« Lettres au vague.
Départ des côtes amorcés.
Ai quitté Omyre à la tête d'une petite troupe. Mon objectif est de mettre à sac les lieux de cultes de la République afin de saper le moral des habitants. Toutefois, sur mon chemin j'ai croisé la route d'une vieille connaissance, quelqu'un qui aurait pu être un ami. Mais au lieu de saluer cet " ami de longue date " j'ai appréhendé deux survivants de Mourakat à la suite des agitations qui eurent lieu à cet endroit précis. L'un des survivants est toujours évanoui, ai pris la liberté de lui offrir une cabine afin de gagner sa confiance et l'interroger.
Le second survivant quant à lui a eu un traitement plus sévère. Lorsqu'il fut conduit dans ma cabine, j'ai constaté qu'il était blessé, quelques uns de mes soldats ont violenté l'homme entravé par de lourdes chaînes. Je n'avais pas voulu ceci. Toutefois, il m'est difficile de punir les coupables, ça passerait pour un manque de fermeté voire même de la trahison. » Notes illisibles, raturées avec vigueur, le parchemin est creusé tant la pointe de la plume l'a gratté.
« Ca ne me ressemble pas, mais je crois avoir ressenti de la peine pour ces deux là. Ils me rappellent ma jeunesse. Ils me rappellent Silm» Illisible, brûlé à la bougie. Le reste des pages n'est que ratures, plan des alentours d'Oranan gravé de mémoire et les lieux de cultes qui s'y trouvent.
« Ai décidé de changer mes plans, l'avenir des autres survivants m'importe peu, le dragon les pourchasse, ne m'en mêlerais que si on me le demande. Rattacher Sirius est la survivante à ma cause.
Hrist.»
Cabine de Hrist, départ du navire H+1La porte de bois de la cabine claqua fortement. Les deux orques qui maintenaient le corps du marin eurent du mal à passer la porte, ils durent s'y prendre à deux fois pour y parvenir. Le captif avait la mine basse, les cheveux couverts de boue et le visage ensanglanté du violent coup que Hrist lui envoya plus tôt. La tueuse qui ouvrait un flacon ciré d'hydromel fut étonnée d'un pareil changement. Certes, elle avait laissé Sirius entre les mains des orques, mais la maltraitance se lisait clairement sur le visage du blessé qui cherchait presque inconsciemment à se débattre puis retomba dans un sommeil léthargique. Ses doigts bougeaient lentement, sa tête basculait d'un côté à l'autre du corps en suivant le roulement du navire.
Hrist congédia froidement les orques et ordonna qu'ils rejoignent la manœuvre du départ. Elle s'assit à même le sol, en face du marin et bu une gorgée d'hydromel. Le liquide gras et épais piquait un peu sa langue, elle déglutit difficilement, la sensation d'une gorge nouée lui monta à la tête.
« Pas joli joli. Ce serait presque moins cruel de le tuer maintenant que de le laisser vivre son cauchemar une seconde de plus. »« Qu'embrasse-t-il au juste. »« Des putes à un Yu sur le port ? Ou ce que tout homme de sa trempe cherche. Le large, l'air et la liberté. Tu affectionnes Von Klaash alors que c'est une saloperie de tueur de femmes et de vendeur d'enfant mais tu sembles haïr ce garçon, là en face de toi, en train de pleurer dans l'inconscience alors qu'il n'y a pas de différence dans le fond, entre ce qu'il veut et ce que Von Klaash veut. La mer. Un navire. Le monde. Toi tu veux la même chose mais sur la terre. »« C'est vrai. Il a pu arracher la Laide des mains de mon Capitaine. Mais ce qu'il veut vraiment, on ne se contente pas de la mer sur un navire et de chier dans l'eau toute sa vie. »« Certains hommes ne sont pas faits pour avoir trop de poids au dessus de leur tête. Certains ne rêvent que du poids du ciel, et c'est déjà bien assez lourd, ma vieille. C'est un beau rêve à hauteur d'homme, je ne crois pas qu'il rêvait vraiment de ce genre de... De croisière. »« Si je te dis... Avoir de la peine pour lui. Est-ce que tu me croirais ? »Cèles apparu alors dans un petit éclat bleuté, pile sur l'épaule d'Heartless, elle s'était parée comme sa maîtresse, revêtant les mêmes affaires qu'elle et leurs traits étaient identiques. Elle s'assit sur la chemise de l'homme et croisa ses petites jambes blanches, perdant un petit filet de fluide magique qui tomba comme une poussière de charbon sur les genoux du captif.
« T'es tu déjà demandée pourquoi les orques ne contrôlaient pas la ville ? Ils sont sauvages, violents et ne connaissent que la loi du plus fort, sans toi, ils les marais auraient une petite douzaine de têtes accrochées au bout de piques. La sienne comprise ! Non, Omyre et Oaxaca ont besoin de personnes tels que toi pour choisir des personnes telles que lui. C'est le choix que je ferais, à ta place. Offre lui une place, sous ton contrôle, il aura ce qu'il veut, la mer, et toi tu auras ce que tu veux, un commandant habile, malchanceux et assez... Bref, mais on ne gagne pas de guerre en égorgeant les bons potentiels et en se contentant de ce qu'il reste. »« Et... Trahison. Tu penses un peu à la trahison ? »« Flaque lui Katalina aux fesses. Ou Lydia. Elles sont sûres et toutes deux assez fines pour savoir s'il cherche à te faire défaut. Le Redoutable Jugement a besoin d'un capitaine, lorsque tu n'es pas là. Katalina ne pourra pas toujours s'en charger et Lydia fait profil bas depuis la débâcle de Keresztur.»Hrist soupira. Toutes deux entrèrent dans un silence pesant et Cèles s'évanouit en un petit nuage noir perlé d'or. Elle aimait les départs soignés.
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Hrist espérait qu'elle ne s'en mordrait pas les doigts. Elle était là, à nettoyer le visage de Sirius comme si c'était son enfant avec autant d'attention que possible. Nettoyer ses cheveux sales et collants par le sang et la terre, faire couler de l'eau chaude sur la coupure au front et essuyer le sang coagulé qui se mêlait aux poils de sa barbe épaisse et de ses sourcils.
Jamais après le vol de la Laide-les-Maines, elle aurait imaginé faire ça. Même avec sa tête attachée au corps.
Au départ, elle n'était pas sûre, mais il ouvrit enfin les yeux tandis qu'elle pinçait la peau de son front pour extraire le sang présent dans la bosse et s'assurer que la plaie était bien propre. Mis à part un joli bleu et un gonflement dodu, il allait bien.
Le mal qui le rongeait était plus coriace, il était dans sa tête.
« L'éveil. Ne crains plus rien, si tu me suis, rien ni personne n'osera jamais plus te toucher et te traiter de la sorte. J'ai quelque chose à te proposer. Tu vas sortir, voir la mer, respirer l'air du large, je reviendrais bientôt. » Elle venait d'utiliser une voix douce, le début de sa phrase était un peu déformé par les relents de l'hydromel qui piquait encore son palais.
Elle se dressa et rajusta ses cheveux qu'elle coiffa en arrière à l'aide de l'épingle d'argent et se dirigea vers la porte. De son pas, elle jeta un dernier regard à l'homme assis par terre et dit.
« Souviens toi, Sirius. Je peux être ton commencement, ou ta fin. »La porte claqua, replongeant la pièce dans une pénombre compacte. Elle ne s'ouvrira que pour laisser deux marins de Von Klaash venir chercher Sirius. Hrist venait d'ordonner qu'on l'emmène sur le pont. Un marin prisonnier en cabine, ça n'avait pas de sens.
Conformément aux ordres reçus plus tôt, Rôk tendit à Hrist une tenue rapiécée et de facture médiocre. Son caprice avait été de se travestir en servante pour gagner la confiance de l'Elfe blanche, lui évitant des suppliques demandant à la libérer.
Hrist les jeta par dessus bord et face au visage médusé de son Sergent, elle haussa les épaules avec un petit sourire et dit :
« J'ai changé d'avis. C'est l'heure de recruter les jeunes talents !» Hrist ouvrit la porte menant à la cabine de l'inconnue. Un marin la suivait avec un seau d'eau de mer à la main, outil nécessaire à réveiller un malade lorsqu'on a besoin d'entendre son avis.
A l'agréable surprise de Hrist, la jeune femme était éveillée, les rougeurs sur sa peau blanche au niveau des poignets indiquait que la belle avait essayé de se débattre, quoique les gardes n'avaient rien entendu de suspect.
« N'ayez crainte, ma chère. Aucun mal ne vous sera fait, si vous avez ces entraves, c'est que votre sommeil était agité mais que je ne peux sacrifier la présence d'un marin à votre chevet... »Hrist laissa un temps passer, la lumière du jour entrant dans la pièce serait peut être une gêne pour la malade. La tueuse estima que l'air du large serait bienvenu.
« Conduisez cette pauvre fille sur le pont, et prenez soin d'elle, ne brusquez pas ses mouvements. »Elle tira sa dague et coupa les liens de l'Elfe.