Inscription: Mer 27 Oct 2010 20:28 Messages: 6658 Localisation: :DDD
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La venimeuse perdit son sang-froid et son poignard fila jusqu'à la gorge de Sirius, ne s'arrêtant que pour longer la cicatrice que lui avait déjà laissé Von Klaash. Son regard brillant d'une flamme pourpre, elle rugit entre ses dents :
- Parce que tu crois que je ne pourrais te tuer que dans ton sommeil ?
Sirius avait du mal à garder son sang-froid dans cette situation, en particulier devant cette femme-là, qui lui inspirait une peur douce, de celles qui ne sont vraiment terrifiantes qu'après y avoir goûté un bon moment. Elle aussi faisait de grands efforts... pour ne pas l'exécuter ici et maintenant comme un vulgaire porc qu'on égorge.
- On a déjà eu l'occasion de faire ça à la loyale, tu as perdu.
Elle avait regagné le contrôle de sa colère et regagné son imperturbable prestance. Elle rabaissa la lame et tourna les talons, avant d'en appeler aux services du bon vieux Rôk...
- Jette-moi ce déchet par dessus bord. Leste-lui les jambes si le coeur t'en dit. Je ne veux plus le voir sur mon navire.
Heartless eut à peine le temps de reprendre ses esprits qu'il fut violemment plaqué au sol par les bras puissants de quelques orques qui s'empressèrent de le ligoter fermement, avant que son poids ridicule ne soit monté sur la gigantesque épaule de Rôk, plus obligé que jamais envers sa maîtresse.
- Avec plaisir.
Quand Hrist s'aperçut enfin de la présence de l'hinionne, elle prit un ton plus amical, même si il était évident que ce n'était là qu'une façade qu'elle s'efforçait d'adopter pour un peu plus berner son invitée. D'un mouvement de la tête, elle désigna une chaloupe sortie près du flanc du navire.
- Votre voyage touche à sa fin. Embarquez dans cette chaloupe, vous y trouverez vos effets et ceux de Sirius... Disposez-en comme bon vous semble mais n'oubliez pas notre petit accord.
Ne sachant quoi répondre, ou n'ayant cure d'en fournir une car n'ayant manifestement pas grande envie de s'éterniser en ces lieux, Sinaëthin passa par-dessus le bastingage et commença à descendre jusqu'à son embarcation, sous le regard distant d'Heartless, proprement saucissonné.
Lorsqu'il fut soulevé par son gardien et tourmenteur Garzork, et qu'il vit la mer reposée l'accueillir à bras ouverts, il ne put s'empêcher de sourire. Mourir noyé comme ça, pour un homme comme lui, ce serait tellement bête... Mais voilà que l'eau se rapprochait à toute vitesse, et dans un gentil fracas, elle l'accueillit dans sa sombre étreinte.
Il avait étrangement sommeil, désormais... Dans ce néant, ce monde de silence et d'apesanteur. Heartless sombra lentement. De corps et d'esprit. Mais alors qu'il descendait dans les profondeurs, il eut une vision. Non, un rêve.
...
C'était un grand navire.
Il l'apercevait au loin, dans sa course effrénée.
Il n'avait jamais autant couru.
Son souffle ne suivait guère le rythme.
Il voulait y être au plus vite.
Avant tout le monde.
De peur que l'on lui prenne son trésor sous ses yeux.
Qu'on le lui vole.
Essoufflé, il s'arrêta devant la bête.
Sa coque énorme semblait pouvoir encaisser le plus tranchant des glaciers.
Son bois splendide n'avais guère changé depuis semblait-il plusieurs millénaires.
Les voiles blanches rivalisaient d'éclat avec le soleil.
Le plus rude des vents ne pouvait lui faire plus de dommage que la plus brûlante des flammes.
Ses mâts ébranlaient les nuages et perçaient le ciel bleu.
Et la cabine du capitaine...
... il ne l'avait jamais vue, mais son imagination débordante lui promettait les meilleures merveilles...
...
Ce navire, il l'avait tant désiré. Il avait gardé de l'argent de côté, beaucoup d'argent. Si bien qu'un jour, le navire fut sien. Son rêve fut atteint. Il était le plus heureux des hommes. Pour un court instant.
En effet, quand il s'accouda à la coque de son bateau, celui-ci craqua et s'émietta, ne laissant pour seule preuve de son existence que des planches de bois pourri flottant négligemment sur les eaux du port de Tulorim. Son rêve s'était effondré, son horizon, sa raison de vivre. Tout avait disparu comme un château de sable sous les vagues.
Mais il lui apparut alors une autre vision.
Alors que sa silhouette agenouillée se lamentait sur le ponton, face au soleil couchant et aux débris de ce "rêve", cette illusion si facilement brisée, un homme passablement éméché se rapprocha de lui. Il était grand et costaud, sa silhouette de gorille était vêtue d'un long manteau bleu et d'un vieux tricorne usé, ses traits grotesques entourés d'un pelage du blanc le plus sale, mais toujours du blanc. Cet homme s'assit à côté de lui, sans le regarder, et posa à ses côtés une bouteille de mauvais rhum.
- C'est pour ça que je t'ai dit d'abandonner, gamin. Tu m'as pas écouté et tu t'es obstiné, regarde où ça t'a mené.
Heartless restait silencieux, les yeux rivés sur ses jambes qui pendaient négligemment au dessus de la surface de l'eau, sur ses poignets nerveusement collés l'un à l'autre.
- T'as pris le pire chemin possible, et personne ne t'y a jamais obligé. Maintenant regarde-toi, tu ferais même vomir Phaïtos de dégoût.
Alors que sa tête s'enfonçait encore plus profondément et que ses yeux se fermaient, Heartless sentit une main puissante saisir son épaule... Il tourna vers son ami, son ennemi, peu importe, et vit que celui-ci lui adressait un sourire obtus comme le cul d'une chaloupe. Il lui fit une grande tape sur le dos qui le força à se tenir droit.
- Hé ! Tu vas quand même pas t'arrêter en si bon chemin, si ? Regarde !
Du doigt, le capitaine désigna le soleil couchant et le ciel orangé. Il vit une ombre se former sur la surface, comme une petite onde. Vu de dessous, cela ressemblait à une embarcation. Mais ce n'était pas un grand navire, c'était une barque !
Heartless "ouvrit les yeux" et posa son regard sur les liens solides qui le retenaient. Ses bras, ses poignets ainsi que ses chevilles étaient entravés. Avec une vigueur nouvelle, il se recroquevilla d'un coup sec, luttant pour se rapprocher de la corde, et mordit dedans avec la férocité d'un chien sauvage mis au pied du mur. Il gigota dans tous les sens, ses crocs fermement ancrés dans ses maudites entraves, jusqu'à ce que des petits nuages de sang s'échappent de ses gencives.
Liberté.
La corde céda et ses mains furent à nouveau libres. Sans perdre plus de temps, il courba sa colonne vertébrale pour atteindre ses jambes et défaire le nœud. Il planta ses griffes dans les interstices et commencer à saisir, lutter, tirer, retirer. Il sentait que ses vaillants poumons ne pouvaient plus tenir très longtemps. Avec acharnement, il griffa jusqu'à ce que certains de ses ongles, par endroits, se fendirent.
Liberté.
L'emprise de ses attaches se relâcha progressivement avant de se ramollir, et la corde se mit à flotter négligemment à côté de lui. Le sang circula à nouveau dans ses jambes engourdies et celles-ci se mirent à battre l'espace pour lui permettre de s'élever jusqu'à la petite forme obscure à la surface de l'eau. Le grand navire, la grosse tache imposante, était bien plus près de lui, mais il n'était plus dupe. Il prit le chemin le plus long vers la surface en espérant rattraper la barque dans sa course. Mais ses poumons n'y tenaient plus, il n'était pas assez rapide... Ses bras étaient encore attachés, mais la corde n'était pas atteignable, l'air lui manquait et le nœud était dans son dos.
Réunissant alors toutes ses forces, il poussa ses muscles à leurs limites. Tandis qu'il avançait lentement, trop lentement vers la surface, il continuait de lutter contre la dernière barrière. Lutter, lutter, il lutta jusqu'à ce que des galeries sinueuses se mirent à rougir sur ses bras, que sa peau s'effrite lentement en de minuscules copeaux blancs, puis finalement...
Liberté.
...
La chaloupe se mit à tanguer étrangement, puis une main surgit des abysses pour s'y agripper, suivie d'un corps entier dont le poids fit dangereusement s'incliner l'embarcation avant que celui-ci ne se laisse choir au sein de celle-ci. Heartless était apparu de nulle part et avait atterri entre l'elfe blanche et le rameur humain à la botte de Hrist, surpris par la soudaine émergence d'une créature marine atypique. Heartless retrouva rapidement ses repères et trouva non loin de lui le sac contenant ses biens dérobés par l'ex-baronne. Son regard croisant celui de Sinaëthin, il se mit à rire, oubliant apparemment le soldat qui s'était levé dans son dos...
- Héhéhé...
La cabine du capitaine, il n'avait jamais vu ce qu'il y avait à l'intérieur... Mais maintenant qu'il y repensait, ça ne devait pas être si important que ça.
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