Finalement, notre fouille nous permit de mettre la main sur huit volumes de bonnes tailles qui avaient été déplacés dernièrement. Kardan nous expliqua qu'ils dataient de plus de 20 000 ans et qu'en cela nous aurions peut être des difficultés à les lire voir à les déplacer. Lançant un coup d'oeil à Ehemdim, il me rejoignit et tous les deux nous sortîmes les volumes de l'étagère afin de les disposer sur une table toute proche afin de les étudier de plus près.
Le mythe Ermansi ou le déclin de Kendra Kâr… Cela me fit remonter quelque chose en mémoire. Durant les cours d'histoire de Yuimen que nous avions suivi, notre professeur avait fait toute une digression sur les Ermansis et leur rôle pour la capitale humaine. Ils avaient eu le contrôle de la ville pendant un laps de temps relativement long justement aux alentours de la date de création de cet ouvrage.
- « N'oublie pas que l'histoire n'a pas retenu le rôle des Ermansis pendant presque quinze millénaires. Le vénérable nous avait juste dit que les Kendrans revenaient dans la cité blanche aux alentours de – 4000. »
Ehemdim s'était approchée de mon épaule pour me dire cela presque dans un murmure. Nos pensées s'étaient dirigées vers le même personnage, synchronisation utile. Mais la question était la suivante : ce livre était-il la raison de la présence de l'aldryde en ces lieux ?
Je regardai de plus près le second ouvrage dont le titre, De la conception des plantes, laissait penser que c'était un traité de jardinerie. En quoi la conception des plantes pouvaient intéresser une aldryde ? Je savais qu'elles vivaient dans un arbre mais cela avait-il un lien avec l'agression du garde ? Rien n'était moins sure.
Le troisième livre traitait du peuple des ombres, cela ne me disait rien de bon. Un peuple qui vivait dans l'ombre ne présentait pas de bonnes intentions, du moins, c'était mon avis sur la question. Etait-ce un surnom possible pour les aldrydes ? Encore une question qui restait en suspend dans mon esprit.
Le quatrième livre attira un peu plus mon attention, Néphomancie : l'avenir est dans le ciel. Etait-ce là le nom de l'étude des manifestations dans le ciel ? Ce volume contenait peut être des informations sur les aurores boréales si mon analyse sémantique était bien la bonne.
Mémoires d'un aventurier, le cinquième livre, pouvait être utile si l'aventurier en question avait été en contact avec le peuple aldryde, ce dont je doutais. Les aldrydes n'étaient pas très friandes de la présence masculine à leur côté, mais pourquoi pas après tout. Leur caractère avaient peut être changé suite à la visite impromptue d'un aventurier.
Le sixième livre attira mon attention car il s'intitulait les sibylles du temps jadis. Les sibylles sont des prêtresses connues pour leur grand pouvoir de divination mais également pour leur capacité à discerner le futur, pas le futur précis mais bien plusieurs formes de futur. Avait-elle prédit les aurores boréales et leur impact sur le peuple aldryde ? Rien n'était à écarter.
Le septième livre était un bestiaire merveilleux. Qui disait bestiaire, disait monstre, ennemi à vaincre. Et si les aldrydes avaient été considérés comme des ennemis à vaincre par nos ancêtres ? Kardan ne nous avait-il pas dit que aldryde n'était pas le seul terme que l'on utilisait pour désigner ce peuple ? Femme-oiseau faisait plutôt référence pour moi aux harpies, alors pourquoi pas les avoir considéré dans un temps ancien comme des adversaires ?
Le dernier libre de notre pile traitait de la folie du souverain. N'avions-nous pas appris par le milicien que les aldrydes avaient un comportement peu rationnel en ce moment, que l'on aurait pu qualifier de fou ? Cependant, la notion de souverain me tracassait, les aldrydes étaient, selon mes quelques connaissances, une société matriarcale… Ce souverain avait-il un lien avec ce peuple ?
Il était grand temps que je partage mon avis sur ses différents ouvrages avec Ehemdim mais surtout avec Mathis. Sinoé intervint à ce moment précis, exprimant une certaine anxiété concernant notre présence en ces lieux.
- « A mon avis, l'agresseur n'osera pas revenir en plein jour, c'est trop dangereux.
- Ehemdim a raison Sinoé. La sécurité a du être renforcé depuis la découverte du corps du garde, donc tu ne crains rien. Et puis si jamais elle devait revenir, compte sur nous pour la repousser en faisant bien évidemment le moins de dommage possible à ces livres ancestraux. »
Disant cela, je jetai un regard entendu vers Kardan, le rassurant sur un potentiel combat.
(Et si...)
(Je saurais me tenir à carreaux, rassures-toi.)
(Que Gaia t'entende...)
Recentrant mon attention sur Mathis, je lui fis part de mes réflexions personnelles sur ces différents ouvrages.
- « A mon avis, nous devrions, nous séparer le travail en quatre piles de livres de cette manière : Le mythe Ermansi avec la conception des plantes, le peuple des ombres avec la folie du souverain, la néphomancie avec les sibylles, les mémoires d'un aventurier avec le bestiaire merveilleux. »
Cela me paraissait logique : les Ermansi étaient des magiciens, ils pouvaient probablement créer des plantes. Le peuple des ombres avec le roi fou était un choix par défaut. La néphomancie et les sibylles, cela tombait clairement sous le sens, de la divination pure et simple. Un aventurier avec un bestiaire, cela paraissait également très logique.
Jetant un œil vers Ehemdim, je le vis approuver du visage. Je me tournai vers l'humain afin de recueillir son avis.
- « Mathis, est-ce que tu vois une objection à cette idée ou bien tu veux que nous travaillons d'une autre manière ? »
J'avais prévu quatre piles, deux livres par personne donc. Ehemdim, Mathis et moi, nous étions trois. Il nous fallait un autre lecteur et qui mieux qu'un bibliothécaire pour nous assister.
- « Kardan, pourriez-vous nous aider ? Vos connaissances des anciennes écritures nous seraient fortes utiles et je suis sur que vous avez à coeur de nous aider à trouver l'assassin du garde de nuit. Votre aide serait plus qu'appréciable. »
Si jamais le bibliothécaire n'était pas convaincu, j'espérai de l'aide d'une autre personne. Me tournant vers Sinoé, je m'exprimai en ces termes.
- « Je sais que ma demande peut paraître étrange, mais je l'ose néanmoins. Seriez-vous disposé à nous aider également ? Après tout, plus vite nous aurons lu ces livres, plus vite nous quitterons ce lieu, faisant diminuer d'autant vos craintes d'une nouvelle attaque. »
Intérieurement, je croisai les doigts afin que cinq paires d'yeux se concentrent sur ces ouvrages, au minimum quatre serait parfait.
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