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âmes sensibles, passez votre chemin, séance de torture
« Teresa, vu l'usage actuel de vos mains, je pourrais vous les faire trancher qu'il n'y aurait aucune différence ! »C'était la énième fois qu'un vase tombait dans les couloirs sombres de Keresztur. La chambrière prétextait voir des ombres se faufiler entre le mortier des roches, étouffer les torches d'un aura maléfique. Erzébeth l'aurait prise pour folle si ça n'avait pas été les mêmes échos qui venaient des cuisines, des chambres des servantes. Tous et toutes rapportaient chaque jour des faits étranges au château. Un grincement de porte le soir. Un garde faisait ferme toutes les portes des locaux de matériel le soir. L'homme qui en était chargé assurait que dès que la porte était fermée à double tour, lorsqu'il tournait le dos à celle-ci, elle s'ouvrait comme si elle était victime d'un odieux maléfice moqueur. Les torches neuves ne s'allumaient plus, les servantes dérapaient dans les escaliers...
Erzébeth n'était victime que du désordre et de la gêne occasionnée, mais ça suffisait déjà largement à la mettre en rogne. D'autant plus que ce jour était celui de la venue d'une femme qui allait être chargée de la sécurité et du corps armé de Keresztur. La guerre avait coûté des âmes, dont celle de celui qui fut autrefois attitré à ce poste honorifique. La guerrière arrivait, sa monture battait les dernières neiges des plaines jusqu'à pointer le bout de son museau devant la grande porte de Keresztur. Elle se nommait Lydia. Une jeune femme à l'éducation aboutie qui maîtrisait à la quasi-perfection l'art du tir à l'arc. Erzébeth n'avait rien contre le fait d'une femme à la tête de ses troupes. D'autant plus qu'elle ne laissait pas le choix. Elles feraient ensemble le tour des installations de Keresztur. La garde était omniprésente depuis les curieux accidents. Erzébeth y pensait, elle cherchait une solution, questionnant chaque servante, chaque garde, allant même parfois interroger les cuisiniers. Le chef du château n'appréciait pas d'ailleurs, que la Baronne vienne mettre son nez dans les cuisines. Il était bedonnant, une énorme moustache qui lui servait lorsqu'il désirait s'essuyer, preuve en était, le luisant du poil à cause des graisses et la quantité de nourriture qui s'y trouvait coincée entre ces poils épais et noirs. Il ne manquait pas d'en faire la remarque, demandant quand ils seraient enfin tranquilles et quand elle cesserait de venir toutes les heures prendre un rapport. N'appréciant guère le ton employé, Erzébeth lui jeta des tripes de paon au visage.
Lorsque la Baronne vint accueillir la guerrière, Cèles lui confia immédiatement qu'elle sentait la présence d'une seconde Faera... Lydia, la guerrière en possédait également une. Cette guerrière avait négligemment attaché ses cheveux en arrière, ça donnait un air plus jeune à la demoiselle, quant bien même elle venait juste d'être arrachée par la guerre à sa jeunesse, elle avait de ces allures de femme qui imposait souvent le respect aux hommes. Cette sensation étrange qui semblait la rentre totalement intouchable, le regard presque hautain caché sous ses cils délicats, tueuse, guerrière, combattante, elle n'avait en rien perdu de cette beauté. Toutes deux se dirigèrent vers la cours intérieure du château. Un cordon de soldat y était préparé. Lydia ne tenait pas à se reposer de son voyage, Erzébeth jaugeait son caractère, ça lui plaisait au plus haut point.
Droits comme des piques de guerre, les soldats, combattants de Keresztur et gardes d'Erzébeth attendaient en armure. Le cuir était ciré et vernis, les épées au fourreau, les pavois lustrés. Un effectif de vingt personnes au château, sans compter les vingts autres gardes qui sillonnaient les couloirs à la recherche du fauteur de trouble. Quatre-cents autres étaient dispersés sur les terres, dans les villages, en patrouille... Près de cinq-cents hommes d'armes entrainés, commandés, disciplinés. Lydia connaissait ce genre de groupe, elle avait déjà conduit des groupements de soldats malgré son âge peu respectable. Erzébeth elle, avait augmenté les taxes des paysans pour augmenter l'armement et les contingents de soldats. Elle tenait à cette indépendance qui faisait que Keresztur était libre de ces satanés prêtres, conseillers, scribes royaux. Elle ne tenait pas particulièrement à demander de l'aide au Roi. Si le domaine était attaqué, elle serait capable de venir à bout des adversaires seule !
Un nouveau bruit suivi d'un hurlement strident. La voix était singulière, ô combien connue, celle de Svetjana. Sa seconde servante favorite était-elle aussi victime de cet créature indicible, cette chose que personne n'était capable d'appréhender ? La Baronne demanda à Lydia de rester avec les hommes, elle alla vérifier l'état de la servante. A terre, un garde la ramassait en s'assurant qu'elle aille bien. La pauvre enfant était pâle comme la mort. Elle balbutiait des propos incohérents comme quoi, sa propre ombre se serait détachée d'elle même pour prendre une forme hideuse au point de lui faire perdre connaissance.
Erzébeth fumait de l'intérieur. Sa Faera lui expliquait qu'il s'agissait de l'ancien résident du château.
« L'ancien résident ? Tu dois faire erreur, le château est habité depuis des années par la famille de Mircalla. »« Ouiii je sais, mais il y vivait avant. »« Avant ? Je n'ai rien entendu de tel. Il y a combien de temps ? »« Sept !»« Quoi ?! Sept mille ans !? »« Mais non ! Sept cents ans. »« C'est donc un Elfe qui est revenu au château ? Pourquoi il ferait ça ? »« Heu, c'était un humain...»« Non sens ! Un humain serait mort. Ils ne reviennent pas à la vie à moins... »« Tu y es presque... Necrooo ? »« GAAAARDES !»Jamais les servantes n'avaient vu Erzébeth dans une telle colère, elle en refusait même de manger. Son premier ordre était de traquer et de retrouver le nécromancien qui était la cause de tout ceci, Lydia avait se première mission et se rendait avec un groupe de quinze hommes dehors, enchantée de pouvoir mettre des talents à profit. Teresa était cloitrée dans sa loge de peur qu'un mort vivant vienne la chatouiller dans son sommeil. Svetjana se réveillait pour mieux retomber dans les pommes, Erzébeth était repartie en cuisine, sans poser de question, pour le seul plaisir de relancer des tripes au visage joufflu du cuisinier qui n'avait rien vu venir. Elle devait faire passer sa colère, accompagnée de trois soldats du corps militaire, elle inspectait les geôles.
« J'espère que les barreaux sont assez solides... Vérifiez !»Aussitôt dit, l'homme venait secouer brutalement les barreaux pour s'assurer qu'ils restaient solidement ancrés dans la roche. C'était le cas, la rouille ne piquait que peu le fer et les serrures épaisses.
« Vous serez chargés de la surveillance, si le nécromancien s'échappe, vous prendrez sa place. »Les hommes n'avaient rien dit. Ils connaissaient les lieux, la magie ne les effrayait pas et ça ne devait pas être leur première garde de prisonnier. A supposer que Lydia revienne accompagnée de la précieuse personne... Savoir que Lydia était accompagnée d'un Faera la rassurait, Cèles savait qu'elle trouverait, cependant, faute de question de la Baronne, elle ne disait mot. Erzébeth en avait assez de ces souterrains puants, elle souhaitait le grand air, les remparts, le jardin, n'importe où, qu'elle puisse respirer.
Ce n'était que plus tard, dans la soirée, alors qu'elle buvait un verre d'hydromel confortablement assise dans un tas de coussins de velours qu'un garde se planta au garde à vous, annonçant le retour des troupes de Lydia, celle-ci avait fait le tour des villages voisins. Ils avaient trouvé une jeune femme dans un taudis, elle possédait des ouvrages anciens, des runes aux caractères étranges ainsi que de nombreux fluides obscurs. Au bout de quelques heures, elle avait déjà un résultat... Cette perspective lui était des plus plaisantes. Elle se dirigea, escortée du soldat jusqu'à la salle où Lydia, triomphante lui montrait d'un geste de la main, un corps de femme dont le visage était dissimulé à l'aide d'un sac de toile noire. Les bras entravés par des chaînes claires, on y voyait de nombreuses brûlures, probablement venues de rituels incertains en l'honneur de Dieux maudits. Des lacérations, ce corps féminin avait été découpé de nombreuses fois au niveau des bras - rien par rapport à ce que lui réservait la Baronne -
Elle ôta le sac de toile, découvrant les cheveux noirs emmêlés qui tenaient prisonniers dans leurs boucles quelques fétus de paille.
« Elle avait essayé de s'enfuir en se cachant dans une grange, ça ne lui a pas réussit... »Quoiqu'en était les moyens, Lydia venait de remplir sa première mission avec brio, Erzébeth questionna, demandant en quel nom elle faisait surgir ces esprits infâmes qui perturbaient ses servantes. Elle cracha au sol devant la Baronne. Lydia fit un signe de la main, l'homme qui l'entravait par la gauche envoya son poing dans le ventre de la nécromancienne qui tomba à genoux, rapidement relevée. Lame sous la gorge, elle refusait toujours de parler... Il ne restait qu'une seule solution selon Erzébeth...
***
La Baronne avait quitté ses belles parures, elle n'avait que cette robe sans broderies et une tiare de fer noir pour empêcher ses mèches de lui couper la vue. Elle descendait pour la cinquième fois aux cachots. Cela faisait deux jours que la femme y était séquestrée et torturée. Elle avait pour instrument des baguettes de plomb, des lames, des pinces, tenailles, aucun instrument mécanique mis à par un chevalet hors d'état qui ne servait qu'à maintenir la fanatique en place. Le nez brisé, le sang coagulé sur sa peau blanche, elle refusait de parler. Erzébeth quant à elle, restait étonnamment fraiche, les hommes de main la détachèrent une nouvelle fois à son arrivée pour la placer devant un tonneau d'eau. La Baronne perdait peu à peu patience.
« Pourquoi ?!»« Je ne di... Dirais rien ! »Les doigts accrochaient violemment les cheveux pour plonger son visage dans l'eau, elle laissait jusqu'à ce qu'elle n'ait plus d'air dans les poumons, peu avant qu'elle ne s'évanouisse. Et répétait l'opération... Encore et encore. Lorsque ça ne suffisait pas, elle laissait choir le corps meurtri de la femme au sol et claquait des doigts. Le signal que ses hommes de main attendaient pour la bastonner. Le premier jour, elle avait bien essayé de se montrer plus humaine, voire confidente, en passant doucement sa main dans les cheveux de la fanatique pour comprendre pourquoi elle faisait venir ce monstre dans son domaine. Elle gardait les lèvres scellées... Erzébeth retourna dans les cuisines, passant devant le chef qui cette fois-ci se protégeait derrière un cuisinier. Elle venait simplement chercher de quoi nourrir la suppliciée. Elle essayait la bonne méthode... Celle qu'on pouvait qualifier de douce, voyant que ça ne mènerait à rien, elle avait perdu patience. Seuls ses hurlements et plaintes trahissaient le fait qu'elle n'était pas muette. C'était un bon départ.
« Baronne, je ne connais pas les méthodes d'usage ici, mais je ne sais pas s'il est vraiment nécessaire qu'elle soit torturée... »Erzébeth appréciait cette remarque ô combien juste, en effet, il n'était pas nécessaire, mais si elle n'était pas la cause des tourments de ce château, la rumeur de cet acte ferait vite le tour des villages, c'était ce qu'elle voulait, si ça parvenait aux oreilles de la personne concernée, peut être qu'elle cesserait ces arts maudits.
Lydia était une femme délicate, mais ferme, elle comprenait ce que voulait Erzébeth, approuvant qu'à moitié de telles méthodes, elle se doutait néanmoins du caractère que cachait la jeune Baronne.
« Pourquoi ! Je veux savoir pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Parlez ! »La nécromancienne recommençait à cracher, du sang cette fois-ci, elle déglutissait avec peine et n'arrivait que difficilement à rester éveillée tant elle était meurtrie et fatiguée. Erzébeth tirait ses cheveux, en arrachant des poignées entières, sa fureur faisait pâlir de peur sa garde. A ce jour, les séances de torture effrayaient plus le personnel du château que l'esprit malin qui y rôdait parfois...
« Ca suffit ! Je me débarrasserais de vous ! Ça suffira peut être à faire mourir ce puits maléfique qui vit sur mes terres. »Elle déposa sur une plaque creuse de fonte une de ces baguettes de plomb qu'elle utilisait pour frapper les doigts pour la placer au dessus du feu. Au bout de quelques minutes d'effroyable silence, et lorsque le plomb fut liquide, elle dit à ses gardes :
« Ne l'égorgez pas, versez lui une goutte de ce plomb sur chaque œil, versez le reste dans sa bouche, qu'elle ne puisse ni voir ni parler. Déshabillez la, et abandonnez cette vermine dans les bois... »