La ronde incessante des personnes présentes ressemblait à des nénuphars tourbillonnants emportés par un cours d’eau et noyait dans un flou psychologique la sauvageonne. Le brouhaha des discussions autour d’elle, voir des pensées, étaient insoutenables.
Thalo s’approcha d’elle se pencha légèrement et lui débita une tirade dont-elle n’en saisit pas le sens. L’expression générale de l’Humoran afficha plusieurs émotions avant de reprendre un masque d’indifférence. Il fit une pause et repris, en se morfondant en plates excuses. Elle lui répondit d’un sourire mi-figue, mi-raisin, jeta un œil discret à sa protégée.
Thalo, je… je ne vous en veux plus… enfin je crois… ce qui à été fait ne peux être changer, Zewen œuvre en cachette, il devait en être ainsi.
Un petit silence, elle se mordillait les lèvres, tête baissée, les nattes ayant fait un voile devant son regard, cachaient son trouble et ses questions. Quand elle reprit parole c’est d’une petite voix chevrotante qu’elle réitéra cette interrogation :
Thalo, je ne peux pas croire que nous soyons les bienvenus ici. Partout je ressens la tension, la peur règne dans ce manoir lugubre. Pourquoi toutes ces femmes, ces larbins toutes plus malheureuses les unes que les autres, qui transpirent la peur ? … Tssss !
Il ne répondit pas, n’ayant pas plus de réponse et parce qu’Heartless s’approchait. Déjà l’armure rejoignait la mage, sans se retourner l’esprit préoccuper un appel basic et un serment.
Alors qu’elle levait la tête, observait la pièce dans tous ses recoins, la main importune qui se posa sur son épaule déclencha un frisson dans toute sa personne et une réaction vive. Les paroles chuchotées à son oreille, à caractère rassurante, ne lui apportèrent aucun réconfort. L’humoran tourna la tête doucement, tendue comme un arc et décocha au capitaine un sourire carnassier sans joie. C’est avec dégoût qu’elle attrapa avec deux doigts griffus la main posée sur son épaule avant de la rejeter. Elle s’approcha de lui, le saisit par ses vêtements, l’attira contre elle et à son tour lui souffla ses mots avec une certaine véhémence :
Maître des illusions, puissent vos actes agir avec autant de brio et d’efficacité que l’est votre langue bien armée pour l’effronterie, la manipulation et le mensonge. Votre parole est assez mielleuse pour endormir un serpent des forêts, pas l’hôte de ce manoir. Mais pour l’heure, si votre appétit va au-devant des apparences, c’est que votre avenir ne tient peut-être qu’à votre estomac. Ne serait-il pas envisageables que les mets sous vos yeux aux aboient ne soient pas aussi savoureux qu’ils n’y paraissent ? Vous nous avez mené dans une ombre de Thimoros, une tombe qui pourrait tous nous ensevelir. Au moindre faux-pas, vous croupirez dans le meilleur des cas dans un puit sombre où votre âme en oubliera même ses origines. Alors cessez de jouer le sauveur, vous et votre second n’avez aucune opportunité d’agir.
(((Jamais, je n'ai autant parlé en une seule fois et surtout tenu de tels propos. La main du capitaine a été déclencheur de ma colère comme la rupture d’un barrage. J’en remercie Gaïa la lumière, elle qui manque tant en ce lieu. Le pauvre capitaine en a fait les frais, il s’en remettra. Nark, à cet instant essaye de conseiller son acolyte de me faire sortir, comme si je n’étais pas assez grande pour m’occuper de moi ? … « Idiots » )))
Etrangement N’Kpa avait l’impression que la température de la grande salle c’était élevée, bravant les courants d’airs glacials qui s’insinuaient entre les fissures des murs pourtant épais. Elle avait l’impression que des laquais alimentaient sens cesse la grande cheminée. La pelisse de fourrure rejoignit le sac en bandoulière, découvrant l’Humoran dans sa splendeur sauvage peu vêtue.
Elle repoussa le pirate et s’éloigna de quelques pas vers une porte entrouverte, non gardée, repérée plus tôt. La maîtresse s’était installée, invitait tout le monde à l’imiter. Elle se sentait seule au milieu de cette kyrielle de gens étrangers et les quelques bougies allumées par-ci par-là ne donnaient pas plus de gaieté à l'ensemble. Du bruit provenait de la pièce, ce qu’elle y vit était surprenant. Elle jeta encore un œil dans la bibliothèque. La précipitation de la guerrière antipathique à ramasser les parchemins qui étaient restés ça et là éparpillés sur quelques petites tables, n’échappa pas à la semi-elfe. Un rouleau eut la malencontreuse mauvaise idée de vouloir échapper à la prédatrice. Il roula sous un gros meuble, se faisant oublié…
(Ho ! tous ses parchemins, rouleaux et livres ! … Thilytanataë, mon vieux maître tu avais raison, ça existe et c’est magnifique. )
L’humoran s’éloigna, d’un pas de velours, scrutant chaque issue possible… Dans la grande salle, les conversations diverses s’étaient engagées. C’est avec une très grande hésitation et une longue observation de la chaise, qu’elle prit le soin de s’assoire. Ses yeux ronds, comme des soucoupes à la pupille fortement dilatée, scrutaient inlassablement toute opportunité de prendre la tangente.
Une porte claqua, N’Kpa sursauta.
Soudain, alors que la jeune femme s’imprégnait de la situation et imaginait un instant au moins prendre quelques fruits, pour calmer la guerre que lui jouait son estomac, son cœur sembla s’arrêter. Si elle avait pu blanchir, exsangue, elle serait devenue aussi pâle que la Shaakt.
katalina sortait de la bibliothèque encadrée par trois zombies en armure à la croix rouge. Interprétant l’entrée discrète des nouveaux gardes sûrement sous la férule de la vilaine, comme la preuve de ses doutes, la panique refit surface alors que rien ni personne n’en faisait cas. Sa haine envers cette matrone paranoïaque augmenta d’un cran sur l’échelle des personnes qu’elle voulait ne plus voir. Elle chercha donc une aide et parcourut l’assemblée, trop occupée à s’empiffrer. Thalo n’était plus là, elle ne l’avait pas vu disparaître. Si Rosa était seule, c’est qu’il n’était pas loin et donc absent depuis peu.
(Par Gaïa, j’avais raison, l’étreinte se resserre ! Suis-je la seule à voir ça ? …)
La jeune femme capta une résonance étrangère à sa volonté comme attirée par un charme hypnotique et porta soudaine son attention sur Erzébeth, au moment où celle-ci arrachait un grain de raisin avec un geste dédaigneux, comme une mante religieuse qui décapite son prétendant. Celle-ci observa le petit grain oblong, le fit rouler entre ses doigts, avant de le gober entre ses lèvres purpurines. La Baronne d’un geste discret fit s’ébranler une des dames, cantonnées à la périphérie de la zone faiblement éclairée. Celle-là même que Thalo s’était enquis. La jeune femme brune aux yeux marron saisit un plat de fruits, s’approcha d’elle une grappe à la main le visage souriant et avenant.
Hum ! Damoiselle, je m’appelle Teresa, la maîtresse semble avoir remarqué que vous aviez peut-être envie d’une douceur. Ces fruits vous sont offerts de bon cœur et elle me prie de vous dire que vous êtes la bienvenue. Elle s’excuse si les mesures un peu… excessive de notre KATALINA vous intimide, mais rien ne vous sera fait. Si vous avez besoin, appelé moi.
L’Humoran pencha la tête, il lui sembla avoir eut l’impression que la jeune femme, quand elle prononça le nom de Katalina y mettait plus de ton. Teresa semblait moins perturbée, plus détachée. Son regard était franc et son sourire réel. L’humoran fit un tour d’horizon s’assurant qu’elle n’était pas surveillée. A ce moment la Baronne s’était levée et avait rejoint Rosa lui tendant une main secourante. Elles étaient trop loin pour entendre ce qu’avait dit l’hôtesse. Seuls les heaumes imperceptiblement avaient suivi les mouvements. N’Kpa timidement prit la grappe tendue. C’était peut-être là une occasion et elle ne se retint pas…
Oui, je… enfin namasté Teresa… Pourquoi cette femme (elle désigne Katalina d’un hochement de tête) se sent-elle le besoin de tant de méfiance et de haine ? Pourquoi que des femmes ?
La jeune servante tressauta. Il ne devait pas être coutumier de poser de telles questions, surtout devant tout le monde et justement en compagnie de celle qui faisait l’objet de ses interrogations. Elle en imputa l’excuse à l’éducation étrangère de la sauvageonne. L’étiquette, la raison et la survie dépendaient beaucoup de ce que l’on savait taire, dissimuler et utiliser à bon escient. Teresa s’approcha un peu, ayant conscience d’avoir un brin de confiance acquise.
Eh ! bien si cela vous intéresse, je ne pense pas que Dame Erzébeth, n’y voit d’inconvénient à ce que vous admiriez ses collections.
((( Je lance un clin d’œil à la servante, elle m’invite d’un geste, je tique et comprends. Toutes les deux, presque comme deux amies de longue date, deux sœurs, on se dirige donc vers la bibliothèque sous les regards inquisiteurs de la garde sombre. Je me renfrogne et pourtant affiche un visage enfantin de ma personne ; je tire la langue à un colosse de marbre noir qui, presque imperturbable, n’esquisse qu’un « grrr ! » provenant sûrement d’une de ses origines lointaines de canidé. Je pouffe et me dépêche de rejoindre mon guide. Teresa repousse la porte derrière elles et fait un signe de silence l’indexe sur sa bouche.)))
Voilà, vous pouvez voir ici des ouvrages datant de temps anciens, historiques, littéraires, artistiques, philosophiques, portulans et certains relatant de traités de magie…
Elle baisse la voix et se rapproche de l’Humoran.
Erzébeth il y a de cela quelque temps a subi une tentative d’assassina. Katalina s’en ai voulu et ne commettra plus l’erreur de laisser la Baronne sans protection. Katalina, n’est pas une mauvaise personne. Pour votre deuxième question, je ne pourrais y répondre. Toujours est-il que, vous pouvez faire confiance à la maîtresse de ces lieux, je pense qu’elle vous accueille avec une certaine joie, qui rompt un peu notre isolement, même si cela ne plais pas à tout le monde.
N’Kpa écoutait d’une oreille et regardait avec émerveillement les rayonnages de livres et parchemins. C’était par pure curiosité, elle se doutait de ne pouvoir déchiffrer un seul de ses ouvrages. Elle ne savait pas lire le commun, si tenté ils étaient écrit en cette langue. Cependant les enchaînements d’arabesques des écritures et les illustrations qui les ornaient étaient un art qu’elle appréciait. Le rouleau égaré lui revint en tête, tout en écoutant la servante, elle s’approcha de sa cachette, la pelisse de fourrure chuta et le rouleau disparut. Elle sourit à la demoiselle.
Namasté, Teresa, c’est beau et un jour j’aimerai savoir reconnaître les signes sur les rouleaux… J’ai besoin de prendre l’air, pourriez vous m’aider ?
Teresa comprit et sourit.
Suivez-moi, je vais vous emmener à un petit jardin.
Elles quittèrent la bibliothèque traversèrent la grande salle, sous le couvert des parties non éclairées, évitant la soupçonneuse Katalina, passant devant des gardes frappés d’un faut mutisme. Teresa s’engagea dans un petit couloir, Et elle débouchèrent dans une petite cour, une sorte de cloître entouré d’arches en pierre. En son centre, une fontaine savamment sculptée contrastait avec le château si lugubre dans une harmonieuse composition au milieu de parterres de plantes, de fleurs diverses. Le froid de la nuit sous la lune montante surprit la servante. Teresa frissonna et claqua des dents en quelques secondes, N’Kpa inspira avec volupté l’air frais, nullement troublé par la température. Derrière elles, une sentinelle plongée dans le noir des arcades, sous les ordres de Katalina observait les deux femmes.
Reposez vous, je reviens vous apporter une collation…
N’Kpa profita de l’absence pour faire un tour du patio et petit à petit se détendit. Les rafales frisquettes qui la léchaient par moments la ravigotèrent. L’homme ne bougea pas d’un poil, telle une statue de marbre, emmitouflé dans son armure, son manteau sombre et sous son heaume. Il craignait que la femme qui passait de l’autre côté des arcades ne l’aperçoive ou ne le sente. Il était heureux de ne pas avoir été de garde la journée, croulant, suant sous la chaleur du début d’été. Il préférait être là, ce soir et ne pensait pas être dérangé, juste au moment où il allait allumer le brûlot de sa pipe, les donzelles avaient débarqué. Il maudissait ces troubles faits qui avaient débarqué à la nuit et qui lui faisaient rater sa partie de dominos, les paris avec ces collègues et le gobelet d’ale fermenté. « Encore une idée de la Baronne… Au moins Katalina, elle, ne faisait pas confiance à l’engeance présente. » Pensa t-il. Il venait de réaliser que la seconde leur avait demandé de se méfier de la sauvage, elle avait un comportement suspicieux, avait-elle dit. La mauvaise expérience avec les vagabonds et surtout la femme que les Zalinas avaient trucidée restait trop fraîchement en mémoire de la Katalina. Concours de circonstance ou pur hasard celle-là même qu’il devait surveiller était là devant lui. Du coup, il pouvait l’admirer de plus prêt. « Beau brin d’fille, mais beurk ! elle est pleine de poils… Chuis sûr que ça ne déplairait pas à Caliss hu ! hu ! hu ! »
Teresa revint quelques minutes plus tard les bras chargés d’un plateau couvert de victuailles et un broc contenant un liquide fortement épicé.
Voilà, mangez au calme, je vous ai apporté de la bière d’Ale, reposez vous, je préviens la maîtresse que vous êtes ici pour qu’il n’y ait pas de malentendu. Je ne peux rester en votre compagnie, je reviendrais dans quelques minutes ou venez nous rejoindre quand cela ira mieux.
Elle salua l’Humoran, lui sourit et s’en alla. N’Kpa s’installa contre le muret de la fontaine, dans son dos l’eau chantait sa ritournelle enivrante. Elle huma ce qu’avait apporté la demoiselle, s’empiffra une fois rassurée, dans le même moment, elle sortit le rouleau caché dans sa pelisse. Avec précaution, elle déroula l’objet et parcourut les lignes, dessins et illustrations.
Bien évidemment, elle ne put lire les écritures, à part certaines tracées en Elfique comme les noms des objets et du personnage. Mais elle s’attarda sur les représentations. Il s’agissait de trois objets, un arc, ou d’un bâton, un carquois et une épée. Le porteur était banal voir même insignifiant, sauf la présence d’un loup hors norme à ses cotés…
… L’homme ne la voyait plus, il la savait assise au sol derrière la fontaine. Il n’osa bouger, même si des fourmillements et des crampes le harcelaient. « Que fait-elle ? »
La soif taraudait le gosier de la sauvageonne, le pichet était tentant. Sa curiosité la poussa plus loin dans sa découverte. Elle attrapa la cruche renifla le contenu parfumé, y trempa les lèvres.
(Humm ! Etrange breuvage, j’aime les épices, mais peu l’arrière goût. Peux-tu faire confiance à Teresa ?… )
Elle se résigna à tenter l’expérience. Mais peu habituée voir pas du tout à boire de l’alcool, celle-ci lui monta très vite à la tête et elle dodelina du chef.
Le besoin de bouger poussa le gardien à se déplacer. Le cliquetis des pièces d’armures fit échos sous le porche. Il se maugréa et retint son souffle. En homme d’arme aguerrit, il grimaça dans son casque, s’immobilisa, tendit l’oreille, même si le heaume le gênait.
N’Kpa fit un bon, ses yeux ronds scrutaient d’en dessous la fontaine la provenance des bruits. Son odorat huma l’air, mais le patio avec ses vents changeants et la fragrance des fleurs ne lui apprirent rien. Elle avait mal à la tête, voyait trouble. Elle se releva avec mal s’accrocha au rebord de la fontaine et ficha un coup de pied dans la cruche qui alla se fracasser. Elle titubait, avait du mal à garder son équilibre et une forte envie de vomir… Elle fit quelques pas en direction de la sortie, se tenant le crâne.
(Par Gaïa, tu es stupide ma fille, je ne sais pas ce qu’il y avait là-dedans, tu t’es faites avoir, ce n’était pas le lieu pour assouvir ta curiosité maladive. )
Elle avança, la tête lui tournait et s’effondra, inconsciente.
L’Homme sortit de l’ombre un rictus sous son casque, fit l’inventaire des reliefs du repas, aperçu le parchemin, le ramassa et s’approcha de l’Humoran. Il la retourna d’un coup de botte et la dévisagea sous un rai de la lune. « Qu’est ce dont cela ? » Ce demanda t-il en déroulant le parchemin. « Quel gâchis, une si bonne Ale, on ne supporte pas l’alcool donzelle ? Peut-être que ce rouleau intéressera la Baronne ? » Il quitta le lieu, emprunta le couloir en direction de Katalina.
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Dernière édition par N'Kpa Ithilglî le Lun 4 Juil 2011 21:16, édité 2 fois.
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