L'Univers de Yuimen déménage !


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 Sujet du message: Re: La Forêt de la Vallée
MessagePosté: Mar 19 Mai 2015 14:10 
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Je ne peux m'empêcher d'observer le Woran avec une intense curiosité, j'en ai déjà aperçu quelques-uns mais c'est la première fois que je me trouve aussi près de l'un d'eux. Il est...impressionnant, bien qu'il soit légèrement plus petit que moi, et dégage une impression sauvage et féline susceptible de faire réfléchir n'importe quel attaquant doté d'un brin de lucidité. Chose que les esclavagistes ne possédaient visiblement pas. Je le vois hésiter à ma demande, une lueur proche de la panique dans les yeux, n'aurait-il jamais vu une plaie? J'en doute, s'il a été esclave chez les cruels Shaakts, plus probablement a-t'il simplement peur de commettre une maladresse, ses "mains" ne semblent guère adaptées à des travaux de précision. Quoi qu'il en soit, c'est surtout de la force qui sera nécessaire pour extirper la flèche de mon avant-bras, et le Woran ne doit pas en manquer! Il se décide, puisant une bouteille dans son sac et me demandant de m'asseoir. Je m'exécute, me raidissant légèrement lorsque l'alcool qu'il verse sur ma plaie engendre une brûlure pour le moins désagréable, mais quelques amples respirations me permettent de surpasser la douleur et de rester tranquille. Il me propose de boire quelques gorgées de son tord-boyaux et de mordre dans quelque chose, ce à quoi je lui réponds en souriant de façon vaguement crispée:

"Nous allons devoir quitter ce lieu en vitesse, ce n'est guère le moment de me saoûler. Sors cette flèche, ça ira."

Il pousse sur le trait, avec prudence et constance, parfait! Enfin, parfait, tout est relatif, parce que je déguste salement, toute ma volonté n'est pas de trop pour demeurer rigoureusement immobile! Je sens quelques gouttes de sueur ruisseler sur mon front, et mon coeur accélérer ses battements dans ma poitrine, mais je me contrains à ne pas bouger, et je calme mon palpitant de mon mieux, m'efforçant de penser à autre chose. Le Woran m'aide dans cette tâche, prévenant, en se présentant et en me remerciant pour mon aide. Je lui réponds d'une voix un peu hachée:

"Enchanté de faire ta connaissance. Je me nomme Tanaëth. Tu ne me dois rien, Sha'ale, je n'aime pas l'esclavage, et encore moins les Shaakts. J'ai..."

La pointe du trait perce ma peau à cet instant et, malgré ma tolérance à la douleur, je ne peux m'empêcher de grincer des dents alors que la souffrance irradie en moi comme une tempête écarlate. J'ai le souffle court, un certain vertige s'empare de mon esprit, mais par Sithi ce n'est pas le moment de tomber dans les pommes! Je me force à me détendre, non sans mal, légèrement inquiet quand même en voyant la gueule garnie de crocs du Woran s'approcher si près de mon bras! Que fait-il?! Sa mâchoire puissante claque en brisant la flèche, qu'il achève de retirer d'un coup sec qui me soutire un discret gémissement. Bon sang, je suis bien content que ce ne soit pas mon bras qui se soit trouvé entre ses dents! La douleur reflue un peu une fois le trait extirpé, je me permets un profond soupir de soulagement en murmurant:

"Merci..."

Je sursaute alors qu'il verse une nouvelle rasade d'alcool sur mes plaies, sacrebleu ça brûle! Je cogne brutalement le sol de ma main valide, en me jurant de dégotter une vraie armure avant mon prochain combat! Je suis des yeux mon compagnon, réalisant qu'il est lui aussi blessé alors qu'il cherche une nouvelle fois quelque chose dans son sac, l'esprit un peu embrouillé par la souffrance, si bien que je n'ai pas le temps de l'interrompre lorsqu'il déchire une bande de l'un de ses vêtements. Je lui fais remarquer d'un ton encore rauque où perce un léger amusement:

"J'avais des bandages dans mon sac, l'ami, mais...c'est un peu tard."

Je l’interromps juste avant qu'il n'enroule son bout de tissu autour de ma plaie, fouillant mon propre sac pour en sortir une petite bourse de cuir dans laquelle je puise quelques feuilles de Snaria, que je lui tends:

"Peu de gens connaissent les vertus de cette plante. Mais pour refermer des plaies, il n'y a pas mieux. Il faut mettre le côté rugueux sur la plaie, le côté lisse produit l'effet inverse et empêche la cicatrisation. Utile si un corps étranger est resté dans la blessure et que tu veux éviter qu'elle se referme dessus jusqu'à pouvoir consulter un guérisseur. Mets-en une sur chacune de mes plaies et bande bien serré, je te prie, ensuite on va s'occuper des tiennes, de blessures."

Il s'exécute habilement, puis semble un peu hésitant en me disant que c'est tout ce qu'il pense pouvoir faire. Je lui souris en hochant la tête:

"C'est plus que suffisant, je te remercie, Sha'ale. A toi maintenant, puis je te propose de décamper d'ici sans plus tarder, d'autres malandrins pourraient arriver, on a pas été vraiment discrets."


Je sors de mon sac quelques bandes de lin, prêt à lui rendre la pareille et à m'occuper de ses plaies qui, si elles ne semblent pas bien profondes, doivent pourtant être nettoyées et pansées également pour éviter une infection ou une perte de sang trop importante.


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 Sujet du message: Re: La Forêt de la Vallée
MessagePosté: Mer 20 Mai 2015 13:07 
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Tanaëth, ainsi me dit s’appeler le Sindel. Alors que j’exécute ma triste besogne en essayant de panser son bras, il me fait remarquer qu’il possédait des bandages dans son sac. Je hausse les épaules avec un grognement de dérision.

- Je n’ai nul besoin des chemises que l’on a mis dans mon sac, mais toi, tu auras sans doute de nouveau besoin de tes bandages.

Il sort alors une petite bourse en cuir de son sac dans laquelle se trouvent des feuilles, qu’il appelle « Snaria ». Il m’indique d’en appliquer sur sa plaie pour aider à la cicatrisation, mais seulement le côté rugueux, car au contraire le côté lisse empêche la cicatrisation. Avant de les placer sur la plaie, je les tourne et les retournes entre mes pattes griffues, les observant avec intérêt. Je savais que l’on pouvait se soigner à l’aide de plantes, mais c’est la première fois que j’en utilise une. Celle-ci ressemble pourtant à n’importe quel autre végétal, alors pourquoi elle spécifiquement ? Que contient-elle qui fasse réagir notre corps ?

Je garde pour le moment mes questions quelque part dans mon esprit, car je doute que mon infortuné allié ne soit d’attaque pour un cours de botanique. Il me fait remarquer que je suis également blessé et que je nécessite des soins. A vrai dire, j’en avais oublié mes propres blessures, tant j’étais concentré par le fait de ne pas lacérer plus encore le bras de Tanaëth de mes griffes maladroites. Mais ses paroles recèlent de la sagesse, aussi je le laisse s’occuper de mes estafilades en le remerciant.

Nous convenons de nous en aller rapidement après avoir rapidement fouillé les cadavres, laissant les macchabées affalés derrière nous, triste offrande aux bêtes de la forêt d’Hidirain. J’ai le sentiment, depuis que je suis sorti des murs de l’avilissante Khonfas, de ne laisser qu’une longue traînée de cadavres exsangues derrière moi, morts de mes griffes ou de mes faits, leur sang maculant mes pattes autant que ma conscience. J’ai le sentiment d’être diminué par ces morts, comme si un glas s’agitait au-dessus de ma tête sans tenir compte de la culpabilité de l'être qui perd sa vie. Serait-ce le prix de la liberté ? Ou le prix que je paie pour ma présomption ? Ou simplement la responsabilité de mes actes que je me dois d’endosser.

Ô regrets, Ô conscience, Ô peine fautive, pourquoi ne suis-je aussi au nombre des morts ? Il ne me reste que des pensées votives, pour espérer apaiser mes larmes, mes remords…

Je reviens brutalement à la réalité et m’extirpe de mes sombres sentences pour me tourner vers l’elfe gris.

- Vers où te diriges-tu, Tanaëth ?

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 Sujet du message: Re: La Forêt de la Vallée
MessagePosté: Mer 20 Mai 2015 15:05 
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"Je n’ai nul besoin des chemises que l’on a mis dans mon sac, mais toi, tu auras sans doute de nouveau besoin de tes bandages."

Je le dévisage, franchement amusé de son solide sens pratique:

"Sans doute, en effet. On laisse n'importe qui jouer avec des objets tranchants, de nos jours."

Le Woran semble très curieux quant aux feuilles que je viens de lui remettre, aussi je lui explique brièvement pendant qu'il achève de bander mes plaies:

"Elles poussent sur de petits arbustes, rarement plus hauts que toi, qui croissent uniquement à partir d'une certaine altitude, environ 500 mètres au-dessus de la mer. On les trouve sur ce continent, mais aussi sur le Naora, ma terre d'origine. Les fleurs sont violettes, de même teinte que les feuilles, que l'on reconnait principalement à ces deux textures si différentes l'une de l'autre."

Je me relève dès qu'il a terminé, ployant et déployant en douceur mon bras pour m'assurer que je peux plus ou moins m'en servir. Les plaies me tirent un peu, mais ça reste supportable, je ne devrais pas avoir trop de mal à m'occuper des entailles de mon compagnon poilu. Sans plus tarder, je m'attèle à la tâche, nettoyant ses blessures de mon mieux avant de les panser, ajoutant aux endroits où elles sont le plus profondes quelques-unes des feuilles de Snaria sorties. Ceci fait, je fouille rapidement les cadavres, récupérant en priorité le carquois de l'archer pour moi-même, puis je tends le reste au Woran avant de l'inviter à me suivre loin de cette clairière où nous sommes trop aisément repérables.

Alors que nous marchons d'un pas rapide, je scrute mon compagnon à la dérobée. Je n'ai pas l'habitude des expressions de ce peuple, mais par Sithi il me semble ruminer de bien sombres pensées! Ne le connaissant pas, et ne voulant pas risquer de mettre involontairement les pieds dans le plat pour l'instant, je m'abstiens de lui poser des questions, jusqu'à ce qu'il se décide soudainement à le faire:

"Vers où te diriges-tu, Tanaëth?"

Je m'arrête et lui fais face, haussant les épaules:

"Loin de cette clairière, pour le moment. Je ne connais pas cette forêt, ni cette contrée. J'ai entendu dire qu'il y avait une ville d'Hinïons et une autre de Thorkins dans les environs, et aussi que des Taurions vivaient dans cette sylve, mais j'ignore où précisément."

Je réfléchis un instant, réalisant qu'en réalité, je ne me suis pas fixé d'objectif précis pour mon voyage depuis Tulorim. Venir dans cette région, voilà à peu près tout ce que j'avais planifié, mais maintenant que j'y suis...que nous y sommes, où aller? Je reprends pensivement en rivant mon regard dans celui de mon interlocuteur:

"Je pense que nous devrions nous éloigner encore un peu en masquant nos traces, puis trouver un endroit où nous reposer. Nous pourrons alors parler tranquillement et envisager la suite. Qu'en dis-tu?"


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 Sujet du message: Re: La Forêt de la Vallée
MessagePosté: Mer 20 Mai 2015 20:40 
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Localisation: Entre Hidirain et Exech
La forêt était paisible. Tout autour de moi, les arbres apportaient leur ombre et seuls quelques rayons perçaient à travers les épaisses couches de feuillages, éclairant suffisament la forêt pour que je puisse me déplacer aisément. Avançant calmement, les sens tout de même aux aguets, je me sentais relativement à l'aise. La forêt, bien que je n'y sois pas allé très souvent, me semblait très familière et je me sentais entièrement dans mon élément. Mon pas était léger et souple et mes mouvements fluides et sûrs.

Mon arc autour de ma poitrine et la sangle de mon carquois m'apportaient aussi une certaine assurance, comme si rien ne pouvait m'arriver. Mais même si j'étais douée, je n'étais pas très douéeet je décidais donc de rester sur mes gardes. Je ne savais pas ce qu'il y avait dans cette forêt, et je ne tenais pas à me faire avoir par surprise. C'est l'archer qui prend par surprise, pas l'inverse.

Au bout d'un moment de marche, j'arrivais dans un clairière dégagée et j'en profitais pour observer le ciel et le soleil. Ce dernier commençait d'ailleurs à décliner, ce qui était parfait. J'étais donc dans la bonne direction si je me fiais à l'astre qui descendait vers l'ouest. Je devais continuer toujours vers le nord, jusqu'à atteindre le désert qui reliait Hidirain à Exech, ma première destination.

Avant de partir, j'avais passé des jours à me renseigner sur les différente ville du continent et sur leur réputation. Exech s'était trouvée être la ville où le plus de voleurs et d'assassins se réunissaient. C'était là que j'avais le plus de chance de trouver une piste sur l'assassin de mes parents. Mais cela risquait quand même d'être relativement compliqué. Les voleurs et autres malfrats n'étaient pas des personnes faciles à amadouer, et encore moins lorsqu'on cherchait des informations, qu'on était un elfe, et une femme en plus de ça. Ma quête risquait de stagner un bon moment avant que je ne trouve quelque chose de vraiment concret. Mais même si des obstacle se dressaient sur ma route, je n'abandonnerais pas. On m'avait privé de mes parents et de leur amour pour le reste de ma vie, et ce crime ne resterait pas impayé. J'avais juré de me venger, et je le ferais, quoi qu'il puisse m'en coûter.

Je m'arrêtais soudainement, regardant autour de moi. Tout était encore très calme, mais quelque chose avait changé. Je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus, mais il manquait quelque chose. Prudemment, je me remis en route, prête à sortir mon arc à tous moments. Je continuais à avancer, faisant comme si de rien n'était.

Ce n'est qu'après plusieurs minutes que je sentis une présence dans mon dos et je réalisais soudainement ce qu'il y avait d'anormal : une légère brise s'était levée, juste assez forte pour faire bruisser le feuillage des arbres et couvrir d'éventuels bruits de pas. Je pris une profonde inspiration et tentais de me calmer. Pas encore sortit de la forêt que les ennuis commençaient déjà... J'essuyais le plus discrètement possible mes mains sur ma jupe, me préparant à attrapper mon arc.

Alors que je sentis la présence s'approcher un peu plus, je fis passer d'un geste souple mon arc par dessus ma tête, dégainais une flèche et pointais mon arme vers la personne qui me suivait.

J'eus la surprise de me retrouver nez à nez avec un Elfe Vert aux cheveux blonds et aux yeux bleus. J'écarquillais légèrement les yeux en réalisant que son arc était aussi pointait vers moi et je me dépêchais d'abaisser le mien. Il en fit autant en me dévisageant, étonné.

- Désolé, s'excusa-t-il finalement, je croyais que vous étiez un humain, m'expliqua-t-il.

J'haussais un soucil en remettant mon arc dans mon dos. Un humain ? Comment pouvait-on confondre un Hinïon et un humain ? Je dévisageais l'Elfe de haut en bas et constatais qu'il ne portait pour seul vêtement qu'un simple pantalon de feuilles cousues. Je remontais mon regard vers ses yeux, ayant l'habitude de la quasi-nudité des Elfes Verts.

- Ce n'est pas grave, ne vous en faites pas, assurais-je calmement. Du moment qu'aucuns de nous n'a été blessé, il n'y a rien de grave.
- Où allez-vous ? demanda-t-il au bout d'un moment après avoir remit sa flèche dans un carquois vert et argent accroché dans son dos. Ce n'est pas souvent que les Hinïon d'Hidirain se déplacent dans les bois, encore moins seuls.
- Je me rends à Exech, dis-je avec calme, anticipant déjà la réaction de mon interlocuteur.

L'Elfe Vert écarquilla légèrement les yeux, avant de les poser sur mon arc. Un léger sourire moqueur étira mes lèvres et je secouais la tête de droite à gauche.

- Je ne compte pas me lancer dans une quelconque carrière de voleur, ou quoi que ce soit d'autre, assurais-je. Je m'y rends pour rechercher des informations.

L'Elfe en face de moi sembla se détendre d'un seul coup et hocha la tête.

- Très bien, je vous souhaite donc bonne chance, et j'espère que vous trouverez ce que vous cherchez, ajouta-t-il avant de disparaitre derrière un grand chêne centenaire.

(Oui, moi aussi...)

Je poussais un léger soupir et me remis en route.

Avant que le soleil ne se couche complètement, j'arrivais à l'orée de la forêt. je ne pouvais pas en croire mes yeux. Devant moi, la forêt s'arrêtait net, laissant la place à des plaine arides cimplètement nues de toute végétation. La forêt était vraiment un hâvre de paix, et heureusemet qu'elle était maintenue par le magie elfique, sinon, il n'y aurait déjà plus rien là où je me trouvais.

Je levais la tête vers le ciel et décidais rapidement de revenir un peu sur mes pas pour trouver un endroit où dormir. La nuit allait tomber, le voyage à travers les plaines attendrait demain.

Je trouvais rapidement un gros chêne que j'avais repéré un peu avant et je grimpais sur une des branches pour m'installer pour la nuit. J'allais avoir besoin de repos pour la traversée. Quatre jours et demi, ce n'était pas rien quand même, pour une première fois.

Après avoir fait ma prière à Gaïa et à Yuimen, je me calais contre le tronc de l'arbre, prête à m'endormir. Je ne sentis même pas le sommeil me prendre ce soir-là.

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 Sujet du message: Re: La Forêt de la Vallée
MessagePosté: Sam 23 Mai 2015 14:06 
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Masquer des traces

Le Sindel semble avoir compris mon intérêt pour les plantes qu’il a utilisées pour nos soins et m’explique la façon dont on peut les reconnaître et leur localisation. Il semblerait qu’il y ait des chances qu’il y en ait non loin de notre localisation, bien que nous soyons peut-être encore trop hauts dans la montagne pour en trouver. Je caresse l’espoir de trouver de ces plantes, elles semblent très utiles. Je ne me soupçonnais pas un intérêt particulier pour les plantes, mais je me découvre une envie de mieux les connaître et comprendre de quelle façon elles peuvent agir sur notre corps.

Tanaëth s’arrête et me fait face pour répondre à ma question en m’informant que son objectif premier est pour le moment de nous éloigner le plus possible de cette clairière, et je ne puis qu’approuver. Il serait fâcheux de tomber sur de nouveaux sbires de Suleimann. Le Sindel m’explique ensuite que dans cette forêt se trouverait une cité d’elfes et de nains dont il ignore cependant la localisation. J’en ai bien sûr entendu parler, il arrive souvent qu’un groupe de contrebandiers revienne à la Caverne avec quelques membres en moins après avoir fait une fâcheuse rencontre avec les Taurions gardiens de ces arbres. J’espère que si d’aventure nous tombions sur un groupe d’elfes verts la présence d’un elfe gris retienne leurs arcs le temps de nous laver de toute suspicion.

Ce dernier semble réfléchir un instant pour conclure que nous pouvons continuer notre chemin jusqu’à trouver un lieu où nous reposer en masquant nos traces et que nous aviserons ensuite de la suite des évènements. N’ayant de toute manière nulle part où aller et ayant quitté la Caverne des Contrebandiers sans but réel, je hausse les épaules.

- Cela me convient très bien. Je ne me suis fixé aucun but autre que celui de vivre en Woran libre et de découvrir le monde... C’est une promesse que j’ai faite. Par ailleurs... Saurais-tu où je pourrais en apprendre plus sur les plantes et la façon dont elles soignent ?

Nous reprenons notre chemin, mais au bout de quelques instants une pensée me traverse l'esprit et je m’arrête, légèrement penaud et gauche malgré ma taille massive. Je suis conscient de l'incongruité de ceci et ne m'en retrouve que plus maladroit.

- Je crains de ne pas savoir de quelle façon masquer des traces, avoué-je. Je n’ai jamais quitté le désert autrement qu’avec des livres, tout ceci est encore nouveau pour moi…

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 Sujet du message: Re: La Forêt de la Vallée
MessagePosté: Sam 23 Mai 2015 16:28 
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A la réponse qu'il me donne, et aux événements que nous venons de vivre, je comprends qu'il a du fuir Khonfas assez récemment et trouver dans cette forêt un refuge provisoire. Je m'interroge sur son histoire, mais ce n'est pas encore le moment de poser des questions, il nous faut trouver un abri à peu près sûr avant la nuit. A sa demande concernant les plantes, je réponds:

"Je peux t'apprendre quelques rudiments, mais si tu veux approfondir ce sujet, il te faudra trouver un herboriste, ou un guérisseur. Certains prêtres de Yuimen sont également savants en la matière."

Nous nous remettons en route, mais au bout de quelques pas le Woran s'arrête à nouveau, visiblement très emprunté. Il m'avoue n'avoir jamais quitté le désert autrement qu'au travers des livres, et tout ignorer de la manière de dissimuler ses traces. Je cille légèrement, surpris qu'un être d'aspect aussi "animal" dispose d'aussi peu d'instinct. Je repense à sa manière de se déplacer dans la forêt, un milieu qui lui est indubitablement inconnu, à ses paroles prononcées un peu plus tôt, et soudain je crois comprendre d'où vient le problème: il a dû naître esclave, ou au moins avoir passé la majorité de son existence enchaîné à Khonfas, pour autant qu'on puisse parler d'une existence. Alors comment pourrait-il savoir?

Je réfléchis rapidement. Je ne peux pas lui apprendre à se déplacer discrètement en quelques minutes, mais je peux éventuellement limiter un peu le risque qu'il crée une piste que même un aveugle pourrait suivre derrière nous. J'ignore dans quelle mesure il est pourchassé, tout comme je ne sais pas trop pourquoi j'ai envie de lui venir en aide. Peut-être parce que la liberté a quelque chose de sacré pour moi. N'ai-je pas défié l'autorité de mes parents pour préserver la mienne, quitte à me faire bannir de la ville où j'ai grandi? Je lui réponds donc d'un ton calme et rassurant, voyant bien qu'il est mal à l'aise de son ignorance et ne souhaitant surtout pas en rajouter:

"Ce n'est pas très grave, Sha'ale. Essaye de marcher le plus souvent possible sur de la roche, évide de poser les pieds sur des branches mortes ou sur la terre meuble quand tu peux. De même, efforce-toi de ne pas briser la végétation qui t'entoure, glisse-toi le plus souplement possible entre les obstacles plutôt que de les écarter."

Je hausse les épaules à mon tour, souriant froidement alors que je rajoute:

"Et si d'autres ennemis nous trouvent malgré tout, ma foi...il faudra qu'ils soient meilleurs que les derniers pour nous arrêter."

D'un signe, je l'invite à me suivre, me faufilant dans la Sylve en choisissant le chemin le plus ferme et le moins touffu pour faciliter le passage de mon compagnon. De temps à autre, je rebrousse chemin pour effacer quelques traces un peu trop visibles à mon goût mais, quoi qu'il en soit, n'importe quel pisteur un tant soit peu adroit nous trouvera, je ne me fais pas d'illusions. Au bout d'un moment, je finis par apercevoir une sorte de chaos rocheux partiellement recouvert de végétation qui s'élève contre le flanc de la montagne, je le désigne au Woran:

"Grimpons un peu, là-dedans nous devrions trouver un coin abrité, et nous aurons l'avantage de la position si jamais nous sommes attaqués."


Une heure plus tard, nous finissons par dénicher un lieu approprié dans les hauteurs, dissimulé entre des rochers mais nous offrant cependant une vue satisfaisante sur les environs pour nous prévenir de toute mauvaise surprise. J'allume un petit feu entre quelques cailloux, avec du bois assez sec pour qu'il ne dégage presque pas de fumée, et sors de mon sac les quelques provisions qu'il me reste en faisant signe à Sha'ale de se servir sans hésiter alors que je m'empare d'un fruit dans lequel je mords à belles dents avant de lui demander:

"Bon, et maintenant, si tu me racontais ton histoire? Que je sache un peu dans quel guêpier je me suis fourré."


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 Sujet du message: Re: La Forêt de la Vallée
MessagePosté: Lun 25 Mai 2015 13:35 
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Le chaos

Tanaëth m’offre de m’apprendre quelques rudiments à la connaissance des plantes et m’apprend qu’il existe des prêtres ou guérisseurs qui pourraient m’initier dans ce domaine. Je garde cette information dans un coin de mon esprit, c’est une connaissance qu’il me plairait d’avoir.

Suite à mon aveu d’ignorance quant à la façon dont il convient de se déplacer en forêt, l’elfe gris m’apprend quelques bases pour limiter les traces que je laisserai à d’éventuels poursuivants. Ces bases consistent en somme à éviter de laisser derrière soit des marques de présence, en marchant sur des cailloux, en évitant les branches mortes, en se coulant dans la végétation. Après quelques dizaines de minutes d’entraînement tout en continuant à marcher, je pense que je commence à saisir le mouvement.

Trop occupé à suivre les instructions du Sindel, je le laisse choisir le chemin, je peine de toute façon à me repérer dans cette forêt où tous les arbres se ressemblent. Je profite également de notre marche pour essayer différentes façons de me déplacer, afin de déterminer laquelle fait le moins de bruit. J’ai l’impression qu’en posant l’extrémité de ma patte légèrement avant les autres, je parviens à étouffer un peu les sons, mais peut-être n’est-ce qu’une impression. Malgré le risque que nous courrons, mon cœur bat d’excitation sous ce bref apprentissage, comme si je retournais dans ma trop courte enfance où j’apprenais avec joie de nouvelles choses, où je lisais mes premiers livres dérobés aux Shaakts. C’est étrange comme je n’avais jamais imaginé cela avant, mais je me croirais presque le héros de l’une des aventures qui m’avaient tant happée dans ma jeunesse, poursuivi par des ennemis sanguinaires.

Malheureusement les ennemis en question ne sont pas d’encre et de papier mais de chair et d’os et leurs idéaux sont presque aussi sombres que ceux des histoires. Tanaëth nous mène jusqu’à un amas de roches éparses disséminées à flanc de colline, comme si elles avaient chu dans un lointain passé, déchaussées par les âges. Il y en a de toutes les tailles, les plus grandes faisant la taille d’une cahute. Je me rends compte que nos pieds foulent une terre brune mêlée de sables et d’épines des pins qui se trouvent autour de nous et en grattant un peu l’un des grands blocs de pierres de la griffe, je détache quelques infimes particules. Le sable sous nos pieds serait-il le résidu de la dégradation de ces pierres sur des temps immémoriaux ?

Au bout de quelques dizaines de minutes qui me laissent le temps d’échafauder mes théories, nous parvenons à un lieu qui semble satisfaire Tanaëth. Il allume un feu tandis que j’essaie de l’aider du mieux que je peux et sors quelques provisions de son sac et m’invite à en prendre. Je l’imite pour sortir de mon havresac une meule de fromage et un pain que je romps et lui en tend.

"Bon, et maintenant, si tu me racontais ton histoire? Que je sache un peu dans quel guêpier je me suis fourré."

Je reste quelques instants cois devant cette demande. Je n’ai jamais raconté à qui que ce soit mon histoire, pas même à Vomen et Skrool qui tous deux en avaient appris assez auprès des autres Worans rescapés et deviné assez pour ressentir le besoin de me questionner. J’hésite un instant à dévoiler mon histoire à cet inconnu, par peur de mettre pour la première fois des mots sur ce passé par trop douloureux et présent. Cependant il m’a aidé, sans rien me demander d’autre en retour. Je lui dois bien ça. Je prends une profonde respiration. Ma queue ocellée bat l’air comme pour me donner du courage.

- Je suis né esclave et, dès que j’ai su marcher sans tomber, les Shaakts de la purulente Khonfas ont trouvé des travaux à faire faire à un enfant. J’ai grandi dans ce milieu, entouré d’une communauté de Woran esclaves. Mes parents qui, eux, avaient été capturés, m’ont appris quelques rudiments de lecture et d’écriture qui m’ont valu d’être rapidement placé comme scribe dans une maison de Shaakt. J’ai grandi auprès de Ch… Auprès de Chilali, une Worane qui devint ma compagne. Tous deux, ivres d’un esprit de liberté trouvé au fond de nos cœurs et galvanisé par les livres que nous lisions, nous fomentâmes une rébellion visant à libérer les nôtres de l’avilissement. Une nuit, nous passâmes à l’acte. Mais, pour une raison que j’ignore, les Shaakts nous attendaient aux portes. Ce fut une boucherie… Un massacre. Aucune chance, aucune pitié ne nous fut laissée. Certains d’entre nous parvinrent tout de même à soulever la herse avant de périr et quelques rares Worans parvinrent à la traverser. Lorsqu’elle retomba, Chilali était restée de l’autre côté.

Je fais une pause douloureuse, les moustaches frémissantes de mes efforts pour retenir mes larmes.

- C’est elle qui m’a poussé de l’autre côté au moment où elle tombait. Elle m’a fait promettre de survivre pour nous deux, de vivre.

Je laisse mes paroles se perdre dans la nuit et le souvenir, vivace, de mon oiseau des neige flotter à la lisière de mon esprit.

- J’ai fait partie des quelques rares survivants et je me suis trouvé recueilli par un groupe de contrebandiers. J’ai travaillé deux mois durant pour eux et l’un d’eux, un homme que le lucre nourrit, a envoyé ses sbires à ma recherche, estimant que ma vente, en tant que commanditaire de l’évasion ratée, lui rapporterait beaucoup d’argent.

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 Sujet du message: Re: La Forêt de la Vallée
MessagePosté: Lun 25 Mai 2015 14:59 
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Je remercie Sha'ale d'un signe de tête lorsque il partage à son tour ses provisions, acceptant volontiers un peu de pain et de fromage. Je sens sa réticence à répondre à ma question, et au trouble qui a envahi son regard je songe que l'histoire ne doit pas être spécialement agréable. Je me garde bien de le presser, me contentant de l'observer sans ostentation tandis qu'il hésite, conscient de sa nervosité de par les battements de sa queue, mouvement commun à tous les félins si j'en crois ma modeste expérience en la matière. Il se décide finalement, et je l'écoute attentivement me conter son histoire qui, comme supposé, n'a rien de joyeux. Je fronce légèrement les sourcils au passage évoquant sa compagne, comprenant mieux la douleur abyssale qui, parfois, transparait dans ses yeux, mais je ne veux pas l'interrompre, le laissant parler jusqu'à ce qu'il ait achevé son récit.

Le silence s'installe. Que lui dire? Les mots semblent vains, parfois, d'autant plus que je ne suis rien pour lui, simple étranger rencontré fortuitement au détour d'un bois. Pourtant, je me souviens du réconfort que les paroles de Maxime, la paladin dirigeant l'académie de magie de Tulorim, m'ont apporté. Je rive mon regard dans celui de mon compagnon, inclinant le visage de manière à lui témoigner ma compassion, et je lui dis à mi-voix:

"Je suis désolé pour ta compagne, Sha'ale. Je sais ce que cela fait de perdre un être aimé, c'est une douleur que je ne connais que trop bien."


Je tourne les yeux vers les flammes pendant quelques instants, les contemplant sans vraiment les voir tandis que mes propres souvenirs affluent en moi comme un sombre orage, mélange de tristesse, de colère et d'envie féroce de vengeance. Puis je souris imperceptiblement, il n'y a pas que cela, il y a aussi quelque chose de beau qui est né en moi suite à ces événements, ils m'ont rendu plus fort, plus déterminé, laissant en mon âme des souvenirs radieux auxquels je peux me raccrocher quand le doute et la lassitude m'envahissent. Je fixe à nouveau Sha'ale, avec une gravité sereine:

"Je pense que Chilali t'a fait un extraordinaire présent, mon ami. Elle t'a offert sa vie pour te donner une chance d'être libre, pour que tu aies une vie meilleure que celle qui t'attendait en tant qu'esclave. C'est un témoignage d'amour comme il y en a bien peu en ce monde, un acte d'une noblesse rare. Je ne connais pas tes croyances, mais..."

Je lui désigne la lune et les étoiles visibles au travers de la voûte végétale d'un geste large:

"Mon peuple vénère Sithi, représentée par la lune. Nous pensons que, lorsque l'un des nôtres achève son existence ici, il la rejoint et devient une étoile éternelle qui trône aux côtés de notre Mère. Ainsi, leur lumière éclaire notre chemin, et nous savons que ceux que nous avons aimé veillent sur nous toutes les nuits. Lorsque je lève les yeux, je repense à ce que ces êtres aimés m'ont apporté, aux moments heureux que j'ai eu la chance de partager avec eux. Cela me donne de la force et du courage, du firmament ils me regardent et je veux être digne d'eux, digne de leur amour, de ce qu'ils m'ont appris et offert."


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 Sujet du message: Re: La Forêt de la Vallée
MessagePosté: Mar 26 Mai 2015 15:23 
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Un sourire dans le firmament


J’écoute les paroles de Tanaëth, celles qui suivent l'histoire de ma fuite. Je sais qu’il est difficile de trouver les mots après avoir écouté pareil récit. Il m’explique connaître la douleur de la perte d’un être aimé, et au vu des émotions qui transparaissent un instant dans son regard, je le crois sincère. S’il n’y avait que la douleur de la perte… Pourtant, à celle-ci se rajoute la haine de moi-même, le sentiment profond que je ne mérite pas de vivre après ce qu’il s’est passé, ces remords qui me rongent. Je m’apprête à lui dire, mais quelque chose me retient, une honte, profonde, ou quelque chose d’autre.

Tanaëth m’explique alors que selon lui, c’est un présent extraordinaire que m’a offert Chilali et, d’une certaine façon, j’approuve. Ce cadeau, qui à la fois me pousse à me lever chaque matin et à ne pas dépérir tout en me haïssant, elle me l’a offert de tout l’amour qu’elle éprouvait pour moi. Elle avait la volonté de me voir vivre pour nous, de lui survire là où elle ne pouvait plus vivre.

Elle me manque tant…

Tanaëth poursuit, me montre le ciel et j’en observe les étoiles au travers du dais des arbres. Il m’explique que selon ses croyances ces dernières sont des êtres chers qui nous observent au delà de la mort, aux côtés de Sithi, la Lune. Je reste quelques instants les yeux perdus dans le vague, essayant d’imaginer Chilali parmi ces étoiles, son sourire chafouin se dessiner dans le firmament, un clin d’œil s’esquisser dans le scintillement de l’empyrée. Me voit-elle ? Voit-elle un Woran lever le museau dans les airs comme s’il saluait le vent et la regarder avec autant d’espoir que de désespoir ?

- Je n’ai point de croyances. Ou du moins je ne pense pas que nous ayons un quelconque intérêt aux yeux des Immortels, si ce n’est celui de pouvoir se gausser de nous. Mais ce que tu dis est beau et il est vrai que les étoiles sont propices à la nostalgie et que c’est souvent sous leur regard que je me sens plus proche des miens. J’aimerais avoir cette croyance.

J’observe encore un instant les cieux avant de redescendre mon regard sur Yuimen et le petit feu qui nous réchauffe, muet dépositaire de nos confidences.

- Et toi, Tanaëth, qu’est-ce qui t’a mené dans ces montagnes ? Tu es bien loin des tiens, semble-t-il.

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 Sujet du message: Re: La Forêt de la Vallée
MessagePosté: Mar 26 Mai 2015 18:53 
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Le Woran m'explique qu'il n'a guère de croyances, et qu'il ne croit pas que les dieux se soucient de nous. Pourtant, il semble sensible à la splendeur de la voûte céleste, mais quel genre d'être faut-il être pour ne pas être admiratif devant tel spectacle? Je n'ignore pas que nombreux sont ceux qui ne s'en soucient pas, qui ne savent plus admirer la beauté de cette nature infinie qui nous entoure. Nombre des miens d'ailleurs ne voient là que source de pouvoir, matière ou énergie dont ils se pensent maîtres, qu'ils présument pouvoir user sans limite ni conscience. Je frémis imperceptiblement, je suis un Sindel et je n'ai pas oublié le sombre passé qui nous a contraint à quitter Eden. Alors comment pourrais-je partager cette vision égotiste, et croire encore que nous pouvons tout maîtriser, abuser de tout selon notre bon vouloir, ou plutôt, notre avidité? Et les dieux dans tout cela? Je souris avec une certaine tristesse mâtinée d'ironie à mon compagnon en lui répondant:

"Tu dis penser que les Dieux se gaussent de nous. Mais, sur mille êtres qui prient une divinité, combien prient en se souciant d'elle? Et combien adressent une prière purement égoïste, avide, qui ne vise qu'à satisfaire un caprice immédiat sans aucune réflexion sur les conséquences d'une telle demande à long terme? Les Dieux ont une vision qui englobe des âges entiers, ils ont vu passer des centaines, des milliers de générations d'êtres, alors combien de prières au total leur ont été adressées par des gens exigeant une réponse, un miracle, un signe? Doivent-ils se soucier de chaque demande? Et même si c'était le cas, les êtres sont-ils toujours capables d'écouter, d'entendre? Le veulent-ils seulement, sincèrement?"

Je tisonne un peu le feu, faisant s'élever une myriade d'étincelles vite emportées par le vent.

"Regarde. Meno nous offre son feu pour nous réchauffer, nous éclairer, cuire nos aliments, et Rana nous offre un spectacle somptueux, et remplit nos poumons jour après jour sans jamais faillir. Les remercions-nous pour cela, nous qui profitons de leurs bienfaits à chaque instant de nos existences? Quels sont les buts des Immortels, au juste? Satisfaire nos petits besoins égoïstes? Ou ces buts seraient-ils plus vastes, si vastes que nous ne pouvons même les concevoir réellement?"

Je souris légèrement, amusé de m'être laissé aller à cette longue tirade philosophique inhabituelle pour moi, puis je le dévisage avec sérieux:

"Je crois que les Dieux nous ont offert deux dons extraordinaires: la vie, et le libre arbitre. Je crois aussi que c'est cela même que ta compagne t'a offert: tu es vivant, et tu es libre. Libre d'aller de l'avant en son honneur, heureux de ce qu'elle t'a donné, ou de sombrer dans les regrets, la culpabilité ou que sais-je encore. Mais pose-toi une question, mon ami: qu'espérait-elle pour toi? Une vie de joie, ou une vie de regrets?"

A sa question suivante, je réfléchis quelques instants en contemplant Sithi, cherchant une manière simple de conter ce qui ne l'est pas, puis rivant à nouveau mes yeux aux siens je me décide:

"Ce qui m'a amené dans ces montagnes si éloignées de mon pays natal...c'est une longue histoire. J'ai quitté le Naora il y a plus de trente ans. Lors de ma formation d'Hirdam, de guerrier, je suis tombé amoureux d'une femme, follement amoureux. Elle est morte avant que nous ne finissions notre apprentissage, j'ai longtemps cru que cela était du fait d'un dévoreur des sables, jusqu'à ce que j'apprenne, récemment, qu'en réalité elle avait été assassinée. Suite à son décès, j'ai plongé dans mes propres ténèbres, la vie n'avait plus vraiment de sens, mais je n'ai pas besoin de t'expliquer ce que cela fait. Lorsque mes parents, quelques années plus tard, ont voulu me marier à une autre Sindel pour des raisons "politiques", j'ai refusé tout net. Ce qui m'a valu d'être banni de ma ville natale, Nessima, le père de cette Sindel était très influent, et mon refus était un affront intolérable à ses yeux."

Je hausse les épaules, buvant quelques gorgées d'eau avant de reprendre:

"Après cela, j'ai erré longtemps sans jamais me lier à qui que ce soit, jusqu'à il y a peu en réalité. Quelques mois, tout au plus. Et puis, après quelques sombres événements, j'ai rencontré une Sindel, une chasseuse du nom de Moraen. Elle avait été envoyée à ma recherche par l'intendant de ma famille, pour m'apprendre que mes parents avaient mystérieusement disparu. J'ignore le pourquoi du comment, et je n'ai pas envie de le chercher, mais nous nous sommes liés immédiatement, simplement, avec elle j'ai retrouvé ce que j'avais cru perdu à jamais. Nous nous sommes rendus à Tulorim, passant quelques jours...merveilleux. Et puis des assassins nous sont tombés dessus. Une fléchette empoisonnée a mis un terme à la vie de ma compagne, et j'ai été laissé pour mort sur les pavés."

Un silence, alors que je canalise et dompte la rage profonde qui m'envahit à ces souvenirs. D'une voix plus dure que la pierre je poursuis mon récit:

"Mais j'ai eu beaucoup de chance, et j'ai été soigné à l'université de magie par un humain incroyablement bienveillant. J'ai enterré ma compagne dans leurs jardins, puis je suis parti à la recherche des assassins. J'ai tué le premier à Tulorim, après lui avoir soutiré les informations nécessaires d'une manière que tu ne veux pas connaître, puis j'ai attiré le deuxième dans un piège, ici, dans ces montagnes. Je n'étais pas de taille à l'affronter dans les rues d'une ville, mais dans la nature...je suis chez moi. Deux m'ont suivi, j'ai trouvé un endroit adéquat et je les ai combattus. Ce n'étaient que des exécutants, mais nul ne s'en prend à ceux que j'aime sans en payer le prix. Quant aux vrais responsables...je connais leurs noms, mais je n'ai pas le pouvoir de les défier. Alors j'ai décidé de continuer ma route, comme si de rien n'était, jusqu'au jour où je serai en mesure d'aller anéantir les maudits qui ont tué Moraen et mes parents. Peu importe que cela me prenne un siècle, un millénaire, ils paieront. Comme j'avais entendu parler d'Hidirain et que je n'en étais pas loin, j'ai décidé de visiter cette contrée. Et je suis tombé par hasard sur la clairière où tu te préparais à affronter ces marauds."


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 Sujet du message: Re: La Forêt de la Vallée
MessagePosté: Jeu 28 Mai 2015 18:36 
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Considérations théologiques et récit d'un départ


J’écoute les premières paroles du Sindel, sur les dieux et ce que nous leurs devons, sur les êtres qui ne prient que par égoïsme, mais je hoche négativement de la tête, perdu dans mes pensées.

- Je ne pense pas pouvoir donner mes prières à un quelconque Dieu. Si ce sont des Dieux de Douleur et de Misère, qui se gargarisent des pensées qu’on leur envoie, alors je préfère les garder pour moi. Si ce sont des Dieux de Bonté et d’Esprit… Penses-tu qu’ils veulent à ce point nos prières ? Qu’ils aient besoin d’elles pour nous accorder leur attention ? Qu’un être juste et droite ne mérite pas leur intérêt car il ne les prie pas ? Ils seraient alors bien vaniteux de souhaiter que les âmes de tous les âges louent leurs bienfaits et seraient alors à leur tour égoïstes, imparfaits. Or je ne peux ni ne souhaite considérer les Dieux comme imparfaits. Les Dieux de Yuimen vivent, existent dans un monde à part et pourtant proche du nôtre. Certains êtres parviennent à se rapprocher d’eux, mais je ne suis pas de ce nombre.

Je me perds de nouveau dans la contemplation des étoiles.

- Mais je suis d’accord avec toi, la vie nous a été insufflée, quelle qu’en soit la manière, quelles qu’en soit la façon et Chilali a trouvé le moyen de la préserver en moi là où elle aurait dû se perdre. Et je me retrouve avec une liberté nouvellement acquise, avec laquelle j’apprends petit à petit à composer, là où auparavant je survivais sous le joug de l’esprit des Shaakts. Alors oui, Tanaëth, pour répondre à ta question, Chilali aurait souhaité que je vive en laissant tout ceci derrière nous, chérissant notre souvenir pour ce qu’il est : un magnifique souvenir. Mais j’ai vu trop des miens périr par ma faute, parce que nous n’étions pas prêts et que nous étions de jeunes personnes impulsives avec un si beau rêve. Ô, je sais que je ne rattraperais jamais le passé, mais je ne souhaite pas occulter ce massacre, car je ne veux plus jamais le voir se reproduire sous mes yeux.

J’écoute alors l’histoire de Tanaëth, qui, si elle est bien différente de la mienne, n’en est pas moine une histoire de douleurs et de déchirures, de pertes et de rejets. Il fut contraint de quitter Naora, sa terre natale, il y a plus de trente ans pour avoir refusé la main d’une femme et parcours le monde depuis. Comment une famille peut-elle en arriver à accepter le bannissement son rejeton, de la chair de sa chair parce qu’il a osé être et le revendiquer ? Si j’ai connu l’esclavage, c’était entouré d’une famille aimante qui m’a légué tout son savoir avant de rejoindre les étoiles, si c’est bien là bas qu’ils vont.

Il a lui aussi eu une compagne, de celles qui restent en nos cœurs et l’a, comme moi, perdue. Même à présent, même après toutes ces années, je ressens la peine qu’il doit encore éprouver et je crains pour l’avenir. Saurais-je un jour outrepasser la mort de Chilali et vivre pleinement ? Le Sindel a semble-t-il brièvement connu une autre femme qui a trop vite péri lors d’une attaque à leur encontre. Il m’explique alors sa vengeance acharnée contre les assassins et la façon méthodique dont il est parvenu à les tuer dans la forêt.

- Ton récit est triste, Tanaëth, et empli de choses que je ne parviens pas à comprendre, qui me sont étrangères. D’autres que je comprends et ne peux que regretter pour toi.

Je laisse quelques secondes flotter, toujours perdu dans mes pensées. Autour de nous la forêt est sombre, calme, un calme que parfois un rongeur ou un oiseau de passage vient perturber. Jamais je n’ai entendu ce genre de silence la nuit, dans le quartier des esclaves, et il m’impressionne encore. Pris d’une inspiration soudaine, je relève la tête vers l’elfe.

- Penses-tu qu’il soit possible de se rendre dans la cité des elfes qui se situe dans ces forêts, Hidirain ?

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 Sujet du message: Re: La Forêt de la Vallée
MessagePosté: Ven 29 Mai 2015 18:31 
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Les paroles du Woran concernant les dieux me plongent dans une profonde réflexion, je peux comprendre son point de vue, je le partage en partie d'ailleurs. Mais j'ai reçu l'aide directe de Rana et de Sithi à plusieurs reprises, aurais-je bénéficié de leur appui si je ne les priais pas? Je ne crois pas. Je suis même certain du contraire en ce qui concerne Rana, seuls ceux qui lui adressent leurs prières peuvent se servir du pouvoir de l'air dans leurs combats. En revanche...

"A mon sens, les Dieux ne sont pas parfaits, ni absolus, puisque ils ne maîtrisent qu'un domaine parmi d'autres. Chaque divinité est associée à un élément ou à quelque chose de précis. Un dieu parfait serait unique, je suppose. Selon moi ce sont donc des entités faillibles, mais dotés d'un pouvoir et d'une vision infiniment plus vaste que nous. Ils se livrent des guerres, nombre de légendes en parlent. Certaines divinités, comme Sithi par exemple, viennent d'autres mondes, avec leurs propres buts, d'autres Divinités encore ont disparu au cours des âges. Alors je choisis en fonction de mes principes les Divinités que je prie, et la conséquence de ces prières est que, parfois, elles m'apportent leur aide."


Je souris songeusement en haussant les épaules:

"Malgré cela, la vie se déroule rarement exactement comme on l'aurait voulu. Simplement parce que chaque être influence à sa manière l'ensemble, et que nous n'avons pouvoir véritable que sur nous-mêmes. On ne peut pas éviter que des gens meurent, c'est une issue inéluctable à laquelle nul être vivant n'échappe en définitive. On peut faire de notre mieux, mais ça ne suffit pas toujours. Se ronger pour ce que l'on n'a pas pu, et que l'on ne peut plus changer n'a pas de sens, il faut selon moi en tirer les leçons et faire mieux la fois d'après, cela s'arrête là. Ce qui ne signifie pas oublier le passé, mais en faire un tremplin plutôt qu'un boulet"

Après mon récit, Sha'ale me dit que mon récit est triste et qu'il comporte de nombreuses choses qu'il ne comprend pas, et d'autres qu'il regrette pour moi. C'est à mon tour de secouer négativement la tête pour lui répondre:

"Je ne regrette rien, Sha'ale. Je ne vis pas dans le passé, je vis au présent, maintenant, et mon regard est tourné vers demain plutôt que vers hier. J'ai fait ce qui me semblait juste, ou ce que j'ai pu. Résultat je suis ici ce soir, vivant et heureux de l'être. Je crois que c'est la seule chose véritablement importante. Quant à la tristesse...un sage m'a dit un jour: le guerrier idéal doit éprouver une profonde tristesse et une grande tendresse. Sans elles, sa vaillance est aussi fragile qu'une tasse de porcelaine. Et je ne suis que cela, un guerrier, encore bien loin d'un quelconque idéal."

Après un instant de silence, le Woran se tourner vers moi comme s'il était pris d'une inspiration soudaine, et me demande s'il est envisageable d'aller à la cité elfique d'Hidirain.

"Nous devrions pouvoir y entrer, si nous parvenons à la trouver. Mon peuple entretient d'assez bons rapports avec les Hinïons. Nous pourrons nous mettre à la recherche de cette ville dès demain matin, si cela te convient. Pour l'heure, un peu de sommeil ne nous ferait pas de mal je suppose. Mais avant cela, il faut que j'affute mes lames. Sais-tu te servir d'une épée? Ou d'une dague?"

Joignant le geste à la parole, j'entreprends posément de rendre mes lames aussi tranchantes que des rasoirs, qui sait ce que ces prochains jours nous réserveront?


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 Sujet du message: Re: La Forêt de la Vallée
MessagePosté: Sam 30 Mai 2015 13:13 
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Un chat mouillé

Tanaëth réagit à mes paroles sur les dieux et ma considération de la théologie. Si moi je souhaite qu’ils fussent parfaits, lui au contraire prône leur imperfection. Je frémis en imaginant des êtres imparfaits possédant un tel pouvoir. Mais somme toute, si nous ne sommes pas vraiment d’accord l’un et l’autre, il semblerait qu’au moins nous ayons un respect pour les croyances de l’autre, et c’est au fond ce qui compte le plus.

Il m’annonça alors ne rien regretter de son passé, car il vivait au présent et que son regard était tourné vers le futur, qu’il a fait tout ce qui était en son pouvoir. Il m’expliqua que pour lui la tristesse était nécessaire à faire d’un guerrier un être doté d’humanité, dont la force n’est pas qu’une illusion. Je comprends ses paroles, ses positions, mais je ne peux m’empêcher de ressentir cette profonde amertume de ne pas être parvenu à sauver plus des miens, et d’en avoir précipité tant vers une mort certaine.

Finalement, il semble penser que nous devrions parvenir à entrer dans la ville d’Hidirain, si nous parvenons à la trouver, car son peuple entretient d’assez bons rapports avec eux. Ne sachant rien des rapports que les miens entretiennent avec les autres races, je ne puis qu’espérer qu’elles ne sont pas négatives et que je ne trouverais pas une haie de piques pointés vers ma chair lorsque nous arriverons à destination. Il m’annonce alors qu’il prévoit d’affûter ses lames en me demandant si je sais me servir d’une épée ou d’une dague.

Je hoche négativement de la tête.

- Non, les armes étaient prohibées pour les esclaves, nous avions au mieux quelques couteaux émoussés, mais je n’ai jamais appris à m’en servir comme arme.

Je lève une de mes grosses pattes que je regarde, puis je fais d’un coup jaillir une rangée de griffes acérées.

- Mais nous possédons d’autres atouts.

Un sourire empli d’amertume dévoile également mes crocs, aussi blancs que le clair de lune, car nous en avons toujours pris soin, du moins autant que faire ce peut car nous savions bien que la perte de nos dents signifiait une longue agonie à n’être presque plus capables de nous nourrir.

Je l’observe un instant affûter ses lames, puis, lui souhaitant bonne nuit, je fini par me rouler en boule sur le sol, dos au feu et à m’endormir, bercé par le bruit régulier du frottement d’une pierre contre du fer.

***


Au réveil, nous nous mettons en route sur ce que nous espérons être le chemin allant vers la ville d’Hidirain. Je ne parle guère, perdu que je suis dans mes pensées, songeant à la discussion que nous avons eue hier et comme les divergences d’opinion nous permettent d’approfondir, d’adapter nos idées. Tout autour de nous le temps commence à se couvrir, comme si une pluie s'annonçait.

Cette supposition s'avère exacte, car au bout de quelques heures c'est sous une averse que nous marchons. Ma fourrure est humide, froide et collante. La cape que j'ai sur les épaules me protège à peine car l'eau s'infiltre, insidieuse, entre mes poils. Je n'ai pas l'habitude de l'eau ou de la pluie et je ne suis pas certain d'apprécier cela. Au fur et à mesure de notre avance, mes pensées deviennent de plus en plus lugubres et la nostalgie de la veille laisse place à une humeur morose.

Cependant, malgré tous ces stimuli extérieurs auxquels je ne suis pas habitué, je commence à sentir une sensation étrange d’être observé. Je m’arrête un instant et regarde autour de moi, jetant un coup d’œil à Tanaëth et m’apprêtant à lui poser la question, car je ne doute pas que si je l’ai ressenti, il en va de même pour lui. Mais je n’en ai guère l’occasion car à cet instant, une troupe d’elfes verts apparaît comme par magie devant nous, nous prenant en tenaille dans un escarpement, ayant clairement l'avantage du nombre et de la position. Ils sont tout de vert vêtus, et l’ensemble de leur être ne semble être qu’un dégradé de verts, avec parfois une touche de couleur pour leurs cheveux. Ils pointent tous les flèches de leurs arcs dans notre direction.

Je commence à avoir quelques craintes sur notre accueil dans leur cité. L'un d'eux, un grand elfe aux cheveux cuivrés s'avance vers nous, et déclare d'une voix assurée :

- Que venez-vous faire sur les terres d’Hidirain ?

Au moins discutent-ils avant de tirer, leurs mœurs semblent plus appréciables que celles des shaakts. Ne sachant pas de quelle façon il convient de répondre en de telles circonstances, je me tourne vers Tanaëth, espérant qu’avec son expérience, lui, saura.

Autour de nous, il continue toujours à pleuvoir.

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 Sujet du message: Re: La Forêt de la Vallée
MessagePosté: Dim 31 Mai 2015 00:54 
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Sha'ale me dévoile ses griffes et ses crocs après m'avoir dit qu'il n'avait jamais appris à se servir d'une arme, mais qu'il possède quelques atouts malgré tout. Je l'observe, songeant qu'en effet, muni de tels arguments, une dague peut sembler bien inutile. Malgré tout, je l'imagine mal parer une épée ou toute autre arme tranchante ou contondante avec ses dents ou même ses griffes, que mes rapières entameraient sans doute salement s'il s'y risquait. Rien ne vaut quelques empans de bon acier pour calmer les excités d'après moi. Mais l'heure n'est plus aux longs débats, mon interlocuteur se roule au sol et s'endort rapidement tandis que j'entretiens méticuleusement mes armes.

Une fois satisfait de mon ouvrage, je me lève et m'éloigne de quelques pas afin d'adresser une prière murmurée à Sithi, quelque peu songeur quant aux discussions de ces dernières heures. Instinctivement, j'enchaîne avec des remerciements sincères à Rana, qui m'a apporté un appui crucial à plusieurs reprises ces derniers jours. Je prends peu à peu conscience qu'un profond changement s'est produit en moi, je me sens plus assuré que je ne l'ai été depuis plusieurs décennies, et mon art du combat s'en ressent clairement. Mes gestes sont devenus plus fluides, plus naturels, j'ai retrouvé cette sensation de ne faire qu'un avec mes armes, qui me fuyait depuis la mort de Jaëlle. Ces pensées me ramènent implacablement à ces rêves récurrents qui me suivent depuis mon plus jeune âge. Ils ont un réalisme, une substance si grande que j'en viens parfois à douter que ce ne soit vraiment que des rêves, mais...

(Ce sont des rêves, mais ils ne t'en montrent pas moins une réalité appartenant au passé de ton peuple, Tanaëth.)

Je ne peux m'empêcher de me demander ce qu'elle en sait au juste, mais cette simple pensées me vaut un grommellement peu avenant de la part de ma Faëra. Je souris pour moi-même, puis reprends un sérieux songeur empli d'une multitude de questions, que je finis par résumer en une seule:

(Soit. Mais dans ce cas, d'où viennent ces rêves?)

(C'est moi qui te les envoie. Pour te montrer tes origines, et celles des Sindeldi en général.)

Ah. J'en reste coi durant quelques minutes, réfléchissant aux implications de cette affirmation que je ne peux mettre en doute, éprouvant envers elle une confiance absolue que je n'explique pas vraiment. Je fronce les sourcils, perplexe, puis poursuis mon interrogatoire, pour une fois qu'elle semble décidée à me répondre:

(Pourquoi me montrer tout ça? Que veux-tu de moi au juste, Syndalywë?)

(Je souhaite que tu suives le fil d'or de ta destinée, Tanaëth. C'est mon rôle. Et puis...j'ai promis.)

(Le fil d'or...qu'est-ce? Et...promis? Promis quoi?)

(Le fil d'or, c'est te réaliser pleinement, devenir ce que tu peux être de meilleur. Très peu d'êtres y parviennent, malheureusement. Quant à ma promesse...c'est une longue histoire, directement liée à ces rêves que je t'ai insufflés.)

Une légère grimace imperceptiblement sardonique relève mes lèvres, alors que j'imagine ce que peut être une "longue histoire" pour une Faëra immortelle et probablement âgée de plusieurs dizaines de millénaires, mais ma curiosité est trop grande et ma pensée échappe à mon contrôle:

(Eh bien raconte, j'adore les longues histoires!)


Je la sens hésiter et, bien que je ne la voie pas et qu'elle n'ait pas de consistance physique, j'ai le sentiment étrange qu'elle frissonne et qu'elle se blottit étroitement contre moi, comme si ces souvenirs étaient excessivement douloureux. Je peine à comprendre comment cela se peut, mais elle me communique une insondable tristesse paradoxalement mêlée d'une joie débordante et d'une fierté dont j'ignore totalement la raison. Chamboulé par ce que je ressens à cet instant, je retourne vers mon nouveau compagnon de route et m'assieds auprès du feu, y rajoutant machinalement quelques bûches. Le silence de ma Faëra se poursuit quelques minutes, pendant lesquelles j'ai l'impression d'être jaugé, jugé, plus intimement que je ne l'ai jamais été. Je me garde bien de l'interrompre, conscient de son trouble inhabituel. Enfin, elle murmure en pensée, comme si elle se parlait à elle-même:

(Le temps est peut-être venu de te conter cela...alors écoute, ô descendant d'Ethërnem Ithil, écoute de toute ton âme l'histoire de ton ancêtre, et sois-en digne."


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 Sujet du message: Re: La Forêt de la Vallée
MessagePosté: Dim 31 Mai 2015 02:27 
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Localisation: Nessima, Naora
Pris d'une impulsion subite, je saisis mon nouvel arc des deux mains, le posant en travers de mes genoux pour le contempler. Une relique...je ne sais trop si sa présence me rassure ou m'inquiète, sans doute un peu des deux. J'ai l'impression qu'il vibre légèrement entre mes mains, comme doté d'une vie propre, mais ce n'est sans doute que mon imagination. Quoi qu'il en soit, les émotions transmises par ma Faëra ont plongé mon esprit dans un état anxieux, la gravité de ses dernières paroles me perturbe et me fait supposer que je vais découvrir un pan méconnu de mes racines, un pan important et déstabilisant, mélange paradoxal d'ombre et de lumière. Je ne connais pas grand chose à la magie, ni aux fluides, mais j'ai tout de même quelques notions, comme tout Sindel éduqué. Assez pour pressentir confusément qu'il y a un sérieux problème du côté de Syndalywë, son trouble semble incroyablement profond et m'atteint de plein fouet à la manière d'un raz de marée mental que je ne puis expliquer ni comprendre.

Mes sens me paraissent exacerbés, j'entends le moindre bruissement des feuilles chahutées par le vent, je distingue les nervures de ces mêmes feuilles malgré l'obscurité, quelques fourmis qui grimpent le long d'un tronc à une bonne dizaine de mètres de moi. Je sens mille odeurs méconnues qui assaillent mes narines, j'éprouve d'une manière incroyablement précise la texture de cet arc auquel je m'accroche comme un naufragé à sa planche de salut. L'air me semble avoir un goût, des goûts, saveurs de pollens, de poussière, de fumée, une unique miette de pain coincée entre mes dents me donne l'impression d'être en train de mordre dans une miche tout droit sortie du four.

Et soudain, tout bascule. Je bascule. Dans des ténèbres absolues. Angoissantes. Je hurle, mais aucun son ne franchit mes lèvres. Mon cri ne résonne qu'en mon esprit empli de panique face à l'incompréhensible. Suis-je en train de mourir? Déjà mort? Ou me suis-je simplement endormi? Tout cela n'est-il qu'un rêve de plus?

***


La demeure dans laquelle je me réveille est vraiment étrangement construite. C'est tout juste si mon menton arrive au niveau du bas de l'ouverture. Je me retourne, empli d'incompréhension, où suis-je? Malédiction! Tout dans la pièce, simple au demeurant puisque elle ne comporte qu'un lit, une table basse et deux petits fauteuils, est surdimensionné! La porte est assez grande pour laisser passer un homme à cheval, et la poignée est à hauteur de ma tête! J'ai comme des sueurs froides, juste là. J'examine mon corps, du moins ce que je peux en voir. Pas la moindre trace de blessure, de cicatrice! Et mes mains...elles sont un peu...potelées! Par Zewen! Je perds pied...surtout, surtout, ne pas paniquer!

(Syndalywë!!!Au secours!!!)

(Ce ne sont pas TES mains. Détends-toi un peu, veux-tu?)

(Tu en as de bonnes, toi! Il se passe quoi?!)


(Oh, nous avons un léger...problème.)

(Au fait, s'il te plaît! Précise! C'est grave?)

(Cela dépend de toi, plus ou moins. Nous avons fusionné.)

(Quoi? Pourquoi? Qu'est-ce que ça signifie?!)

(C'est à cause de cet arc, et aussi parce que ces souvenirs que je m'apprête à te raconter éveillent en moi d'étranges forces, j'ai encore un peu de mal à me faire à cette dualité perturbante des fluides. Ces deux éléments conjugués on fait que nos esprits ont fusionné. Ce qui signifie entre autres que tu vois certains de mes souvenirs, et que je vois les tiens. Pas de quoi paniquer, vraiment. Profite de l'occasion? Mieux qu'un récit, tu as l'opportunité de "vivre" mes souvenirs!)

Ne pas paniquer. Facile à dire. Imaginez un peu: vous vous endormez, on vous endort, ou encore vous sombrez dans l'inconscience, peu importe, le résultat est le même. Là, vous faite un rêve tout à fait délirant, qui a ceci de particulier que tout vous semble véritablement réel. ça peut arriver, jusque là rien de vraiment inquiétant. Puis vous vous réveillez, avec la désagréable impression d'être dans un corps qui n'est pas le vôtre. Vous vous demandez alors: est-ce que je rêve que je rêve? Bon. A ce moment, vous commencez à vous demander si vous n'êtes pas devenu totalement dément. Et cette question a un petit quelque chose de malsain et perturbant. Vous entrez dans un joli petit cercle bien vicieux: le doute. Parce que, au point où vous en êtes, le rêve dans le rêve dans le rêve dans le...vous commencez à comprendre? Il y a une question qui devient omniprésente, lancinante: Combien de fois encore allez-vous vous "réveiller"? Et à partir de quel moment faudra-t'il considérer UN réveil particulier comme étant la réalité vraie? Et pourquoi celui-ci plutôt qu'un autre?

Comme si cela ne suffisait pas, voilà qu'une petite créature dont vous ne savez au final pas grand chose vous dit que vos rêves n'en sont pas, mais qu'ils sont des souvenirs. Ses souvenirs, qui couvrent un laps de temps incommensurable. Remplacez maintenant le mot "rêve" par "souvenir" dans ce qui précède. Vous êtes donc susceptible de "vivre" par procuration un nombre indéfini de bribes d'existences, les unes après les autres dans un ordre qui n'est pas forcément linéaire temporellement parlant. Ce qui engendre une question pour le moins angoissante: quelle est la vôtre d'existence? La plus "connue"? Mais qu'est-ce qui vous dit que vous n'avez pas simplement plongé plus profondément dans CE souvenir là, et qu'en réalité votre VRAIE existence présente est toute autre, reléguée dans un petit recoin de ce chaos de souvenirs qui prend tellement de place dans le creuset de votre esprit que vous pouvez aisément en arriver à oublier laquelle est bel et bien la vraie vôtre? Où se trouve ce fichu repère que l'on appelle commodément "présent"?

Il faut vraiment être dingue pour se poser ce genre de questions. Ah, voilà déjà une réponse. Bon, ce n'est pas forcément celle que tout un chacun rêve (eh oui, encore) d'entendre. Et si...

(TANAËTH!)

C'est qui? Pourquoi mes parents ne sont-ils pas venus avec moi? Pourquoi sont-ils restés là-bas? J'aimais bien notre maison, mais elle a été détruite. Papa m'a dit que des méchants Sindeldi avaient fait une bêtise, et que nous devions partir. Il a essayé de m'expliquer, mais moi je n'ai pas très bien compris. Il m'a parlé de lumière et d'ombre qui se battaient, mais je ne sais pas ce que cela veut dire. Maman m'a dit que j'étais encore trop jeune pour tout comprendre, mais que je devais aller préparer mes affaires. Je n'ai pas eu le temps, notre maison a été détruite juste avant que j'y rentre pour lui obéir. Je suis un peu triste, j'ai perdu mon Aniathy. J'espère que papa et maman vont bientôt revenir, ils me manquent.

(TANAËTH!)

Pourquoi il ne répond pas quand on l'appelle? Je n'aime pas quand quelqu'un crie. Tiens, c'est drôle! J'étais dans ma nouvelle chambre et je n'y suis plus. Tout est...gris. Mais je...qui est je?

(TANAËTH!)

Je? Je suis Tanaëth?

(OUI! Reprends-toi! Lève les yeux!)

(Ah? D'accord.)

Je m'exécute. Oh! Elle est si belle! La lune! Sithi! Je me souviens! Je me souviens de tout! J'en danserais de joie, si je le pouvais, mais je ne suis que spectateur immobile, et j'ai conscience de ne voir que par les yeux de Syndalywë. Elle avait un autre nom à cette époque, m'apprend-elle d'un murmure, sans vouloir me préciser lequel. Mais je dois voir, me dit-elle encore, car de ses souvenirs je ne vois que ceux ayant un rapport avec celui que je suis dans le présent. Et ce souvenir précis qui s'annonce, je le sens indistinctement, a autant d'importance pour elle que pour moi. Cela attise ma curiosité et, je ne sais pour quelle raison, je n'ai plus vraiment peur. Je sais qu'elle est à mes côtés, qu'elle veille sur moi et que je peux lui vouer une confiance absolue. Nous formons un tout un peu semblable aux Kermis des Hafiz, avec cette différence que notre lien n'a rien de physique. Je regarde donc de tous mes...ses...nos yeux.

Ellipse temporelle, bien des siècles plus tôt:

Nous nous trouvons au sommet d'une haute montagne, l'altitude est telle que nulle végétation ne pousse plus. Le sol est recouvert d'une épaisse couche de neige qui ne cède place qu'à quelques rochers sans doute découverts par le fort vent qui balaie ces hauteurs. Ce sommet forme une sorte d'esplanade naturelle d'une vingtaine de mètre de diamètre, approximativement circulaire, et domine tel un souverain ses sujets un inextricable massif montagneux dont je ne distingue pas de fin. Sur cette place naturelle, j'aperçois un Sindel que je reconnais bien qu'il semble plus jeune que la dernière fois. Deux épées d'une simplicité déroutante luisent légèrement dans son dos, entrecroisées, il se meut avec une grâce irréelle, en parfaite harmonie avec le vent pourtant tempétueux et le sol glissant. A ses côtés, tranquillement couchée dans la neige et presque invisible, je distingue une créature que je vois pour la première fois. Elle me fait penser à un croisement entre une panthère et un loup, d'une taille colossale! Puissante mais fine, pourvue d'une épaisse fourrure d'un blanc immaculé, elle semble parfaitement à son aise dans ce lieu inhospitalier. J'estime qu'elle doit faire un bon mètre cinquante au garrot une fois sur ses pattes, par Sithi je n'aimerais pas avoir à l'affronter!

(Ithilartëa, c'était son nom. C'est un Silnogure, une créature sacrée rare et merveilleuse.)

(Elle est superbe! Qui est ce Sindel, au juste?)

(C'était mon maître. Le premier et le dernier Danseur d'Opale. Ton ancêtre. Il se nommait Ethërnem Ithil, "la lune éternelle", je...je l'aimais énormément.)

Je sens la tristesse profonde qui émane de Syndalywë, chose qui m'étonne et me touche plus que je ne saurais l'exprimer. Je tente de la consoler, de l'apaiser comme je peux, avec des pensées tendres et bienveillantes. C'est incroyable comme je me suis lié à elle, l'importance considérable qu'elle a pris dans ma vie en quelques semaines. Je lui demande avec toute la douceur dont je suis capable:

(Tu as vécu longtemps avec lui?)

(Un peu plus de trois millénaires...)

(Trois millénaires?! Par Sithi! Il n'avait pourtant pas l'air aussi âgé lors de ce combat que j'ai vu!)

(Les Sindeldi vivaient plus longtemps, sur Eden. Et lui était particulier, il était béni par Sithi, mais regarde, justement...)

Ethërnem s'est agenouillé dans la neige, face à la pleine lune, somptueuse dans ce décor épuré. J'ai le sentiment d'être plus proche d'elle ici que n'importe où ailleurs, c'est ou c'était sans aucun doute un lieu sacré dédié à Sithi, je suis ému d'avoir la chance de voir un tel spectacle, combien d'êtres ont le privilège de pouvoir ainsi plonger dans leurs racines les plus lointaines? Le guerrier semble prier, longuement, apparemment indifférent au froid bien qu'il ne soit vêtu que de fins vêtements pantalon de cuir et tunique d'une matière semblable à de la soie, et je perçois peu à peu qu'un lent changement d'atmosphère se produit, subtil et presque indiscernable, mais mes perceptions sont celles de Syndalywë et peu de choses lui échappent quand il s'agit de "magie". Je manque en avaler ma langue lorsque, sans la moindre transition, Elle est là, debout, juste devant Ethërnem et son fauve. Sithi...

Je sens ma raison qui vacille devant cette apparition, ce n'est peut-être qu'un souvenir de ma Faëra, mais par Zewen je peux vous assurer que ça en fiche un coup! Je tombe mentalement à genoux, ne pouvant le faire physiquement, sans même prendre garde au fait que c'est la première fois de mon existence que je mets les deux genoux en terre, ou en neige pour les adeptes du détail qui tue, devant qui ou quoi que ce soit! Mais là...Sithi...à la voir, qui oserait encore prétendre qu'elle n'est pas divine? Je voudrais la décrire mais notre langue, si riche et complexe soit-elle, ne pourrait lui rendre justice, mon esprit peine à adjuger le moindre qualificatif, comme s'il était en train de se changer en pierre, lourd et grossier. Tentons malgré tout une ébauche ô combien imparfaite, ne serait-ce que pour conserver une bribe de repères en moi-même:

Elle est grande, plus de deux mètres, mince et élancée comme un jonc, ce qui n'empêche en rien que ses courbes féminines soient bien présentes, trop en fait, du moins en ce qui me concerne. Sa peau a cette teinte très particulière du vieil argent, et tout en elle évoque d'ailleurs une ancienneté insondable, bien qu'on ne puisse distinguer sur elle la moindre trace des ravages du temps. Elle parvient à concilier un aspect de jeune femme nubile et de mère mature, elle est les deux, indubitablement. Vêtue de voiles vaporeux couleur d'argent tout juste poli complexes qui soulignent plus qu'ils ne dissimulent sa personne, de sandales lacées jusqu'au genoux où se torsadent fils d'or et d'argent, elle semble un peu irréelle, comme si elle n'était pas entièrement matière. Sa chevelure lui descend presque jusqu'à la taille et, si elle peut sembler indisciplinée au premier abord, un examen plus attentif révèle au contraire qu'il s'agit d'une coiffure savamment ordonnée. Elle forme autour d'elle un halo tout à fait identique à celui que possède une lune très légèrement voilée par une brume de printemps. Je suis saisi d'un irrépressible désir d'y glisser les doigts pour en éprouver le soyeux, d'y enfouir mon visage pour en humer les délicates fragrances, d'y poser les lèvres avec une infinie douceur comme un amant ensorcelé. Une chance que je ne le puisse pas, je préfère ne pas imaginer quelle pourrait être sa réaction!

Quant à son visage...il est l'avatar ultime, l'idéal inaccessible que recherchent peintres et sculpteurs dans leur quête d'absolu, le qualifier de beau serait un outrage, il est bien plus que cela, infiniment plus! Des lignes de la plus grande pureté, discrètement hautaines, un menton volontaire sans rien d'excessif, des lèvres pulpeuses qui semblent dessiner en permanence un sourire où se mêlent ironie et ineffable tendresse; un nez droit et parfaitement proportionné, un front haut qui suggère une intelligence acérée, des pommettes magnifiquement dessinées...que dire de plus? Qu'il est le bijou dans lequel sont sertis deux joyaux qui rendent tout le reste presque anodin? Son regard de mercure liquide se pose sur moi, je veux dire, sur Syndalywë bien entendu, reste que l'impression est rigoureusement la même puisque je suis Syndalywë à cet instant. Si la Faera paraît avoir supporté avec naturel ce regard, il n'en va pas de même pour moi.

Je suis littéralement happé par ces deux vortex, je ne sais pas si c'est moi qui plonge dedans ou eux qui m'avalent, mais une évidence me frappe: je suis perdu, je le sais, à la seconde même où nos regards se croisent. Perdu dans un maelstrom inelfique, (ou insindeldique, si vous préférez, mais en tout cas pas inhumain, même paumé j'ai ma fierté!) où Lumière et Ombre se meuvent et se mêlent, aléatoirement à ce qu'il me semble, en un lent et puissant tourbillon magnétique sans le moindre fond. Elle voit tout de moi. Absolument tout, elle me connait mieux que je ne me connaîtrai jamais, j'en suis convaincu! J'ai beau savoir qu'elle regarde Syndalywë dans un passé lointain et non pas moi dans le présent, ce regard est tel qu'il voit forcément tout, indépendamment du temps. Bon crépuscule, paradoxe, celui qui achève de perdre la raison te salue!

(TANAËTH!)

(Je...oui...mais...non.)

Sithi détourne ses prunelles cosmiques de moi/nous et les pose sur Ethërnem, je songe idiotement que je n'aimerais pas être à sa place. Mais cet ancêtre est d'une autre trempe que moi et, bien que je puisse percevoir son trouble profond, il parvient à garder une certaine prestance, se contentant d'incliner la tête avec un immense respect. Elle avance d'un pas, et je suis subjugué par la grâce infinie de ce geste. Elle lève les deux mains, en pose une sur la joue droite du guerrier, et l'autre sur ma/notre joue, que je sens aussitôt devenir glaciale/brûlante à ce léger contact. Les lèvres enchanteresses de la Déesse murmurent avec une tendresse étrangement glaciale, s'adressant aussi bien à Ethërnem, qu'à Ithilartëa, Syndalywë et moi, Tanaëth:

"ullume au oialë"

Un raz de marée d'émotions me submerge, m'engloutit, je ferme les yeux malgré moi et sens des larmes de joie ruisseler sur mes joues. C'est un Don grandiose, une promesse éternelle, un pacte sacré, un devoir qui passe et passera toujours avant tout le reste. C'est également une responsabilité écrasante, je ne l'ignore pas, nul de nous quatre ne l'ignore, mais la sagesse de Sithi est sans commune mesure avec la nôtre: nous lui sommes tous profondément reconnaissants de cette place qu'elle nous dévoile, pour la simple raison que c'est le destin que nous rêvons tous de vivre. Elle ne nous contraint pas, elle nous offre une chance de nous élever en harmonie totale avec nos aspirations les plus épurées. Elle recule d'un pas, nous sourit imperceptiblement, puis s'estompe lentement. Nous restons tous immobiles un long moment, plongés dans nos propres pensées cette fois.

Je réalise soudain l'importance de cette dernière remarque. La scène montagneuse disparaît peu à peu à mes yeux, de la même manière que Sithi, j'ai juste le temps d'apercevoir, sur la joue droite de mon ancêtre, un discret tatouage en forme de croissant de lune. Puis je me sens glisser tranquillement vers mes propres souvenirs, ma propre existence, et je sais qu'il en va de même pour Syndalywë.

Je sais maintenant ce que signifient véritablement ces mots que les Sindeldi prononcent lorsque ils se marient: "ullume au oialë", "toujours et à jamais". Je sais où mon ancêtre et son épouse ont trouvé la force de mourir pour leur peuple. Je sais d'où vient mon tatouage, et ce qu'il signifie. Je connais ma destinée, mon rôle, ma place dans le monde. Je ne suis plus ce jeune Sindel qui fuyait ses responsabilités, ses souvenirs douloureux. Je n'ai pas reçu de grands pouvoirs, ni d'armes ou d'armures mirobolantes, c'est un cadeau infiniment plus simple et plus précieux que Sithi m'a offert: la possibilité de choisir mon destin en connaissance de cause. Je suis toujours moi-même, et pourtant je suis profondément différent, incroyablement plus fort que je ne l'ai jamais été: je sais enfin qui je suis.

Je reprends doucement conscience. La première chose que je sens est mon corps, ses blessures dont certaines sont encore fraîches et douloureuse. J'ai mal, bien entendu, mais cela me semble tout à fait supportable, salutaire même. J'ouvre les yeux, avec le sentiment de voir toute chose autrement que par le passé. Je suis allongé à même le sol moussu. L'aube point à peine, quelques bruits me parviennent, délicieusement communs, signes de vie dans les alentours. Je vois soudain un tout petit visage radieux qui se penche sur moi. Syndalywë! Je lui souris en retour, et sans nous concerter nous nous murmurons l'un à l'autre comme le plus précieux des secrets:

"ullume au oialë"


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