Pris d'une impulsion subite, je saisis mon nouvel arc des deux mains, le posant en travers de mes genoux pour le contempler. Une relique...je ne sais trop si sa présence me rassure ou m'inquiète, sans doute un peu des deux. J'ai l'impression qu'il vibre légèrement entre mes mains, comme doté d'une vie propre, mais ce n'est sans doute que mon imagination. Quoi qu'il en soit, les émotions transmises par ma Faëra ont plongé mon esprit dans un état anxieux, la gravité de ses dernières paroles me perturbe et me fait supposer que je vais découvrir un pan méconnu de mes racines, un pan important et déstabilisant, mélange paradoxal d'ombre et de lumière. Je ne connais pas grand chose à la magie, ni aux fluides, mais j'ai tout de même quelques notions, comme tout Sindel éduqué. Assez pour pressentir confusément qu'il y a un sérieux problème du côté de Syndalywë, son trouble semble incroyablement profond et m'atteint de plein fouet à la manière d'un raz de marée mental que je ne puis expliquer ni comprendre.
Mes sens me paraissent exacerbés, j'entends le moindre bruissement des feuilles chahutées par le vent, je distingue les nervures de ces mêmes feuilles malgré l'obscurité, quelques fourmis qui grimpent le long d'un tronc à une bonne dizaine de mètres de moi. Je sens mille odeurs méconnues qui assaillent mes narines, j'éprouve d'une manière incroyablement précise la texture de cet arc auquel je m'accroche comme un naufragé à sa planche de salut. L'air me semble avoir un goût, des goûts, saveurs de pollens, de poussière, de fumée, une unique miette de pain coincée entre mes dents me donne l'impression d'être en train de mordre dans une miche tout droit sortie du four.
Et soudain, tout bascule. Je bascule. Dans des ténèbres absolues. Angoissantes. Je hurle, mais aucun son ne franchit mes lèvres. Mon cri ne résonne qu'en mon esprit empli de panique face à l'incompréhensible. Suis-je en train de mourir? Déjà mort? Ou me suis-je simplement endormi? Tout cela n'est-il qu'un rêve de plus?
***
La demeure dans laquelle je me réveille est vraiment étrangement construite. C'est tout juste si mon menton arrive au niveau du bas de l'ouverture. Je me retourne, empli d'incompréhension, où suis-je? Malédiction! Tout dans la pièce, simple au demeurant puisque elle ne comporte qu'un lit, une table basse et deux petits fauteuils, est surdimensionné! La porte est assez grande pour laisser passer un homme à cheval, et la poignée est à hauteur de ma tête! J'ai comme des sueurs froides, juste là. J'examine mon corps, du moins ce que je peux en voir. Pas la moindre trace de blessure, de cicatrice! Et mes mains...elles sont un peu...potelées! Par Zewen! Je perds pied...surtout, surtout, ne pas paniquer!
(Syndalywë!!!Au secours!!!)(Ce ne sont pas TES mains. Détends-toi un peu, veux-tu?)
(Tu en as de bonnes, toi! Il se passe quoi?!)(Oh, nous avons un léger...problème.)(Au fait, s'il te plaît! Précise! C'est grave?)(Cela dépend de toi, plus ou moins. Nous avons fusionné.)(Quoi? Pourquoi? Qu'est-ce que ça signifie?!)
(C'est à cause de cet arc, et aussi parce que ces souvenirs que je m'apprête à te raconter éveillent en moi d'étranges forces, j'ai encore un peu de mal à me faire à cette dualité perturbante des fluides. Ces deux éléments conjugués on fait que nos esprits ont fusionné. Ce qui signifie entre autres que tu vois certains de mes souvenirs, et que je vois les tiens. Pas de quoi paniquer, vraiment. Profite de l'occasion? Mieux qu'un récit, tu as l'opportunité de "vivre" mes souvenirs!)Ne pas paniquer. Facile à dire. Imaginez un peu: vous vous endormez, on vous endort, ou encore vous sombrez dans l'inconscience, peu importe, le résultat est le même. Là, vous faite un rêve tout à fait délirant, qui a ceci de particulier que tout vous semble véritablement réel. ça peut arriver, jusque là rien de vraiment inquiétant. Puis vous vous réveillez, avec la désagréable impression d'être dans un corps qui n'est pas le vôtre. Vous vous demandez alors: est-ce que je rêve que je rêve? Bon. A ce moment, vous commencez à vous demander si vous n'êtes pas devenu totalement dément. Et cette question a un petit quelque chose de malsain et perturbant. Vous entrez dans un joli petit cercle bien vicieux: le doute. Parce que, au point où vous en êtes, le rêve dans le rêve dans le rêve dans le...vous commencez à comprendre? Il y a une question qui devient omniprésente, lancinante: Combien de fois encore allez-vous vous "réveiller"? Et à partir de quel moment faudra-t'il considérer UN réveil particulier comme étant la réalité vraie? Et pourquoi celui-ci plutôt qu'un autre?
Comme si cela ne suffisait pas, voilà qu'une petite créature dont vous ne savez au final pas grand chose vous dit que vos rêves n'en sont pas, mais qu'ils sont des souvenirs. Ses souvenirs, qui couvrent un laps de temps incommensurable. Remplacez maintenant le mot "rêve" par "souvenir" dans ce qui précède. Vous êtes donc susceptible de "vivre" par procuration un nombre indéfini de bribes d'existences, les unes après les autres dans un ordre qui n'est pas forcément linéaire temporellement parlant. Ce qui engendre une question pour le moins angoissante: quelle est la vôtre d'existence? La plus "connue"? Mais qu'est-ce qui vous dit que vous n'avez pas simplement plongé plus profondément dans CE souvenir là, et qu'en réalité votre VRAIE existence présente est toute autre, reléguée dans un petit recoin de ce chaos de souvenirs qui prend tellement de place dans le creuset de votre esprit que vous pouvez aisément en arriver à oublier laquelle est bel et bien la vraie vôtre? Où se trouve ce fichu repère que l'on appelle commodément "présent"?
Il faut vraiment être dingue pour se poser ce genre de questions. Ah, voilà déjà une réponse. Bon, ce n'est pas forcément celle que tout un chacun rêve (eh oui, encore) d'entendre. Et si...
(TANAËTH!)C'est qui? Pourquoi mes parents ne sont-ils pas venus avec moi? Pourquoi sont-ils restés là-bas? J'aimais bien notre maison, mais elle a été détruite. Papa m'a dit que des méchants Sindeldi avaient fait une bêtise, et que nous devions partir. Il a essayé de m'expliquer, mais moi je n'ai pas très bien compris. Il m'a parlé de lumière et d'ombre qui se battaient, mais je ne sais pas ce que cela veut dire. Maman m'a dit que j'étais encore trop jeune pour tout comprendre, mais que je devais aller préparer mes affaires. Je n'ai pas eu le temps, notre maison a été détruite juste avant que j'y rentre pour lui obéir. Je suis un peu triste, j'ai perdu mon Aniathy. J'espère que papa et maman vont bientôt revenir, ils me manquent.
(TANAËTH!)Pourquoi il ne répond pas quand on l'appelle? Je n'aime pas quand quelqu'un crie. Tiens, c'est drôle! J'étais dans ma nouvelle chambre et je n'y suis plus. Tout est...gris. Mais je...qui est je?
(TANAËTH!)Je? Je suis Tanaëth?
(OUI! Reprends-toi! Lève les yeux!)(Ah? D'accord.)Je m'exécute. Oh! Elle est si belle! La lune! Sithi! Je me souviens! Je me souviens de tout! J'en danserais de joie, si je le pouvais, mais je ne suis que spectateur immobile, et j'ai conscience de ne voir que par les yeux de Syndalywë. Elle avait un autre nom à cette époque, m'apprend-elle d'un murmure, sans vouloir me préciser lequel. Mais je dois voir, me dit-elle encore, car de ses souvenirs je ne vois que ceux ayant un rapport avec celui que je suis dans le présent. Et ce souvenir précis qui s'annonce, je le sens indistinctement, a autant d'importance pour elle que pour moi. Cela attise ma curiosité et, je ne sais pour quelle raison, je n'ai plus vraiment peur. Je sais qu'elle est à mes côtés, qu'elle veille sur moi et que je peux lui vouer une confiance absolue. Nous formons un tout un peu semblable aux Kermis des Hafiz, avec cette différence que notre lien n'a rien de physique. Je regarde donc de tous mes...ses...nos yeux.
Ellipse temporelle, bien des siècles plus tôt:
Nous nous trouvons au sommet d'une haute montagne, l'altitude est telle que nulle végétation ne pousse plus. Le sol est recouvert d'une épaisse couche de neige qui ne cède place qu'à quelques rochers sans doute découverts par le fort vent qui balaie ces hauteurs. Ce sommet forme une sorte d'esplanade naturelle d'une vingtaine de mètre de diamètre, approximativement circulaire, et domine tel un souverain ses sujets un inextricable massif montagneux dont je ne distingue pas de fin. Sur cette place naturelle, j'aperçois un Sindel que je reconnais bien qu'il semble plus jeune que la dernière fois. Deux épées d'une simplicité déroutante luisent légèrement dans son dos, entrecroisées, il se meut avec une grâce irréelle, en parfaite harmonie avec le vent pourtant tempétueux et le sol glissant. A ses côtés, tranquillement couchée dans la neige et presque invisible, je distingue une créature que je vois pour la première fois. Elle me fait penser à un croisement entre une panthère et un loup, d'une taille colossale! Puissante mais fine, pourvue d'une épaisse fourrure d'un blanc immaculé, elle semble parfaitement à son aise dans ce lieu inhospitalier. J'estime qu'elle doit faire un bon mètre cinquante au garrot une fois sur ses pattes, par Sithi je n'aimerais pas avoir à l'affronter!
(Ithilartëa, c'était son nom. C'est un Silnogure, une créature sacrée rare et merveilleuse.)(Elle est superbe! Qui est ce Sindel, au juste?)(C'était mon maître. Le premier et le dernier Danseur d'Opale. Ton ancêtre. Il se nommait Ethërnem Ithil, "la lune éternelle", je...je l'aimais énormément.)Je sens la tristesse profonde qui émane de Syndalywë, chose qui m'étonne et me touche plus que je ne saurais l'exprimer. Je tente de la consoler, de l'apaiser comme je peux, avec des pensées tendres et bienveillantes. C'est incroyable comme je me suis lié à elle, l'importance considérable qu'elle a pris dans ma vie en quelques semaines. Je lui demande avec toute la douceur dont je suis capable:
(Tu as vécu longtemps avec lui?)
(Un peu plus de trois millénaires...)
(Trois millénaires?! Par Sithi! Il n'avait pourtant pas l'air aussi âgé lors de ce combat que j'ai vu!)(Les Sindeldi vivaient plus longtemps, sur Eden. Et lui était particulier, il était béni par Sithi, mais regarde, justement...)
Ethërnem s'est agenouillé dans la neige, face à la pleine lune, somptueuse dans ce décor épuré. J'ai le sentiment d'être plus proche d'elle ici que n'importe où ailleurs, c'est ou c'était sans aucun doute un lieu sacré dédié à Sithi, je suis ému d'avoir la chance de voir un tel spectacle, combien d'êtres ont le privilège de pouvoir ainsi plonger dans leurs racines les plus lointaines? Le guerrier semble prier, longuement, apparemment indifférent au froid bien qu'il ne soit vêtu que de fins vêtements pantalon de cuir et tunique d'une matière semblable à de la soie, et je perçois peu à peu qu'un lent changement d'atmosphère se produit, subtil et presque indiscernable, mais mes perceptions sont celles de Syndalywë et peu de choses lui échappent quand il s'agit de "magie". Je manque en avaler ma langue lorsque, sans la moindre transition, Elle est là, debout, juste devant Ethërnem et son fauve. Sithi...
Je sens ma raison qui vacille devant cette apparition, ce n'est peut-être qu'un souvenir de ma Faëra, mais par Zewen je peux vous assurer que ça en fiche un coup! Je tombe mentalement à genoux, ne pouvant le faire physiquement, sans même prendre garde au fait que c'est la première fois de mon existence que je mets les deux genoux en terre, ou en neige pour les adeptes du détail qui tue, devant qui ou quoi que ce soit! Mais là...Sithi...à la voir, qui oserait encore prétendre qu'elle n'est pas divine? Je voudrais la décrire mais notre langue, si riche et complexe soit-elle, ne pourrait lui rendre justice, mon esprit peine à adjuger le moindre qualificatif, comme s'il était en train de se changer en pierre, lourd et grossier. Tentons malgré tout une ébauche ô combien imparfaite, ne serait-ce que pour conserver une bribe de repères en moi-même:
Elle est grande, plus de deux mètres, mince et élancée comme un jonc, ce qui n'empêche en rien que ses courbes féminines soient bien présentes, trop en fait, du moins en ce qui me concerne. Sa peau a cette teinte très particulière du vieil argent, et tout en elle évoque d'ailleurs une ancienneté insondable, bien qu'on ne puisse distinguer sur elle la moindre trace des ravages du temps. Elle parvient à concilier un aspect de jeune femme nubile et de mère mature, elle est les deux, indubitablement. Vêtue de voiles vaporeux couleur d'argent tout juste poli complexes qui soulignent plus qu'ils ne dissimulent sa personne, de sandales lacées jusqu'au genoux où se torsadent fils d'or et d'argent, elle semble un peu irréelle, comme si elle n'était pas entièrement matière. Sa chevelure lui descend presque jusqu'à la taille et, si elle peut sembler indisciplinée au premier abord, un examen plus attentif révèle au contraire qu'il s'agit d'une coiffure savamment ordonnée. Elle forme autour d'elle un halo tout à fait identique à celui que possède une lune très légèrement voilée par une brume de printemps. Je suis saisi d'un irrépressible désir d'y glisser les doigts pour en éprouver le soyeux, d'y enfouir mon visage pour en humer les délicates fragrances, d'y poser les lèvres avec une infinie douceur comme un amant ensorcelé. Une chance que je ne le puisse pas, je préfère ne pas imaginer quelle pourrait être sa réaction!
Quant à son visage...il est l'avatar ultime, l'idéal inaccessible que recherchent peintres et sculpteurs dans leur quête d'absolu, le qualifier de beau serait un outrage, il est bien plus que cela, infiniment plus! Des lignes de la plus grande pureté, discrètement hautaines, un menton volontaire sans rien d'excessif, des lèvres pulpeuses qui semblent dessiner en permanence un sourire où se mêlent ironie et ineffable tendresse; un nez droit et parfaitement proportionné, un front haut qui suggère une intelligence acérée, des pommettes magnifiquement dessinées...que dire de plus? Qu'il est le bijou dans lequel sont sertis deux joyaux qui rendent tout le reste presque anodin? Son regard de mercure liquide se pose sur moi, je veux dire, sur Syndalywë bien entendu, reste que l'impression est rigoureusement la même puisque je suis Syndalywë à cet instant. Si la Faera paraît avoir supporté avec naturel ce regard, il n'en va pas de même pour moi.
Je suis littéralement happé par ces deux vortex, je ne sais pas si c'est moi qui plonge dedans ou eux qui m'avalent, mais une évidence me frappe: je suis perdu, je le sais, à la seconde même où nos regards se croisent. Perdu dans un maelstrom inelfique, (ou insindeldique, si vous préférez, mais en tout cas pas inhumain, même paumé j'ai ma fierté!) où Lumière et Ombre se meuvent et se mêlent, aléatoirement à ce qu'il me semble, en un lent et puissant tourbillon magnétique sans le moindre fond. Elle voit tout de moi. Absolument tout, elle me connait mieux que je ne me connaîtrai jamais, j'en suis convaincu! J'ai beau savoir qu'elle regarde Syndalywë dans un passé lointain et non pas moi dans le présent, ce regard est tel qu'il voit forcément tout, indépendamment du temps. Bon crépuscule, paradoxe, celui qui achève de perdre la raison te salue!
(TANAËTH!)(Je...oui...mais...non.)Sithi détourne ses prunelles cosmiques de moi/nous et les pose sur Ethërnem, je songe idiotement que je n'aimerais pas être à sa place. Mais cet ancêtre est d'une autre trempe que moi et, bien que je puisse percevoir son trouble profond, il parvient à garder une certaine prestance, se contentant d'incliner la tête avec un immense respect. Elle avance d'un pas, et je suis subjugué par la grâce infinie de ce geste. Elle lève les deux mains, en pose une sur la joue droite du guerrier, et l'autre sur ma/notre joue, que je sens aussitôt devenir glaciale/brûlante à ce léger contact. Les lèvres enchanteresses de la Déesse murmurent avec une tendresse étrangement glaciale, s'adressant aussi bien à Ethërnem, qu'à Ithilartëa, Syndalywë et moi, Tanaëth:
"ullume au oialë"Un raz de marée d'émotions me submerge, m'engloutit, je ferme les yeux malgré moi et sens des larmes de joie ruisseler sur mes joues. C'est un Don grandiose, une promesse éternelle, un pacte sacré, un devoir qui passe et passera toujours avant tout le reste. C'est également une responsabilité écrasante, je ne l'ignore pas, nul de nous quatre ne l'ignore, mais la sagesse de Sithi est sans commune mesure avec la nôtre: nous lui sommes tous profondément reconnaissants de cette place qu'elle nous dévoile, pour la simple raison que c'est le destin que nous rêvons tous de vivre. Elle ne nous contraint pas, elle nous offre une chance de nous élever en harmonie totale avec nos aspirations les plus épurées. Elle recule d'un pas, nous sourit imperceptiblement, puis s'estompe lentement. Nous restons tous immobiles un long moment, plongés dans nos propres pensées cette fois.
Je réalise soudain l'importance de cette dernière remarque. La scène montagneuse disparaît peu à peu à mes yeux, de la même manière que Sithi, j'ai juste le temps d'apercevoir, sur la joue droite de mon ancêtre, un discret tatouage en forme de croissant de lune. Puis je me sens glisser tranquillement vers mes propres souvenirs, ma propre existence, et je sais qu'il en va de même pour Syndalywë.
Je sais maintenant ce que signifient véritablement ces mots que les Sindeldi prononcent lorsque ils se marient: "ullume au oialë", "toujours et à jamais". Je sais où mon ancêtre et son épouse ont trouvé la force de mourir pour leur peuple. Je sais d'où vient mon tatouage, et ce qu'il signifie. Je connais ma destinée, mon rôle, ma place dans le monde. Je ne suis plus ce jeune Sindel qui fuyait ses responsabilités, ses souvenirs douloureux. Je n'ai pas reçu de grands pouvoirs, ni d'armes ou d'armures mirobolantes, c'est un cadeau infiniment plus simple et plus précieux que Sithi m'a offert: la possibilité de choisir mon destin en connaissance de cause. Je suis toujours moi-même, et pourtant je suis profondément différent, incroyablement plus fort que je ne l'ai jamais été: je sais enfin qui je suis.
Je reprends doucement conscience. La première chose que je sens est mon corps, ses blessures dont certaines sont encore fraîches et douloureuse. J'ai mal, bien entendu, mais cela me semble tout à fait supportable, salutaire même. J'ouvre les yeux, avec le sentiment de voir toute chose autrement que par le passé. Je suis allongé à même le sol moussu. L'aube point à peine, quelques bruits me parviennent, délicieusement communs, signes de vie dans les alentours. Je vois soudain un tout petit visage radieux qui se penche sur moi. Syndalywë! Je lui souris en retour, et sans nous concerter nous nous murmurons l'un à l'autre comme le plus précieux des secrets:
"ullume au oialë"