Alors que l’enchanteur ayant miraculeusement réchappé à la mort, selon la volonté de Zewen, craignait de perdre à nouveau la vie en quémandant inutilement des précisions supplémentaires sur le bijou de Netare, l’elfe parfait et son esclave vert réalisaient leur tâche. Lindeniel, toutefois, ne put s’empêcher de lâcher un soupir en entendant les mièvres questions de l’humain. Ne savait-il donc pas se fier aux simples faits ? Fallait-il toujours qu’il demande de répéter les évidences, pour sa propre compréhension, inutile en elle-même ? Il ressemblait, selon Lindeniel, à un de ces enfants d’hommes qui ne cessent de poser d’inintéressantes questions répétitives. Et Netare lui apparut donc comme une mère naïve et méprisablement rassurante et surprotectrice, lorsqu’elle répondit avec empathie aux inquiétudes puériles de Kerkan.
Enfin, par chance pour lui, l’intelligence incarnée exploitait l’un de ses innombrables potentiels pour mettre un terme à cette mascarade onirique. Le monde des Rêves devait être enterré sous cette mine à jamais, et ça serait son œuvre à lui, Lindeniel le grand, le puissant, l’inégalable. Habilement, il remit la machine en marche, comme s’il eut toujours su comment elle fonctionnait. La simplicité de l’appareillage était tel que la complexité des plans et langages nains reflétaient plus qu’urgemment leur incompétence notoire. Ils étaient vraiment petits de partout. De corps comme d’esprit.
Krochar utilisa sa force de bœuf écervelé pour bloquer le mécanisme, tel que l’avait suggéré Lindeniel par la bouche de la peau-verte. Car celui-ci ne pouvait se gausser d’avoir eu une telle idée sans qu’elle eusse initialement germé dans le brillant esprit de l’hinion à la vertigineuse intelligence.
Comme précédemment, donc, les pistons se mirent à se mouvoir, et toute la machine à s’époumoner de cris et de mouvements. Très vite, alors que l’aiguillette restait bloquée grâce au mécanisme qu’ils avaient instauré, un bruit assourdissant et un rude choc fit trembler la terre : la seconde plateforme venait de s’écraser pesamment contre son plafond, s’annihilant d’elle-même. Le sol se fendillait, et tout autour rendait un aspect infernal. S’il ne croyait pas tant à sa réussite, et à l’œil de Zewen posé sur lui, Lindeniel aurait presque pu avoir peur de la situation inextricable qui ne dépendait plus que du Destin divin, et de la rapidité d’esprit de Netare. La première clause allait être plus aisément remplie que la seconde, vu la sottise que la liseuse de rêve avait par trop souvent mis en exergue, mais Lindeniel était confiant.
Le sol commença à se strier de lézardes inquiétante, et le bruit allait en augmentant, dans un ultime crescendo anti-mélodique et particulièrement assourdissant. Le liquide orange se déversait de la cuve à cause d’un trop plein, répandant de la fumée épaisse dans toute la pièce. Les chaines explosaient, les machines perçaient, le métal grinçait, la pierre tremblait. L’apocalypse était proche, la fin de la mine. Et tout leur était dû. Lui était dû, à lui, Lindeniel, sauveur du monde. Il méritait plus que n’importe quel dieu sa place sur Nyr, aux côtés de son frère. Il méritait le statut de Divinité bien plus que n’importe quel être vivant de cette planète, et des autres alentours. C’est confiant en cette perspective d’avenir qu’il laissa sa vue parfaite se troubler, et qu’il ferma les yeux, laissant les formes s’évanouir, la réalité s’échapper. Il se sentit partir, sans malaise ni regret. Il n’y avait plus rien. Juste sa propre conscience, son égo, plus grand que tout, perdu au milieu du néant.
La mort ou la réussite, seul Zewen le savait. Et lui. Car plus que jamais, son autosuffisance et son inébranlable confiance en lui étaient sûres d’une chose : il ne mourrait pas là, tout de suite. Il passerait cette épreuve et deviendrait un divin. Car tel était son Destin.
_________________ Lindeniel Il Thirnasael, noble Hinïon dans la tourmente d'une quête onirique.
Tous méprisables...
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