire qui cerne le corps de mon gatch bratty. D’ailleurs, quand on y pense, c’est vrai que les sektegs sont bien souvent reconnus pour un art certain de l’adaptation, du bricolage et du bidouillage ! Enfin… « reconnus »… je crois qu’on pourrait en fait carrément dire « raillés », car cette méthode est bien souvent et à tord méprisée, considérée comme l’apanage d’un peuple qui n’est pas capable de fonder son propre artisanat. Et bien moi, je dis que plutôt qu’un signe de crétinerie, d’incompétence ou de paresse, c’est la preuve d’une capacité de survie qui a d’ailleurs bien fait ses preuves puisque n’importe qui peut dire ce qu’il veut ; il reste indéniable que les petites peaux vertes sont toujours de ce monde, et pas en faible nombre ! En vérité, je crois que n’importe qui peut tirer une estimable leçon d’une telle mentalité : quelle que soit la situation dans laquelle on se trouve, il est toujours possible d’en retirer quelque chose de bon, de positif, de productif pourvu que l’on soit suffisamment dégourdi et ouvert d’esprit pour tirer parti des éléments que l’on a à disposition.
(« Si la vie te donne des citrons, fais de la citronnade », quoi ? - Ouais, c’est bien résumé ça !)
Mais revenons-en à mon activité d’armurier d’occasion, votre serviteur s’affairant à ceindre les bras de son patient avec minutie, lui faisant au préalable signe de se baisser de manière à ce qu’il puisse officier plus commodément sur les épais appendices brachiaux, signe auquel le bon guerrier obéit sans broncher puisqu’il s’agit là de son propre bien. Dans un premier temps, il me suffit de mettre l’une ou l’autre pièce à quelques centimètres de l’endroit où je compte les poser de manière à déterminer si elles s’adapteront bien à la costaude corpulence de gatch bratty ; examen qui prend moins longtemps qu’avec moi puisque ces équipements ont été créés pour des garzoks, faisant par conséquent pratiquement office de sur-mesure pour Krochar. Cependant, dans un second temps, il me faut poser la main à même la chair parasitée de mon compagnon, et donc entrer en contact avec cette suspecte substance squameuse d’obsidienne obscure (très jolie allitération), ce que je fais après une bonne inspiration et en serrant les dents, m’attendant à avoir l’impression de plonger ma main dans un bain d’acide. Mais, contrairement à ce que mes craintes me dictaient, absolument rien de particulièrement déplaisant ou douloureux ne se passe, la chape de brume ténébreuse faisant simplement place à mes doigts avec une obligeance cauteleuse de nid de serpents, me laissant docilement harnacher sa victime et protégé à la fois. A ce propos, je procède sur lui de la même manière que je l’ai fait en ce qui me concerne puisque ma méthode a prouvé son efficacité, liant une plaque le long de l’avant-bras et une autre allant de l’épaule jusqu’au coude, cette disposition permettant une bonne défense tout en ne gênant les gestes que de manière très minime.
Et bien voilà qui se passe le plus tranquillement du monde, et c’est une chose bien agréable que de pouvoir s'aider les uns des autres tout en s’accordant un moment de répit plutôt que d’être sans cesse sur la brèche à devoir rester aux aguets sous peine de risquer de s’en prendre une mauvaise ! Maintenant que la partie supérieure du corps de notre bon chevalier aux haches est convenablement renforcée, reste à passer aux jambes, et cela, je le fais sans même me soucier du long étalage de récriminations fallacieuses de Lindeniel, laissant ce cancrelat s’époumoner en ne lui prêtant pas plus d’attention qu’au bourdonnement d’une mouche. Toutefois, alors que je m’apprête à lui recouvrir les cuisses, voilà que Krochar s’oppose à un tel mode d’équipement, arguant vouloir conserver sa liberté de mouvements si impérativement qu’il ne saurait souffrir la moindre restriction. Voilà un argument fort sensé, car j’avoue moi-même que mes jambières de fortunes me sont un chouïa pesantes, mais tout de même, il ne faut pas pousser le bouchon trop loin, aussi insiste-je auprès de mon gatch bratty :
« Il faudrait quand même de quoi protéger tes jambes… » Quelques petites secondes, je réfléchis à un compromis, puis je propose, coupant la poire en deux. « Seulement les cuisses, ça te va ? »
Accordé par l’intéressé, aussi, mettant définitivement les pièces restantes de côté, je me sers de deux plaques parmi les moins encombrantes pour armurer les guibolles de mon frère de peau, les plaçant (les plaques, pas les guibolles) suffisamment au-dessus des genoux pour ne pas qu’elles se mettent en travers de sa mobilité conformément à ses desideratas. Voilà qui est fini, bien fini, et pas peu fier de mon travail, je me redresse avec une mimique de grande satisfaction sur le visage pour admirer le résultat de mes bonnes œuvres, ouvrant la bouche pour m’enquérir de la satisfaction de mon client.
Mais toutàcoupsoudain, avant même que j’aie pu dire quoi que ce soit, voilà que l’attention de tous est attirée par un violent éclat de la part de la paladine qui n’a très manifestement pas pu avaler les paroles empreintes de fiel de l’haïssable Lindeniel auquel elle dit ses quatre vérités. Je l’avoue, tout d’abord, je jouis pleinement de ce qui est pour moi un spectacle délectable, devant me faire violence pour ne pas laisser paraître sur mes traits un vilain sourire sadique à l’idée que Glaya pourrait se laisser emporter par son énervement jusqu’à transformer l’hiniön en brochette de la même manière qu’elle l’a fait avec le diseur d’énigmes. En revanche, lorsque je me rends compte que la rousse est une fois de plus définitivement en train de perdre les pédales, je ne jubile plus du tout, me mettant à craindre le pire de la part de cette humaine aux si grands pouvoirs, partagé entre l’effroi et l’admiration devant les filaments dorés qui s’échappent de son corps au même rythme que les invectives qu’elle envoie à la face de son détracteur. C’est sûr et certain, à ce stade, même quelqu’un d’aussi prétentieux et fat que l’elfe blanc n’oserait pas se rebiffer contre cette foudre de guerre en plein emportement, et je me mets à craindre fortement, autant pour la demoiselle de lumière que pour nous tous, car à propos de Gaïa, la déesse de la connaissance sait ce qui pourrait bien résulter de la colère de sa si fougueuse disciple !
Ne sachant que faire, et n’étant même pas sûr de comprendre ce qu’elle est en train de vociférer, je ne peux que rester dans mon coin en compagnie de Krochar au sein de cette scène fantastique, la caverne entière se retrouvant nimbée de lumière tandis que la déséquilibrée semble en arriver au paroxysme de sa fureur, me laissant à retenir mon souffle et à serrer les fesses dans la moindre idée de comment réagir. Tremblant et transpirant, les yeux plissés sous le vif éclairage ambiant, je trépigne sur place alors que des scénarios tous plus catastrophiques les uns que les autres défilent dans ma tête quant à ce qui pourrait advenir avec autant de puissance dans l’air. La conclusion survient alors subitement d’une façon qui me sidère et me soulage à la fois, la sainte guerrière laissant s’abattre son poing sur la table en signe de profonde consternation rageuse. Et alors, Thimoros me damne, moi qui croyais ne plus pouvoir être surpris après tout ce que j’ai vu, voilà que d’un coup ; d’un coup d’un seul, la bougresse fracasse tout bonnement une table pourtant assez large et assez solide pour soutenir toute une troupe de garzoks ! Gamelles, gobelets et autres ustensiles divers s’écoulent de pair, rajoutant au spectaculaire de la démonstration de force, et à voir cela, je ne peux que songer à nouveau en frémissant à la force ahurissante du démon ténébreux auquel j’ai eu à faire, laissant échapper un hoquet de panique qui envoie mon cœur battre la chamade avant qu’il ne se mette à se calmer sous le coup d’un soupir éprouvé mais soulagé.
La soudaineté avec laquelle la tension qui s’est accumulée s’est relâchée a laissé tout le monde pantois, et ainsi, pendant un moment, un silence éberlué se fait, chacun reprenant ses esprits alors que Glaya, toujours transformée en espèce de soleil miniature, se retranche dans un silence à la fois confus et vindicatif. Comme durant les autres occasions où nous avons pu la voir se défouler, elle devient complètement amorphe après s’être déchargée de sa hargne, appuyée sur son bâton avec l’expression de quelqu’un qui viendrait d’un autre monde, aussi raide qu’une statue. De mon côté, comme tout bon sekteg, je ne reste pas bien longtemps sous le choc, mes méninges se remettant sans tarder en branle pour songer à ce que nous allons faire maintenant, réfléchissant à toute vitesse aux éléments que nous avons sous la main. C’est ainsi qu’alors que je me dis que nous avons assez tardé et qu’il va falloir nous remettre en route, il me revient en tête que nous n’avons pas fini notre visite de ce niveau-ci des mines puisqu’il reste un tunnel plus profond que les autres muni d’un escalier qui ne demande qu’à être exploré par nous ; ce serait dommage de partir bille en tête et de le laisser de côté, sans compter que j’ai de très bonnes raisons de vouloir l’emprunter. Oui, plus j’y réfléchis, et plus je parviens à me déterminer pour un parti que je m’empresse de mettre à exécution, commençant par m’adresser en privé à mon gatch bratty en lui murmurant à l’oreille avec un air de profonde connivence :
« Viens avec moi. »
Et sur ce, sans autre forme de procès, je me dirige non pas vers la plate-forme qui nous emmènera directement jusqu’au dernier niveau encore inexploré, mais vers Glaya qui n’a toujours pas bougé d’un pouce, me tournant en chemin vers Lindeniel qui mérite bien de se faire encore plus rabrouer pour la perfidie dont il a fait montre, que ce soit jusqu’à maintenant ou il y a quelques secondes. Ripostant à son interminable verbiage mou et bourbeux par des traits courts mais acérés, je lui décoche sans haine particulière mais avoir la froideur résolue de celui dont l’inimitié n’est pas un secret :
« Tu parles beaucoup, mais tu signifies peu. » Puis, faisant référence à l’avertissement de général fantoche qu’il avait lancé alors qu’il s’apprêtait à mettre le cristal dans l’orifice adéquat pour continuer la progression vers le bas, je poursuis et conclus, provocateur. « N’attendez donc pas, Messire Lindefiel, et descendez répandre votre poison ailleurs. »
Enfin, tâchant de garder la tête haute, ce qui n’est pas évident pour moi qui n’ai tout de même pas grand-chose d’un orateur confirmé, je parviens jusqu’au niveau de la rousse dont je prends délicatement la main libre dans la mienne afin de la guider vers destination que j’ai en tête ; ce tunnel d’allure si mystérieuse. Approchant la dame encore sous le choc, je fais de mon mieux pour avoir l’air à la fois assuré, bienveillant et naturel, même devant une personne qui diffuse une lumière telle que je suis obligé de garder les paupières mi-closes pour ne pas me brûler les yeux, espérant au passage qu’elle ne va pas se remettre à paniquer en me sentant la toucher.
« Venez Glaya. » Dis-je à haute et intelligible voix, puis, faisant appel aux capacités de modifications vocales de Minil’, j’enchaîne subrepticement de façon à ce que mes mots ne soient entendus que par elle seule… et par Krochar éventuellement,. « Suivez-moi. Faites moi confiance. Vous comprendrez. »
_________________ J'ai décidé d'être heureux, parce que c'est bon pour la santé! _____________________________________________ Jakadi, voleur gobelin niveau 4 so unique en son genre vous salue bien. Bilan de la quête 18 : Buffet maritime gratuit , une tenue très tendance (merci beaucoup GM17 ), 1er contact avec les indigènes, découverte des spécialités culinaires locales , rééquilibrage de la balance des possessions Shaakts/Sektegs, tatanage de torkin (c'est une CC messieurs-dames!), un ventousage d'urgence , une obtention de balalaïka , une razzia sur des restes de bataille, du matraquage d'araignées géantes , la perte d'une bonne partie du groupe , un affrontement avec un esprit des ténèbres , un fort agaçant diseur d'énigmes , un combat contre une troupe entière de garzoks, de l'apprentissage de CCs par zigouillage d'araignée .
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