Cromax a écrit:
Alors que nous marchons dans ce couloir sombre creusé dans la roches, les cris gémissants se font entendre de plus en plus proches, de plus en plus plaintif. Curieusement, l’image de cette tête immense formée de créature geignant et criant leur peur et leur colère sur moi me revient à l’esprit, et j’entr’aperçois des soucis à l’horizon. J’avance prudemment sur ce roc taillé qui sert de sol, et sursaute presque lorsque je sens la main de Lillith se poser sur mon épaule. Un instant, mes doigts se sont serré plus fort sur le manche de mon sabre, mais la présence physique de l’homme qui me rassure et que j’aime me soulage un peu de cette menace inévitable qui plane indubitablement sur notre groupe.
En plus des cris, ce sont des grognements étranges qui apparaissent maintenant, comme si un groupe de monstres assoiffés de sang étaient en train d’en torturer violemment un autre, plu faible.
Mais la réalité s’offre bientôt à nos yeux dans toute son horreur. À peine arrivons-nous dans une sorte de salle ovoïde que j’aperçois au bord d’une mare intérieure semblant émaner des gaz toxiques et putrides, une famille curieuse, monstrueuse et répugnante. Sur le sol est allongée une démone nue au corps recouvert d’écailles luisantes. De couleur grise en tirant parfois sur le vert en des tâches peu ragoûtantes. C’est elle qui pousse ces hurlements que nous entendions, et on en voit rapidement la raison : Son ventre est gonflé, comme prêt à exploser, et il ne fait aucun doute que la démone ici présente est sur le point d’accoucher… Même si mettre bas serait plus exact pour ce genre de créature affreuse. Son visage est marqué d’un rictus de douleur, qui renforce l’apparence démoniaque et monstrueuse de cette femme-porteuse de monstres. Sa tête est encadrée par de trop nombreuses cornes de tailles impressionnantes, et ces attributs démoniaques sont emmêlés dans une chevelure verdâtre et ondoyante au rythme des secousses que lui provoque cet accouchement.
Autour de cette scène horrible, l’émasculée conception, quatre autres démonettes rampent lascivement en admirant celle qui semble leur mère. Elles sont toute les quatre identiques : le crâne chauve, la peau écailleuse comme celle de leur maman adorée et chérie, un air mauvais exagéré par des yeux d’un jaune douteux et malsain, des formes avantageuses, certes, mais prisonnière d’une sorte de carapace naturelle, qui ôte bien vite à mes yeux tout attrait de la chose. En résumé, même si ce sont bien des femelles, elles ne m’attirent pas le moins du monde, surtout quand je vois leurs longues griffes au bout de leurs doigts acérés.
Bref rien de bien réjouissant dans tout ça, surtout vu la gueule du paternel. C’est le pire de tous. Une mocheté ambulante qu’on ne peut rencontrer que dans des grottes glauques et reculées comme celle où nous sommes. Un lézard à forme humaine, grand et affreux, les dents tranchantes comme des lames de rasoir dépassant de sa gueule disproportionnée. Son front marqué par de profond plis, d’importantes rides, est marqué par les même yeux que ses filles. Ses trois doigts semblent se tendre vers notre petit groupe quand enfin il remarque notre présence, et aussitôt, l’assaut est lancé. Les quatre furies se jettent sur nous, suivie de leur père visiblement en rogne.
Aussitôt et sans attendre une minute, je dégaine mes deux lames en attendant l’impact. Lillith, lui, semble traumatisé par cette apparition diabolique. Il crie qu’il ne peut pas se battre, et je le comprends. En lui jetant un dernier regard complice et protecteur, je le vois s’enfoncer dans le boyau pour fuir cette horreur qui nous attaque.
(Je te défendrai, Lillith ! Il ne t’arrivera rien tant que je serai vivant !)
(Pathétique… Occupe-toi donc de ta vie avant de suggérer celle des autres. Si tu la perds, tu peux être certain qu’eux aussi la perdront…)
(Mouais…)
La première des démones, la plus vive, est déjà presque sur moi. Je pousse un cri en la voyant arriver, et elle me répond pareillement, déchirant mes tympan par un son criard et grognant. Au moins, on semble avoir l’avantage de se comprendre, elle et moi. Elle s’arrête à quelques pas de mois, me regardant de ses yeux jaunes. Nous nous toisons mutuellement pour savoir quand l’autre aura l’audace d’attaquer. Visiblement, c’est la seule pour le moment qui me veut du mal, même si ses semblables ne sont pas loin.
Et soudain, elle me bondit dessus, mais ayant l’instant d’avant vu ses pupilles se rétrécir à l’avance sous cette idée d’assaut, j’évite le coup et elle me rate de peu. Je sens néanmoins ses griffes acérées glisser sur mon armure avec un grognement de rage. Je me retourne vers mon ennemie et tente de parlementer.
« Je peux vous aider, j’ai déjà aidé à l’accouchement d’une femme ! »
Ça vient de me revenir. Le désert, la nuit. Moi seul avec la princesse Kel Attamara au bord de l’accouchement. J’avais du me résoudre à l’aider à faire naître l’héritier du trône du puissant et respecté roi du désert. J’avais bien réussi, ce soir là, même si mon estomac n’était alors pas du même avis que moi.
Le grognement qu’elle produit me fait signifier qu’elle ne comprend visiblement pas mon langage, ou plutôt qu’elle ne veut pas le comprendre. Elle s’acharne à me donner des coups répétés que je pare assez aisément avec mes lames. Je ne suis pas offensif, je reste sur mes gardes, je me concentre sur ma défense. Je ne tiens en aucun cas à me faire percer un œil par une de ces monstrueuses créatures aux longs doigts. Mais elle se blesse toute seule. N parant avec mes lames ses coups de mains rageurs, elle se tranche la peau de nombreuses fois, ne semblant pas ressentir la douleur de cette peau écailleuse qui part en lambeaux. Visiblement, sa haine est trop forte contre moi qui ne lui ait rien fait, et elle lui dévore l’esprit pour n’en former plus qu’une bête, une machine à tuer.
Il est temps d’en finir, car j’ai pitié de cette créature aveugle qui s’échine à essayer de me tuer en se blessant soi-même. Je ne pare plus ses coups désormais qu’avec une lame, et l’autre virevolte pour lui asséner des blessures dont elle ne guérira point. Au bout d’un moment de ce combat acharné où la chair putride de la monstresse virevolte dans tous les sens, laissant ses paumes meurtries et décharnée, j’enfonce profondément ma rapière dans la gorge de la bête, qui meurt sur le coup dans un gargouillement infâme.
Mais alors que j’essaie de reprendre mon souffle, fatigué par ce combat et les nombreux autres avant, sa sœur me bondit dessus. Je m’effondre, sur le sol et essaie de me dégager de son emprise, gardant mes armes en main pour me protéger de ses mains crochues. Je ne pourra as résister longtemps dans cette position peu confortable, et je me prépare déjà presque à recevoir un coup terrible qui me défigurerait.
Et pourtant, rien n’arrive. Ou plutôt, une étrange chose se passe. Je sens doucement le sol se dérober sous moi, et se colorer d’une teinte mauve. Je me sens attiré, littéralement absorbé par ce sol meuble. La démone, apeurée par cette apparition, se recule prestement et me laisse sombrer dans ce fluide violet, qui m’étreint de ses bras. Je ferme les yeux.
Le vent… Le vent recouvre mon visage et me passe sur la peau. Un vent froid et pestiféré. Mes paupières s’ouvrent doucement et je peux voir, toujours allongé sur le dos, un ciel aux nuages mordorés et mouvants comme s’ils étaient eux-mêmes vivants. Je me redresse, un peu, avant de voir à mon côté De, et plus loin Lillith et le médecin. Nous sommes de retour sur la montagne, et je retombe sur le sol, épuisé.
Je me sens sombrer vers le sommeil. Celui d’un elfe est court, mais nécessaire. M’en tirera-t-on avant que je ne me fasse occire par la lame d’un ennemi ?