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 Sujet du message: Le château de Keresztur
MessagePosté: Mer 2 Fév 2011 23:54 
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Le château de Keresztur


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Keresztur, aussi appelé : Vérzö Lélek par les rares habitants des environs, un nom étrange à l'image de ces lieux qu'il représente. Sur ces terres, les arbres lors des belles saisons entourent les chemins, vous donnant l'impression de marcher dans un tunnel tant ils forment une véritable arche. Le vent y souffle continuellement, sifflant entre les rochers déchiquetés. De loin, le château se trouve sur la colline, quasiment impossible à prendre d'assaut en vue des pentes escarpées et des bosquets dominants. Des immensités verdoyantes, grises de pierre là où elles ne le sont pas de feuille.

L'hiver, tout semble différent, la neige poudreuse et vierge recouvre les lieux d'un manteau blanc. Le froid mord les chairs et les bois se retrouvent désertés. La nuit comme le jour, tout se fait de silence. Un sentiment étrange émane de cet édifice.

Une femme, y a pris domicile, elle y vit, à l'écart de la population du Royaume de Kendra Kâr et semble y couler des jours tranquilles. D'étranges rumeurs courent néanmoins au sujet de ce qui se trame derrière les murs épais de sa nouvelle demeure. Les idées des riverains vont bon train, mais jamais la jeune femme, jamais ne prête attention à leurs rumeurs. Lorsque la nuit tombe, il n'est pas rare de voir sa silhouette féminine se promener sur les remparts pour y admirer la lune. Le point offrant une vue imprenable sur les environs et la vallée.

Cependant, si un voyageur est perdu dans ces contrées égarées, il peut toujours venir frapper aux portes de Keresztur. Qui sait ce qu'il y trouvera.

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 Sujet du message: Les flammes de la folie.
MessagePosté: Sam 5 Fév 2011 02:30 
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J'établirai ici, sous quelques lignes comment Silmeria fut bonne et agréable pendant les premières minutes qui suivirent la disparition de Hrist, qu'elle était heureuse ; Chose faite.
J'ai finit par m'apercevoir qu'ensuite, elle avait dû naitre méchante : fatalité incroyable. Elle cachait son caractère tant que faire se peut. Elle était vieille par rapport à Mircalla. Chaque jour, le sang montait à la tête de la Douce, jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus supporter une pareille vie.
Nous avions su que la jolie Mircalla était en réalité, une fille de famille fortunée qui possédait de nombreux domaines dans le royaume de la Cité Blanche. Chose incroyable, un château à mi chemin de Bouhen et Kendra Kâr lui avait été offert par son oncle. Pour une surprise, elle qui dans l'esprit de Silmeria allait être un poids mort, une esclave pouilleuse au doux visage...


Les longs chemins qui séparaient le château de Keresztur et Bouhen étaient enneigés. Il semblait que le terrain n'avait pas été pratiqué depuis un long moment car les routes étaient sinueuses, pleines de nid de poule qui rendaient l'ascension de la côte longue et pénible pour un couple à cheval - totalement impossible pour un marchand avec sa caravane. Pour joindre le bâtiment avec un transport, il fallait emprunter une petite route au cœur des montagnes, beaucoup plus longue mais on ne risquait pas de briser un roue et de voir son chargement dégringoler le long des pentes avant de se briser sur les rochers.

L'endroit ne ressemblait pas à une place forte, pourtant placé dans un endroit où les raids d'orques sont monnaie courante, la nature avait fait de ce domaine une place inexpugnable qui avait permis aux bâtisseurs de lésiner sur le côté massif des défenses pour en faire un domaine tout à fait coquet.

Silmeria avait posé pied à terre, elle tirait les reines de Calpurnia qui, pétrie de froid avançait péniblement. Mircalla quant à elle, indiquait les directions à suite. Il y avait tant de petites routes et de crevasses dans ces coins que le chemin aurait été plus long sans des yeux experts et habitués aux pièges qui se terraient dans ces lieux. La Douce repensait à la Frémissante, du moins au vague souvenir qui se dissipait si vite qu'elle en vint à se demander si elle avait jamais existé, ou si elle était frappée par un mal étrange - une folie passagère et meurtrière. La cape montée jusqu'au nez glacé par les températures agressives, Silmeria écoutait de son mieux la voix suave de sa compagne que le vent dévorait.

Keresztur, enfin. Les routes empruntées avait portée les deux femmes et leur monture en haut d'un petit talus qui dominait une crête permettant de voir la cours de l'entrée, les murs, les arbres morts de froid aux alentours. La masse noire du château dégageait quelque chose de pénible et malsain. Un bloc noir magnétique dans la neige pure et blanche peignée çà et là d'arbres bruns.

Il était facile de distinguer les allées et venues de servantes qui se relayaient pour ne pas attraper la mort dans ce froid odieux ; un cortège de femmes de noir vêtues qui attendaient la venue de Mircalla, maîtresse du domaine grâce au chaleureux présent de son Oncle qui l'attendait au sein de la bâtisse imprenable. Elles venaient à peine d'arriver que déjà, on avait proposé des couvertures pour se réchauffer, deux femmes avaient tirés les rennes de la monture pour la diriger vers les écuries. Ce genre de chose, Silmeria n'y étais pas habituée, quelque peu gênée, elle souriait en grimaçant aux propositions des jeunes servantes. Une fois entrées dans le hall spacieux, un guéridon placé au milieu de l'entrée attendait avec, posé dessus un plateau d'argent où fumaient des mixtures inconnues versées dans un service de porcelaine.

Du thé, la Sindel jusqu'à présent ne connais que l'hydromel, le lait et l'eau. Elle préférait oublier le goût des alcools amers tels que les bières et le goût rance et tanique des mauvais vins de taverne. Mircalla quitta sa compagne, prétextant devoir s'entretenir avec son Oncle - Silmeria restait donc accompagnée d'un cortège de servante et de sa tasse de thé dans le hall.

Je dois m'avouer surprise. Jamais je n'avais vu, ou espérer voir un jour de telles splendeurs. L'air tiède de l'entrée redonnait un teint aux servantes glacée qui nous attendaient dehors. Mircalla s'eclipsait et déjà, je me sentais mal à l'aise. Les demoiselles de maison me demandaient si je n'avais besoin de rien, à première vue elles étaient moins d'une dizaine, mais je ne tardais pas à en croiser d'autres qui circulaient dans les couloirs. J'étais ébahie. Le hall était d'une hauteur céleste et dans le centre de cette voute si haute, pendait un lustre de maître. Les teintures qui couvraient les murs étaient décorées à intervalles régulières d'un portrait, un tableau d'ancêtre, une fresque montrant un combat entre les Kendrans et les Orques de la Déesse Oaxaca. J'entrepris d'explorer un peu l'endroit qui allait me servir de demeure, un petit couloir à la gauche du hall menait à un salon coquet où gisaient de nombreux coussins aux formes et aux couleurs différentes, prudente et de peur qu'une servante me suive, je fermais la porte pour profiter au mieux de ma visite solitaire.

Une voûte décorée d'un vitrail blanc donnait une vue plus ou moins claire sur l'extérieur, directement sur quelques maisons paysannes. De loin on pouvait distinguer de la fumée qui s'élevait au ciel, probablement dû aux fours à houblons qui faisaient la richesse de certains producteurs de bière...

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La petite ombre de la Mort à Elysian.

Alors, j'ai établi ma couche dans les charniers,
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Où la Mort Noire tient le registre des trophées qu'elle a conquis.


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Dernière édition par Silmeria le Mar 8 Fév 2011 18:33, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Honneur au val des âmes perdues
MessagePosté: Sam 5 Fév 2011 23:02 
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Nous, Faera, vivons éternellement. Nous ne sommes faites de rien, rien ne nous défait car rien ne nous lie. Comme mes soeurs, je sais que la sagesse, c'est s'étonner et s'émerveiller de tout. Cependant, à l'heure où j'écris ces lignes, je suis horrifiée, accablée. Silmeria était une perle de beauté et de douceur... Hrist quand à elle, était une créature increvable, imperméable à l'amour. Jamais je n'aurai pu croire que la douceur de Silmeria s'éteindrait dans les flammes qui rendaient Hrist au néant.

Hrist est peut être absente de ce monde, mais elle n'était qu'une graine de l'horreur.


Mircalla en apprenait tous les jours à Silmeria. Plus elles passaient de temps ensemble, plus Silmeria comprenait qu'elle avait sauvé la vie d'une jeune femme de famille noble. Elle en était même étonnée, car si elle avait été à sa place, ça aurait la première chose à avouer à sa sauveuse. C'était un jeudi, Mircalla était dans la cours intérieur du château de Keresztur pour y lire, assise à côté de la fontaine intérieure. Cette fontaine était en marbre blanc, sculptée à l'aide de mains habiles qui donnaient à la créature céleste, ce corps de femme aux ailes blanches et longues qui lui tombaient jusqu'aux chevilles, une apparence presque réelle. L'eau chantait délicatement tandis que Mircalla feuilletait un ouvrage récupéré probablement dans la bibliothèque. Combien de fois lui avait-elle confié adorer lire, mais de façon honteusement détaillée, elle parcourait du regard les pages et lorsqu'elle trouvait un passage qui lui plaisait, elle revenait en arrière pour le lire avant de continuer de faire semblant.

Silmeria comprit plus tard, qu'en réalité c'était cette pièce que Mircalla affectionnait, lorsqu'on lisait, les servantes hésitaient à interrompre la lecture, c'est une des raisons pour laquelle elle y venait toujours accompagnée d'un livre. Silmeria se sentait différente. Elle avait une chambre digne de ce nom, des repas riches et à sa convenance... Elle avait même laissé son armure, ses armes dans la chambre, abandonnant sa robe blanche pour une tenue plus noble, un bustier de velours noir au décolleté du même rouge que ses lèvres. Un tombant du même velours noir jusqu'aux chevilles cachait ses jambes montées sur de petits escarpins dit " d'intérieur " à la fois léger et confortables. Les servantes savaient faire de nombreuses choses, Silmeria se sentait parfois ridicule, elle qui avait passé sa vie à courir le monde, elle en était incapable de coudre un vêtement, cuisiner quelque chose de somptueux... La vie d'intérieur lui plaisait, elle avait intérieurement espéré ça depuis tant de temps.

Elle alla s'assoir à côté de Mircalla qui lui souriait, ravie de voir que ce n'était pas une servante, cette dernière lança un compliment quant à la tenue. Elle avait ça de singulier, qu'elle passait rapidement d'une chose à l'autre, et déjà, elle semblait replongée dans ses lectures. Sous le joug et l'emprise d'un nouveau passage passionnant, elle ne décollait plus les yeux de ces pages à l'esprit vierge. Silmeria alors, parcourait la surface de l'eau du bout des doigts, le friable de la pierre gorgée sur laquelle elle était assise, le glacé et pénétrable - limpide - de l'eau. Cet univers était merveilleux. Derrière la fontaine, se trouvait deux escaliers face à face qui menaient tous deux à l'étage sous forme de balcon circulaire qui couronnait la salle. La fontaine était le centre de la pièce, le plafond se trouvait bien plus haut, sous forme de scène mythologique. Au centre, une entité noire qui fixait de ses yeux peints le sol et les deux compagnes.

La brune s'arracha à son monde littéraire pour poser une main sur celle de son amie. Elle lui dit :
" Demain, je vais partir pour Kendra Kâr avec mon oncle. Nous avons d'importantes affaires à régler, et je dois me rendre sur la tombe de mère, cela fait tellement longtemps. "

Silmeria n'avait pas vu l'ombre de l'Oncle - cloîtré dans son office de jour comme de nuit - mais le fait que sa compagne parlait de la tombe de sa mère, tirait un léger sentiment de pitié qui se lisait sous la forme d'un sourire gêné qui se voulait compatissant.

" Malheureusement, je ne peux te faire venir, ces affaires sont celles de ma famille, et il serait malvenu de t'entrainer dans ces réunions ennuyeuses à mourir. Tu me comprends ? "

Silmeria s'y attendait, et dans un élan de franchise, était incapable de se montrer déçue, elle se sentait tellement bien ici - chez elle - que l'envie de reprendre la route et les voyages longs comme des jours sans pain ne lui traversait pas l'esprit. D'autant plus qu'après le raid d'orques à Bouhen, elle se sentait en sécurité derrière ces murs.

" Je comprends, ne t'en fais pas, je veillerai sur ton domaine. "

Elle eut ce petit éclat de rire cristallin que l'on aime à comparer aux rires d'enfants, son autre main abandonnait l'ouvrage et alla saisir l'autre main de la blonde.

" C'est maintenant aussi ton domaine, tu vis ici, avec moi. Je savais que tu allais comprendre. "

C'est alors qu'elle prétexta avoir des affaires à préparer - ce qui était la tâche des servantes - et son oncle à visiter. Et après avoir déposé sur le bord des lèvres de Silmeria un baiser, elle quitta la pièce laissant derrière elle son livre

Honneur au val des âmes perdues


C'était ce qu'on pouvait y lire, sur la première page, au dessus d'un arbre torsadé aux reliures d'argent portant, en guise de fruits d'adorables petits boutons de roses. De nouveau, Silmeria était livrée à ses pensées. Elle s'abandonnait donc une fois de plus à ses longues promenades quasi-solitaire. Allant parfois visiter Calpurnia, lire un morceau de livre, admirer le paysage... Ses dernières activités se réduisaient à prendre un bain, changer de vêtements et abandonner enfin ses armes qui avait percé tant d'âmes.

C'est au grès de ses allées, qu'elle se demandait à quoi elle ressemblerait en brune.

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Dernière édition par Silmeria le Mar 8 Fév 2011 18:34, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Défi, commandement, sarcasme
MessagePosté: Dim 6 Fév 2011 21:28 
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Je me sentais pour le moins étrange. J'identifiais cette nouvelle vie. La mélangeant à mon passé. Ne faisant plus qu'une seule et même vie, compacte et impénétrable. J'étais seule. Mes souvenirs s'écumaient dans ma conscience perdue lors de mes longues promenades silencieuses.

Déjà petite, j'étais très peu malléable, un rien m'était prétexte au caprice. Maintenant j'étais trop gâtée et choyée.


Elle avait fait la connaissance de Svetjana, une jeune servante qui faisait ses débuts à Keresztur. Elle s'occupait de ranger les produits de beauté et de porter l'eau du puits intérieur jusqu'aux cuisines afin qu'il soit chauffé, et ainsi fait, prêt pour le bain de Silmeria. Cette dernière portait une toilette noire, honteusement courte à l'avant, elle pendait cependant sous ses arrières à tel point qu'elle se devait de tenir le penchant de tissus noir pour éviter de trébucher dedans. Elle paraissait négligée, ses longs cheveux blond tombaient par mèches légères sur ses épaules nues. Un fin serre-tête torsadé d'argent auréolé d'une pierre rouge empêchait les mèches rebelles de lui tomber devant les yeux. La " Maîtresse " était de plus en plus irritable.

On ne m'imposait aucune limite !
Je fascinais, et on ne se lasse pas d'être fasciné par une beauté si jeune, si troublante... Sitôt que je paraissais, je séduisais et faisais peur.


Svetjana remplissait la vasque argentée où Silmeria prenait ses bains. Seule, elle portait avec peine un seau de chêne et de métal qui devait peser la moitié de son poids. La maîtresse avait un nouveau caprice, elle souhaitait devenir brune. Son ancien était un changement de nom - d'autant plus que les servantes ignoraient à la base son nom - Toutes l'appelaient : Dame Erzébeth.

Il y avait de nombreux produits odorants, à base de sève, de cendre de buis et d'écorces macérées dans d'étranges poudres blanches qui semblaient relever de la cendre plutôt que d'une autre matière, qui trainaient sur un plateau de bois. Lorsqu'au bout de quelques minutes, la cuve était pleine d'une eau tiède, Dame Erzébeth daigna poser son livre sur un des nombreux coussins du divan où elle paressait. Svetjana semblait nerveuse, elle regardait silencieusement le sol de pierre et attendait à quelques pas de la baignoire, que sa nouvelle maîtresse vienne y prendre position.

Elle y prit place, vêtue d'un vêtement gris, elle n'aimait pas exposer sa nudité face aux servantes qu'elle rencontrerait chaque jour. A l'aide d'une éponge, elle nettoyait son corps, faisant de son mieux pour garder ses cheveux, préalablement rattachés autour de son serre-tête, hors de l'eau. D'un geste de la main, elle incita Svetjana à remplir sa tâche. Cette dernière accouru accompagnée de son plateau de produits inconnus. Elle tirait doucement les cheveux d'Erzébeth en arrière, afin de les enduire d'une pâte brune qui alourdissaient les mèches, les rendant poisseuses. Tandis qu'elle jouait avec l'éponge, à créer des petites bulles en la pressant à la surface de l'eau, elle appréciait l'agréable sensation de ces petits doigts qui travaillaient sur sa tignasse d'or. Ce qu'elle préférait, c'était lorsque le bout de ceux là, venaient caresser l'arrière de ses oreilles pour ne laisser aucun cheveux trahir la présence de l'ancien blond. Les caresses rapides qu'elle exerçait sur sa tête empêchaient la petite mousse de lui couler sur le visage, - elle aurait la présence d'esprit de l'essuyer quoiqu'il arrive -. L'odeur évoquait des sous bois humides. La teinture peu à peu, coulait dans l'eau et la colorait d'un brun comparable aux fourrures d'animaux sauvages. La tiédeur et le massage que ces doigts la plongeait dans une torpeur agréable, elle avait tout le temps... Et alors qu'elle fermât les yeux, se laissa bercer.

Pourtant, si j'avais été gaie, les choses eussent été différentes. Mes rares paroles n'exprimaient que défi, commandement, sarcasme...
Aucune famille alors que je n'avais pas dix ans, et nul amour, je le pensais ne viendrait plus à ma rencontre.


C'était la voix de Svetjana qui l'extirpa de ses rêveries, elle en avait terminé et il fallait maintenant immerger les cheveux pour dégager les grumeaux et la mauvaise odeur de la pâte. C'est ainsi que la maîtresse se laissait lentement couler dans l'eau maintenant fraiche, les cheveux dansaient dans l'eau à l'image des algues qui se remuaient au grès des flots dans la crypte de Tulorim. La main de la servante venait secouer la postiche et l'eau prenait ces teintes brunes que l'on compare à la boue. L'unique vêtement d'Erzébeth était maintenant chargé de ces nuances, elle quitta la cuve et ordonna à ce qu'on la laisse seule. Mircalla lui avait confié que son oncle avait pour passion les miroirs. Et pour cause, il y en avait absolument partout, qu'ils soient petits et posés sur des meubles dans les couloirs, longs et spacieux dans les salons, bordés d'or ou de bois, ou simple, comme celui dans lequel elle se contemplait. Les cheveux étaient bruns. Une écorce, loin du noir mais si différent du blond. Un brun profond. Elle voulait se trouver belle, mais elle craignait la décrépitude. Elle était pourtant jeune, mais elle commençait à avoir ce corps de femme, ce visage de mère. Pourtant Erzébeth adorait la beauté de la jeunesse, elle aurait voulu rester plus jeune. A jamais belle.

Elle empoigna un chandelier et le jeta contre le miroir, ne brisant pas ce dernier mais le gratifiant d'une petite trace blanche et mate qui je reflétait plus rien, à l'image d'un verre poli.

Je cultivais la malice, mon bouclier, ma religion.
Je ne croyais pas aux Dieux.
Et...
Réciproquement...

Les servantes n'osèrent jamais me gronder, jamais ! Il fallait me laisser faire, me laisser jouer. Peu importe le jeu.

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 Sujet du message: Comme un nuage de fumée
MessagePosté: Mar 8 Fév 2011 22:35 
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La maîtresse est de plus en plus irritable, Dame Mircalla est partie depuis déjà deux jours. Comme le temps me semble long, elle qui était si bonne, voilà qu'à présent, nous héritons d'une démente. Ce matin même, alors que Teresa et moi faisions sa chambre afin de remettre en place les draperies, nous avions fait tomber deux petites pierres gravées sur le sol. Elles ne s'étaient pas brisées, mais Dame Erzébeth entra dans une colère noire. Elle jeta même son pot de chambre à mon visage. Et la venue de ce prêtre qui ne semble pas arranger son humeur. Je lui trouve des expressions si tristes, j'espère que les choses vont s'arranger à Keresztur. Voyons le bon côté des choses, la présence du prêtre me rassure. Et puis, elle semble s'être calmée. Elle a même confié ses clefs de chambre à Teresa, faisant ainsi d'elle, sa nouvelle chambrière.

Journal de Svetjana.


Cet après-midi-là, le prêtre se rendit auprès d'Erzébeth pour la troisième fois afin de l'exhorter à prier et jeûner davantage. Le brave homme souhaitait qu'en sa qualité de maîtresse de maison, qu'elle conseille aux jeunes servants et servantes du château de ne pas se détourner de la voie du Dieu. Il recommandait des repas sains, voire nul, et une prière régulière. Cependant, personne ne l'écoutait, encore moins Erzébeth, c'est ainsi qu'il attrapa l'habitude de répéter sans cesse ses sermons soporifiques et ses visites au château.

Erzébeth, pour se débarrasser de ce sinistre importun, lui rétorqua que le moment de sa visite était particulièrement mal choisi. Prétextant qu'une femme qui lui servait de servante se trouvait dans une tristesse sentimentale, fait inventé de toutes pièces. Elle se sentait seule et en manque d'amour, aussi, elle pensait que cet homme serait amadoué par cette histoire irréelle. Il lui répondit de lui envoyer la jeune fille, qu'il puisse l'écouter et la guider dans les épreuves de la vie. Erzébeth était à deux doigts de lui envoyer la garde, mais elle avait une réputation, celle de Mircalla autant que la sienne, et il aurait été navrant que de se mettre à dos les hommes de foi.

Depuis la matinée, elle s'intéressait aux deux pierres gravées que Svetjana avait fait tomber au sol. Elle cherchait dans des livres quelque chose qui puisse se montrer similaire, un indice qui l'aiderait à comprendre le sens de ces symboles inconnus. Ne connaissant personne dans les alentours étant apte à traduire les arcanes, elle songea donc à se rendre dans une échoppe de magicien, celle de Bouhen n'était qu'à quelques minutes à cheval. Ce qui lui permettrait de dégourdir un peu son cheval, qui ne faisait plus qu'attendre dans les écuries.

Son ancienne vie reprit le dessus, elle s'apprêtait à s'armer et s'habiller pour sortir, mais il n'en fut rien, Erzébeth avait à présent du monde auprès d'elle, c'est comme ça qu'elle mobilisa un garde à l'accompagner jusqu'en ville. N'ayant jamais encore chevauché dans la neige accompagnée de quelqu'un - encore moins un soldat -. Elle fut frappée de pensée nostalgiques, son odieux manque d'affection, qui semblait la ronger plus que de raison depuis qu'elle vivait à Keresztur. Le trajet se faisait en silence, elle observait parfois l'homme silencieux, qui ouvrait la marche et se tournait régulièrement s'assurer que tout aille bien. Il n'avait rien de particulièrement attirant, voire même, pourvu d'un visage banal, humain, la vingtaine d'année. Erzébeth se demandait ce que ça faisait, d'aimer, à quoi ressemblait la vie d'une femme éprise d'un soldat. Ces sentiments flous et confus lui donnaient même l'impression d'avoir un semblant d'attirance pour le cavalier.

Il restait encore quelques minutes de route pour se rendre aux portes de la ville, elle demanda à passer vers les petites maisons des alentours pour boire un peu d'eau. Il y avait un corps de ferme qui avait, au beau milieu de la cour un puits. Seule, une vieille dame portait de nombreux fagots sur son dos. Lorsqu'au galop, les deux chevaux passaient près d'elle, la vieille sursauta et chuta dans le fossé faisant rouler ses fagots. Le cavalier tendit les rennes, et alors qu'il allait s'assurer qu'elle n'était pas morte, elle se retourna. Il s'adressa ensuite à Erzébeth, lui proposer de ne pas perdre de temps dans le froid mordant. Cette dernière regardait, non sans un sourire cruel la vieille essayer de se relever lamentablement.

" Tu ris de moi, jeune femme, mais un beau jour toi aussi tu seras vieille et laide !"
Elle observait ses flétrissures et sentit en elle monter un sentiment de terreur et de vieillesse. A cet instant, son attirance pour le jeune cavalier se dissipa comme un nuage de fumée.

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 Sujet du message: De quelques fleurs...
MessagePosté: Jeu 10 Fév 2011 23:34 
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" Quelque chose aura toujours l'occasion de m'impressionner à chaque fois, c'est le lunatisme d'une femme. Son mutisme pour les règles, Erzébeth, -paix à l'âme de Silmeria - se voulait de plus en plus différente. Elle passait du sourire aux regards féroces en un rien de temps. Dès lors que les servantes pensaient qu'elle se montrait douce et aimable, elle avait toujours une colère pour leur prouver que non, elle n'était pas si bonne dans le fond. "


La journée était belle, au matin, la lumière du soleil s'échappait des rideaux pour réchauffer le lit d'Erzébeth qui dormait paisiblement. Elle avait passé une nuit des plus agréables et s'en réveillait enchantée. Teresa attendait derrière la porte depuis quelques instants, attendant qu'elle quitte le domaine onirique pour entrer et lui proposer de lui apporter quelque chose à manger. Ce manège avait lieu chaque jour, on lui demandait si elle désirait se sustenter dans sa chambre, ou dans le salon.

Teresa était une petite jeune femme, les cheveux châtains clairs, un visage rond, de beaux petits yeux bleus en forme d'amande, un nez droit et une bouche fine et pourpre. Elle venait d'un corps de ferme des environs. N'ayant sans doute jamais été dans un domaine aussi vaste, cette enfant donnait constamment l'impression d'être craintive, timorée. La voyant s'avancer en regardant le sol, évitant le regard de la maîtresse - Erzébeth eut pitié d'elle. Elle ouvrit les rideaux laissant le soleil s'engouffrer violemment dans la chambre.

A sa grande surprise, Erzébeth l'invita à partager un déjeuner avec elle - sa nouvelle chambrière. Le salon où, de coutume on y mangeait au coin du feu était désert. Triste par rapport à la joie qui résonne dans ces pierres lors des soirées festives accompagnée de troubadours, saltimbanques et conteurs d'histoires extraordinaires. La large table en forme de U occupait une bonne partie de la pièce, avec un foyer central encastré dans le sol et deux petites cheminées sur les côtés pour les soirs de grand froid. Les repas en cette saison, étaient constitués de lait tiède aux châtaignes, diverses petites pâtisseries aux fruits frais ou confits dans un sirop mielleux. Du pain aux céréales, des fruits verts en grappe, ronds et sucrés, ceux qu'Erzébeth appréciait particulièrement.

La maîtresse prit le rôle de la servante et lui tira une chaise, comme pour l'inviter à s'assoir. La pauvre Teresa n'y comprenait plus rien. Elle arrivait à se demander si c'était la même femme que celle qui avait lancé son pot de chambre au visage de Svetjana, la veille. Erzébeth sur le moment, et face à son attitude de petite fille hésitante et perdue, la comparait à une oie. C'est ainsi que désormais elle verrait la petite Teresa, une oie de vingt-deux hivers qui a peur du noir. D'une parole douce, elle insista à ce qu'elle y prenne assise. Et c'est ensemble, qu'elles mangèrent divers mets présents sur la table. Ce jour là, elle avait envie d'être douce, son manque d'amour lui faisait peur et elle aimait être aimée. Elle arracha un grain de ce fruit vert et se leva. Elle marchait souvent silencieusement, les plissements de sa robe frottaient et elle s'installa juste derrière Teresa, pour y conduire le grain à sa bouche rouge. La Dame caressait ses cheveux, presque maternelle en attendant qu'elle croque dans le fruit bombé. Elle trouvait ça étrange, jamais elle n'aurait pensé être aussi douce avec quelqu'un depuis Hrist. - Mais Hrist n'était plus. Elle était désormais libre d'absolument tout. Teresa était fébrile, on pouvait le sentir, elle réfléchissait pendant de longues secondes devant les doigts de sa Maîtresse avant de décider d'ouvrir enfin les lèvres et de croquer dans le fruit...

La suite se passait dans le silence le plus complet. Erzébeth se doutait bien qu'elle en parlerait autour d'elle, ça se confirmait lorsque Svetjana passa devant elle, toute souriante au grès des couloirs. Elle n'avait rien de particulier à faire à ce jour, elle attendait le retour de Mircalla et pour cela, il fallait tuer le temps. Cependant, hors de question de battre la campagne avec les cuisiniers et les chasseurs pour trouver son repas de ce soir. Elle voulait se divertir, d'humeur joviale, elle souhaitait même inviter ses servantes.

Les couloirs du personnel de maison se trouvait au bas du château, ils menaient à la cuisine qui se trouvait dans une partie retirée, proche d'une sortie menant directement aux bosquets et aux bois pour la chasse afin de ne pas porter du gibier dans les escaliers. Un manège souterrain, loin de toute lumière mais étrangement bien pensé pour des humains. Pour se rendre aux sous-sols, il fallait passer par un escalier de bois en colimaçon. Un moyen singulier d'entrer dans les profondeurs de la terre.

La quasi totalité des servantes présentes au château avaient pour lieu de rendez-vous une salle chauffée avec les chutes de bois qui n'étaient pas brûlée à l'étage dans les cheminées principales. Un petit foyer, quelques bouteilles de vin, du pain rassit donné par la cuisine qu'elle trempaient dans du lait allongé d'eau pour le ramollir. Elles semblaient toute heureuses, souriantes du moins. Un lieu de repos pour elles. Peut être même là que se rencontraient les amants pour y passer un moment, loin du regard des seigneurs.

Nombreuses étaient celles affolées de la présence de la brune dans ces lieux, cependant, elle se voulait amicale, les servantes pensaient d'abord avoir oublié une tâche ou délaissée la Dame à tel point qu'elle en descendait pour les châtier. Il n'en était rien. Elle venait s'enquérir que rien ne manquait, avançant dans la pièce à vivre. Un triste lieu pour elle qui vivait maintenant dans le luxe.

" Ne pensez-vous pas que cette pièce serait plus agréable une fois accommodée de quelques fleurs ?"

Les six servantes présentes se regardèrent comme pour se demander s'il y avait un piège dans les propos de la Dame. Erzébeth se sentait excitée de l'impact de sa présence ici, elle commençait à impressionner, pour une fois que ce n'était pas en sortant une arme pour tuer quelqu'un. Le moment était plus que jouissif pour elle, elle s'en sentait satisfaite. Après avoir discuté quelques instants avec elles, la maîtresse proposa de monter jusqu'à la fontaine pour jouer à colin-maillard, un jeu que toutes les servantes devaient connaître et même jouer dans cette pièce, la Dame le devinait car la présence de rubans couverts de cheveux trahissaient ce jeu populaire.

Dame Erzébeth était comme changée, elle souffrait peut être ces derniers jours du mal des femmes, mais je suis ravie de pouvoir aborder ma vie sereinement, c'est une femme qui sait se montrer douce et bonne. Nous avions jouée presque toute la matinée ensemble. Nous avions l'air d'une bande de petites filles, amies depuis toujours. Je suis heureuse. Nous sommes ensuite partie ensemble vers le grand salon manger un peu de ce pain aux fraises, d'ordinaire offert comme collation aux seigneurs. Elle estimait que nous avions le droit de nous divertir. Nous divertir... Hier encore, jamais je n'aurai cru entendre ça d'elle. A la suite de notre encas, elle a insisté pour que nous retournions jouer et discuter dans la pièce aux fontaines.
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 Sujet du message: Re: Château de Keresztur
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Évènements précédents~

La nuit tombait à peine lorsque le galop fatigué du cheval nous porta jusqu'aux pieds de l'immense monolithe. Le bâtiment se dressait devant nous comme un géant fixant de minuscules insectes. La région avait changé drastiquement du tout au tout: les petits valons s'étaient affutés en rochers hauts et escarpés, la forêt comblait les bas de talus d'une végétation à l'apogée de sa domination et le brouillard berçait son voile opaque à ras le sol. Le château semblait faire partie intégrante du massif et s'imbriquait parfaitement dans cette suite montagneuse par ses apparats de pierres grises. L'unique tour, qui s'élevait par delà les autres sections, surplombait les environs et trahissais cet intrus dans ce lieu encore sauvage. De loin, les bases du château aboutissaient à un enchevêtrement de lierres et cèdres, comme si la terre engloutissait lentement le monument. L'endroit suintait d'un sentiment étrange de désolation où l'obscurité crépusculaire tachait de sa noirceur les moindres recoins.

La lune pleine se reflétant sur les amas de nuages brumeux guidait notre cadence dans le petit sentier. Les arbres sur les deux rives du chemin cernaient à l'échec l'idée de faire demi-tour par leur surprenante densité. Je plissai les yeux pour tenter de discerner ce qui s'offrait à nous au-delà de dix mètres, mais l'effort fut complètement inutile. Conséquemment, ce fut avec étonnement que la façade principale se dévoila à sa véritable ampleur. Le sentier grimpait celle-ci en zigzaguant de gauche à droite pour atténuer la pente abrupte et un plateau s'établissait plus haut et permettait l'entrée par l'énorme porte ornée de divers motifs en fer forgé. Nous gravîmes le chemin escarpé avec précautions. Mes poumons se serrèrent quand nous atteignîmes la porte massive.

Les cheveux de Lëyla cessèrent de me lacérer le visage lorsqu'elle arrêta la pauvre jument qui ne se fit pas prier une seconde de plus. En mettant pied-à-terre, l'impression du mouvement régulier de la chevauchée ne me quitta pas tout de suite. Mes yeux brulaient de fatigue et ce que je lus sur le visage de la guerrière se voulait beaucoup plus enjouée de se trouver dans ce lieu sinistre que moi. Elle passa un bras dans la sacoche accrochée à la croupe du cheval et en sortit une vieille cape verdâtre.

- « Tiens. Enfile ça. C'est mal vu de se pavaner torse nu dans les lieux civilisés »

Je voulus protester, mais la fatigue l'emporta. Je passai la cape sur mes épaules et fixai la femme d'un air résigné. Elle éclata d'un rire sonore et repris d'un ton moqueur.

- « Quoi! Tu ne t'imagines tout de même pas que nos hôtes vont accepter notre intrusion quand l'un de nous est à moitié vêtu, une barbe au bec et les cheveux en pétards? Hahaha, allez petit chat, c'est pas comme si t'avais jamais fréquenté un endroit public! »

(Presque.)

Elle s'approcha un peu trop près de mon visage et passa ses doigts dans mes cheveux fins en les lissant sur mon crâne et fit de même avec ma barbe. Celle-ci s'était considérablement garnie sans un entretien quotidien de ma part. Elle plissa le nez en me reniflant bruyamment et me regarda de travers de son regard perçant.

- « Oui bon... T'approches pas trop des gens et tente de prendre une posture un peu plus fière. Si on a un peu de chance, ils ne s'attarderont pas trop sur ton cas. »

Une envie folle de lui jeter sa cape par la figure me traversa.
L'image me fit sourire et elle acquiesça en me jetant un regard satisfait tout en pivotant vers la porte. Un petit judas à la hauteur des yeux s'ouvrit avant même que Lëyla cogne sur le bois.

- « Raison de votre présence? »

La voix était forte et féminine.

- « Moi et mon compagnon vous prions d'accepter de nous héberger pour la nuit. Notre voyage fut long et ardu et... »

Elle n'eut point le temps d'achever sa phrase que le cliquetis du loquet s'enclencha et une ouverture de la hauteur d'un homme apparut dans l'immense porte. Elle me fit un signe de la main et pénétra dans l'entrebâillement. Je suivis ses pas à contrecœur en jetant des regards furtifs vers notre monture. L'entrée donnait sur un vaste jardin où une fontaine miroitait tranquillement au centre. Divers arbustes et plantations de fleurs ornaient chaque sentiers et murets. La rosée mouillait la terre et la fraicheur de la végétation comblait l'air ambiant. Le silence se brisa lorsque trois femmes de noir vêtu, dont l'une qui devait être la portière, s'approchèrent de nous en souriant. Celle au visage rond comblé de taches de rousseur nous interpella avec neutralité.

- « Bienvenue à Keresztur étrangère. Ici l'hospitalité envers les demandeurs est une maxime sur laquelle notre maîtresse accorde une grande importance. Il va donc de soit que vous vous établissiez ici jusqu'à ce que bon vous semble. Nous vous installerons dans le quartier des femmes.. »

Elle sembla prendre connaissance de ma présence à ce moment et parut désemparée. Le rouge lui monta aux joues lorsqu'elle ajouta à mon intention:

- « … Et une chambre pour monsieur. »

Elles nous invitèrent à les suivre et nous pénétrâmes dans une entrée annexée au jardin. Un corridor étroit s'élargit rapidement au fil de notre progression. Décidément, les propriétaires ne manquaient pas d'argent et les différentes tapisseries et ornements en reflétaient la splendeur. L'intérieur était complètement à l'opposé de l'apparence extérieure du bâtiment. En effet, le soucis de la décoration semblait une priorité presque excessive: tapis, vases, portraits, chandeliers, plantes, meubles emplissaient les corridors éclairés de chaque côté de celui-ci. Notre cheminement continua jusqu'à un large escalier qui nous mena à une jonction où trois allées s'offrait à nous. Nous choisîmes celle du centre où de nombreuses portes l'ornaient de manière régulière. Arrivé face à l'une d'entre-elles, la plus vieille des trois femmes la déverrouilla et regarda Lëyla avec un énorme sourire.

- « Voici vos appartements madame. Le repas se portera dans environ une heure... À votre convenance de venir y rencontrer notre maîtresse en présence! »

La guerrière prit une tonalité abusive en inclinant la tête.

- « Pour rien au monde je ne manquerai de rencontrer une maîtresse aussi généreuse et bienfaisante »

Je crus apercevoir la rouquine tressaillir en entendant les compliments fait à sa maîtresse tandis que Lëyla s'empressait d'explorer l'endroit. Elle se retourna, le regard encore en contemplation de la richesse de ses habitations et marmonna:

- « J'allais oublier... Pouvez-vous faire préparer un bain à ce très cher homme? »

Elles se retournèrent toutes d'un bloc et je sursautai en manquant de faire tomber un vase qui reposait sur son socle.

- « Naturellement. »

Ma congénère était déjà absorbée dans cette surabondance de luxe et je dus suivre seul les trois servantes qui me jetèrent des regards vifs pour s'assurer que je suivais bien leurs pas. Ils s'arrêtèrent à une jonction en « T » et m'indiquèrent la direction à suivre pour me rendre à ma chambre. Décidément, je n'avais pas droit au même traitement de faveur que la guerrière. J'haussai les épaules et remerciai à mon tour les servantes toutes de noir vêtues. Je dus fixer trop longtemps les yeux bleus clairs de la femme aux taches de rousseur qui leva le nez en prenant un air révulsé. Elles s'éloignèrent en pouffant de rire et je restai planter au beau milieu du couloir.

Je compris en apercevant mon profil dans un miroir accroché au mur.

J'avais considérablement maigrit et mes joues creusaient plus qu'à mon départ de chez Ereton. Ma barbe sur mon cou avait pris en volume et mes cheveux raides tombaient de manière désinvolte de part et d'autre de mon visage. Les bosses près de ma mâchoire et de ma tempe avaient toutefois diminué et il en subsistait maintenant qu'une légère teinte bleutée. Il faut croire que mon apparence rappelait plus celle d'un mendiant qu'un valeureux paladin.

Je m'enquis de trouver ma chambre en marchant d'un pas lent. La fatigue était omniprésente et elle embourbait mes mouvements qui me paraissaient de plus en plus faibles. Toutefois, la faim criait tellement dans mes entrailles que les vues d'un repas devinrent une priorité et je me jurai de me présenter au services du soir. L'idée d'un bain n'était soudainement pas une si mauvaise idée non plus.

Les portes défilaient jusqu'à ce que je distingue celle qu'avaient décrite les femmes. Je saisis la poignée qui cessa son mouvement dans un bruit sec: elle était fermée à clé. Je faillis perdre patience et me retournai vivement pour voir si les servantes étaient toujours au bout du couloir.
Personne.
J'essayai la porte suivante, mais le résultat fut identique.

Quelque chose bougea un peu plus loin et suffit à attirer mon attention altérée par l'affaiblissement. Une ouverture dans un battant laissait filtrer des exclamations et des rires cristallins aux saveurs féminines. Plus je m'approchais, plus les sons se précisaient. Arrivé à quelques centimètres de la porte entrouverte, je pus observer l'origine des éclat: un groupe de femmes tournait autour de l'une des leurs qui avait les yeux bandés d'un linge rouge.

Mon pied se posa sur le pan de ma cape et je dus maudire le vêtement qui me propulsa en plein milieu de la vaste pièce au carrelage de pierre.

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Dernière édition par Ali le Sam 10 Déc 2011 06:32, édité 2 fois.

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 Sujet du message: L'étranger.
MessagePosté: Dim 13 Fév 2011 21:18 
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Erzébeth jouait avec ses servantes, les yeux cachés derrière un foulard de velours, elle tâtait du bout des doigts les femmes amusées qui essayaient d'éviter de se faire attraper. Elle reconnaissait facilement le petit couinement innocent qui servait de rire à Teresa. La poitrine de Svetjana lorsqu'elle la touchait, les bras, les collerettes de vêtement. Elles s'amusaient, chose que la maîtresse n'avait pour ainsi dire, jamais fait avec ses servantes.

Elle avait beau les comparer à des oies stupides et sentant le crottin, elle aimait la présence de toutes ces jeunes filles qui apportaient de la fraîcheur à Keresztur. D'autant plus que la plupart d'entre elles n'avaient pas plus de dix-huit hivers. Elles étaient toutes encore en âge de s'amuser ainsi. Si le prêtre les voyait de la sorte, il couvrirait Erzébeth de ses sermons putrides, émoussant de plus en plus sa patience. Lorsque les yeux sont clos, le corps est plus alerte, les sens éclosent, tel une fleur nocturne jusqu'à être capable de déceler n'importe quel changement. C'est ainsi, que ceux qui perdent la vue en bas âge ont su développer une sensibilité hors du commun. Les rires se turent et laissèrent place à un bruit fracassant, suivi de murmures. Erzébeth cessa de mouliner des bras en cherchant une servante, elle retira son bandeau.

La première chose qu'elle vit, c'était Teresa, affolée qui regardait un homme inconnu qui venait apparemment de faire irruption au beau milieu du salon. Erzébeth était à la fois surprise et outrée de ne pas avoir été prévenue de la visite de cet homme, d'autant plus que personne ne l'avait annoncé, il s'agissait là d'un manquement aux ordres. Ceux-ci étaient stricts, chaque étranger doit être annoncé en face de la maîtresse, et une fois son consentement donné, on peut le faire introduire dans la pièce. Et la jeune femme sensée s'occuper de l'étage inférieur et des visiteurs...

"Svetjana, courrez me chercher Zsuzsanna et ordonnez qu'elle vienne ici..."

Le regard de la maîtresse était plus cruel, elle venait de quitter son doux monde, là où les éclats de rires d'enfant résonnaient jusque dans chaque couloir du château. On venait de lui voler ce plaisir par cette faute. Il y avait un étranger dont elle ignorait le nom juste en face d'elle. Quoique celui-ci ne semblait pas spécialement menaçant. Rapidement, et pour que les jeunes filles ne s'affolent pas, elle donna des ordres.

" Teresa, restez. Vous autres, filez, j'ai faim, je veux que la table soit dressée sous peu. Sortez toutes. Pressons !"

D'un signe de la main, elle somma à Teresa de venir, semblant oublier totalement l'inconnu qui se trouvait en face d'elles. Erzébeth avait appris à ne pas craindre un homme, Teresa était certes plus jeune, mais la confiance terrifiante de sa maîtresse lui était contagieuse. Toutes deux avaient l'œil pervers, les courbes devenues cruelles et l'allure fauve. La maîtresse de Keresztur tendit à la jeune femme sa broche de cheveux. Teresa la prit avec grand soin, et la rajusta sur les cheveux bruns de son éminente Dame. Cette dernière entreprit d'avancer jusqu'à l'homme, de très près en lui tournant autour. Que pouvait-elle penser de lui ? Un clochard égaré ? Un de ces bohémiens qui osaient chasser sur les terres du château sans autorisation ? Un assassin ? Il était vrai que ça vie avait considérablement changée, mais nombre des victimes de sa vie passée devaient se souvenir encore d'elle...

" Personne dans ce château n'a su avoir la bonne idée de vous présenter, croyez m'en navrée, et pour cause, la coupable sera châtiée..."

Le grincement sourd des gonds ne tardait pas à se faire entendre. Svetjana arriva accompagnée de Zsuzsanna. La gouvernante des bains semblait peu rassurée, assez heureuse de se savoir - pour une fois - à l'abri de la colère d'Erzébeth. La jeune fautive en revanche, était rouge de honte et craignait avoir à être confrontée pour la première fois à un châtiment. Elle approchait nerveusement, ne sachant trop où regarder. A défaut de fixer sa Dame dans les yeux, elle gardait les yeux rivés sur les chausses de dentelles de la femme qui s'approchait doucement d'elle. Brusquement, elle lui tira le bras et déchira la manche en la retroussant. La petite rousse commençait à gémir, n'ayant jusqu'à présent aucune idée de ce qu'elle allait bien pouvoir subir. Erzébeth, elle et devant le visiteur, tira une longue aiguille d'or d'une fraise de dentelle de sa robe.

" Soyez dès à présent assuré, que la prochaine fois que vous viendrez sur mon domaine, ce genre d'incident n'arrivera plus. J'ai dit !"

Elle venait de regarder l'étranger de son regard le plus profond, et piqua profondément le poignet de sa jeune servante qui en cria de douleur. Erzébeth pinçait les lèvres, concentrée, comme pour être sûre que cette douleur n'était pas illusoire, elle sentait de la résistance, la petite tentait d'arracher son bras des griffes de la femme. Mais en vain, car plus elle opposait de résistance, plus l'aiguille gagnait du terrain.

Elle retira l'épine dorée aussi vite qu'elle ne l'avait enfoncée. Erzébeth lui ordonna de sortir, accompagnée de Svetjana. La petite Zsuzsanna passerait la soirée à genoux sur un tapis de grain de maïs sec en guise de seconde punition.

" Mon nom est Erzébeth, je veille sur ce domaine. Restez donc pour la nuit étranger. Vous pourrez partager avec moi... Un repas. Après vous être mis à l'aise, il en va sans dire."

D'un mouvement agacé, elle fit comprendre qu'elle attendait un nom. Pendant ce temps, Teresa avait sagement pris l'aiguille et tentait de la remettre dans la robe noire de la femme, avec toute la prudence du monde de ne pas la piquer... Qui sait ce qu'elle ferait d'elle si cela venait à arriver...

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 Sujet du message: Re: Château de Keresztur
MessagePosté: Lun 14 Fév 2011 03:39 
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La fraicheur de la pierre frappa mon visage et la cape d'un vert moisi se détacha dans ma chute pour s'écrouler derrière moi en même temps du peu de dignité que j'avais. Mes muscles résonnèrent dans une plainte stridente qui me fit serrer les dents et je tentai vivement de me ressaisir afin de me lever de la paume de ma main droite, en tâtonnant mon facial de l'autre. Ce fut une fois debout, que je m'aperçus que les rires enjoués avaient brusquement cessés. Le petit groupe de femmes me regardait avec stupéfaction. Elles me fixaient inlassablement et les murmures commencèrent à s'échapper furtivement pendant que la femme au bandeau rouge le relevait délicatement. Sa chevelure compressée sur son crâne se délesta et tomba en un amalgame de mèches fines de couleur brune. La teinte contrastait étrangement sur sa peau pâle, hâlée d'un reflet gris clair, et son visage aquilin portait une symétrie austère. Ses traits inspiraient à la fois une fascinante beauté et une dureté inébranlable... Comme si les pires horreurs de ce monde lui auraient été révélées beaucoup trop tôt. Je me surpris à scruter son visage lorsque mes yeux tombèrent dans le vert des siens. Ils perçaient la lueur oscillante de la pièce d'un éclat émeraude comme la feuille du jeune merisier. Pareil à une dague, ils me transperçaient sans pitié par leur flegmatisme. Pourtant, n'était-ce pas un éclat de naïveté qui cillait au cœur de cette pupille?

Non. Sa voix ferme et assurée fracassa ma fascination et me tira vers la réalité de la situation. Elle quitta mon regard et ordonna qu'on quitte les lieux pour s'attaquer aux tâches propres à chacune et imposa qu'on lui apporte une dénommée Zsuzsanna. Je passais, à mon grand soulagement, inaperçu pendant un certain temps, mais mon ventre se serra lorsque la femme élancée me toisa en fronçant les sourcils. Immobile, je la regardai me jauger du regard en me contournant pour revenir exactement au point où elle se trouvait précédemment. La femme finit par m'adresser la parole pour m'assurer que la venue d'étrangers se devait d'être signalé à sa propre personne et que le châtiment était de mise lorsque l'on osait manquer aux règles. Je crus à une réprimande lorsque la faussaire pénétra les lieux, la tête basse, suivit de près par une autre servante. C'était la rouquine aux yeux bleus. Elle me lança discrètement des couteaux par ses yeux rougit et s'enquit de s'incliner devant la femme brune qui semblait détenir une autorité indiscutable.

J'observai la scène d'un haussement de sourcils. Sans scrupules, la maîtresse saisit le bras de la femme en question et y planta sauvagement une aiguille. Elle se retourna pour me regarder en effectuant le geste et ce que j'y lus m'inspira une incompréhension des plus totale. Pourquoi tout de suite et devant moi? La punition fit entendre un hoquet de douleur et les autres femmes ne firent rien pour faire cesser le supplice. En quelque sorte, elle avait ce qu'elle méritait de ne pas avoir accomplie ce qu'on lui dictait et puis elle ne s'était même pas donné la peine de m'indiquer où se trouvait mes appartements. Ereton ne s'était jamais retenu de me mettre le pied au derrière lorsque je rêvassais au lieu de l'écouter me prodiguer ses conseils sur la confection d'un collet. Selon moi, c'était du pareil au même. De retour à la scène, je ne regardais pas le bras de la rouquine. Je portais mon attention sur les traits de la femme au teint clair en fronçant le regard. Je vis passer l'ombre d'un étonnement et elle retira, d'un mouvement sec et dans un bruit de chair en succion, l'épine dorée du bras où une fine gouttelette de sang perla.

Erzébeth. Voilà le prénom qui se moula à la maîtresse des lieux. Celle-ci ignora totalement la servante qui regardait son bras ensanglanté en pleurnichant et s'approcha de moi tandis qu'une autre redressa la robe noire de son aiguille manquante. Je pris quelques secondes à réaliser qu'elle attendait ma présentation, ce que je fis avec le ton qui se voulait le plus assuré possible.

- « Ali. »

Bon, il fut vrai que je ne connaissais en rien l'étiquette de la haute société, mais le fardeau de la fatigue m'enlevais tous les voiles qui, autrement, m'auraient fait plus poli envers mon hôte. De plus, je ne pouvais obtenir une plus grande concentration sur l'ordre de mes idées tant cette Erzébeth me fascinait. L'étonnement sur ses traits me transmit le réflexe d'ajouter quelque chose.

- « Ahem... Veuillez pardonner mon entrée soudaine et mon intention ne fut en aucun point de troubler le jeu de madame et ses amies. Ma médiocre connaissance des lieux me guida vers la mauvaise porte et les rires me firent tendre l'oreille. Pardonnez encore une fois mon intrusion. »

Je me retournai pour saisir la cape verte qui gisait sur le seuil et m'apprêtai à quitter la pièce lorsque la porte fermée à clé revint à mon esprit. Je me mordis les lèvres et repris en imprégnant mes paroles d'un ton qui se voulait détendu.

- « Je... Ma porte est verrouillée et j'aimerais avoir accès à un bain pour faire ma toilette... Me présenter à votre table dans mon état actuel ne semble pas une décision très respectueuse. Puis-je requérir votre aide?... »

J'avais soudainement pris connaissance de mon état par le contraste que j'offrais à l'endroit. Décidément, la nature m'avait détachée du contact humain et j'en retrouvais à la fois une excitation et un trouble que je ne sus décrire.

Je pointai le couloir du doigt tout en essayant de ne pas recroiser les yeux de la dame. Fixer trop longtemps quelqu'un était un fait que je savais insultant, mais dont je ne comprenais en rien le mal. Toutefois, la tentation fut trop forte et je replongeai dans une contemplation de ce visage fin. Quelque chose clochait. Un détail glissais entre mes mains et je n'arrivais point à le rattraper. Comme le souvenir brumeux d'une douleur... Ou était-ce celui d'un rire lointain?

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 Sujet du message: Une présence, une odeur, une ombre...
MessagePosté: Lun 14 Fév 2011 12:46 
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Celle, qui désormais se faisait nommer Erzébeth fixait le visiteur d'un regard las. Teresa venait d'agrafer convenablement la fraise de sa maîtresse et vint ensuite se placer à sa droite. Elle n'aimait pas qu'on puisse les comparer, Teresa était encore jeune, elle avait toujours cette bouille de jeune fille, ce visage rond... C'est avec fausse attention qu'elle feignait s'intéresser aux propos de l'étranger, Zsuzsanna avait proposé chambre et bain à un étranger, la sanction allait être encore plus forte qu'elle ne l'était.

Lorsque l'étranger partirait, elle ferait comprendre - à sa façon - comment l'ordre est sensé régner dans ces lieux. La colère lui montait à la tête, elle avait l'envie de martyriser sa pauvre servante en guise d'exemple. Cela attendrait. Mircalla lui revint à l'esprit, comment est-ce qu'elle aurait fait ? Les usages n'étaient pas de laisser quelqu'un dehors alors qu'elle disposait de nombreuses chambres. Cependant, le fait qu'il soit en mauvais état, l'air misérable sous sa triste toilette aux teintes anciennes et aux relents odieux. Cependant, il restait là, n'étant pas particulièrement intimidé par la situation. Cèles sentait quelque chose, comme s'il n'était pas si pouilleux, du moins, pas autant que son apparence. Ce singulier personnage au prénom exotique, qu'elle n'avait jusqu'à présent jamais entendu avait une requête à laquelle, elle daigna répondre positivement.

D'un second geste agacé, elle somma à une jeune femme de venir. Cette dernière répondait au prénom d'Ursula, elle assistait Svetjana et apprenait à faire couler un bain. C'était encore une gamine de seize ans qui venait d'entrer au château pour y quitter sa vie de paysanne. Mais en réalité, sa présence énervait Erzébeth, aussi, si l'homme était trop douteux, il en viendrait peut être à faire du mal à la jeune fille, ce qui donnerait à la maîtresse des lieux le pouvoir de le faire torturer jusqu'à ce que mort s'en suive, et se défaire d'Ursula.

Elle ordonna à la servante d'accompagner l'homme jusqu'à la salle de bain, pendant ce temps, Teresa, sa chambrière se chargerait d'organiser une chambre et d'y allumer un feu pour réchauffer les pierres froides, peu habituées à recevoir la visite d'un étranger.
Dès les premières directives lancées, les " oies " s'attelaient à leur travail, la scène de punition motivait les femmes, qu'elles puissent y assister ou non, Erzébeth savait qu'elles communiquaient assez pour se tenir au courant des faits et gestes de toute âme qui vive à Keresztur.

Intérieurement submergée par la colère, elle pensait à Calpurnia, sa fidèle monture qu'elle se décida à aller voir. Abandonnant Ali aux mains d'Ursula qui allait le conduire aux bains, situés au côté opposé du couloir. Ne souhaitant pas entretenir de conversation avec lui avant qu'il n'eut pris un bain, Erzébeth emprunta un autre corridor qui conduisait jusqu'aux petits jardins qui bordaient la fontaine intérieure. En continuant, elle passait au dessus des cuisines pour enfin rejoindre un couloir non plus de pierres, mais de bois. Des planches brunes non éclairées vomissaient entres elles des fétus de paille sèche et odorante. L'odeur des lieux n'avait absolument rien d'enchanteur, mais son cheval était la créature qu'elle aimait le plus, actuellement dans le château.

Les écuries donnaient directement sur la cours principale, celle qui menait à la grande porte jusqu'aux collines, désormais sous la neige, décrépies... Calpurnia était seule dans son enclos, les palefreniers s'occupaient des précieux chevaux de Mircalla et ceux de la garde, tandis qu'Erzébeth embrassa son cheval et plongea son regard dans le sien. Ses grand yeux noirs semblaient tristes, comme si elle était mise à l'écart. Sa nature et son tempérament lui donnaient l'impression de comprendre son cheval, aussi, elle ne tarda pas à entrer dans une colère encore plus forte, son cheval manquait de soin. Rageuse, elle tourna des talons et marcha vers un palefrenier qui nettoyait l'allée centrale de la pièce. Elle tira sur son chemin une cravache pour chevaux et frappa de toutes ses forces sur le derrière massif du palefrenier

" Misérable vermine ventripotente ! "

L'homme se tourna brusquement, prêt à envoyer l'impudente à terre d'un revers de la main, peu habitué à être traité de cette façon. Cependant, il se garda de commettre ce qui allait lui assurer une mort certaine en voyant l'élégance de sa tenue. Il n'avait jusqu'à présent jamais rencontré Erzébeth qui venait rarement dans les lieux qu'elle considérait comme puants. Il demanda, non sans avoir une idée de l'identité de la femme, qui elle était.

C'était la goutte qui faisait déborder le vase, on lui demandait qui elle était alors qu'elle était nommée maîtresse du domaine. Ce triste sir à moustache comprenait au ralentis face à la femme qui, outrée, redoublait de colère.

" Je suis celle qui te fera écorcher vif si tu ne vas pas immédiatement t'occuper de ma Calpurnia ! "

L'homme esquissa un sourire gêné, s'excusa faiblement et entrepris de prendre un seau d'eau savonneuse dans lequel flottait une brosse afin de se diriger vers le cheval noir, sous l'oeil de sa maîtresse. Il versa l'eau moussante sur les flancs du cheval avant d'entamer de brosser vigoureusement sa robe noire de jais. Lorsqu'Erzébeth jugea la prestation suffisante, elle fit nourrir l'animal dans un seau de pommes, poires et des marrons bouillis. L'homme s'en était allé, laissant la femme seule avec sa monture. Non pas seule en réalité, elle sentait comme une présence, une odeur, une ombre qui n'était pas particulièrement sensée être là. Elle se tourna.

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Alors, j'ai établi ma couche dans les charniers,
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Où la Mort Noire tient le registre des trophées qu'elle a conquis.


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 Sujet du message: Re: Château de Keresztur
MessagePosté: Mer 16 Fév 2011 07:06 
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Les bains étaient divisés en deux sections. La première était vastement décorée et divisée elle-même en plusieurs alvéoles où des baignoires et autres utilités avaient été érigées pour subvenir aux convenances des occupantes du château. La seconde était considérablement plus réduite. Il y gisait des bassins encastrés dans le sol où la lumière des chandeliers suffisait à peine à révéler les détails de la pièce. Elle s'ouvrait dans une allée rectangulaire dont deux rangées de colonnes suffisaient à séparer les différentes baignoires. C'est dans cette dernière qu'on me dirigea. Selon la jeune servante du nom d'Ursula, cette division était réservée aux hommes et par le peu de détails dont elle était élaborée, je pus conclure que ceux-ci se faisaient rares dans les parages. Je n'en avais vu aucun depuis mon arrivée.

Sur un ton timide, la femme m'installa dans la première cavité dont la grandeur paraissait suffisante pour y accueillir un adulte de taille normale. Elle s'empressa d'y déverser des barriques d'eau fumante à l'aide d'un brancard sur roues qui remplirent bien assez rapidement ce qui devait me servir de bain. Lorsqu'elle eut terminé le travail, duquel elle refusa toute aide de ma part, elle m'apporta, sur une petite planche en bois, une barre de savon ainsi qu'une brosse et un linge blanc. Malgré ma fatigue et mon empressement à détendre mes muscles endoloris, je tentai de lui soutirer un sourire en la remerciant, mais elle garda la tête baissée et rougit violemment. Elle me contourna et se dirigea d'un pas rapide pour quitter la pièce.

- « Excusez-moi... Serait-il possible d'obtenir une lame et un morceau de miroir s'il vous plait. »

Elle parut sursauter et acquiesça d'un signe de tête aussi discret que se voulait sa volubilité. Pourtant, une petite voix d'enfant résonna sur les murs de pierres. Était-ce une pointe de peur que je discernais dans le timbre de ses paroles?

- « Voulez-vous que j'apporte aussi des vêtements propres pour monsieur? »

Ses mots suffirent pour la prendre en pitié et je ne pus refuser son initiative.

- « Oui oui... Merci... Ursula? C'est ça? C'est très gentil... »

Je lui envoyai un sourire qu'elle rattrapa du sien, hésitant, et trotta jusqu'à la sortie, me laissant seul dans ce lieu froid et humide. Je décrochai un chandelier allumé sur l'une des colonnes et le déposai sur la pierre près du petit bassin. Les vibrations des flammes frissonnaient sur les parois en blocs de pierres massives et les ombres de mes mouvements se fractionnèrent dans toutes les directions. Avec précautions pour ma cheville, je retirai mon pantalon de fourrure et pénétrai lentement dans l'eau chaude en me tenant sur les rebords. Le liquide chaud m'enveloppa jusqu'au menton et un soupir de soulagement me pris lorsque je fermai les yeux. Une fine condensation, dut à la température étonnement élevée de l'eau, montait paresseusement en voilant ma silhouette. Tous mes muscles se délestèrent et la chaleur réconfortante m'emplit d'un état de bien-être qui contrastait drôlement avec mes tourments des derniers jours. Mes pensées s'éparpillèrent comme le tricot dont la maille s'effiloche et pour la première fois depuis longtemps, je me souciais uniquement du moment présent. Cette sensation de pure détente me noya et engloutit toutes ces souffrances qui fracassaient mes membres.

Ma tête glissa dans le fluide et je tombai...
Mes battements se répercutaient et rebondissaient à la fois sur ma peau et la pierre grise. Je sentais mon esprit se déchirer dans un rythme régulier et chaque couche qui constituait mon être s'effritait dans un corps qui n'était pas le mien. Toutefois, sans que je puisse en préciser immédiatement la source, le corps ne s'apparentait en rien avec celui de Kaali. L'étrangeté de la situation me donna la sensation de chute libre et le temps s'arrêta lorsque j'ouvris les yeux dans la masse aqueuse. Les vibrations de mes mouvements et l'opacité du liquide me permettait une vision que très restreinte, mais ce que j'y vis me scia l'estomac. Quelqu'un gisait dans les tréfonds du bassin. Le corps flottait dans ses lambeaux de vêtements. Affolé, j'étirai mes bras en larges brasses afin de mieux saisir les détails du macchabée. Mais plus je mettais de l'énergie à m'en approcher, moins la distance qui m'en séparait semblait diminuer. La panique me saisit et je criai dans un ultime désespoir. Un nuage de bulles s'extirpa de mes poumons et monta en tourbillonnant vers le haut, où une lueur verte jaillit dans un éclair éblouissant. Mon regard quitta la hauteur et je me retrouvai face-à-face avec le visage gonflé du cadavre. La peau blanche encadrait une expression de peur dont les yeux verts s'étaient agrandis. De longs cheveux noirs ondulaient comme des vagues et la bouche entrouverte laissait un trou béant de noirceur. Une cicatrice bleutée marquait la mâchoire dénudée et une courte pilosité sur le menton soulignait la frousse du dernier instant de l'homme.
C'était moi.
Je saisis la figure de mon cadavre dans un geste d'horreur et la secouai dans un espoir inutile d'en faire renaître la vie. La réalité frappait ma conscience en même temps que l'angoisse et je repoussai avec désinvolture mon corps sans vie. Celui-ci bascula et freina son mouvement en dérivant vers les profondeurs, qui s'en délectèrent en l'éloignant de mon champ de vision. Pendant une fraction de seconde, je vis cet autre homme qui me regardait, complètement désarmé de compréhension, sombrer dans la pénombre.

La raison me quitta et je serrai violemment mon cou de mes mains. La situation était intenable, la souffrance trop grande. Mon cœur se comprima et s'il fut possible de sentir mes larmes en étant immergé dans l'eau, elles auraient tracées mes joues de leur triste désespoir.

Une main froide me toucha l'épaule. Aussitôt, l'apaisement me gagna et je me retournai pour voir une femme me sourire de toutes ses dents. Elle était merveilleusement belle et son visage me rappela vaguement l'aiguille que l'on plante dans un bras. Je lui rendis son sourire et elle se changea aussitôt en un amalgame d'images et de sensations qui me traversèrent sans pitié. J'haletai, tandis que l'information s'enfonçait dans mon crâne dans une multitude de sensations et d'images. La femme me regarda soudainement d'un air grave en secouant la tête en signe de désapprobation. Elle approcha lentement ses doigts sur mon front et lorsque je sentis son touché, mon corps gisait, étendu dans l'eau d'un bain qui s'était tiédit.

Ma tête reposait mollement sur le carrelage glacé et j'ouvris les yeux en inspirant bruyamment. Je n'avais point quitté la baignoire.
(Cette sensation... Ces pulsions... Qu'est-ce que c'était?)
L'image gravée d'Erzébeth brulait mes yeux et l'absolu nécessité de la voir me frappa de plein fouet. Je ne savais pas comment décrire toutes ces perceptions, mais je devais lui transmettre un message. Le problème, fut que ce message m'apparaissait dans un enchaînement d'intuitions et d'émotions presque dénuées d'un sens précis. Mon état de fixation se brisa lorsque la jeune servante toussa légèrement pour attirer mon attention. Elle tournait la tête pour ne pas voir mon corps nu et déposa une pile de vêtements ainsi que de petits objets brillants à quelques mètres du bassin.

- « Pardonne-moi Ursula... Je .. Je m'étais assoupie. Merci pour tout. »

Sans un mot, elle s'en alla aussi vite qu'elle était arrivée. La vision pompait encore l'adrénaline dans mes veines et l'excitation du réalisme tourmentait ma concentration. Avec empressement, je saisis la barre de savon qui sentait le miel et me lavai en entier. Je notai l'utilité du bain par la couleur foncée qui teintait maintenant l'eau de celui-ci et m'en extirpai rapidement dans un frisson qui me traversa l'échine. À l'aide de la serviette, j'épongeais mes cheveux qui libérèrent une agréable odeur de miel et jetai un regard sur les vêtements que la jeune servante m'avait apportés. Une chemise à manches bouffantes, au col large, et de solides jambières noires de jais donnaient une touche à la fois classique et élégante par le contraste avec la chemise immaculée. Un surcot ceinturé assortit aux jambières donnait l'aspect de formalité propre à la noblesse, que je n'avais en aucun cas l'habitude de fréquentée, et qui me fit supposer que l'habit en question avait appartenu à un quelconque soldat de haute facture. J'enfilai le tout légèrement trop grand pour la symétrie de mon corps, mais qui se solda par un confort qui me laissa agréablement surpris. Ursula avait laissé une lame à rabat ainsi qu'un fragment de miroir entre les morceaux de tissus. Je toisai mon menton d'un œil désappointé et après quelques minutes d'hésitation, je décidai de raser entièrement la masse de poils. Je réussis à me faire que peu d'entailles et la peau lisse et sensible démasquait mieux la ligne de ma mâchoire.

Satisfait, je rangeai mon pantalon de fourrures et la cape de Lëyla dans un seau vide, tout près de l'entrée. Je reviendrai les récupérer plus tard, pour l'instant, je devais absolument voir la maîtresse de Keresztur. Par simple mesure de précaution, je camouflai la lame dans un pli, sous ma chemise.

Marchant d'un pas rapide, j'arpentai le tracé inverse qui me mena directement à la salle où j'avais précédemment fait la rencontre d'Erzébeth. Deux servantes s'affairaient à leurs tâches, mais celle que je cherchais n'était pas présente. J'abordai les deux femmes qui me regardèrent avec étonnement.

- « Votre maîtresse... où est-elle? »

L'une d'elle m'indiqua la direction des écuries et sans même la remercier, je m'engouffrai dans la couloir. La nécessité de lui transmettre le message, aussi flou que la raison qui me poussait à le faire, suffisait à me persuader de l'énorme importance de la savoir devant moi.

La pierre polie se changea rapidement en bois et l'écho d'une voix cristalline m'indiqua la proximité de mon but. Mon cœur battait à un rythme afféré. Le corridor descendit brusquement sur le sol de la cours principale et c'est là, dos à moi, que je la vis près d'un cheval à la croupe aussi noire que la nuit.
Avant même que j'atteigne sa hauteur, elle se tourna. Ce fut à ce moment, que je compris l'incohérence de ce qui m'avait guidé vers elle. La sensation d'angoisse se renouvela et au risque qu'elle me crut fou allié, je me lançai.

- « Pardonnez-moi Erzébeth. Je... Je ne voulais point vous déranger, mais je dois absolument vous dire.. »

Je déglutis et sentis mon visage pâlir. Je tentais, avec une torsion douloureuse de mon esprit, de reconstituer les images qui m'avaient été révélées.

- « Prenez mes paroles pour la valeur que vous voudrez bien leur accorder et ne me juger que pour ce qu'elles disent et non ce pourquoi je vous les dicte... »

Décrire une émotion ou une intuition, aussi puissante fut-elle, s'élaborait comme un véritable casse-tête.

- « Un mur vous sépare de ce que vous êtes vraiment et de ce à quoi les autres vous perçoivent. Vous érigez votre propre façade dans l'intention de voiler vos faiblesses... Mais elles n'en ressortent que plus affreusement. S'il vous plait Erzébeth, comprenez que ce qui recèle de l'apparence, ne reflète que l'apparence elle-même et rien d'autre. Ce que vous recherchez ... »

Le sens de mes mots hachait la véritable signification de ce que j'avais ressenti. Je posai une main sur mon front et baissai les yeux.

- « Ce que vous recherchez est peut-être ce qui vous conduira à votre perte... »

Je plantai mon regard dans le sien. Ses traits étaient marqués et je m'empressai d'ajouter avant de reculer pour me retourner:

- « Je crois qu'un repas nous attend, nous ferions bien d'y aller. »

La tête basse, je m'arrêtai sur le seuil du portail des écuries. Mon visage et mes poings se crispèrent sous le souvenir brumeux d'un malaise.

(J'ai vu la mort de cette femme.)

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Dernière édition par Ali le Sam 10 Déc 2011 08:14, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Tresses de Lin.
MessagePosté: Mer 16 Fév 2011 23:42 
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Dès lorsqu'elle se retournait, et vit l'étranger dans une toilette Ô combien appropriée à une vie de château, elle se sentait presque soulagée. Elle craignait en réalité que Teresa soit venue lui annoncer une mauvaise nouvelle. Or, la petite Teresa devait s'occuper de dresser la table. C'était Ali, fraichement rasé et présentable, bien loin de l'impression qu'il donnait dès son arrivée. Elle avait secrètement hésité à appeler la garde pour le mettre au fer, l'ayant confondu quelques instants plus tôt, avec un de ces paysans en colère.

Il paraissait un brin troublé, ça ne semblait pas avoir un rapport avec le fait qu'il puisse se sentir gêné de cette situation présente - d'autant qu'il n'y avait rien de dérangeant.
Erzébeth écoutait, fixait son visiteur et, malgré elle, se trouvait intriguée de ses propos. Il cherchait ses mots, comme un enfant qui devait réciter une leçon sans l'avoir apprise. La main posée sur la tiède encolure de Calpurnia, elle se demandait si Ursula avait parlé d'elle à l'étranger. Si ça avait été le cas, il était maintenant fort possible que la petite fille tombe accidentellement dans les escaliers. Cependant, Cèles comprenait que la jeune fille n'était en rien coupable, aussi, la Faera ne tarda en rien pour la dissuader de s'en débarrasser.

Que savait-il vraiment ? Il parlait de sa perte, mais pour Erzébeth, et dans son actuel état d'humeur, la seule chose qui pouvait mener à la perte de quelqu'un était avant tout, Ali et ses propos incohérents. Préférant le prendre pour à demi-fou que de le fouetter sur place avec cette cravache qu'elle serrait dans ses mains, elle ne répondit pas. Tout en tordant le cuir raide dans ses mains, elle le regardait s'éloigner jusqu'à ce rendre sous le pas de la porte.

" Il a perdu l'esprit..." Souffla-t-elle entre ses lèvres avant de dessiner un sourire amusé sur son visage. Elle le suivit, il s'était arrêté aux entrées de l'écurie. Erzébeth était passionnée par la folie, elle se demandait comment l'homme pouvait perdre l'esprit, perdre ses attaches à la réalité jusqu'à se mettre à penser des non sens exubérants. Son âme d'enfant cherchait à comprendre le comment. Elle lui attrapa le menton du pouce et de l'index, cette peau moite et lisse, fraichement rasée collait légèrement. Elle soulevait le visage pour regarder dans les yeux, déceler la moindre présence de folie. Le moindre défaut qui pourrait l'aider à comprendre ce qui fait perdre la tête aux gens.
Rien. Hormis ces propos dénués de sens, aussi étranges et inattendus, elle ne constatait absolument rien. Elle aurait aimé faire venir le palefrenier afin de les comparer tous les deux. Il était impossible de savoir si quelqu'un était fou en le regardant. Peut être que, une fois ouvert, l'intérieur d'un fou et d'un sain, on voyait une différence. Erzébeth esquissa un sourire à l'idée de cette perspective, se promettant de la mettre en application un jour.

" Soit, sachez que vos manières sont désagréables, ici les demandes émanent de moi. Mais, n'oubliez pas que vous êtes mon invité, il n'est aucune chose dont vous devez vous soucier sur mon domaine. Maintenant suivez-moi, allons nous restaurer, vous me conterez ce qui vous mène à Keresztur... "

***


Au dîner, Ursula évitait du regard Ali, qui était assis à la table d'Erzébeth, celle-ci se trouvant à la place d'honneur, il se tenait à sa droite sur le côté le plus long de la table. Lorsque des invités partagent le repas de la Dame, il est coutume de servir divers plats aussi riches qu'appétissants. On trouvait de larges tranches de pain, une planche de bois sur laquelle saignait doucereusement un pavé de viande de biche. Un canard glacé aux pommes, une sauce aux châtaignes. Diverses pâtisseries aux fruits, du pain au lard et un poisson.

Erzébeth avait la tête dans les étoiles. Les propos de son visiteur lui étaient aussi étranges que familiers, toute perte était certaine après tout. Toutes nos actions sont faites pour mener tôt ou tard à une mort, parfois aussi infâme que douloureuse. Ne se sentait pas encline à converser pour l'instant, elle fit ordonner à Ursula d'aller chercher le chantre du domaine. Un jeune homme à la main gauche déformée, abandonné par ses pairs, il avait été accepté à Keresztur, en échange de cette hospitalité, il se montrait prêt à distraire et amuser les maîtres du domaine à l'aide de chanson et de contes.

Izsaac accourut jusque devant le foyer central accompagné d'une petite lyre. L'homme était bien maigre, ce fait médical était imputé à sa déformation de naissance. L'homme avait les yeux rivés de convoitise sur les plats présents à table. Il commença, fidèle à son habitude à rendre un hommage pompeux à la Dame de Keresztur, si bien que, peu habituée à ces flatteries qu'elle jugeait irritante, elle fit un geste impatient de la main. Cette première réaction de son public lui ôta une expression déçue à sa face de lune boursouflée, Izsaac espérait en récompense de pouvoir partager un morceau de viande

" Il fut un temps, dans les terres retirées de Bouhen, avant que la lumière divine du soleil ne caresse ce monde, un château d'un roi cruel se dressait non loin de celui de Keresztur. Le châtelain avait sept jeunes filles qu'il gardait jalousement dans une pièce noire, car elles étaient tellement belles, que si elles sortaient, elle éclipseraient la lumière du soleil. Les sept filles ignoraient totalement l'ampleur de leur beauté.
Un jour, alors que le roi était à la guerre contre les troupes de la Déesse noire, un homme se transforma en oiseau et apporta jusque dans la chambre noire, une torche et un miroir. Pendant que les filles se contemplaient, toutes médusées par leur beauté, il les aspergea de sa semence avant de repartir aussi vite qu'il arriva.

De retour, le châtelain découvrit ses sept filles se pâmant devant un miroir, toutes accouchées d'un enfant. Une rage monstrueuse ébranla les murs du château, et il décida de faire payer l'homme oiseau qui entraina la perte de ses enfants !
Il consulta une vieille sorcière et conclut un accord avec elle. Si elle lui livrait le jeune garçon, il lui offrirait une de ses filles avec son enfant, aussi, elle en disposerait comme il lui plairait. La vieille femme tissa un filet de ses cheveux et attrapa le jeune homme au moment où il désirait retourner dans la chambre pour séduire les jeunes femmes.
Le châtelain le mit à cuire dans une marmite, il laissa ensuite sortir ses sept filles pour dîner. On fit servir les morceaux de l'homme dans sept bols d'or et leur fit manger la chair de leur amant. Les filles suçaient les os sans avoir la moindre idée de qui il s'agissait. Une volée de canard vint se poser sur leurs têtes, les souleva par les cheveux et les emporta à tire-d'ailes. En passant au dessus du lac d'Hymin, les canards lâchèrent les filles horrifiées qui se transformèrent en cygnes noirs. Les vestiges de leurs enveloppes humaines flottaient à la surface du lac et la sorcière les récupéra pour rapporter le tas de peau au roi. Elle souffla dessus jusqu'à obtenir un écheveau de fil vivant, qu'elle tissa ensuite pour en faire une nouvelle jeune fille.
Voici la fille que tu m'avais promise, tu me dois encore un enfant !"
Ne sachant où trouver un enfant, le roi proposa de féconder lui même sa fille. Cependant, cette dernière nommée Tresses de lin gardait les genoux obstinément scellés.

Il finit par lui tendre un miroir, fascinée par sa beauté, Tresses de lin s'abandonna à son père et tomba enceinte. Vint le jour où sa fille donna le jour à une autre enfant, qui s'échappa pour épouser le soleil. Le roi en mourut de tristesse, la vieille sorcière garda la mère dans un cachot de pierre, fâchée de la fuite de l'enfant qui lui revenait de droit. Depuis ce jour, on vit pousser des fleurs de lis en forme de larmes...


Teresa et Ursula qui se tenaient dans l'ombre du foyer, comme des gentilles servantes semblaient loin d'être absorbée par cette vieille légende folklorique. Mais Erzébeth ne la trouvait pas si décevante, au contraire, comment pouvait-on tisser une femme à l'aide de plusieurs autres ? Quel goût pouvait avoir un homme ? Elle s'imaginait mordre Teresa, Zsuzsanna, elle qui avait la peau laiteuse, comme une grosse miche de pain blanc... Que pouvait-il bien y avoir de dangereux à fréquenter un homme ? Allait-elle, être menée à sa perte ? La légende et les propos d'Ali dans l'écurie se mélangeaient. Il y avait à Keresztur des femmes qui étaient renvoyées chez elles après avoir fréquenté des hommes de cuisine ou des palefreniers. Que pouvait-il y avoir d'attirant chez ces hommes qui fréquentaient plus d'animaux que de femmes ?

Elle avala un morceau de pain blanc et prit une gorgée de lait de chèvre tiède avant de demander à son visiteur ce qui le conduisait jusqu'ici, et comment il avait trouvé l'histoire.

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Dernière édition par Silmeria le Lun 21 Fév 2011 13:50, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Château de Keresztur
MessagePosté: Sam 19 Fév 2011 23:29 
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Les doigts froids d'Erzébeth touchèrent mon menton fraichement rasé.
Comme des hameçons, elle planta son regard placide à l'intérieur de mes yeux et pendant un instant je crus qu'elle eut la capacité d'y lire les moindres parcelles. Je pouvais sentir son corps frémir, tout près du mien, lorsqu'elle s'immergea dans ses propres pensées. Je lui avais révélé une part de ce que je savais sur sa mort et l'image de celle-ci brulait l'intérieur de mon crâne tel un fer rougit par la braise. Pourtant, je ne cillai pas. Je vis planer une légère incompréhension sous forme de stupeur qui tira sur les muscles de son visage fin. Je saisis doucement son poignet et le repoussai de l'emprise qu'elle avait sur moi. Ô comme il fut étrange de voir cette femme vivante alors que la mort elle-même s'était imposée à mon esprit. Pourquoi cette vision s'était-elle présentée à moi de cette manière? Il m'était impossible d'y répondre et j'avais d'autant plus de difficulté à comprendre la présence de mon propre cadavre que j'avais vu couler dans les profondeurs... Mi-rêve mi-transe, le réalisme flagrant ne pouvait se préciser comme un simple songe dont on oublie les détails la seconde suivant notre réveil.

Mon souffle s'étouffa. La situation avait atteint un malaise qui me chavira et risquait de me faire glisser dans une folie qui guettait chacun de mes frissons pour ensuite m'attraper de ses bras glacés. Je repoussai l'image avec obstination. L'immersion avait été troublante, mais elle résidait peut-être que dans un monde immatériel et dénué de sens. Cependant, un détail clochait... L'image trop réaliste, mon propre corps, la lueur verte, les yeux d'Erzébeth... J'étais déchiré dans une incompréhension et je m'enquis à tenter d'en apprendre plus sur cette femme, aussi mystérieuse soit-elle.
Elle cherchait quelque chose et cette chose je n'en avais pas le moindre indice.

En me faisant sursauter légèrement, elle m'invita à sa suite. L'effet d'étrangeté de la situation ne semblait en rien l'affecter et j'emboitai son pas décidé en lui jetant des regards discrets. Les passages de couloirs en couloirs s'acheminèrent sous nos pieds et en quelques minutes, nous étions dans une immense salle où une aura de luxe et de matérialisme règnait. Je ne comprenais toujours pas comment il fut possible que des hommes et des femmes s'entourent de murs comme ceux-ci, comme une cage où on y avait accommodé le nécessaire pour y vivre et ne plus jamais en sortir. L'inconfort me gagna et je regrettai pendant un instant ma douce forêt et le silence impeccable qui y régnait. Mais ce fut le subtil fumet exquis de la viande boucanée et des bouillons de légumes qui me jetèrent dans l'allégresse. L'odeur gonflait mes poumons et la simple sensation de viande sur ma langue me chamboula et je ne pus retenir le sourire qui s'immisça sur mes lèvres.
Le temps que les individus présents remarquent la présence d'Erzébeth, plusieurs se mirent en place sur la longue table ornée du festin surabondant. Celle-ci s'installa à l'extrémité de la table massive et m'indiqua mollement la chaise à sa droite. L'éclairage lumineux scintillait sur les ustensiles brillants et l'amalgame incroyable de plats me rendait presque coupable.

- « A.. Ali? »

La voix de Lëyla m'extirpa de ma rêverie. La guerrière était vêtue de ses vêtements à la fois simples et élégants. Fidèle à elle-même, elle avait gardé ses jambières de cuir et s'était accaparée d'un somptueux corset d'un tissu d'or et de blanc. Ses longs cheveux d'une blancheur frappante sous les lustres, étaient ramenés en queue et ses oreilles pointues s'ornaient d'une multitude de petits ossements et bijoux de toutes sortes. Son expression faciale était ahurie. Elle me toisa ainsi, de bas en haut, sans pouvoir camoufler son étonnement de me voir présentable et bien habillé.

Elle me susurra à l'oreille:

- « Pardonnez-moi humble guerrier, cette place à votre droite est-elle prise? »

Elle me jeta un regard moqueur et je lui rendis la pareille en secouant la tête, mi-figue mi-raisin. Je n'avais point l'habitude de cet état et ce fut avec surprise que je remarquai que mon apparence pouvait effectivement être confondue avec celle d'un guerrier.
(Qu'il en soit ainsi. Je ne souhaite pas attirer l'attention sur moi trop longtemps.)
La chaleur ambiante était habilement dirigée par un foyer qui devaient faire au moins ma taille et de nombreuses décorations ornaient les murs de leur hauteur vertigineuse. Toutefois, ce qui attirait le plus mon attention, ce fut le quartier de biche bien doré et dégoulinant de sa graisse fondue, gisant juste devant moi. Je pris donc place en même temps que la maîtresse du domaine et de ma récente connaissance de captivité et nous attendions qu'Ursula et une autre femme s'installe. Lorsqu'Erzébeth empoigna un morceau de pain épicé, tous se mirent à sa suite en se servant à volonté dans l'abondant buffet. J'hésitai un instant mais la faim me transperçait trop pour manger à un rythme plus posé. Je saisis le couteau près du plateau et tranchai la viande qui riposta sans la moindre résistance.

Les yeux aussi gros que mon appétit, j'approchai la main de la viande attendrit par de nombreuses heures au fourneau. Je reçus un coup de coude dans les côtes et Lëyla me regarda en tassant la fourchette qui trainait près de mon assiette. Avec déception, je pris l'objet avec un léger tremblement et l'inséra, pleine de chair, dans ma bouche sèche. Ô comme la texture était apaisante après tant de temps à jeûner comme un mendiant. Je mangeais, enfin.

Mon estomac fut rapidement comblé pour effet des jours de privations et je pouvais dorénavant respirer sans perpétuellement sentir mon ventre tirer sur mes entrailles. Erzébeth, tant qu'à elle, picorait avec frugalité dans son assiette et accompagnait sa ration d'un lait de chèvre. Elle ne m'adressa pas la parole pendant presque tout le repas, ses pensées la chatouillaient et son regard vague fixait de temps à autre les divers gens assied à sa table. Je soupçonnais notre conversation d'être le catalyseur de cette distance. Repus, je me mis à arpenter la salle des yeux. Ursula se tenait face à moi et elle tourna vivement la tête lorsque je surpris son regard. Elle s'empressa de parler à sa voisine.

On fit entrer un homme dont la déformation étrange saillait son corps maigre et faible. Cependant, lorsqu'il s'éclaircit la voix, elle portait une force qui ne concordait en rien avec son apparence délabrée. Sous un ordre sec, il commença une histoire qui me fit rapidement tendre l'oreille. Les bras croisés et l'air circonspect, j'écoutai avec attention les dires qui embourbèrent mon esprit.

Sur la fin du récit, l'homme s'inclina et se retira en toisant les nombreux plats à moitié vide sur la table. Sans en comprendre la raison, cette histoire bouillonnait dans mon crâne. Elle semblait imprégnée la même couleur macabre de ma vision et je me tournai vers Erzébeth au même moment où elle en faisait de même. Sur un ton posé, elle m'interrogea sur la légende avant de me questionner sur ma venue à l'intérieur de sa terre. Elle avait soudainement retrouvé le goût de parole et m'incita à répondre en me soutenant des yeux. Je m'éclaircis la gorge en parlant d'une voix basse.

- « Je crois... que le père est le seul acteur de son malheur. Et par le même fait, de sa propre mort... »

Je me retournai pour voir son expression.

- « ...Est bien malheureux, celui qui connait la valeur de la beauté et qui tente de l'emprisonner pour lui-même et pour toujours... Mais la plus belle des beautés n'était-ce pas de celle qui n'en connait pas l'ampleur? »

Je m'étais rapproché en me penchant doucement vers la table. Lëyla ne manqua pas une seule seconde de l'échange et je restai à celer mes yeux à ceux de la dame. Je gardai le silence en inspectant son visage et retroussai un coin de mes lèvres en une expression qui se voulait presque provocatrice. Je savais pertinemment que cette femme recherchait quelque chose associée à la beauté, mais ma certitude s'arrêtait malheureusement à cette simple hypothèse.
Je devais savoir. L'ombre du cadavre qui coulait dans les ténèbres passa sur moi et je baissai les yeux en retombant sur le dossier de ma chaise.

- « Ce qui m'amène ici? La fatigue avant tout. La fatigue d'un voyage épuisant et le besoin de reprendre des forces pour repartir. J'ai été conduit par la femme ici présente à ma droite. »

La douleur me contraignit à arrêter ma justification sur ces mots. Les éclairs d'une captivité empreinte de souffrance et d'incompréhension devaient apparaître sur mon visage qui s'obscurcit. Il valait mieux garder cet épisode pour moi-même. Ma transe suffirait à me faire bruler vif pour sorcellerie.
Une voix cassante sonna à ma droite.

- « Nous étions en captivité dans un hameau de gobelins plus haut vers Oranan. Mais grâce à Ali, nous avons pu fuir et notre chevauchée nous a guidé jusqu'à votre magnifique demeure... Au fait, moi c'est Lëyla et je vous remercie grandement de votre hospitalité... »

Mon visage était de glace. Cette femme avait véritablement un talent pour tout gâché.

- « ...Disons que sans la facette animale d'Ali, nous ne serions pas ici aujourd'hui! »

Elle me souriait de toutes ses dents et je la maudis en silence. Je passai la main sur mon visage et le goût de me lever tout de suite et d'échapper à ces deux femmes me saisit brutalement.
Pourtant, quelque chose m'en empêchait. Je me devais d'en apprendre plus.

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 Sujet du message: De belles roses rouges.
MessagePosté: Dim 20 Fév 2011 21:37 
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Cette soirée là, Erzébeth donnait cette expression de langueur, cette mélancolie, douce et rêveuse. Elle faisait de son mieux pour faire semblant d'être intéressée par les propos des deux étrangers qui dînaient avec elle. C'était silencieux, elle aurait même pu se sentir seule. Cette atmosphère pesante touchait principalement les visiteurs. Intérieurement, elle était contrariée... Elle n'appréciait guère l'attitude de ces deux comparses.


La jeune Teresa venait régulièrement servir du vin et le lait de chèvre encore fumant. Elle écoutait d'une oreille distraite la conversation entre l'homme et la maîtresse des lieux. Malgré cette presque-absence mentale, Teresa fut prise d'une crainte lorsqu'elle entendit Ali parler de la beauté, la plus belle beauté pour Erzébeth, elle le savait, n'était pas celle dont on ignorait l'ampleur. Cette dernière contre-attaqua dans l'instant, d'une voix cinglante elle déclara :

« Quel non-sens odieux !»

Elle laissait choir le morceau de mie, qu'elle avait préalablement roulé entre ses doigts, sur son assiette. Lorsque le sujet dériva subitement sur les raisons qui amenaient ces inconnus douteux à Keresztur, son attention se riva sur la femme. Le chantre d'Erzébeth se tenait toujours au beau milieu de la pièce, le regard plein d'une convoitise certaine qui n'échappait à personne lorsqu'il regardait la viande. Vexée des propos de l'homme, Erzébeth lui ordonna de sortir sans même lui laisser l'opportunité de repartir avec quelques mets. Ursula était dans un coin de la pièce, à l'ombre de foyer, surveillant un petit panier qui contenait le pain qu'elle venait servir régulièrement à table. Par force d'habitude, les deux servantes attendaient chacune dans un côté de la pièce, ne pas être tentée de se parler, ne pas agacer la maîtresse. La présence des deux personnages était une mauvaise augure selon Ursula. Jeune fille de campagne à la crainte facile à agiter.

Erzébeth rêvait presque, elle n'arrivait plus à contenir son attention sur le visage souriant de la femme qui s'adressait à elle d'un ton trop mielleux. Depuis qu'elle était au domaine, tous le monde la considérait, chose incroyable, elle qui avait dû, pendant tout ce temps se montrer implacable, impitoyable pour subsister seulement. Son regard tombait, comme si elle était fatiguée. Ses yeux rencontrèrent alors ce bustier aux parures fines. Un bustier qui ressemblait étrangement à celui de sa compagne absente : Mircalla.

Il ne lui avait fallu qu'une poignée de seconde. Teresa avait eu le temps de cligner des yeux que la femme s'était déjà dressée. D'un signe calme de la main, elle incitait les deux étrangers à ne pas l'imiter – qu'ils restent à leur place -. La porte s'ouvrit, Svetjana passa par la porte qu'un garde lui ouvrit tant elle était chargée de linge humide.

« Qu'est ce donc ?» demanda Erzébeth à la jeune servante qui était à moitié surprise de la question à la réponse pourtant évidente. Cependant, habituée depuis peu à ce regard profond qui cachait une hargne phénoménale, elle répondit après une courte hésitation.

«Madame, les draperies et les effets de Dame Mircalla, j'étais sur le point de...»

Erzébeth interrompit la frêle demoiselle en posant son doigt blanc sur ses lèvres pourpres. Sur le tas de linge encore moite, la Dame vit une tapette de cuir qui servait à écraser les plis des draperies de lin. L'objet en question avait une allure de cravache, quelque chose de solide, fin et cinglant. On pouvait même s'en servir, avec un peu d'imagination à écraser un énorme insecte.

« Votre visite en ce lieu, Lëyla, vous apprendra à vos dépends qu'il n'est guère aimable, envers la maîtresse de ce domaine, que de s'accaparer les effets de son estimée compagne. »

Le garde, voyant la femme s'approcher de la guerrière honteusement habillée des effets du château s'approcha, main à l'épée, prêt à faire son devoir au cas où les choses tournent au vilain. Elle se tenait derrière l'inconnue, qui, sous l'effet du silence pensant, tourna la tête en direction d'Erzébeth qui la gifla violemment à l'aide de sa cravache improvisée. Teresa lâcha un cri discret, Ursula quant à elle, n'osait rien dire, cachait sa bouche de ses mains. Svetjana quant à elle, quitta la pièce sans demander son reste. Mais au moment où cette dernière voulu passer la porte, elle s'ouvrit brusquement, poussée par deux gardes et heurta Svetjana au front. La jeune femme tomba à terre et tacha de sang quelques draperies.

«C'est pas vrai... Tu peux vraiment pas t'empêcher de torturer le monde ?»

En quelques secondes, l'ambiance passée de morne à saturée. Il y avait maintenant trois gardes, trois servantes dont une ensanglantée... Erzébeth lâcha son arme de cuir pour trottiner vers la servante à terre. Teresa prit une expression d'effroi, pensant que celle-ci serait brusquement punie pour avoir souillé de son sang le linge. Quelle ne fut pas sa surprise, lorsqu'Erzébeth, à l'aide de ces draperies, essuya le sang du front de la jeune femme qui avait les larmes aux yeux. Elle balbutiait des excuses entre deux débuts de sanglots. La femme tourna son regard vers les deux hommes armés.

« Dame Erzébeth, nous avons surpris cet homme en train de voler dans le sellier, personne ne le connait au château. Il n'a jamais été engagé ici. »

La maîtresse du domaine tendit son chiffon maculé de sang à Svetjana pour qu'elle s'occupe elle même de sa blessure. On fit entrer l'homme dans la pièce. Un gueux de taille moyenne, le visage mal rasé, les cheveux ébouriffés, il avait cette expression de tristesse infinie dans les yeux, celle qu'on donne à tous ceux que la vie a brisé. Il portait des traces de coups, marchant avec peine, les pieds nus entravés par des chaînes.

« D'ordinaire, nous ne vous aurions pas dérangé pour ce manant, mais le capitaine étant parti avec Dame Mircalla à Kendra Kar pour escorte, les décisions émanent de vous. »

Erzébeth s'approcha de l'homme, il sentait fort, un mélange entre la vache, la transpiration et le prisonnier. Ses doigts fins ressemblaient plus à des griffes. Celles qu'on trouve dans les illustrations de sorcières pour faire peur aux petits enfants. C'est ces doigts là qui agrippèrent son visage pour soulever ses yeux et l'interroger. Exactement ce qu'elle faisait à Ali quelques minutes plus tôt.

« Et bien ? Que faisais-tu dans le sellier ?»

Mais il ne disait mot. C'était le garde qui l'avait arrêté qui répondit, prétendant qu'il cherchait un miroir. Face à cette réponse, la femme se montrait très surprise. En quoi un homme viendrait chercher un miroir dans un sellier, d'ordinaire, l'endroit où l'on conserve la nourriture. Il avait déjà fait ses aveux à la garde. Il désirait voir son reflet dans un miroir, pour espérer courtiser une femme du domaine.

« N'as-tu donc jamais vu ton visage ? »

L'homme avait les larmes aux yeux, il répondit faiblement que si, uniquement dans le reflet de l'eau, mais il désirait de faire beau pour espérer approcher la femme sans l'effrayer. Le cliquetis des chaînes vibrait sur la pierre, il tremblait. Teresa quant à elle, s'approcha du garde situé à quelques pas de Lëyla qui avait la joue rougie par le coup cinglant d'Erzébeth. Le garde reprit la parole, captant instantanément le regard et l'attention de la femme. Il était suspecté de venir d'un campement de bohémiens qui venaient régulièrement s'installer dans les bois pour y chasser. Sans autorisation du domaine certes. Ils étaient d'ordinaire tolérés parce qu'ils ne faisaient rien de mal, et vivaient chichement, à raison de quelques gibiers par mois quand ils chassaient. Mais s'ils entraient dans le château pour voler, et désirer courtiser les femmes, tout était différent.

Erzébeth semblait pensive. Avec un peu de chance, si les profiteurs tombaient lors d'une chasse sur le cadavre de leur compagnon, ils prendraient peut être peur et quitteraient les lieux. Ou alors, il chercheraient à se venger. Elle avait entendu de ces rumeurs qui lui revenaient de temps en temps au grès des couloirs. Des groupes de paysans mécontents, écrasés sous les taxes qui investissaient les châteaux pour violer les servantes et tuer les nobles. Certes, elle n'était pas considérée comme venant de la noblesse, mais c'était elle qui prenait les décisions. Le fait était là, il venait de voler quelque chose. La peine était claire : la mort. Ce qui la fascinait malgré ça, c'était que le futur supplicié n'implorait en rien le pardon. Il était pétrifié de peur et malgré ça, conservait assez de cette étrange fierté qui l'empêchait de ramper à ses bottes.

« Qu'aurais-tu bien pu faire, si elle avait évité tes avances, cette mystérieuse servante ?»

Il fut frappé d'un frisson soudain, ses yeux avaient une toute autre lueur qui montrait maintenant de la colère, face à cette femme qui se moquait de lui. Elle le trouvait répugnant, et selon Erzébeth, même une servante sentant le purin n'aurait pas été assez sotte pour copuler avec un tel homme. Il leva le regard, les traits tirés d'une colère noire et lui répondit qu'il se serait jeté dans le lac, ne pouvant supporter de vivre seul et sans amour avant de cracher au sol, en face d'Erzébeth.

Ursula quitta sa position statique pour venir immédiatement nettoyer le sol, se mettant malgré elle et son excès de zèle, en première ligne contre la tempête qui risquait d'arriver.

« Envoyez le dans la cour ! Je veux qu'il soit torturé, faites en sorte que ses compagnons entendent ses hurlements, à supposer qu'il vienne des bois... Ensuite, tranchez lui la gorge et enterrez le à l'orée du bois !» dit elle d'un voix froissée de colère. Elle se tourna brusquement vers Lëyla, tandis que le corps de l'homme était trainé en silence dans le couloir. Erzébeth pointa du doigt la jeune femme d'un ton qui se voulait menaçant et lui dit :

« Quant à vous étrangère, n'oubliez jamais ma clémence envers vous, car j'étais tentée de vous faire subir le même sort pour vous punir de votre incroyable assurance !»

Les servantes se relevaient, Svetjana conservait son chiffon blanc, sur lequel naissait de belles roses rouges, au visage. Teresa rejoignit le trio de femmes. Svetjana lui avait, une fois fait le reproche qu'elle commençait à avoir une " symbiose " avec Erzébeth, mot qu'elle ne comprenait pas, ce après quoi elle lui expliquait que par peur de ses colères, son inconscient la poussait à imiter cette femme comme si elle désirait se mettre à l'abri de ses fulgurantes colères...

Aujourd'hui, j'écris pour confier secrètement ma joie et mon amertume. Erzébeth est étrange, je ne saurai dire si elle est une bonne ou une mauvaise personne. Tout ce que je sais, c'est qu'elle n'avait pas désiré chasser les deux étrangers. Elle disait qu'elle était prête à ouvrir son domaine aux voyageurs en souvenir du temps où elle parcourait le monde. Mais elle avait par sécurité, demandé à ses servantes principales, Ursula Teresa et moi de garder un oeil sur eux, principalement sur la femme.
Journal de Svetjana.

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La petite ombre de la Mort à Elysian.

Alors, j'ai établi ma couche dans les charniers,
Au milieu des cercueils,
Où la Mort Noire tient le registre des trophées qu'elle a conquis.


Némésis d'Heartless


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 Sujet du message: Re: Château de Keresztur
MessagePosté: Jeu 24 Fév 2011 06:56 
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La scène s'était déroulée à une vitesse qui me figea littéralement. Le visage de Lëyla, rougit par la lacération de la cravache, ne serait plus jamais le même après cicatrisation. La trace sanguinolente suintait un film de sang qui coulait sur sa joue pâle tel la larme d'un pleure. Elle regardait d'un air grave notre hôte qui se tenait en plein centre de la pièce et je crus y voir une étincelle de colère qui grimpait lentement vers la surface et tendait ses épaules féminines. J'observais attentivement l'enchaînement d'intrusions dans un incontrôlable immobilisme tant il paraissait invraisemblable qu'une telle cruauté puisse exister si près de ma propre réalité. Je réalisai à cet instant le tourment de cette femme... Erzébeth. La facilité avec laquelle elle s'était jetée sur Lëyla et la façon presque anodine de condamné cet homme me désarmait de mots et de gestes. La pitié me vint à l'esprit, mais elle se changea beaucoup trop rapidement en dégoût pur et simple. Ma vision de sa mort me parut une futilité enfantine et je regrettai presque de l'avoir abordé sur le sujet. Elle ne s'était même pas donné la peine de chercher un sens. Elle ne se donnait que le plaisir de voir son prochain souffrir le martyre.

Les mains crispées sur les accoudoirs de ma chaise, je m'enquis de fixer le pauvre homme, traîné sur le sol par les deux gardes, incapable de contrôler son propre destin... sa propre fin. Un des garde, faisant un peu plus que ma taille, mais quasi le double en largeur, s'était posté devant sa maîtresse en attendant la suite des évènements dans un silence soumis. Un état d'apesanteur semblait s'immiscer dans la salle à manger d'où toute trace de sérénité avait vite fait de s'évaporer. Je déglutis en voyant ce qui m'évoquait le symbole même de l'impuissance: l'homme se laissait choir, le regard vide, entre les bras des pions d'Erzébeth. Il ne faisait point d'efforts pour se libérer et j'y lus la résignation dévolue de laisser son destin à qui veuillent bien le saisir... Mourir pour celle qu'il aimait, voilà le seul réconfort qui marquait son visage crasseux.

Lorsque je sentis mes jambes se délester de leurs emprises invisibles, il était déjà trop tard. Lëyla s'était précipitée, dans un élan de rage, sur la dame à la robe noire en soufflant des mots qui ressemblaient plus à un sanglot qu'une provocation.

- « Toi! Que toi! Ta petite personne semble l'unique chose à laquelle ce monde accorde de l'importance! Tu ne mérites même pas le titre de noblesse qu'on ose te porter et saches qu'il semble t'être attribué plus par peur que par respect! N'as-tu jamais souffert? »

Les derniers mots explosèrent dans l'écho des murs de pierres et je pus entrevoir le poignard qui glissa d'un pli de ses jambières pour atterrir dans sa main droite. Je ne fus pas le seul. Le garde avait vite fait de repérer la lame brillante et il ne fut pas compté deux battements de cœur que celui-ci s'élançait à son tour vers sa maîtresse. Par orgueil ou par justice morale, je ne comprends toujours pas pourquoi Lëyla s'est jetée, éperdue, dans ce qui allait par la suite me glacer les entrailles pour le restant de mes jours.

Elle courait maintenant en direction d'Erzébeth dans une cadence hachée d'un cri terrifiant. L'acier aiguisé du poignard refléta les faibles tintements des chandeliers présents dans la pièce. Je voyais la scène d'un angle qui m'empêchait de distinguer ses traits, mais lorsqu'un morceau de métal brillant ressortit d'entre sa chevelure, au niveau de sa nuque, je compris que c'était fini. La cartilage osseux de la trachée avait lancé son craquement de brindille que l'on broie du talon lorsque la lame de l'épée du garde perfora le cou de la guerrière. Je sus que l'arme avait déchirée ses cordes vocales à son cri qui s'effrita dans un marmonnement mouillé. La lame jaillit à l'arrière de son cou et tacha le blanc impeccable de ses cheveux d'un rouge ardent et opaque. Tel la neige éclaboussée, sa tête retomba vers l'arrière dans un soubresaut qui lui fit fléchir les genoux. Elle tenta de parler, mais le son glissa dans une déglutition bruyante. Le poignard qu'elle tenait jusqu'alors de sa main crispée, tomba dans un fracas sonore et rebondit de son tintement cristallin. Ce fut peut-être mon nom qu'elle essaya de prononcer avant de s'évaporer dans l'invisible, mais je dus confondre le tout par une insulte finale qu'elle cingla au garde. Celui-ci retira d'un coup sec son épée imprégnée du sang de ma comparse et fixa le corps inerte tomber mollement vers l'arrière, dans une marre rougeâtre qui s'élargissait lentement. Il n'était qu'à quelques pas de sa cible, immobile. L'homme d'arme se trouvait entre celle-ci et Lëyla.

Le silence tomba. Un silence d'encre qui se répandait, tel la flaque de sang, dans mon crâne qui s'enflamma. J'avais repoussé mon siège qui tomba à la renverse et regardai à tour de rôle le corps inerte, le garde et Erzébeth. Je vacillai en reculant, afféré d'incompréhension. Mon univers tangua et sa houle s'imbriqua dans mon esprit comme un poing que l'on enfonce dans la chair tendre. Les pulsations de mes artères frappaient aux remparts de mon être et j'agrandis les yeux en poussant une expiration rebutée d'un gémissement guttural. Je m'enfonçais dans l'ombre de mon âme qui m'accueillait de son sourire pourvut de ses canines saillantes. D'énormes yeux verts aux pupilles verticales se retournèrent sur mon esprit recroquevillé et m'engloutirent par leur immensité. Le torrent de lumières émeraudes s'échappa de mes pensée lorsque je fis un pas vers l'avant. La pierre du plancher semblait s'être amollie et je me dirigeai en titubant vers Lëyla. Je tombai à genou près de son corps en poussant des respirations saccadées. Les mains tremblantes, je la saisis par les épaules et la tirai vers moi en repoussant les mèches de cheveux qui collaient à son visage marbré de son propre sang. Des larmes roulèrent sur mes joues et se mêlèrent à la substance rougeâtre. Elle m'avait délivré et s'était tenue de me maintenir en vie... Elle avait donnée une importance à mon existence. En appuyant sa tête sur ma poitrine, je berçais le regret de ne pas l'avoir remercié à sa juste valeur. Le trou béant en forme de feuille d'olivier s'enfonçait dans sa gorge. La substance rouge s'en échappait en répandant son contenu morbide sur le noir de mon surcot et le blanc de ma chemise. Son visage était éternellement figé dans la torpeur et le goût amer de l'angoisse m'agrippa sans pitié. Mon regard bifurqua sur ses bras qui tombaient mollement dans une désarticulation inconfortable et je vis, attaché à l'un d'eux, une lanière en cuir sertie de petits ossements de rongeurs. Les yeux rougit, je délestai le bijou et l'attachai à mon propre poignet dans un geste ponctué de tremblement. Ma vision se brouillait d'humidité et la réalité me rattrapait de sa douleur irrévocable: une partie de moi m'invitait à fuir ce monde de souffrances et l'autre grafignait ma peau de ses ongles intangibles pour m'empêcher de prendre la fuite... De rester un homme.

Mes paumes touchèrent mon front et j'hurlai dans un spasme incontrôlable. Elle jaillit en moi. Cette sensation familière qui quadruple mes émotions et affute mes perceptions. J'entendis le rugissement d'une panthère qui criait au désespoir et glissai dans ce qui me semblait la raison même de l'existence.

L'effluve du sang et du corps sans vie me frappa de plein fouet. Elle me rendait fou. Je déposai délicatement la tête de Lëyla sur la sol imbibé et reniflai le sang qui suintait maintenant mes mains. J'entendis les cliquetis de l'armure du garde et relevai la tête en feulant en guise d'avertissement. L'homme était trop près. Il devait reculer sinon mes mâchoires s'agripperaient à la chair molle de son cou. Je n'avais pas faim, mais sa simple présence me rendait nerveux. Il avait tuer une sœur et réduit par le même fait notre cycle. Le cycle se devait d'être grand. Je levai mon corps et regardai l'homme par ses yeux. Je ne tremblais plus. Mon sourire dut lui faire peur et je vis ses mains serrer le manche de sa longue griffe. Elle aurait pu me couper une patte, c'est pourquoi je reculai en gardant un œil sur ses mouvements. La femme à la peau grise me regardait également. Je levai la tête pour sentir son odeur, mais je rencontrai qu'un subtil fond de lait de chèvre qui émanait de son haleine. Quelque chose au tréfonds de moi-même submergea mon contrôle et j'entendis quelqu'un parler par ma bouche.

- « Non-sens? Faites moi rire Erzébeth. Qu'est le sens? Punir un homme dont l'unique crime est d'aimer? Ahahah... Non. Il est logique pour vous par ce qui n'a jamais été vôtre. N'étais-ce pas réellement ce que vous recherchez? »

La voix était rauque et grave. Je saisis ma gorge pour sentir d'où venait le son et fronçai les sourcils en regardant simultanément la femme et l'homme. Je devais quitter cette tanière. Elle puait.
Je laissai derrière moi ces humains ainsi que le corps de notre sœur. Je courrai dans les chemins éclairé par le feu vers ce qui me semblait la bonne direction. L'image d'une femme qui meurt en se tordant de douleur s'imposa à moi, mais je la repoussai. Une forte odeur de sueur et de crasse frotta mon palet et je sus que je devais la suivre. Elle me mena dans une clairière qui se trouvait elle-même à l'intérieur de la grosse tanière de pierre et l'air frais de la nuit emplit rapidement mes poumons. Avec difficulté, je plissai les yeux pour m'accoutumer à la noirceur ambiante et j'aperçus avec soulagement la sortie.

L'odeur de saleté résonna à quelques pas de moi et je vis que l'homme était attaché à une pièce de bois qui retenait ses mains et ses pieds. Il y avait quelque chose en lui... je pouvais le voir. M'approchant d'un œil attentif et aux aguets, j'atteignis furtivement sa hauteur tout en gardant une certaine distance suffisante pour prendre la fuite. Je m'accroupis et flairai les émanations de son corps. C'était bien lui. Ses épaules retombaient et remontaient avec sa respiration. Ses yeux m'observaient et je penchai la tête de côté en signe de perplexité. Un murmure caverneux me fit dresser l'oreille.

- « Le cycle aide le cycle »

Sa voix était faible. Je levai le menton et plissai une nouvelle fois le regard. Il avait raison. Le cycle se devait d'aider le cycle. Le poids d'un objet pesait dans mon vêtement et je le pris entre mes mains. Il ressemblait à la longue griffe de celui qui avait tué, mais en plus petit. L'homme m'indiqua un morceau de métal qui s'accrochait au bois et m'incita à le briser avec l'objet. Je fracassais celui-ci et après beaucoup de temps le morceau céda par l'usure du bois et l'homme m'indiqua le système identique qui retenait également ses pieds. Je recommençai en hésitant une fraction de seconde. C'était plus long que prévu et je devais quitter la tanière le plus vite possible. Je repris avec résignation les coups sur la pièce de bois et elle se brisa après quelques temps. Je jetai l'objet par terre et, sans me retourner, je courus jusqu'à la porte. Elle n'était pas fermée, mais lorsque je la franchis, des paroles d'homme résonnèrent derrière moi.
Je ne pouvais pas m'arrêter... Pas tout de suite.

(J'arrive)


La suite des évènements~

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Dernière édition par Ali le Lun 12 Déc 2011 19:16, édité 2 fois.

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