Kerkan a écrit:
Les hurlements se manifestaient de plus en plus, les animaux étaient toujours plus nombreux et n'avaient pas peur de sortir de leur cachette pour montrer leur présence bien réelle. Je n'étais plus un humain mais un amas de tremblements qui agitait mes membres fragiles. J'hésitais à réagir, ou plutôt je ne savais que faire, mon cerveau était inactif. C'était un cauchemar, ces loups continuaient d'approcher sans que je pusse faire quoique ce fût. Si je réalisais la moindre tentative magique, cela ne servirait qu'à retarder l'inéluctable, alors à quoi bon ? Autant attendre le moment fatidique et ne pas le rejeter.
Au fil des secondes, j'aperçus nos assaillants s'avancer dans notre direction, ils devaient être au moins une quarantaine. Seul un faible rayon lunaire les faisait apparaître dans l'obscurité de cette nuit horrible. J'étais aussi près que possible de mon compagnon, espérant de tout coeur qu'il me protégeât si jamais l'un d'entre eux se jetait sur moi. Je devais me concentrer pour ne pas me laisser dominer par les émotions les plus ancrées en moi. J'examinais les crocs d'un loup qui me semblait être plus fort que les autres. Plus robuste, plus obscur, plus terrible, il se détachait de la meute entière, il devait sûrement être leur chef, le mâle hautement doué pour déchiqueter ses proies. Il les devançait tous, reflétant les faibles lueurs de la lune avec ses poils lustrés. Ouvrant sa gueule pour nous mettre en garde sur les armes qu'étaient ses canines, il se mit à courir dans ma direction dans un élan de fureur.
Je fermai les yeux, attendant qu'il me sautât à la gorge, cependant, les secondes s'écoulaient et j'étais toujours en vie, droit sur mes pieds. Je m'aventurai à ouvrir les yeux tout en les gardant plissés comme si la lumière du soleil était trop puissante pour mes iris azurs. Je fus un tantinet apaisé lorsque je vis le griffon me protéger de ses grandes ailes déployées. Il voulait leur montrer sa noblesse, les apeurer pour les chasser de cette maudite clairière. Le loup dominant s'était arrêté, il observait son nouvel ennemi, comme le faisait tous les autres. La stature imposante du griffonneau s'imposait majestueusement telle une forme de puissance devant ses adversaires.
Je restais bien en retrait derrière mon protecteur, je savais que nous n'avions qu'un seul moyen de nous enfuir, c'était par la voie aérienne, mais comment prendre assez d'élan au beau milieu de toutes ces créatures ? Il me fallait réagir et rapidement, si je voulais avoir une chance de rester en vie et d'accomplir ce à quoi j'étais destiné. Je rassemblai mon courage et me mis aux côtés du griffon, je paraissais miniature par rapport à ses longs membres ailés. Je commençai à les caresser tendrement, comme lors de notre entraînement, j'espérais qu'il comprît ce que je désirais. Mes mouvements étaient calmes, je ne devais pas être brutal, cela aurait pu provoquer un assaut violent de la part des loups.
(Kerkan reste doux, tu dois faire attention.)
Les minutes passaient alors que nous campions tous sur nos positions, attendant un signe du destin qui déciderait de l'issue de ce combat. L'impatience des animaux sauvages se faisait de plus en plus sentir, la fréquence de leur grognement augmentait. C'était maintenant ou jamais, je me concentrai et je hurlai au griffon un ordre de manière presque inconsciente :
«Allons-nous en tout de suite !!! Abaisse-toi, laisse-moi monter ! On n'a plus le choix, partons !»