Personne n'avait perdu de temps. Les soldats du Roi devaient déjà avoir pris possession du Château et peut-être même entamé les recherches. Elle chevauchait avec Von Klaash et deux hommes jusqu'à la crique où mouillait la Laide-Les-Maines. Silmeria n'osait pas jeter un oeil en arrière. Il lui fallait se faire oublier et avec un navire, elle pourrait mettre beaucoup de distance entre elle et ses assaillants en peu de temps.
Lorsque les officiers du Roi comprendraient qu'elle prenait la mer, ils devraient réquisitionner un navire à Bouhen et ensuite partir à sa recherche. Ce qui lui laissait au moins une journée d'avance. Une demi-journée s'ils avaient déjà une embarcation prête à prendre le large.
Elle souriait, bien que la malchance lui collait à la peau depuis quelques temps, une lueur perçait et lui redonnait espoir. Silmeria avait finalement peut être eu de la chance dans son malheur. Keresztur... Tout ça allait certainement lui manquer, terriblement même. Mais un jour nouveau se levait, Omyre allait être un nouveau terrain. Ses expériences mitigées dans cette ville putride ne lui inspiraient rien de bon, toutefois, son nom y avait été entendu. Quelqu'un de visiblement influent voulait l'avoir à son service. C'était la meilleure carte à jouer. Elle aurait son " Keresztur " à Omyre.
Les montures dévalaient les petits chemins de plage qui les conduiraient aux barques et enfin à la Laide. Sa fuite allait enfin se terminer.
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Les hommes de Von Klaash tiraient les cordes d'amarrage pour hisser les barques sur la plage. Silmeria s'était assise sur le sable tandis que Von Klaash à côté d'elle grattait de ses ongles noirs le pommeau de son sabre.
Silmeria regardait la voûte céleste. Le ciel étoilé et les petits nuages transparents qui faisaient un voile divin dans les cieux. Les étoiles brillaient de mille-feux, la nuit était avancée et la plage n'était éclairée que de la lune. La tueuse souriait. Encore crasseuse, elle avait pu glaner quelques affaires personnelles avant de mettre les voiles. Von Klaash quant à lui, avait rendu ses armes à la Dame qui en aurait certainement besoin par la suite.
« Votre odeur m'a toujours dérangé. J'espère que vous envisagez un bain, je risque de passer du temps avec vous sur ce navire. »Von Klaash ne répondit pas. Son attention était ailleurs et cette distraction vint également frapper Silmeria et les marins qui venaient de hisser la barque. Les yeux scrutant l'obscurité, tout le monde semblait s'alarmer.
Et le danger apparu enfin... Une demi-douzaine de cavaliers dévalèrent ce même chemin qu'ils empruntaient quelques minutes plus tôt. Von Klaash recommença à beugler. Tout le monde bondit directement sur les barques. La Laide-Les-Maines mouillait à quelques dizaines de mètres de la rive. Silencieuse et impériale sous la lune argentée.
Des flèches sifflèrent et se plantaient dans le sable mouillé. Les hommes enhardis par les cris du Capitaine poussèrent la barque jusqu'à avoir l'eau du large jusqu'aux cuisses. Von Klaash et Silmeria avaient compris que si les archers venaient de les rater, c'était parce qu'ils étaient à cheval, mais une fois arrêtés, ils auraient tout le temps d'ajuster leurs flèches sur la barque.
« Va falloir avoir une d'ces idées lumineuses ma p'tite, ramez ou crevez mais par ma barbe, faite quelque chose d'utile. »Silmeria prit une rame et malgré sa faible expérience en matière navale, elle arrivait presque à suivre la cadence du marin qui était à sa gauche. Von Klaash lui, beuglait des insultes aux cavaliers qui étaient descendus des montures, bandant des arcs cours propices aux cavaliers, ils décochèrent une volée vers la barque solitaire.
Un marin poussa Silmeria pour prendre sa place et ramer plus vite. On entendit de l'agitation à bord de la Laide-Les-Maines, le navire s'activait et les hommes tirés de leur sommeil par le veilleur se mirent à leurs postes.
Les marins courageux et forts ne tardèrent pas à mettre de la distance entre eux et la plage. Mais Silmeria vit tomber du ciel une volée de flèche. Le marin qui venait de la remplacer fut tué sur place. Quant à elle, une flèche vint se ficher dans son avant bras, effleurant l'os. Elle grimaça sous la douleur vive et le sang coulait rapidement. Quand à la mer, elle rendit la blessure plus pénible en jetant sur la plaie de ses effluves salées dont la tueuse se serait bien passée.
« Prenez son corps, faites vous un bouclier avec lui ! »Von Klaash et le marin qui ne ramait pas observaient la femme puis, sous la pression réagirent assez vite. Le Capitaine souleva le corps à bout de bras pendant que le marin lui, reprenait les rames. Cette agitation manqua de faire basculer la chaloupe mais fut payante. Von Klaash à la proue tenait l'homme comme un trophée et sa carcasse fut percée de part en part par une nouvelle retombée. Le bâtiment était tout proche et les archers se remirent vite à cheval et détallèrent pour sonner l'alerte.
Les matelots du navire envoyèrent des cordes nouées sur la barque...
Le calvaire semblait être terminé. Enfin.