Ouch… je me doutais un peu que les choses allaient se passer comme ça : autant je m’attendais à ce que Krochar, en bon guerrier Garzok, ait appris à faire avec les moyens du bord lorsqu’il s’agit de survivre, et à ne pas faire la fine bouche devant ce qu’il faut pour se caler l’estomac, autant ça ne m’étonne pas que Kerkan se soit fait la malle comme si je venais de lui proposer de se couper un bras pour se nourrir. J’espère que l’idée que du purin peut être bénéfique, et même parfois nécessaire pour faire pousser de belles plantes (jolie métaphore), finira par s’ancrer dans son esprit, et qu’il concevra que tout ne peut pas être héroïsme, banquets et aux faits ! Bon, c’est vrai que manger des insectes comme ça encore vivants n’est pas une perspective très réjouissante, mais si on arrive à faire abstraction de la texture, c’est tout ce qu’il y a de plus acceptable, et même bon comme nourriture ! Tout de même pris au dépourvu par sa fuite soudaine, je n’ai pas le temps de réagir avant qu’il me passe sous le nez en coup de vent, et m’apprête ensuite à le courser pour le faire revenir aussitôt : si j’ai pris les précautions nécessaires pour ne pas me retrouver en fâcheuse posture lors de ma sortie, je suis pour le moins peu certain que le jeune aquamancien observera la même ligne de conduite en ce qui le concerne !
(Laisse, il lui faut un moment pour penser tout seul. - Quand même, il aurait besoin que quelqu’un lui tape l’épaule non ? - Pas pour ce qu’il doit être en train de faire non.)
Hum, un peu cynique, mais vrai : généralement, quand on se retrouve dans une posture pareille, on préfère être seul plutôt que de se retrouver à se donner en spectacle, quand bien même le spectateur en question serait votre meilleur ami… surtout si il le serait en fait. Ce n’est pas le genre de choses à voir, et mieux vaut donc que tout le monde ici tienne la position en attendant son retour ; après tout, s’il lui arrive des ennuis, il n’aura qu’à appeler à l’aide, et puis ce n’est pas comme s’il s’agissait de n’importe quel jeune humain. Si des sektegs ont envie de se retrouver déchiquetés par des vagues, noyés et congelés, je leur souhaite bien du plaisir !
« Je crois qu’on va le laisser faire tranquillement ce qu’il a à faire… » adresse-je à Krochar avec un sourire un peu grimaçant. « En attendant, je vais voir si je peux pas faire quelque chose de plus humainement acceptable avec ça. »
M’attelant à ma tâche, je reprends possession de mon panier de fortune, y piochant au passage une autre proie qui vient rejoindre l’enfer stomacal des aliments engloutis, et envisage d’abord de faire un petit feu pour transformer le nid d’asticots en une sorte de ragoût, mais abandonne bien vite l’idée, non seulement parce que de la fumée pourrait nous attirer des ennuis, mais aussi parce que je n’ai ni briquet ni quoi que ce soit qui puisse faire office de source de feu. De toute manière, l’humidité naturelle du sous-sol a rendu le bois trop humide pour qu’il puisse faire un combustible un tant soit peu efficace alors il va falloir explorer d’autres voies ! Farfouillant dans le placard à la recherche de quelque chose d’utile, je ne peux m’empêcher d’être encore une fois déçu lorsque le résultat de mes recherches se réduit en tout et pour tout à un grand bol en bois oublié dans un recoin du meuble avec pour seule compagnie une cuillère languissante. M’armant en prime d’une chope à l’anse cassée ayant roulé sous le lit (oui, je l’ai époussetée bien évidemment !) qui devrait convenir pour ce que j’ai en tête, je m’accroupis et m’atèle à la tâche, commençant par découper les vers de terre en petits morceaux, faisant au passage gicler pas mal de leurs fluides vitaux sur mes mains. Ensuite, après m’être sucé les doigts, je m’empare du gros verre robuste et m’en sert comme d’un mortier pour réduire le tout en une sorte de bouillie dont la consistance se situe à mi-chemin entre de la soupe et de la purée. Evidemment, ce n’est toujours pas un plat d’auberge, mais au moins ça ne bouge plus et devrait donc être plus supportable à mettre en bouche ; en plus, je constate avec une sorte de fierté que la mixture remplit aux trois quarts le bol (qui est d’ailleurs d’une telle taille qu’on en dirait presque un saladier en fait)… mais tout de même, ça reste un peu… plat quoi !
Maussade, je contemple mon œuvre pendant une bonne dizaine de secondes sans parvenir à trouver quelque chose à faire de plus, les poings de part et d’autres de mon menton, les coudes dans le creux de mes genoux, quand le contact de quelque chose de froid sur mon avant-bras gauche me donne une idée qu’elle est bonne. Enthousiaste à nouveau, je détache la jolie broche de mon poitrail, et prends délicatement le symbole aquatique entre mon pouce et mon index, fermant les yeux pour mieux me concentrer sur un souvenir heureux… pourquoi pas celui du combat contre Barbe-noire ? Il ne remonte pas à très longtemps, et en plus, avec Krochar juste à côté, ça ne va pas être difficile de le rappeler à ma mémoire ! Et en effet, comme si c’était hier (et à plus forte raison parce que c’était hier), les images me reviennent comme d’elles-mêmes en tête, et avec elles les sentiments qui y étaient associés, instillant à nouveau en moi les frissons galvanisants de ce combat amical dont la sensation semble se répercuter directement dans le cœur du petit joyau pour que s’en écoule un petit ruisselet d’eau de vie incolore à la forte senteur.
Voilà ! Avec ça, plus qu’à mélanger avec une cuillère, et je peux goûter pour vérifier, plongeant l’ustensile de cuisine garni d’une bonne quantité de bouillie dans ma bouche pour me rendre compte que l’alchimie un peu tâtonnante de ma recette a plutôt bien pris, même si je dirais bien que ça manque de sel pour relever le goût. Dirais, car en fait, ça manque de tout un tas de choses : il ne faut pas se leurrer, ça reste un plat fait avec les moyens du bord, et plutôt au petit bonheur la chance ! Masquant toutefois mon exultation, je dépose le bol-saladier sur la table, bien à la vue de quiconque pourrait avoir besoin de se restaurer… et maintenant que les tâches domestiques sont finies, c’est le moment pour un peu de musique avant que je me décide à piquer du nez ! Heureusement, ni le corps ni les cordes de la balalaïka n’ont reçus de dommages (du moins pas de dommages visibles) malgré tout le tumulte du voyage, et quelques trilles mélodieuses tirées de l’instrument ont vite fait de me rassurer sur la solidité de cette création torkine.
« Vous devriez manger vous savez. » Préviens-je Glaya qui n'a pas bougé depuis qu'elle s'est allongée d’un ton neutre tandis que je prends place sur le sommier nu du lit, jambes croisées, plaçant mes mains comme il faut tandis que je cherche quelques paroles pour un petit air de circonstance.
( Au fait, tu pourrais faire comme dans la caverne avec ma voix ? - Tu veux dire plus fort ? - Plutôt… plus juste, plus maîtrisé quoi. Tu vois ce que je veux dire ? - Oui oui... je ferai quelque chose. Tu commences quand tu veux.)
Bon. Après un temps de cogitation, je me racle la gorge, tout en ayant l’impression que ses parois sont modulées par une force extérieure ; peut-être l’effet de la magie de Minil’, mais peut-être aussi tout simplement mon imagination. Quoi qu’il en soit, commençons : rythme plus lent, tonalité plus douces et plus cristallines, et voix plus mesurée, moins rapide, plus souple…
Courage, courage, courage compagnons, ne baissons pas les bras, allons et faisons front ! A nous tous, au nom de la Dame des Rêves, oeuvrons pour elle, sans repos et sans trêve.
Nous ne sommes ni canailles ni fiélons, et en dépit de tout, ensemble nous tiendrons : peu importent les obstacles sur notre route, nul travers ne saura nous mettre en déroute.
Aussi, maintenant qu’il est l’heure des sommes, rappelez vous que tous ensemble nous sommes. Serrons-nous les coudes ; avec solidarité, soyons prêts les uns les autres à nous supporter.
Ouvrant légèrement les yeux que j’avais laissés fermés jusqu’ici, j’atterris doucement de ma rêverie dans laquelle ma chansonnette m’avait plongé, ayant presque cru entendre quelqu’un d’autre avec ma voix modulée par les bons soins de ma diligente faera. Pensivement, je laisse courir mes doigts le long des lignes du bois et des cordes fines.
_________________ J'ai décidé d'être heureux, parce que c'est bon pour la santé! _____________________________________________ Jakadi, voleur gobelin niveau 4 so unique en son genre vous salue bien. Bilan de la quête 18 : Buffet maritime gratuit , une tenue très tendance (merci beaucoup GM17 ), 1er contact avec les indigènes, découverte des spécialités culinaires locales , rééquilibrage de la balance des possessions Shaakts/Sektegs, tatanage de torkin (c'est une CC messieurs-dames!), un ventousage d'urgence , une obtention de balalaïka , une razzia sur des restes de bataille, du matraquage d'araignées géantes , la perte d'une bonne partie du groupe , un affrontement avec un esprit des ténèbres , un fort agaçant diseur d'énigmes , un combat contre une troupe entière de garzoks, de l'apprentissage de CCs par zigouillage d'araignée .
|