Helce décolle difficilement, stagnant quelques instants au dessus de la rivière aux remous glacés. Votre petite pause n’a apparemment pas reposé le griffonneau, qui bat des ailes péniblement. Ta monture choisit alors de remonter la vallée, suivant le cours de la rivière. Les cris derrière vous s’intensifient, sans que tu puisses distinguer de quel animal il peut s’agir. Après quelques minutes, le cours d’eau devient un torrent tumultueux fendant la montagne, la gorge se resserrant sur vous. Malheureusement, l’inévitable se produit et vous arrivez à sa source, émergent d’une haute combe. De vertigineuses parois insurmontables par Helce dans son état actuel vous bloquent le passage, la seule issue demeurant derrière vous, d’où la menace hurlante semble s’approcher.

Le décollage fut lent comme si Helce n'arrivait pas à me supporter. Il était vrai que nous ne nous étions pas arrêtés longtemps, mais j'aurais imaginé que ces quelques minutes de repos auraient servi à quelque chose. Or, cela eut pour seul effet de nous retarder dans cette poursuite qui allait être acharnée. Les ailes du griffonneau battaient l'air d'une force qui menaçait de disparaître à tout moment. Je le voyais tenter de se stabiliser, cependant, nous perdions de l'altitude qu'il s'efforçait de regagner, cherchant au fond de lui l'énergie suffisante pour nous porter loin d'ici. Il se mit à suivre la rivière, volant à quelques mètres de cette eau glaciale dans laquelle je venais de chuter. D'ailleurs j'en gardais les stigmates, l'air ambiant s'acharnait à rafraîchir mes vêtements qui se collaient à ma peau de manière à me congeler sur place. Je faisais mon possible pour garder l'esprit alerte, essayant de ne pas faire trop attention aux éléments qui me persécutaient.

Je me mis à trembler, non pas à cause du froid, même s'il était en grande partie responsable de nombreux frissons, mais à cause d'un cri terrible qui retentit derrière nous. La créature étrange était en train de nous rattraper, sa vélocité devait être extraordinairement plus élevée que la notre. Sous Helce, j'aperçus la rivière se mettre à bouillonner, un torrent déchirait la montagne comme si ce n'était qu'un vulgaire tissu en coton. Autour de nous, les gorges commençaient à rapetisser, nous emprisonnant bientôt dans une cage de pierres. Je sentais venir le moment où nous serions coincés, néanmoins j'essayais de refuser cet événement hypothétique, de le repousser loin de moi. Mon désespoir se confirma lorsque le griffon s'arrêta devant un mur infranchissable;je tentai de distinguer jusqu'à quelle hauteur la falaise se projetait, mais je fus atteint de vertiges avant d'avoir pu trouver une réponse à ma question. Il était évident que nous ne pourrions nous en aller par ici, Helce était épuisé et je ne voulais pas lui faire courir le moindre risque. Je devais trouver une idée, sans quoi nous serions perdus.

(Comment pouvons-nous fuir d'ici ? Le seul chemin que nous ayons est celui par lequel nous sommes arrivés. Malheureusement, l'animal qui nous suit se situe dans cette direction. Nous ne pouvons escalader cette pente abrupte, nous ne sommes pas assez expérimentés, surtout moi. Et je refuse d'attendre bien sagement ici pour savoir si cette créature nous veut du bien. Je ne vois aucune issue possible, nous sommes entourés de roches et d'eau. Le courant est trop fort, je ne pourrais même pas m'éclipser à la nage... Que faire ?)

Je scrutais les alentours, attendant que l'inévitable se produisît, la bête serait bientôt là. J'imaginais l'animal comme celui que nous avions aperçu, une sorte de lézard ailé qui poursuivait ses ennemis et attendait qu'une seule chose s'en délecter. Mes membres se raidirent à cette idée, je refusais une mort imminente, j'étais trop jeune pour cela... Mes pensées se voilèrent, le froid, la peur, l'innocence tout se mêlait en moi, je ne savais plus où j'en étais, où je me trouvais. D'autres hurlements s'approchaient, brisant le silence de la nature qui nous entourait. Rien ne semblait déranger ces hauts murs de roches et cette eau puissante sauf notre présence inhabituelle.

A un peu plus d’un furlong de vous, la menace se précise sous la forme d’une créature hideuse couverte d’écailles grises, vraisemblablement la même que tout à l’heure. Celle-ci, presque deux fois plus massive que ta monture, bat des ailes à une vitesse prodigieuse, jusqu’à marquer un temps d’arrêt en vous repérant. L’horrible animal pousse alors un terrible cri faisant trembler Helce avant de s’approcher de vous plus lentement.

Après quelques instants, l'être aux traits barbares apparut, brassant l'air de ses énormes ailes. Il poussa un nouveau cri rauque qui apeura incroyablement Helce piégé par les montagnes. Mes peurs passées n'étaient rien par rapport à celle que j'étais en train de vivre;rien que la physionomie de la créature me donnait envie de vomir tant elle était laide. Des écailles immondes recouvraient son torse musclé, son visage était orné par de monstrueuses pustules suppurantes délimitées par des cicatrices qui n'étaient que les stigmates de ses combats passés. Ses traits durs me faisaient frissonner, je n'avais encore jamais été aussi impressionné. Je croyais que Helce était une créature puissante et invulnérable, mais, cet apriori fut rapidement chassé, il existait des êtres bien plus destructeur que ma monture. J'avais l'impression que nous étions des insectes prêts à se faire écraser, il était bien plus massif que nous.

(Oh Moura aide nous s'il te plaît, ne laisse pas un de tes fidèles se faire tuer. )

Ses yeux injectés de sang s'abattirent sur nous, je ne pus m'empêcher de le dévisager. Sa tête était auréolée par une sorte de membrane ébène et tendre, mais ce furent ses crocs qui attirèrent mon attention, je n'en avais jamais vu d'aussi aiguisés. Helce ne faisait plus le moindre mouvement, seules ses ailes battaient machinalement l'air, il était statique, tout comme moi. Nous étions morts de peur, nous n'avions jamais été confrontés à une telle créature et je ne voyais pas vraiment comment nous pourrions nous en sortir vivant. Il était hors de question que j'utilisasse ma magie, mon angoisse me déstabilisait assez, j'aurais pu créer trop de dégâts. Cependant, l'animal poussa un nouveau gémissement et Helce fut pris par d'autres spasmes, quant à moi, je préférais attendre telle une statue que l'inévitable se produisît.

Je réfléchis aux possibilités qui me restaient et je me souvins d'un sort que j'avais appris récemment, je n'étais pas un maître en magie de lumière, cependant, je l'avais déjà utilisé plusieurs fois. Je rassemblai mes fluides et récitai la formule adéquate, le sort de méditation eut l'effet que je recherchai. Je retrouvai peu à peu mes esprits et devins plus calme, je savais que j'étais dans une horrible posture, mais mon sang-froid serait utile. Je me mis à fixer cette immonde bête d'un regard hautain, la toisant presque. Elle était là, elle avançait vers nous, lentement, jaugeant nos personnalités tout en poussant de petits gémissements. Je me sentais plus atteint de dégoût à l'idée de la voir poser ses dents sur ma personne que d'effroi. Je n'allais pas me faire attaquer par une nouvelle bestiole sortie de nulle part, ça commençait à bien faire;les loups, les mouches suceuses de sang et puis quoi encore ? Une espèce de crocodile volant ? Ca suffisait pour l'instant.
«Et toi, Créature, tu ne t'étais pas aperçue que tu nous dérangeais dans notre progression, on n'a pas besoin de toi pour nous mettre des bâtons dans les roues. Alors retourne d'où tu viens ! Et toi Helce, arrête de trembler ça n'avance à rien, si nous devons y passer, nous y passerons mais pas sans nous être battus jusqu'au bout, alors rassemble tes forces, sors les griffes et aiguise ton bec, ça va bientôt être à nous de lui montrer ce que l'on sait faire. On ne va quand même pas se faire insulter par une espèce de monstre dégoûtant qui ne sait que couiner !»

J'espérais que j'avais réussi à motiver le griffonneau sans quoi nous serions perdus. Le monstre n'avait pas l'air d'avoir apprécié la manière dont je venais de l'apostropher, peu m'importait à présent. Rassemblant mes derniers fluides d'eau, je me préparais à lui envoyer un sort, peut-être faible certes, mais qui laisserait la possibilité à Helce de l'attaquer.

Engourdi par le froid, tu ne parviens pas à concentrer ton fluide d’eau, qui reste comme gelé en toi. De plus, malgré tes encouragements, ta monture commence à véritablement paniquer, tentant de s’élever le plus haut possible en battant machinalement des ailes. Toutefois, vu la hauteur des falaises autour de vous, cet effort désespéré de fuite paraît vain. En effet, la monstruosité reptilienne ne se trouve plus qu’à quelques battements d’ailes de vous, prête à bondir, alors que la moitié de la hauteur n’est pas franchie.

Malgré mon désir de canaliser mes fluides d'eau, rien ne fonctionna comme d'habitude, je ne réussissais pas à les appeler, comme si le froid qui m'entourait m'empêchait de les utiliser. Je manquais cruellement d'entraînement et cela m'effrayait, si j'avais su maîtriser plus de magie, j'aurais pu combattre moi-même cette créature obscure, malheureusement... Puis, Helce s'emballa, pris de panique, il battit des ailes à toute allure manquant de me désarçonner à plusieurs reprises. Je compris rapidement qu'il tentait désespérément de s'élever assez haut pour survoler les falaises de rocs. Cependant, je le vis se fatiguer, il avait du mal à supporter nos deux masses réunies, je réfléchissais à une solution, je devais trouver le moyen de redonner de l'énergie au griffon, sans quoi nous n'existerions plus. Je ne désirais pas que cela arrivât;je pris mon courage à deux mains, faisant abstraction de tout ce qui se passait autour de moi.

(Que puis-je utiliser ? Ma magie ne fonctionnera pas. Réfléchis Kerkan réfléchis ! Mais oui, les baies ! Je savais que ces fruits nous seraient utiles, j'aurais préféré les garder pour moi au cas où je serais blessé, mais nous sommes dans un cas très particulier, et notre vie est en jeu.)

Je ramenai mon sac à l'avant de mon corps, tout en restant accroché aux plumes du griffonneau d'une main. Je fouillais avec hâte la petite pochette dans laquelle je les avais placées avec précaution. J'en sortis quatre et les tendis à Helce :
«Souviens-toi ce sont ces baies que tu m'avais aidées à cueillir, mange-les.»

J'espérais que cela fût aussi efficace que dans la petite clairière, la danse folle que nous avions réalisée et ce surplus d'énergie qui s'était déversé dans mes veines étaient les témoins du pouvoir de ces petites baies bleues. J'aperçus la créature s'approcher de nous, toujours plus près, bientôt elle pourrait se jeter sur nous, il fallait se dépêcher. Mes mains tremblaient je ne savais plus vraiment ce que je faisais, pourtant je devais rester concentré et ne pas me laisser dominer pas la peur.

Donner les baies au griffon en plein vol est bien plus compliqué qu’il n’y paraît, celui-ci devant se contorsionner afin de saisir les fruits. Bien qu’il finisse par réussir à les attraper, tu te retrouves déstabilisé et glisse en arrière dangereusement jusqu’à chuter dans le vide. Quelques mètres plus bas, tu percutes la tête du monstre vous poursuivant et parviens miraculeusement à te raccrocher à ses ailes écailleuses. Tu peux voir Helce revenir dans ta direction tandis que ta nouvelle monture commence à s’ébrouer pour te désarçonner.

Essayant d'attraper les baies que je lui tendais, Helce se tournait dans tous les sens pour pouvoir les picorer dans ma main. Il finit par réussir à s'en saisir bien que cela eût pris un certain temps. Malheureusement, ses multiples contorsions me firent perdre l'équilibre, je fis tout ce que je pus pour tenter de rattraper les plumes du griffon qui glissaient irrémédiablement sous mes mains. Je réalisai une tentative plus que désespérée en serrant le griffonneau entre mes jambes, mais, cela n'empêcha pas la chute. Je me voyais tomber brutalement dans les airs et m'écraser dans un bruit sourd sur un rocher prédominant. Cela était horrible, je criai sans m'en rendre compte, sentant un vide en moi : la vie qui était en train de fuir mon pauvre corps. Je savais qu'il n'y avait plus aucune chance, plus d'espoir, rien ne pourrait me sauver cette fois-ci, j'étais allé trop loin dans une entreprise qui ne m'était pas destinée. Je revivais les bons moments de mon enfance que j'avais vécus avec mon frère avant sa transformation et mes parents...
«Aïe ! Qu'est-ce que...
- Ggggggrrrrrrrrrr !!!»

Je venais de percuter la tête de la créature hideuse qui se trouvait quelques mètres en dessous de nous. Dans un ultime espoir, j'essayai de m'accrocher à la bête en tendant mes mains à l'aveuglette. Je parvins finalement à attraper une de ses ailes reptiliennes qui battait l'air férocement, je me cramponnais de toutes mes forces, même si mes doigts étaient violacés à cause du froid. Je ne pus décrire l'état dans lequel je me trouvais, à la limite de l'inconscience, je finis par m'apercevoir que j'étais suspendu à un être qui ne voulait que ma mort. Je me mis à hurler à Helce de venir m'aider, même si lui non plus n'était pas le bienvenu aux côtés de cet animal :
«AU SECOURS !!! À L'AIDE !!! VIENS ME CHERCHER HELCE, JE T'EN SUPPLIE !»

Ma nouvelle monture commença à tourner dans tous les sens, je me demandai même s'il n'allait pas se démembrer quand je vis tous ses mouvements. Il voulait me faire tomber dans les profondeurs de ces montagnes, il n'appréciait pas que je fusse sur l'une de ses ailes, cela devait l'handicaper dans son vol. Malgré tous les efforts que je faisais pour rester accroché, j'aperçus Helce revenir dans ma direction, il désirait m'aider.

(Quelle folie ! Je pense que si j'avais été à sa place je l'aurais laissé tomber...)

Tu vois le griffonneau au dessus de toi battre des ailles de plus en plus vigoureusement pour amortir sa descente, les baies lui conférant un subite gain de vivacité. La créature que tu maintiens désespérément arrête alors de se débattre et se concentre vers sa nouvelle cible, accélérant si rapidement vers le haut qu’elle semble bondir dans l’air. Helce fonce donc droit sur le monstre en piqué avant de se décaler adroitement sur le coté, tentant de t’attraper dans ses serres. Malheureusement, sa vitesse trop élevée l’en empêche et ton compagnon se retrouve quelques mètres sous toi.

Helce était à quelques mètres au dessus de nous, grâce aux baies il se mit à frapper l'air de ses longues ailes énergiquement, oubliant sa récente fatigue. Il se dirigeait vers nous, agilement il ralentissait et accélérait selon les courants d'air plus ou moins chauds, il maîtrisait la situation. Quant à moi, je restais suspendu à cette étrange créature volante, je faisais de mon mieux pour garder mes mains fermement serrées afin qu'elles ne lâchassent pas les écailles glissantes qui fuyaient mes doigts bleuis par le froid. Je faillis déraper à plusieurs reprises, ce qui me fit échapper des petits cris stridents d'effroi qui rendaient la scène toujours plus dramatique. Cependant, au bout d'un certain temps, les assauts incessants de ce monstre répugnant s'arrêtèrent, je ne savais pas réellement ce qui était en train de se passer, mais lorsque je le vis avancer vers le griffon, je sus qu'il avait changé de cible.

Devant nous, Helce fondit sur le monstre, je sentis le choc, un choc qui me projetterait six pieds sous terre... Mais, après tout le temps passé à ses côtés je doutais encore de ses intentions;il se déplaça subtilement sur le côté, me frôlant de ses serres comme s'il voulait m'attraper en plein vol. Je fus pris par une nouvelle succession de tremblements que je me forçais d'éloigner de mon esprit. Ma monture se retourna brutalement, je n'aperçus pas tout de suite le griffonneau, mais j'entendis rapidement un glapissement retentir sous le reptile. Je connaissais alors ce qu'il me restait à faire, seulement aurais-je le courage d'accomplir cet acte ? Je devais avoir confiance en moi, j'avais déjà vécu assez d'évènements pour savoir que j'étais capable de grandes choses.

(Je ne vais pas lui laisser la possibilité de nous rattraper à cette vile bestiole, tout du moins, je vais essayer.)

Alors que la créature avait l'air d'être stabilisée, je rassemblais toutes mes forces dans un seul de mes bras. De l'autre, je cherchai rapidement à tâtons le poignard qui se trouvait à ma ceinture. Une arme d'un être des ténèbres contre une autre créature de l'obscurité, voilà comment on doit agir avec la vermine. J'aperçus le sang coagulé qui maculait la lame, j'étais en train de réaliser une action que je ne désirais pas, mais je n'avais pas le choix, nous devions nous enfuir pour aller libérer cette jeune demoiselle aux beaux yeux. Je respirai un grand coup, je n'avais pas le droit à l'erreur, si je perdais une seconde je serais mort. Je tenais le poignard fermement dans ma main, frémissant devant la violence de ce que j'allais accomplir, je pensais à mes parents assassinés par leur propre fils... La rage commençait à bouillir en moi, je la sentais bouillonner tel un poison subtil qui se propageait dans mes veines et me donner l'envie d'en finir...

J'ignorais si ce que j'allais faire servirait à quelque chose, néanmoins, je préférais tenter l'expérience. Je plantai violemment mon poignard dans l'aile de ce monstre, espérant broyer les tendons et les muscles de cette immonde créature, l'empêchant à jamais de nous poursuivre. Mes yeux devaient être illuminés d'une fureur qui ne me ressemblait pas, une douce folie qui désirait la mort d'un animal aussi mauvais qu'il fût;cette sensation était grisante, délivrante, je sentais une nouvelle personne naître en moi. Puis, je lâchai prise, je priais pour avoir fait le bon choix, Helce était là, il n'avait qu'à venir me chercher :
«Récupère-moi et partons !»

Jet Combat avec arme : réussite
Jet d’acrobatie : réussite critique

Ton couteau vient se ficher au travers les écailles de l’animal, laissant une fine entaille d’où suinte un sang noir à l’odeur écoeurante. Projeté en arrière par un geste brusque de la créature, tu chutes à nouveau de quelques mètres avant de te réceptionner de manière remarquable sur le dos d’Helce. Sans tergiverser, le griffonneau vire vers le sud et bat des ailes le plus vite possible pour tenter de surmonter l’obstacle naturel dans cette direction. Malheureusement, le monstre n’abandonne pas si rapidement les proies que vous êtes et s’engage à votre poursuite, émettant un cri encore plus ignoble que les précédents.

Mon arme brisa l'armure d'écailles et insinua la douleur dans cet être démoniaque qui me projeta en arrière d'un sursaut. Je l'avais atteint, du sang d'une couleur étrangement noire s'était déversé sur mes mains pâles;une odeur pestilentielle, ressemblant à celle d'un cadavre en décomposition dégageait de la plaie et venait titiller mes narines. Je fus rapidement pris de nausée, mais j'arrêtai d'y penser lorsque je me vis dégringoler une nouvelle fois, je le désirais, il fallait que j'attrapasse Helce, je ne devais pas le rater, sinon... Toutes ces pensées qui obscurcissaient mon esprit furent rapidement remplacées par l'instinct de survie. J'essayai de me diriger vers le corps du griffonneau, en modifiant ma trajectoire dans les airs.

J'atterris par je ne sus quel miracle sur le dos du griffon, je sentis cependant une violente douleur me prendre au niveau de l'entre jambes. Mon souffle fut coupé, comme si une tenaille continuait son étreinte, ma souffrance ne cessait de s'accroître, cependant je repoussai un râle car Helce se mit à fuir vers le sud. Je me cramponnai et suivis du regard la direction que nous étions en train de prendre, me forçant pour ne pas me laisser emporter par ma douleur locale. Néanmoins, une sorte de cri monstrueux retentit derrière nous, m'obligeant à me tourner pour voir d'où il venait. Le crocodile volant que je venais de blesser n'avait pas abandonné la partie, il nous poursuivait avec toujours plus de rage. Il n'avait pas apprécié que je lui plantasse un poignard dans sa pauvre chair putréfiée, il voulait sûrement se venger.
«Helce ! Plus vite ! Il nous suit, je ne préfère pas imaginer notre sort s'il arrive à nous rattraper.»

Plaçant tous mes espoirs dans le griffon, je ne pouvais rien faire à part subir les nombreuses acrobaties qui ne m'aidaient pas à tenir en place. J'espérais de tout coeur que nous arriverions à semer cette ignoble créature qui n'avait pas perdue l'envie de nous dévorer.

Helce parvient finalement à surmonter le flanc du gouffre, t’amenant désormais dans un vaste plateau de rocailles s’étendant à perte de vue jusqu’aux lointains glaciers. Les quelques buissons épineux et tortueux survivant au froid et au vent ne vous offrirait aucun couvert et ton griffonneau, conscient de cela, semble vouloir continuer vers le sud-ouest pour regagner les hautes vallées forestières. Le monstre, vous poursuivant à une dizaine de toises, crie de plus belle sa faim et sa haine, ne laissant planer aucun doute sur sa détermination. Les minutes passent et tu sens que l’effet des baies ne durera plus très longtemps.

Helce finit par réussir à franchir la falaise au prix de nombreux efforts qui l'avaient certainement éreinté. En essuyant les quelques gouttes de sueur qui perlaient sur mon front plus dues à mes récentes sensations fortes qu'à la température, j'aperçus les ailes du griffon ralentir leurs amples mouvements. Pourtant, il était pris d'un désir de fuite qu'il n'avait pas l'air de vouloir abandonner;à nos trousses, l'immense reptile était peu gêné par l'entaille que j'avais réalisée quelques minutes plus tôt. Il nous suivait, face au vent, plus puissant que les rafales, rien ne pouvait plus l'arrêter, il ne souhaitait qu'une seule chose : nous exterminer. Sa rage était arrivée à son paroxysme, une violente poussée de furie courrait en lui, le faisant hurler des sons rauques.

Par dessus notre obstacle, je ne vis aucune cachette satisfaisante, seules les roches se lamentaient telles des pierres tombales sur leur existence misérable dans ce lieu désertique. À plusieurs reprises, je pus observer quelques touffes verdâtres, de petites plantes qui n'étaient protégées par aucun abri naturel, ravagées par les intempéries. Leurs formes tortueuses, inclinées suivaient le sens du vent, à la recherche d'un moyen pour survivre dans ces conditions extrêmes. Au loin, mes yeux purent rencontrer une nouvelle fois les hautes collines enneigées qui se mêlaient à une fine brume soyeuse découpant les contours rocheux avec plus de douceur. Helce ne désirait pas s'arrêter et continuait donc à voler le plus loin possible, bifurquant vers le sud-ouest à la recherche d'une forêt qui nous cacherait.

Cependant, il devenait de plus en plus fatigué et notre ennemi se rapprochait inexorablement de nous, poussant des cris remplis de haine. Nous ne tiendrions plus longtemps, bientôt nous aurions besoin de faire une halte, mais nous n'avions pas la force de faire face à ce monstre, j'étais épuisé tout comme Helce et je regrettais de l'avoir poignardé, cela n'eut pour seul effet d'accentuer son amertume. Je réfléchissais à un moyen qui nous sortirait de ce piège, néanmoins mes pensées étaient brouillées par de multiples facteurs qui s'étaient abattus sur ma personne. Je fis venir mon sac devant moi pour examiner ce que je possédais qui pourrait m'être d'une quelconque utilité. Mes doigts effleurèrent les baies mais je comptais les garder pour plus tard. Le mouchoir de la reine ne ferait pas de mal à une mouche et mon miroir pourrait seulement éblouir ses gros yeux de crapaud...

(Et si je faisais une tentative... Qui tente rien n'a rien, autant essayer.)

Je pris le petit cadre qui reflétait mon visage, j'aperçus à ma grande surprise que mes traits s'étaient modifiés, du sang avait coagulé sur ma peau frêle et des plaies déchiraient mon épiderme. J'eus presque envie de pleurer en me voyant aussi négligé, cependant, je revins vite à ma mission. J'attrapai le miroir et essayai de capter un rayon lumineux pour lui envoyer en plein dans les yeux. Cela ne serait pas d'une très grande efficacité, mais je devais faire de mon mieux pour gagner le plus de temps possible pour que l'on s'échappât.

De ton miroir tu arrives à capter un faible rayon de soleil. Celui-ci vient taper dans un œil de l’animal, mais cela ne le déstabilise pas. La bestiole se rapproche de plus en plus de vous toujours en poussant d’effroyable cri. Au loin, sur ta gauche une autre colline vient se dessiner. Lorsque le griffon se rapproche d’elle, tu peux enfin t’apercevoir qu’il y a une maigre forêt épineuse qui la tapisse…