La nature s'éveillait doucement, le parfum des fleurs picotait le nez de la femme, au même titre que la fraicheur nocturne titillait sa peau et ses sens. L'abandon du terrain depuis des années l'avait rendu sauvage, il était difficile de s'y retrouver et elle manqua de trébucher sur des ronces à de nombreuses reprises.
« Et bien bravo, le premier pisteur compétent qui passe par ici n'aura aucun mal à voir que tu t'es vautrée dans les orties. »« J'ai rien de cassé, si ça peut te rassurer. »« D'accord, mais si tu tiens pas debout, j'aime autant te dire que tu ferais mieux d'abandonner la chasse aux canards, mange plutôt des racines, profite d'être par terre. Tseuh. »Mais quelques " coins coins " sauvages tirèrent les deux chasseuses de leur plaisanterie. Hrist n'avait rien de bien propice à la chasse, mis à part une lame et les branches et bâtons qu'offraient la nature.
Le bruit du cours d'eau se fit de plus en plus proche, et au travers des herbes hautes, elle vit sans tarder quelques volatiles le bec enfoncé dans le plumage, endormis pour la plupart, sauf quelques canards qui s'étaient jetés à l'eau faire un brin de nage.
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« Tu m'écoutes jamais. Quand je dis que le sol est glissant, c'est pas pour les merles, c'est pour que tu ne glisses pas comme une avinée et que tu tombes à la flotte. »« J'ai quand même un canard. »« Il est venu se suicider, pas d'autres solutions, avec ton plongeon tu as fait fuir la totalité des animaux à des kilomètres à la ronde, lui a juste bien voulu se faire tordre le cou. »C'est glacée et trempée jusqu'aux os, pleine de boue jusque dans les plis de sa tenue que Hrist retournait vers la maison abandonnée, elle empruntait un chemin différent mais une présence la troublait, elle avait le sentiment de ne pas être seule, d'être observée.
Ses instincts la poussaient à ne pas s'arrêter, faire comme si de rien n'était mais elle gardait un oeil furtif sur ce qui l'entourait, la présence d'arbres et de broussailles rendaient facile la tâche de toute personne qui voudrait se dissimuler dans les fourrés. Hrist comprit rapidement que s'il y avait effectivement quelqu'un, ce n'était pas un garde mais il restait encore la possibilité d'un tueur, un violeur, un voleur ou pire...
Ce n'est qu'en arrivant qu'elle comprit. Edmund. Il avait traqué Hrist, probablement dans l'idée que c'était elle qui venait de vendre Hens, le garçon avait le sang chaud et il cherchait certainement à venger cette trahison avant de retrouver la totalité de son sang froid. Mais le souvenir du jeune homme cherchant à lui sauter dessus pour la tuer de ses mains seulement, la veille, rendrait toute tentative pour le calmer laborieuse.
Elle s'arrêta.
« Depuis combien de temps est-ce que tu me suis ? »Pour seule réponse, des bruits de pas, démasqué, son traqueur se jeta vers elle, sans un cri mais Hrist était formée au combat tandis que le jeune garçon fonçait tête baissée, elle pu entendre durant quelques courtes secondes qu'il passait au craquement des brindilles, au bruit de feuilles et finalement au bruit de succion repoussant causé par la boue. D'un geste vif, elle fit volte-face et repoussa son agresseur d'un coup au visage. Il tomba à terre, sur le dos, prêt à se relever d'une traite.
C'était bien Edmund, il avait fait tomber son poignard dans sa chute.
« Tu... Tu m'as frappé avec un canard, sale carne ? »« Si ça peut te remettre les idées en place... Tu es venu pour ? »« Pourquoi je suis venu ? » Dit-il en se relevant laborieusement, massant son menton endolori et décrottant ses vêtements couverts de boue.
« Hens croyait en ton histoire, mais moi pas ! Maintenant qu'il est mort, j'ai toutes les raisons de croire que tu es responsable, tu nous as vendu ! Tu n'étais même pas à l'exécution ce matin ! Son corps était déchiré par le bourreau, et quand ils lui ont enfoncé le pal pour le lever, j'ai vu son visage ravagé par la douleur. La seconde voulait donner l'exemple, le pal n'était pas affûté, il était plat, ça a duré des minutes... Une éternité. »Il se pencha brusquement, ramassant son arme, Hrist ne lui répondait pas. Elle restait droite, le canard mort pendait inutilement au bout de son bras. Edmund se redressa et lança de nouveau son attaque sur Hrist, elle esquiva, le jeune homme était empêtré dans la boue visqueuse qui remontait jusqu'à ses chevilles. Hrist semblait moins gênée que le jeune assassin, forte de son expérience, elle restait l'observer. Il était rouge de colère, la mâchoire serrée, les lèvres pincées, ses yeux criaient vengeance et on lisait une certaine rage sur son visage.
« Je ne suis pas persuadée que me tuer soit une solution. Tu ferais quoi après ? » « Hens mérite vengeance ! »Bien que manquant de technique, le garçon frappait avec force et vitesse. Ses assauts désordonnés forcèrent néanmoins Hrist à reculer pour se mettre à bonne distance, il était très difficile de sauter sur son adversaire à cause de la boue, mais battre en retraite et arriver dans les broussailles était tout aussi dangereux à cause des branches mortes et des ronces qui pouvaient faire chuter l'un ou l'autre, le laissant aux bonnes grâces de son adversaire.
Hrist lâcha sa prise de chasse, elle ne cherchait pas à raisonner le garçon, de toutes façons, elle estimait ne pas en avoir besoin pour ses projets. Un tempérament de feu, s'il n'est pas scellé dans un mental solide est un danger. Dans son état, Edmund s'en serait pris à n'importe qui, et la tueuse estimait qu'elle eut de la chance qu'il ne se soit pas attaqué aux gardes lors de l'exécution.
Elle lui bloqua le bras pendant qu'il cherchait à la poignarder et lui envoya son genoux dans l'estomac. Il s'affaissa et tâcha de reprendre son souffle. Elle, retirait lentement son arme, la Scélérate de son fourreau de daim, sans un seul bruit.
« Il est plus facile de toucher un organe vital en frappant de bas en haut, non de haut en bas. Je te laisse quelques chances de me toucher, cette leçon sera bien ta dernière, jeune maître. »Il bondit férocement sur la tueuse, le visage crispé de colère, c'était tout juste s'il venait de reprendre son souffle. D'une main il accrocha les hanches de la tueuse, de l'autre il cherchait à lui enfoncer son arme dans le corps. Elle réagit tout aussi rapidement, saisissant le poignet du jeune garçon et esquiva du mieux qu'elle pu l'attaque portée par son arme. Edmund termina à terre une fois de plus, mais cette fois-ci, il avait senti une résistance sous sa lame.
La femme le toisait tandis qu'il était de nouveau couvert de boue. Elle portait sa main gauche sous les côtes et Edmund vit le long des doigts blancs de la femme du sang couler. L'armure de Hrist n'avait rien d'exceptionnellement solide. Le cuir mêlé de tissus était léger et fin, peu chaud et résistant mais souple, n'entravant aucun mouvement du fait qu'ils soient en petites plaques superposées pour épouser au mieux les courbes du corps de la femme.
Hrist était presque amusée, ça pouvait se lire sur son visage. Elle ne dit rien, Edmund se pinçait les lèvres, il avait frappé trop bas pour toucher le cœur. Quand bien même, le maigre filet de sang indiquait que la lame n'avait pas mordu assez profond et qu'il ne s'agissait que d'une blessure légère, peut être même trop superficielle pour la déranger au combat, mais il voyait un bon début. Dans un espoir inconcevable, le jeune assassin espérait en porter d'autres qui blesserait la femme avant de pouvoir lui asséner un coup fatal. Ou même s'il venait à perdre la vie, une infection pourrait avoir raison d'elle.
Toutes ces informations traversèrent rapidement son esprit, toutes les possibilités nouvelles que lui offrait l'adrénaline gonflèrent rapidement son mental et il relança un nouvel assaut mais cette fois-ci, infructueux et douloureux.
Hrist était plus rapide qu'il ne l'avait imaginé, il avait tenté de la frapper au visage mais le volte-face de la femme et l'élan qui avait poussé le garçon en avant firent qu'il la dépassa rapidement, et que la tueuse se retrouvait derrière lui. Hrist n'exprimait pas plus d'émotions que le canard mort, elle lui accrocha le col et, l'entraînant en arrière, fit glisser sa lame le long de l'oreille du garçon. Il a repoussa très rapidement.
Dans sa colère, il ne semblait pas sentir la douleur, l'oreille avait été fendue sur la largeur et le sang coulait le long de sa joue. Rendant au garçon un visage plus violent et mauvais.
La respiration du garçon était forte, la pluie recommençait à tomber et le chant des goutes sur la cime des arbres s'éleva dans les cieux gris.
N'ayant cure des conseils de la tueuse, il frappa de nouveau de haut en bas, mais elle lui attrapa le poignet de sa main non armée, étant prête à lui envoyer de nouveau un coup de genoux dans le ventre. Edmund avait eu un sursaut de bon sens et de sa main valide, empêcha le genoux de la femme de toucher au but, déstabilisant quelque peu la femme, mais de fil en aiguille, ils tombèrent tous deux sur le côté dans la boue criblée de pluie.
Hrist était sur le dos de tout son long, Edmund lui y voyait une opportunité incroyable et poignarda vers son visage, avec toute la force qu'il lui était possible. La Frémissante roula sur le côté mais la boue avait collé à son corps et rendu l'esquive plus lente et la lame s'enfonça profondément dans les mèches de cheveux collées. Elle piailla de douleur face à la sensation de pincement et, se retournant, lui envoya une poignée de boue en plein visage. Il cria.
« Encore un qui n'a pas appris à fermer les yeux... Ca pique la boue dans les yeux, tu crois ? »Hrist s'était déjà relevée et le pincement aux côtes commençait à lui faire croire que l'adrénaline lui avait laissé croire qu'il ne s'agissait que d'une coupure légère, l'entaille devait être plus profonde que ce qu'elle pensait, elle retira la dague du jeune homme de la boue, quelques uns de ses cheveux se mêlaient encore à la lame maculée de terre.
Tout en se massant l'arrière du crâne, elle alla jusqu'à la lourde porte de bois de la maison, elle y enfonça la dague du garçon et s'en alla l'attendre à l'intérieur.
« A mon signal... »Edmund convulsait dans un réflexe défensif, en bougeant il espérait que Hrist ne tente pas de lui porter un coup mortel, de peur de recevoir elle même un retour violent. Lorsqu'il pu de nouveau voir quelque chose, elle n'était pas dehors mais la porte ouverte et la dague plantée dedans, il comprit immédiatement qu'il fallait en finir, qu'une fois dans la maison, il n'y aurait plus d'issue.
Il passa rapidement la porte, de crainte qu'elle ne soit cachée derrière pour lui tendre un piège. Le toit défoncé laissait assez de lumière pour la localiser sans peine, debout au milieu de la pièce, face à lui.
Les longs cheveux noirs de la tueuse avaient été ramenés en arrière, encore collés par la boue, le sang luisait sur le ligne noir. Edmund se précipita vers elle, le sol n'était pas boueux et il profita de la vitesse que lui offrait ses jeunes cuisses.
« Maintenant. »Edmund vit face à lui, tomber du plafond sur son visage, en pleine face, une énorme araignée, si grosse et si proche qu'il en voyait tous les détails, les crochets velus et les petits yeux noirs qui dépassaient d'un corps hideux et poilu, s'accrochant du mieux qu'il lui était possible, l'horrible bête avait l'espace d'un court instant, pris le dessus dans l'esprit du jeune homme. Tentant de la chasser sans pour autant s'arrêter, il eut une vive douleur soudaine dans le corps.
L'araignée fondit en cendre. Encore une fois, il s'agissait de magie, il s'était fait avoir au même titre que le serpent noir qui était apparu au bout de sa dague la veille.
Hrist était derrière lui, le menton d'Edmund entre les doigts de la femme qui lui relevait la tête, l'autre main maintenait fermement la Scélérate, plantée juste en dessous du foie du garçon.
« Je crois que nous en avons terminé... Ta blessure n'est pas mortelle, mais ce que je te réserve le sera... »Edmund s'évanouit de nouveau, emporté par la douleur et les murmures de la femme qui avait eut le dessus.