Les hurlements retentissaient de partout. Entre autre, des hurlements de sang-pourpres. Leyna sentait son sang bouillir. La bataille tournait mal. La vigie tomba, percée d'une flèche, et s'écrasa devant elle. Le feu du navire passait au second plan devant le feu qui brûlait dans le cœur de la prêtresse.

Soudain, elle bondit. Laissant Kassara et Kéosan, qui s'était relevé, lutter contre l'incendie, elle se précipita à travers les sang-pourpres qui tentaient de débarquer, manquant d'en faire tomber plusieurs à l'eau. Elle vit dans un brouillard rouge les sombres guerriers qui abattaient quiconque tentait de poser le pied sur le Jugement.

Il sembla que le temps ralentissait. Elle se déploya, tira la dague de Moura et l'éleva vers le ciel. Elle se mit à chanter. Des notes pures et sauvages qui s'élevèrent par delà le champs de bataille... et qui culminèrent lorsqu'elle utilisa ses dernières réserves du fluide de Moura pour invoquer de nouveaux geysers afin de semer le désarrois parmi les défenseurs.

Puis, avec un cri de rage, elle bondit et se mit à frapper furieusement de sa lame. Les coquillages sifflaient, appelaient le sang de toutes le petites bouches lippues et avides, et, peu importait le danger, elle allait leur en donner.

(((utilisation du sort geyser et attaque, en espérant que cela permettra aux sangs-pourpres de prendre pied sur le navire)))

Il y eut un instant de flottement, et elle frappa, blessant un homme. Elle ne faisait même pas attention aux sang-pourpres qui tentaient de débarquer, elle frappait. Alors même que sa dague ripait sur une armure, une énorme main s'abattit sur son épaule, et il s'en fallut de peu pour qu'elle ne transperce Saryon Barbe-rouge. Mais il la tira brutalement en arrière.

« C'est inutile. Je ne sais pas qui sont ces bâtards mais ils valent une armée à eux tout seuls. On s'en va ! »

Leyna commença à reprendre vaguement conscience. Elle reçut une baffe qui lui remit les idées en place.

« Hé ! Ça va mieux ? »

« Moura... » murmura-t-elle d'un air incertain.

« On va dire que c'est un oui... »

Les corbeaux avaient été relevés à la hâte. Déjà le navire se préparait à repartir après son assaut avorté. Cependant, les balistes avaient eu le temps de recharger. Par dépit, les artilleurs visèrent le pont adverse pour un dernier tire.
Leyna secoua la tête :

« Les vents de Moura les portent plus vite que nous. Nous ne pouvons nous échapper... »

Saryon sourit d'un air sinistre et donna un ordre bref. Les balistes s'orientèrent vers la base du mât. Sans se soucier des risques encouru, car nul ne pouvait prévoir où il tomberait, ils tirèrent.

(((tire sur le pont avec tentative de casser le mat principale)))

Nouveau choc, craquement... les oreilles de Leyna bourdonnaient de tout ce bruit. Le mat du navire ennemi bascula sur eux, mais se coinça dans les cordages. Ils parvenaient néanmoins à s'éloigner, peu à peu, mais cela pris plus de temps et un tonneau fut jeté sur le pont. Une autre arme explosive !
Deux balistes furent évacuées à la hâte tandis que le feu montait. Le navire tentait de s'éloigner et s'arrachait peu à peu à son terrible adversaire.
Kassara parut à côté de la prêtresse, épuisée.

« On n'en finit pas avec tous ces incendies ! Tu ne peux pas nous aider ? »

« Le pouvoir de Moura n'est plus totalement avec moi... mais je vais l'appeler. »

Disant cela, elle sortit les petites fioles qu'elle avait achetées et en but le contenu, Elle avait besoin de leur pouvoir ! Moura, indomptable, ne renonçait pas à la fatigue.
Aussitôt que le liquide miraculeux eut coulé en elle, Leyna invoqua l'eau et un jet diffus se répandit sur la zone en flamme pour tenter d'éteindre. Des sangs-pourpres se précipitèrent pour participer à l'extinction. Mais à ce moment-là, une pluie de projectiles s'éleva et Leyna et Kassara se jetèrent dans les bancs des rameurs. Il y eut des hurlements tandis que des marins étaient touchés un peu partout, principalement ceux qui s'activaient sur les flammes.
Ils prirent cependant vite le large, se dépêtrant du mât qui les gênait et qui tomba à l'eau dans une grande éclaboussure. Ils restèrent à couvert jusqu'à temps d'être hors de porté. Saryon, qui ne semblait pas gêné par quelques éraflures, entrepris de décrire un cercle pour passer de l'autre côté de la Laide.

(((Le Chasseur s'éloigne et contourne le champs de bataille)))

Le large cercle décrit les amena bientôt prêt du Masamune. Peu à peu, l'équipage ressortait pour retourner combattre l'incendie. Les voiles avaient souffert, mais cela ne semblait pas déranger Barbe-rouge.

« Leyna, toi qui sais chanter si haut les louanges de la déesse, prend le porte-voix et dis leur de se magner ! On fonce vers la tempête, là où ces enflures oseront peut-être pas nous suivre. S'ils veulent avoir une chance, ils feraient bien de nous filer le train ! »

La gracieuse prêtresse abandonna les derniers foyers d'incendie pour grimper le château arrière jusqu'au porte-voix. Elle saisit l'objet et cria :

« Par l'arrière, Rana fait souffler sa colère ! Suivez-nous vers sa protection, là où nous serons hors de portée des félons ! »

Le capitaine lui lança un regard légèrement blasé.

« Bah, ça ira... J'espère qu'ils sont d'humeur poète lors du combat... Bon ! Amenez la toile ! Du moins ce qu'il nous en reste ! Tenez-vous prêt à ramer à mon commandement ! La tempête finira d'éteindre les incendies... »

Sous le regard stupéfait de la jeune semi-elfe, il lâcha la barre pour enlever ses chaussures. Puis, il la repris, jouant un peu de ses orteils, comme s'il cherchait une bonne prise.

« Étrange, mon capitaine... »

Il sourit :

« Gamine, le Chasseur se manœuvre ainsi dans les coups durs ! C'est pour ça que nul autre que moi ne peut le commander ! J'ai appris à sentir la moindre tension du navire à travers mes pieds. Je saurais ainsi comment il se comporte à chaque instant, et donc comment le faire glisser sans heurts sur les vagues... Allons, une nouvelle vigie pour les récifs ! »

Leyna baissa les yeux. Elle payait chèrement sa prétention. Saryon était le seul maître à bord. Quelle sotte de se croire un instant au-dessus de lui ! Quand tout cela serait fini, tous les gens qui avaient eu à souffrir de sa bêtise pourraient chercher vengeance, et elle accepterait le châtiment...

Mais les morts, eux, ne pourraient jamais répondre. Alors qu'ils étaient les plus concernés.

Un jeune garçon grimpa comme un sine dans les cordages malgré leur état. C'était le plus jeune membre d'équipage, et il semblait même qu'il était déjà là avant Exech, bien que Leyna n'eut guère conscience de sa présence.
Inspirée par son courage, elle reprit son tambourin et s'efforça de donner du cœur à l'équipage par une musique entraînante tandis que le navire s'élançait vers la tempête.

Valgan cria bien vite :

« Le Masamune nous suit ! Mais la tempête a l'air de pire en pire ! »

En effet, le nuage noircissait et semblait, dans sa fureur, capable d'engloutir le monde. Leyna se mit à prier et des notes cristallines s'élevèrent vers le ciel. Saryon, pinça les lèvres.

« Avec les dégâts sur nos voiles on pourra peut-être tenir sans perdre les mâts... mais le Masamune, non ! Envoie leur des signaux pour dire de nous suivre. On va faire mine d'aller vers la tempête, mais dès qu'on sera assez loin pour être hors de vue, on virera pour la longer en se cachant dans les récifs. Avec un peu de chance, ce bâtard de Von Klaash pensera qu'on a disparu dans cet enfer ! »

Les vagues grossissaient déjà, mais le capitaine, guidé par ses pieds, prenait les vagues à la perfection, de sorte que le Chasseur semblait glisser tout seul, fluide comme l'onde sur un étang. Mais cela risquait de ne pas durer...

Apparemment, le Masamune les suivit sans poser de questions. Barbe-rouge, en vrai maître à bord, mena son navire à bon port, évitant habilement la tempête, et Leyna en fut heureuse, car elle craignait que la colère de Moura ne soit pas parfaitement apaisée.

Finalement, elle regarda le capitaine, l'air honteuse :

« Les rejoindre, nous devrions. Des explications nous leur devons. »

« C'est une nouvelle manie de parler à l'envers ? » plaisanta Kassara.

Puis, elle se tourna vers le capitaine pour signaler que les incendies étaient éteints. Celui-ci hocha la tête, puis ordonna de nouveaux signaux à Valgan : Il jugeait lui aussi qu'il était temps pour les deux navires de prendre contacte. Il voulait parler en personne au capitaine.

Ils purent aborder sans peine et Leyna adressa une nouvelle prière. La bataille était terminée, mais son destin lui semblait plus noir que jamais. Alors que la passerelle se fixait au Masamune, elle se résolue à aller à la rencontre de son destin.