« Quel est ton présage, Cèles ?» soufflait la tueuse, elle prêtait de plus en plus attention à la Faera, lui vouant un intérêt presque proche de l'oracle, contrairement à Silmeria qui lui, lui préférait son côté pratique pour répondre aux questions sans trop d'intérêts.
« En s'y prenant bien et en motivant les hommes... Une réussite. Mais nous avons l'avantage du nombre.»« Celui de la préparation également. La plupart sont encore sur leurs rafiots...» Hrist cessa ses pensées obscures. Les bracelets noirs des assassins de Kendra Kâr allaient lui être d'une aide précieuse pour connaître la situation de la Laide-les-Maines, située à quelques centaines de mètres de là. L'ordre fut donné aux lanciers qui se rassemblèrent autour d'elle. Hrist se concentra, les mains ouvertes, paumes vers l'avant, les yeux clos, elle sentait alors son ombre se détacher d'elle et abandonner son corps. Toute la matière laissée sur place rendait cet aura de ténèbres légère et véloce... L'ombre de la tueuse fusa vers la mer, la vision auréolée de violet et de noir ne laissait pas voir de nombreux détails, mais elle pouvait voir à souhaits les hommes déjà en déroute dans le village, tentant de s'enfuir sur la côte pour se rassembler. Enfin la plage, à une vitesse faramineuse, elle accosta à bord du navire où Von Klaash, au coeur de la bataille, tranchait, évicérait dans des hurlements et des insultes odieuses. Partout autour de lui, ses mercenaires montraient preuve d'une agressivité débordante, tous animés par la violence et la brutalité du capitaine, ils repoussaient l'assaut...
***
Dès lors que ses esprits lui furent rendu par la magie noire, elle caressa le flanc tiède de Calpurnia. La monture hennissant doucement, elle remuait ses oreilles lorsque ses longs doigts virent se déposer sur celles-ci. La monture de la Baronne était bien différente des chevaux que l'on trouvait dans ces terres. Les autres cavaliers disposaient de canassons plus propices aux assauts rapides qu'au longs combats à portée. C'était d'ailleurs, là que reposait toute sa technique.
« Faites sonner Malina. Repoussez les vers la mer. Formation en U. Ne laissait aucun échappatoire. Les lanciers et la Shaakt suivront et achèveront les blessés. » Dit elle en désignant Dame Aqamaq de son arbalète.
« Et ces trois... Moui, les trois iront dans le village s'assurer que personne ne s'y trouve. Par la suite, tous seront envoyés sur la plage pour repousser les barques. »Hrist se plaça un peu plus à droite du front. De là, on pouvait remarquer que derrière la fumée épaisse du village, les barbares se retiraient vers la mer. La pluie de flèche ayant certainement calmé leurs ardeurs, ils n'étaient pas réputés pour être des lâches. Ce stratagème ne présageait rien de bon et Hrist eut un sourire de Troyen face à un cheval de bois.
Le cor de Malina résonna. Le hurlement lugubre résonna dans le ciel, présage de l'assaut immédiat. Malina était composée de cavaliers rapides, capables de tirer sur une cible mouvante à l'aide d'une arbalète et de laisser celle-ci pour un assaut à l'épée lorsque c'était nécessaire. Les premières lignes se mirent en avant, suivie des secondes.
Calpurnia se cabra brusquement, Hrist cria à Lydia :
« Seconde salve, nous attaquons. Suivez-nous avec l'infanterie. »La générale lança un signe d'approbation de la tête, puis, suivie de ses nombreux archers, elle banda l'arc à la lune et déclencha de nouveau une pluie de fer tandis que Hrist courrait à l'assaut suivie de près par les soldats, prête à lancer la caracole. Les chevaux pouvaient galoper vite jusqu'à ce qu'ils arrivent sur les galets et sur les rocs, là, la vitesse de la cavalerie chuta mais tout l'avantage était dans cette manoeuvre, il fallait justement attendre que les barbares soient sur la plage car à vive allure, la précision des cavaliers étaient anéanties. C'était donc au pas que l'on chargea la vermine. Hrist arma son tir et lança un carreau qui alla se perdre parmi les nombreux autres lancés par ses sbires. Tous tournèrent sur la gauche ou la droite afin de se replacer dans les derniers rangs. Le deuxième rang de cavaliers exécuta le tir et s'en retournèrent en arrière. A mesure qu'on entendait la détente brutale du crin sur l'acier, et que les carreaux affutés et ciselés par les maîtres forgerons perçaient les chairs, les hommes étaient de moins en moins nombreux à courir.
Néanmoins, ils avaient plus de ressource que Hrist l'imaginait. Car devant eux, s'étaient déposés de larges planches de bois, semblable à un bouclier capable de couvrir quatre personnes de taille normale, soit deux ou trois de ces forces de la nature. La dernière salve de carreaux ne toucha rien, si ce n'était le doigt qu'un des soldat avait oublié de retirer en tenant la planche, que le carreau avait sans doute arraché.
Dès lors, la formation de la cavalerie n'était plus propice aux tirs, emportés par leur élan, les hommes à cheval étaient maintenant trop proches des barbares qui usèrent des lances de bois et des boucliers pour tenter de renverser les chevaux. Ceux qui sortaient du panneau de bois étaient presque immédiatement tranchés à l'épée et percés de dizaines de tiges de fer. Malgré leur faible nombre, ils se défendaient férocement et parvinrent même à renverser quelques chevaux. Lorsqu'Hrist vit le premier cavalier tomber à terre, et lorsque la meute d'hommes lui tombèrent dessus pour l'achever alors qu'il hurlait de douleur, elle arma son second tir qui alla frapper directement le bras d'un guerrier. Emporté par le choc, il recula de quelques pas, portant sa main à la blessure ensanglantée pour resserrer le carreau froid et l'arracher, faisant couler encore plus de sang...
« Tu... aurais peut être dû l'empoisonner celui-ci. Non ? »« Inutile. Son destin est clos... » miaula Hrist tout en s'approchant de l'homme à l'aide de sa monture. Le guerrier jouissait d'une taille imposante qui lui valait presque d'être à la hauteur du cheval de la tueuse, il n'en était pas moins blessé et son bras handicapé lui serait un atout qu'elle savait totalement défavorable et qui le conduirait à sa perte. De peur pour Calpurnia, c'est au milieu du manège incessant des cavaliers tirant et frappant sur tout ce qui bougeait que Hrist mit pied à terre. Sa garde descendit presque en même temps qu'elle, mais voyant le jeu auquel elle jouait, ils se contentaient de couvrir ses arrières.
Hrist tira la Scélérate qui était de loin, son arme de prédilection. L'homme faisait bien cinquante centimètres de plus qu'elle. Les souvenirs de Silmeria qu'elle avait scrutés montraient que la Douce avait peiné à mettre au tapis l'un de ces monstres de guerre. Celui-ci, observait la jeune Baronne d'un air chargé de mauvaise haleine et s'approcha d'elle en étant aussi rassurant qu'un cheval mal achevé. L'épée tomba de façon ascendante dans le sable, ne récoltant que du vent et un triste sifflement dans l'air qui trahissaient l'esquive de la Frémissante, il reçu pour toute récompense qu'un coup porté avec la garde de la dague directement sur la blessure infligée quelques instants plus tôt.
Cependant, et après des mois d'absence, elle en avait presque oublié que certains hommes dans le champ de bataille développaient leurs instincts et leurs réflexes ce qui lui valu un revers du point qui alla se perdre directement dans son armure. En clair, son armure était d'une légèreté effarante pour conserver la suavité de ses déplacements, elle avait senti le coup et ca ne lui avait pas plut des masses. Lorsqu'il fit tourner son épée au dessus de sa tête pour frapper horizontalement, elle se baissa, malgré sa blessure, il n'en restait pas moins très combatif. Autour d'elle, le carnage opérait, les blessés agonisaient au sol dans leur propre sang, les chutes étaient dangereuses, tant pour les cavaliers que les barbares tant le sol était escarpé et criblé de flèches. A une petite centaine de mètres, les lanciers arrivaient, prêts à achever ceux qui étaient encore en vie malgré la caracole et finir le travail des cavaliers de Malina, qui à son grand soulagement, comptaient que très peu de perte.
Son attention se portait maintenant sur son colosse, l'homme était le dernier des siens sur une vingtaine de mètres à la ronde, entouré des soldats qui regardaient la femme s'amuser ou presque. Les plus suspicieux maintenaient malgré tout une arbalète invariablement pointée sur l'homme. Celui-ci savait que quoi qu'il advienne du combat, il se solderait par une mort certaine.
Il lui restait l'opportunité de s'emparer de sa cible d'une seule main pour tenter de la mettre au sol, ce fut d'ailleurs une idée. Sans aucune technique particulière, il s'avança dangereusement pour ouvrir une main d'ogre prête à écraser la femme. D'un réflexe, elle ordonna à Cèles de faire jaillir un serpent du néant, et d'une flamme noire aux reflets violets, s'extirpa du néant en un fragment de seconde un reptile vicieux qui bondit sur sa cible avant de disparaître en fumée... Cela avait été suffisant pour l'ogre d'avoir assez de surprise pour retirer sa main et cesser de menacer Hrist...
Dans un dernier espoir de mourir avec honneur, il tenta de bousculer la femme d'un coup d'épaule, sa vivacité avait eut raison de son attention et porté d'un élan trop fort, elle lui entailla la cuisse d'une frappe brève et précise, jusqu'à l'os. Il tomba sur le roc, hurlant et portant ses deux paluches démesurées à l'ouverture béante que la tueuse venait de lui gratifier. Le combat était terminé; lasse de recharger son arbalète, elle s'empara de celle d'un cavalier pour pointer le carreau cruel à quelques centimètres de la tête de l'homme, dans un dernier regard cruel, elle lui sourit.
Ce fut le dernier souvenir qu'il emporta avec lui.
La menace venait maintenant de la mer. Les embarcations grotesques approchaient, les tambours résonnaient et les " Hoou-haa " des barbares en train de ramer les accompagnaient. Le soleil éclairait de plus en plus la mer et le ciel, les étoiles se dissimulèrent derrière ce voile nébuleux qui se teintait du bleu triste et froid des matinées de l'Ouest. Les voiles étaient faites de peau, le vent était nul, rien ne bougeait, les fanions des cavaliers restaient pendus dans le néant, de même que les capes...
Ce fut cet élément qui donna à Hrist le signal pour ruiner leur avancée. Si le vent venait de dos, ils arriveraient plus vite grâce à la force de la nature et celle des rameurs. Mais si une terrible bourrasque leur rentrait dans le lard par le devant, ils se retourneraient pour la plupart.
« C'est vrai ! Il faut être stupide pour mettre une voile aussi grande sur une embarcation aussi petite. D'ailleurs ils sont aussi trop nombreux dedans, près de dix par rafiot... Il y en a quatre encore. »« J'en vois cinq... »Von Klaash hurla à bord de la Laide. C'est alors que les mercenaires ayant repoussé l'assaut se mirent tous ensemble à la proue du navire et jetèrent tout ce qui passait à portée de main, harpon, tonneau, brique, sac de plomb, cadavres... Une pluie écœurante s'effondra sur la fragile embarcation qui ne supporta pas plus le poids et craqua sur sa largeur...
« Humph... »« Nous disions donc quatre. Dis moi, Von Klaash, il ne craint pas l'extinction de voix. Chaque fois qu'il est sur ce navire, il hurle. »« Pour être sûr d'être entendu de tous... Cessons donc, l'heure est venue de noyer nos arrivants. »La formation des lanciers arriva sur la rive, Lydia accompagnait quelques archers, prête à déverser une pluie de fer et de bois sur les hommes au premier signe. Hrist en décida autrement... Elle mit une botte dans l'eau, puis une autre... Les vagues heurtaient le métal et le cuir de ses bottes... La fraicheur de l'air dépourvu de tout vent... De nouveau elle mit une main en avant, paume ouverte vers une des embarcations situé à dix mètres d'elle. Les bracelets de la Sylphe brulèrent d'une faible lueur violette avant de faire éclore un énorme courant d'air qui alla gonfler les voiles à l'envers ce qui provoqua irrémédiablement la chute de deux barques par le fond...
Hrist se tourna face aux prisonniers et les lanciers...
« J'ai trouvé motivation qui ne saura vous échapper. Votre esprit sera sous mon joug l'espace de quelques instants... Le temps de tuer ce qui arrive. » fit-elle d'une voix qui n'augurait rien de bon. Elle méprisait les mages, mais jugeait la magie utile malgré tout. Ses doigt caressèrent alors la rune de combat et resserraient la pression. Lorsque la magie opérerait, tous crèveraient d'envie de se ruer au combat... Elle resta devant eux, les bottes encore humides, la cape et la robe flottant dans l'air, toujours sous l'emprise du sortilège.