Kerkan a écrit:
Helce et moi étions en train d'observer les fins voiles nuageux qui se déplaçaient lentement sur une immensité azur, lorsque nous aperçûmes une masse apparaître sur la surface blanche. Je plissai les yeux pour tenter de discerner ce qui avait fait irruption dans mon champ de vision, mais cela fut plus complexe que je ne l'aurais cru. En effet, quelques rayons du soleil traversaient l'épais amas de branches mortes, presque pourries qui m'empêchait de voir ce que je désirais. J'essayai de bouger sur moi-même, me levant sur la pointe des pieds ; le coeur battant, je pus observer une sorte de bateau volant. Je fus complètement désorienté lorsque je vis ce mécanisme ingénieux me survoler tel un rapace chassant sa proie. Je n'avais encore jamais pu contempler cette espèce de navire flottant à l'aide des courants de chaleur, peut-être avait-il des ailes qui lui permettaient d'avancer ? Complètement déboussolé par l'arrivée de ce vaisseau, je restai totalement coi, la bouche ouverte je ne me lassais pas de poser mes yeux sur la coque volante.
(Peut-être peuvent-ils me voir, il faudrait que je fasse un signe...)
Avant d'avoir pu tenter quoique ce fût pour alerter les éventuels passagers qui devaient sûrement être affolés par la présence d'un tel monstre dans les parages, j'entendis le cri perçant du reptile résonner férocement. Mon visage se tourna directement dans la direction d'où venait le bruit, une violente frayeur s'amusa à me titiller les entrailles sans que je ne pusse rien y faire. Les serres tendues vers moi, je vis l'animal foncer sur mon corps si frêle à une vitesse dépassant de beaucoup celle du griffon. Helce et moi poussâmes un cri d'horreur en même temps, la panique était présente, déchirant mon esprit je sentais mon sang battre au niveau de mes tempes : la tension arrivait à son paroxysme. Des frissons et des tremblements vinrent à ma rencontre, toujours plus puissants, je faillis presque m'écrouler sur le sol. Je ne savais plus si c'était moi ou la terre qui tremblait, peut-être un séisme était en train de se produire non loin de moi. Mais après réflexion, je me rendis compte que cela était totalement impossible, la peur était bien à l'origine de mon manque de stabilité. Je me trouvais complètement perdu, je ne savais que faire : j'hésitai entre attendre l'inévitable ou fuir, cependant où aller ? Je ne pourrais échapper éternellement à cette créature sinistre, elle m'en voulait et j'étais certains qu'elle n'arrêterait pas de me poursuivre tant qu'elle n'aurait pas pu goûter au délice que je pouvais constituer.
(Oh Moura que dois-je faire ? Aide ton disciple tant dévoué !)
À mes côtés, Helce n'avait pas attendu autant de temps que moi pour s'enfuir, j'étais seul face à un être qui me dépassait terriblement en force. Près de moi, quelques buissons bougeaient, j'étais sûr que le griffon s'y était réfugié et attendait mon arrivée immédiate. J'essayai de me déplacer dans la direction voulue, néanmoins quelque chose annihilait mes pas, une puissante constriction m'empêchait d'avancer comme je le désirais. Je regardai de plus près mes pieds et vis une horrible image s'insérer dans ma vision obscurcie par je ne savais quelle magie. Affolé par tant d'évènements qui commençaient à jouer sur mes nerfs, je ne sus ce qui m'attrapa l'épaule violemment. Je sentis une terrible douleur, une sorte de piqûre bien plus profonde que celles que m'avaient infligées les insectes de la forêt près de Cuilnen. Je poussai un cri tout aussi strident que ceux du reptile sous l'action d'une telle douleur. Quelques larmes apparurent aux creux de mes yeux lorsque la créature s'amusa à enfoncer ses griffes de manière sadique dans ma chair.
(Faites que ce mal saisissant s'arrête, je ne pourrai le supporter encore longtemps...)
Malgré la tension qui régnait dans la forêt ténébreuse, je me sentis décoller du sol à une vitesse que Helce ne pourrait sûrement jamais atteindre. Je ne savais plus réellement où je me trouvais, si j'étais à l'endroit ou à l'envers, si j'étais toujours en vie... Je tentai de reprendre mes esprits comme je le pus mais les acrobaties que la créature réalisait m'empêchaient de voir où était le sol. Toutefois, je ne réussis pas à retenir les quelques biles qui restaient encore dans mon ventre et je vomis tout dans les airs. Je reçus un peu du liquide sur mon visage atrophié par l'effroi que constituait ce voyage que je n'aurais jamais osé voir dans mes songes, même dans mes rêves les plus fous. J'ignorais si j'allais encore rester en vie longtemps cependant, je ne pouvais me résoudre à une mort plus que probable. Il était toujours possible d'être sauvé par un miracle, même si je ne m'attendais pas vraiment à ce que cela se produisît. Je gesticulais dans tous les sens, appelant Helce au secours, tout en sachant qu'il était trop effrayé pour venir me chercher, j'ignorais ce qui allait m'arriver, mais j'y fonçais droit dedans...