L'agitation se faisant grandissante. La Baronne ressentait un léger malaise dans l'ambiance qui régnait à présent dans l'anti-chambre froide. Des murmures prononcés dans l'urgence, des exclamations et des excuses qui sortaient de nul part, tant était qu'elle en venait presque à regretter de ne pas les avoir fait entrer un à un.
Les deux êtres qui réussissaient à l'intriguer le plus était la Shaakt Ô combien pâle ainsi que l'étrange créature bipède qui furetait à proximité de l'homme de fer. Au fil des âges et de ses voyages, elle avait su entendre de nombreuses fois parler des Humorans, cependant, jamais l'occasion d'en rencontrer un spécimen vivant lui fit honneur. Elle se serait bien approchée pour examiner davantage ce privilège venu des routes sinueuses, cependant, l'usage voulait qu'on ne reste pas dévisager les gens, comme s'ils n'étaient que de vulgaires bêtes de foire.
Le borgne visiblement très à l'aise vint à s'exprimer d'une façon presque risible, arrachant un rictus discret à Erzébeth qui, amusée, n'en tint nullement rigueur. Ce genre de prestations était à la fois rare et inattendue, ce qui alimentait d'autant plus ses envies d'en connaître un peu plus sur les étrangers. Les présentations se furent, presque naturellement comme pour briser la glace, éteindre ce silence dans un dénouement discret espérant caresser l'espoir de trouver à la fois gîte et couvert.
La tension était toujours ici. Provoquée à la fois par sa garde et par les attitudes de ses suivantes, Katalina, principalement. Après une légère inspiration rapidement transformée en soupir elle fit mine de se montrer plus accueillante, au point d'en sourire à la Shaakt, Dame Aqamaq en premier avant de reporter son attention et son regard vert sur la créature au nom aussi exotique qu'imprononçable. Tentée de demander si l'être comprenait et maniait l'art des langues, elle se ravisa aussi vite toujours dans l'idée de respecter ces étiquettes qu'elle méprisait. (Bon accueil... Bon accueil... Bon accueil.) La tueuse se répétait inlassablement que sa Baronnie ne devait pas être frappée de mauvaise réputation; les brigands, voleurs, violeurs, menteurs... Tous disparaissaient à mesure que son pouvoir grandissait, mais elle tenait à se montrer généreuse avec les " dignes " quant bien même il était peu commun de les voir frapper à la porte.
Quelque part, au loin, à proximité des plages, quelques barques pleines d'hommes armés jusqu'aux dents débarquaient en silence sur le sable humide. Non loin du petit village de pêcheur qui entretenaient le navire militaire répondant au nom de La Laide-les-Maines.
Les indications de Thalo étaient déjà plus conventionnelles, le groupe était assurément très dissipé tant dans ses relations que dans ses émotions. Certains aisément repérables avaient presque tendance à se montrer envahissant tandis que d'autres voulaient très visiblement garder distance et enfin, se montrer posé et distingué.
A l'étage, Katalina préoccupée des invasions fréquentes fit doubler la garde au cas où les visiteurs soient en réalité des assassins habilement travestis en voyageurs pour tromper l'attention. Tandis que le ballet silencieux des servantes dressait la table, Erzébeth tentait de son mieux de rattraper le mauvais accueil. Sans s'adresser à quelqu'un en particulier.
« Ravie, vraiment ravie. Je suppose que vous êtes tous fatigués de votre route, votre choix de passer la nuit ici me comble de bonheur, les visites se font rares, et les routes malheureusement, ne sont plus aussi sûre en raison des invasions barbares...»
Après une courte pause, et le temps de récupérer sa main de celles de Nark, elle recula, faisant éloigner sa garde pour laisser plus d'espaces aux invités. Cet acte, Erzébeth l'espérait secrètement, rassurerait également la pâle Elfe noire et l'Humoran. Face aux attitudes singulières de la dénommée Aqamaq, elle ordonna qu'on lui rende son bâton sans attendre tant elle tanguait lorsque les appuis venaient à lui faire défaut.
« Sachez que vous n'êtes en rien mes obligés. J'espère qu'aucun problème ne fut rencontré sur le chemin. Les barbares viennent malheureusement sur mes plages car elles se situent entre Kendra kâr, trop protégée et celles de Bouhen à la fois escarpée et également protégée... Mais oubliez donc, je m'en voudrai de commencer à vous ennuyer avec des problèmes qui ne vous concernent en rien. Ici, vous serez en sécurité... Des barbares. »
Lâcha-t-elle non sans un certain sourire presque plus vicieux que celui de sa conseillère, sourire qui, elle l'espérait n'alla pas briser l'image qu'elle souhait donner. Il n'était pour elle en aucun cas question de tourmenter les inconnus à supposer qu'ils sachent se tenir sans devenir trop curieux. Derrière eux, la porte s'entrouvraient, laissant apparaitre les doigts fins de l'oiseau de proie : Katalina, suivie rapidement par deux jeunes femmes fraichement affectée au château pour s'emparer des armes dans l'optique de les enfermer dans l'armurerie. Hormis bien sûr, l'appui précieux de la Shaakt. Katalina croisa les bras, déjà barbée de la présence des visiteurs.
« Erzébeth, Lydia est revenue au domaine. Elle arrivera d'ici quelques instants et un éclaireur annonce qu'elle aurait une " surprise ". Sans pour autant en dire plus... Vous la connaissez, le suspens... »
Se tournant vers la brune glaciale, Erzébeth fit une moue déconfite, s'attendant à la fois au pire comme au meilleur. Malgré sa confiance extrême en la générale, elle se demandait bien en quoi pouvait consister cette étrange surprise et si elle avait un quelque rapport avec l'arrivée inattendue.
« Je... Suppose qu'on le découvrira bien assez tôt. Mais je ne tiens pas à ennuyer nos invités avec nos problèmes. Pas maintenant, d'ailleurs je m'apprêtais à les conduire à la grande salle...»
Elle décroisa ses bras, réajustant sa chevelure noire qui tombait maintenant en piou sur les collerettes de sa robe d'ébène. « Soit... Vous deux, dépêchez-vous. » Et d'un claquement de doigts, elle provoqua l'immense agitation chez les servantes qui en un éclair disparurent derrière la porte.
Derrière l'antichambre, les couloirs étaient plus grands, offrants plus d'espace, plus de place. De quoi libérer l'emprise magnétique qui tassait la confiance, la tournant à l'image du lait trop longtemps laissé au soleil, en une peur panique.
Lorsqu'on fit ouvrir la porte de la grande salle, le ballet incessant de Teresa et ses servantes se terminait juste à temps. Dévoilant la table située à proximité du foyer. Les mets froids trônant sur les larges plateaux... Mircalla, se situait dos à la troupe, se réchauffant face aux braises qui n'éclairaient que trop peu la pièce qui se noyait de plus en plus dans le dévorant manteau de ténèbres qu'apportait la nuit terrible de Keresztur...
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