Thalo tentait de se remettre de ce qu'il avait vu, de réaliser qu'il se trouvait à présent dans une ville souterraine shaakt. L'escalier vers les profondeurs, la lumière du jour qui disparaît dans un claquement sourd par la fermeture de la trappe, ils aperçurent ensuite le pont de pierre et l'immense fossé qu'il permettait de traverser. Le protecteur observait la mage avancer devant lui, plus assurée désormais que lui. L'esprit peu tranquille, il chercha à discuter alors qu'ils traversaient Gwadh.
« Ces gardes ont eu une façon très experte de nous fouiller. »
« Il fallait s'y attendre, pour un peuple qui s'entre déchire depuis sa naissance, les étrangers ne sont pour lui qu'un nid à problèmes ou alors de potentiels esclaves. De plus, la capitaine m'a bien précisé que la ville était à cran avec cette lutte entre le clan matriarcal dominant et les partisans d'Oaxaca. »
« Ont-ils vu les objets... Les reliques ? »
« Ils n'ont vu que des bijoux de mauvais goût. Il faut dire que tu éveillais bien plus les soupçons que moi, brillant que tu es.» Elle soupira. « Retrouver cette obscurité si familière. »
« J'aurai du acheter l'anneau du marchand... »
« Un anneau ? »
« Qui permet de voir dans le noir, cela va faire deux fois que je butte contre une pierre... Ou nous procurer une torche. »
« Une torche ? Oui, Bien sur. J'avais oublié ce détail. En fait,nous avons pour habitude de laisser les esclaves souffrir de leur existence dans les ténèbres. Nous allons t'en trouver une au plus vite. »
Les rues de Gwadh étaient éternellement sombres, seules quelques lueurs émeraudes flottaient deçà delà dans le bastion elfe noir. Un sentiment d'insécurité prenait à la gorge le wiehl, pire qu'à Exech. Les elfes noirs qu'ils trouvèrent sur leur chemin, les dévisageaient avec mépris. Quel terrible contraste avec la belle Lebher ! Thalo peinait à comprendre les murmures, ses connaissances de la langue shaakt étaient déjà limitées. Il entendait cependant le terme d'esclave brillant de façon assez récurrente, rien de bon en somme. Il pressa le pas, de sorte qu'il manqua de peu de marcher sur les nouvelles bottes de Rosa, cette dernière lui adressait un regard de temps à autre. Elle devait définitivement ressentir sa nervosité. Qu'importe ! Le guerrier n'allait quand même pas attendre dehors assis dans le froid et les tempêtes de neige !
En face de la taverne se trouvait le centre de la cité, un carrefour de nombreuses rues dont on ne voyait pas la fin. Il y avait de quoi se perdre et mourir poignardé ou pire en allant errer là bas. Le bâtiment qui les intéressait au nom très judicieux de « taverne des profondeurs » contrastait de l'ensemble de la ville avec ses couleurs d'or. Après un dernier regard pour vérifier si son esclave n'était pas tombé dans les choux, Rosa poussa la porte et entra. La première chose qui frappa l'esprit du protecteur était l'unique présence de femme à l'intérieur, des shaakts uniquement. L'une d'elle, ne elfe noire au nom de Miellana qui tenait les lieux vint à leur rencontre. Ah ! Habitué par la mine de sa protégé, Thalo avait la gorge nouée en voyant les femmes shaakts des histoires , toutes avaient le regard amusé si ce n'était sadique posé sur eux. La tavernière devait avoir plusieurs siècles s'il en jugeait par son visage mur mais qui gardait une beauté dérangeante. Pire ! Le comble pour un wiehl, voir un homme esclave lui servir à boire alors qu'elle les saluait ! La conversation entre elle et Rosa étant essentiellement dans leur langue, l'humain sur le bord de la panique ne put tout saisir.
« Bienvenue dans mon établissement. C'est agréable de voir un visage frais et pourtant étranger. D'où venez vous, ma chère ? Venez, j'étais en train de discuter avec quelques amies. Elles aimeront ; j'en suis sure ; écouter elles aussi votre histoire. »
« Nous... J'aurai aimé du calme. » Marmonna inutilement Rosa, la tenancière déjà loin.
« Qu'a t-elle dit ? » demanda Thalo d'un ton bas.
« Nous allons prendre le thé avec tout un groupe de shaakts trop curieuses. »
« Gaïa. Gaïa. Gaïa. »
« Fais l'esclave ! Tu n'auras pas à leur parler ni même à les regarder et il vaut mieux que tu agisses ainsi. »
Rosa s'assit sur le siège que Miellana indiqua, l'air très las alors que Thalo trop heureux d'échapper à une telle scène se mit dans l'ombre d'un coin et fit la statue.
« Permettez moi de me présenter, je m'appelle Miellana et en face de vous se trouve... » une liste de noms que la mage oublia à l'instant même où elle les entendait. « Vous venez d'arriver n'est ce pas ? De la visite, mes amies, c'est si peu habituel. Mais je vous en prie racontez nous votre voyage. »
« Mon nom est Rosa Aqamaq, un nom que ne doit sûrement pas vous dire quelque chose. Je viens de l'Atha Ust. »
« Aaah ! Une sœur de la lugubre Caix Imoros ! » Coupa l'une d'entre elles. « Comment se portent les soumises d'Oaxaca ? »
« Allons, Umrae. » Miellana rappela à l'ordre son invitée. « Pas de conclusions hâtives ou de manque de politesses. Cette pauvre enfant n'est pas une racaille de cette cité, je sais reconnaître les shaakts qui traînent trop longtemps à la surface. Vous précipitez tout ! Enfin maintenant que c'est dit... J'espère dame Aqamaq que vous ne portez pas la dame noire dans votre cœur car... Comme vous avez sûrement pu le remarquer, elle n'est pas la bienvenue ici. Oh et ces partisans qui nous causent tellement de torts si vous saviez... »
« Je n'ai pas encore choisi de rejoindre une cause... Et si cela devait arriver ce ne serait probablement pas pour elle. »
Un mince sourire se dessina sur les visages, la réponse suffisait peut-être.
« Voilà qui est parlé. Votre esclave a peut-être soif ? »
La dernière phrase eut le malheur d'être compréhensible pour Thalo.
« Quel genre de vin avez-vous ? »
Ce fut avec un rire très grinçant et des paroles en langue commune que la tavernière répondit.
« Ce qu'il est drôle. Vous n'avez pas du le payer très cher à mon avis... Un fils de wiehl non ? Ce qu'ils peuvent être agaçants avec leur orgueil mal placé. Tu auras de la bouillie et rien d'autre ! »
Rosa muette de peur de trahir sa détresse constata un combat intérieur sous l'armure de son protecteur, une rage sûrement montante qu'il devait étouffer avec tout le zèle possible. Miellana retourna son attention sur la mage :
« Mais alors dites moi... Si ce n'est un refuge contre la dame noire... Que venez vous rechercher à Gwadh, dame ? »
La question ne put qu’embarrasser la jeune elfe sombre étrangère :
« Des recherches... J'ai une certaine passion pour l'Histoire et j'ai cru comprendre qu'on pouvait apprendre beaucoup ici au sujet de Sethi. »
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