Je ne peux donc pas vendre le matériel que j’ai pour le moment. La magie rend bien compliqué une simple vente. Quant aux runes que je possède à quoi peuvent-elles bien servir ? L’une est claire, je peux l’utiliser pour ordonner des choses à des animaux. Et encore je ne suis pas sûr de pouvoir donner l’ordre que je veux à l’animal. La magie est vraiment une lacune dans mon panel d’expérience. Il faudrait que je prenne le temps un jour ou l’autre d’étudier un peu des textes anciens sur les différentes magies qu’il existe en ce bas-monde. Quand je vois les autres runes, une bouteille et l’autre rivière, qu’est-ce que je vais pouvoir avec ça moi. Je suis un néophyte, un inculte dans tout ceci.
Je dois chercher un lieu où je pourrais étudier la magie sans être dérangé et en étant entouré par des disciples ou des maîtres de ces arts étranges voir occultes pour moi. Je ne pourrais pas lancer des sorts, mais je pourrais au moins comprendre une peu mieux ce monde.
Je remonte sur Xeolian, repose correctement mon casque sur le pommeau de la selle. J’avance tranquillement dans les ruelles de Kendra Kar. Je recherche un endroit reposant et calme pour pouvoir méditer quelques instants. Je dois comprendre ce qui m’arrive par rapport aux apparitions physique de Jack et maintenant ce nouveau qui se prénomme Michel.
Je regarde un peu partout pour trouver ce havre de paix que je recherche. La tranquillité dans la cité blanche se situe plutôt dans la nuit. L’astre solaire est encore bien haut dans le ciel, la lune ne se montrera pas avec plusieurs heures. Quand j’observe le ciel, je me dis un instant avec un rire intérieur que le seul lieu où règne-le calme, c’est les airs.
Soudain, j’entends des cloches retentir dans tout Kendra Kar. Les vibrations me traversent le corps à chaque gong. Je n’avais jamais prêté attention à ce son, pourtant il est si intense et si prenant. Je me dirige en direction de ce bruit. Au détour d’une ruelle, j’aperçois un immense édifice. Il ressemble à un temple, mais qui m’est inconnu. Je ne l’avais encore jamais vu, il est sublime. Des pierres d’une blancheur magnifique, quand je suis à côté, je pose ma main contre le minéral. Comme si je cherchais à sentir son cœur. Je vois des vitraux de couleur lumineuses qui ornent les murs et ce sur tout le tour du bâtiment. J’aperçois les portes en bois de son entrée, je descends de ma monture et les pousse.
L’intérieur est des plus austères, les murs sont tous aussi nus qu’à l’extérieur. Il n’y a pas un seul tableau d’accroché, pas une tapisserie, pas un tapis. J’ai l’impression d’être dans un temple d’un dieu oublié. L’endroit est parfait pour méditer, le calme et l’absence de personne sont exactement ce que j’ai besoin. Je me dirige au fin fond des lieux, recherchant un endroit à l’écart de tout. Soudain, j’entends quelqu’un tousser derrière moi. Je me retourne, il s’agit d’un vieil homme, un humain qui doit bien avoir dans les soixante-dix printemps. Il relève la tête pour me regarder et je vois son visage crevassé, ridé par le temps, se distordre de terreur. Il fait un vif demi-tour, ce qui en est même surprenant pour son âge. Il commence à hurler. J’ai juste le temps de l’attraper le ramener contre moi et lui plaquer la main sur la bouche. Je lui dis aussitôt :
« Calme-toi vieil homme. Je ne suis pas là pour te faire du mal. Je m’appelle Daio, je suis un des combattants de l’arène. Je recherche juste un endroit calme pour méditer pour mon prochain combat. Je vais vous lâcher, vous me promettez que vous allez crier et surtout que je vais le regretter. Car je pense que cela serait du plus mauvais effet de faire venir la milice ou encore la garde pour pas grand-chose. »
Je sens que l’homme commence à se détendre un peu. Ses muscles se relâchent, il ne gesticule plus. Je retire mon étreinte et recule d’un pas afin de lui montrer ma bonne foi. Il effectue un demi-tour vers moi, il me regarde différemment. Je peux encore voir une lueur de peur dans ses yeux, mais plus de la terreur. Je comprends sa réaction, je suis un Shaakt. Mon peuple est toujours craint partout à travers le monde. Nous sommes un peuple de guerriers, de tueur,… j’essaie de faire changer cette image qui m’a été collé. Par contre, il m’est totalement impossible de le faire tout seul. Un Shaakt face à des milliers, des millions ne peut rien faire. C’est comme une guerre avec une centaine de soldats contre plusieurs milliers.
Je sors quelques yus de ma bourse pour les remettre dans la main du vieil homme :
« Je m’excuse de la peur que je vous ai fait. Je ne cherche que le calme. Voici quelques pièces en dédommagement. J’espère que vous ne m’en voudrez pas. »
Il affiche un grand sourire et referme sa main pour la ramener contre son torse, comme tout bon avare agirait une fois de l’argent en sa possession. Il me tourne les talons et se retire en me disant qu’il reviendra dans une heure pour sonner la cloche enfin il referme la porte en bois. Je suis seul et tranquille, il y a juste un restant de vibration de la cloche dans le lieu.
Je trouve des bougies dans un recoin de la salle, des morceaux d’amadou. Je donne quelques coups justes au-dessus d’une bougie pour l’allumer. Une étincelle apparaît et la mèche s’enflamme. J’utilise ensuite celle que j’ai allumée pour en faire de même avec les autres. Je les dispose en cercle puis je me place à l’intérieur. Je m’assois et croise les jambes en dessous de mon postérieur. Mes mains se posent sur mes cuisses puis je ferme les yeux afin de plonger au plus profond de mon être.
((((Une petite brume est présente dans une pièce immense, simplement éclairé par des chandeliers sur une table en bois massif. Des chaises sont tout autour, elles sont en bois rouge, certainement de l’acajou. Sur les murs, il y a quelques tableaux. Quand je les regarde, je peux remarquer qu’il s’agit en fait de moment fort de ma vie. Mes débuts de combattant, de mon amour avec Flora,… j’en passe tellement il y en a. De temps à autre, sur des tableaux, je peux apercevoir des ombres à mes côtés. L’une d’elle est noire et l’autre est plutôt blanche. Je peux reconnaître mes traits dans chacune d’elle. Je connais maintenant le nom des deux. Il y a donc Jack et le fameux Michel qui m’est apparu récemment.
Je me retourne et peux apercevoir qu’il y a des verres et une bouteille qui est apparu sur la table. Sur l’instant, je me demande ce qu’il vient de se passer. Je ne dois pas être surpris, car je suis à l’intérieur de mon esprit, il suffit que j’ai un désir pour que cela apparaisse. J’ai une petite soif donc ce qu’il faut pour étancher cette envie, tout est apparu. Je me sers un verre de vin. Je regarde le liquide avec une flamme derrière. Un aspect grenat, fluide se révèle à mes yeux, je trempe mes lèvres à l’intérieur afin de le gouter. Des arômes venant des bois, sauvage s’emparent de mes papilles gustatives.
Je réfléchis un instant et me dis que si tout ce que je désire apparaît ici, je peux peut-être faire apparaître Flora devant moi. Je me concentre si ma dulcinée, espérant la voir. La brume commence à s’amasser devant moi, elle forme un monticule de taille elfe. Elle devient de plus en plus dense. Ma femme va apparaître, ce n’est pas possible. Des larmes commencent à remplir mes yeux, mes membres se mettent à trembler, mon cœur bat la chamade, mon souffle devient court et mon esprit s’emballe à l’idée de la revoir.
La joie et la tristesse laissent rapidement la place à la rage et à la haine quand j’aperçois le visage et l’aura de Jack. Je plie les genoux et bondis comme un guépard sur mon double, les mains en avant pour l’assommer, l’étrangler ou encore le déchirer. Quand j’arrive sur lui, il disparaît comme la brume est apparue. Je m’étale sur le sol comme un plat se faisait reverser par une serveuse maladroite. Je me relève, le regard flamboyant, je tourne la tête et observe la personne assise maintenant à la table. Jack est en train de boire un verre de vin, les jambes croisées, la boisson qui tourne lentement dans le contenant et un air hautain sur le visage.
Je me dirige vers lui d’un pas décidé quand je sens une main se poser sur mon thorax. Je jette un rapide coup d’œil sur le côté et là je vois un visage souriant et apaisant. Il s’agit certainement de Michel. Il me fait un signe de la tête non. Puis il prend la parole avec une voix calme et suave pour dire :
« Jack, tu es pitoyable. Franchement, tu n’as que cela à faire, de faire souffrir Daio. Nous sommes avec lui pour l’aider et non l’enfoncer. »
Jack lance son verre dans notre direction, nous nous écartons pour voir le récipient s’écraser contre le mur et s’envole en plusieurs morceaux. Je crois que mon nouveau compagnon a réussi à l’énerver. Jack se lève et tend sa main. La brume forme un long tube et elle se termine en arc de cercle autour de son membre. Il referme brutalement ses doigts et la vapeur disparaît d’un coup pour laisser apparaître une arme terrifiante. Une faux aussi haute que lui, faite dans un bois noir et un acier aussi sombre que ma peau. Il se jette sur Michel l’arme levé aussi haute que possible pour tuer.
Mon voisin écarte les bras et un panache de fumée se forme autour de ses bras. Puis comme pour l’opposant, la brume se dissipe laissant place à une épée, dont une garde en acier argenté et une lame faite de lumière uniquement. On pourrait croire qu’il s’agit d’un soleil sous la forme d’arme. Un immense bouclier orné d’argent et d’or se matérialise dans sa main droite. Il se prépare lui aussi à frapper son adversaire à mort.
J’ai juste le temps de dégainer mes lames et de bloquer chacune des armes. Je ne dis rien, un silence plane dans l’atmosphère. Juste le bruit de l’acier sur l’acier, pas une parole, tous les discours se font par le regard. Les mots sont dépassés par la vision, il n’y a aucun mensonge dans les yeux. Personne ne peut faire mentir ses yeux, ils expriment toujours la vérité des choses. Puis je décide de prendre la parole afin de casser le gel qui vient de se placer.
« Tout le monde assit. J’ai à vous parler. Le premier qui bronche, je le tue. »
Michel ne dit rien, il retire son arme et la rengaine. Quant à Jack, lui appui un grand coup sur ma lame afin que je libère son arme. Les deux vont vers la table, l’un calme et l’autre en ronchonnant. Je tire la chaise et m’assois à mon tour. Je sers un verre de vin à chacun et leur fais glisser. Michel me remercie alors que Jack comme à son habitude émet un simple grognement. Puis je demande :
« Qui êtes-vous exactement ? D’abord Jack et maintenant toi, franchement je n’arrive plus à comprendre.
-La chose est pourtant simple. Nous sommes les deux faces de ta personnalité. Jack est l’assassin, le meurtrier, le monstre ou encore le démon. Quant à moi je suis simplement la gentillesse, la tendresse ou encore l’amour que tu peux éprouver.
-Autant dire que je suis ton côté naturel et lui ta niaiserie. Avec lui tu es devenu faible alors qu’avec moi tu es fort et puissant. J’ai été le seul à te supporter, à t’aider, il a préféré te délaisser voir mourir.
-Quoi ? Tu m’as assommé puis bâillonné afin que je n’intervienne pas. Tu as voulu manipuler son esprit pour le façonner à ton image. Heureusement pour moi, ma pureté a quand même atteint son cœur. »
Une dispute éclate entre les deux. Je les regarde se crier dessus quelques instants puis je frappe du poing sur la table pour ramener la paix et recentrer l’attention sur moi. Ils ne disent plus rien, j’apprécie un peu le pouvoir que j’ai sur eux. Je suis eux et ils sont moi, tout du moins une partie de moi. Je reprends la conversation :
« Si je comprends bien vous représenter mon libre-arbitre. Tout comme l’un représente ma jeunesse et l’autre représente mes débuts d’adulte. De plus, Jack a emprisonné Michel afin de me faire plonger dans la démence et la violence. Ce que je ne comprends pas c’est pourquoi vous n’êtes pas venu m’aider quand j’ai perdu Flora. Pourquoi ? Vous avez décidé d’apparaître maintenant alors qu’à cette époque j’aurais vraiment eu besoin de vous. Vous m’avez délaissé dans la souffrance pour chacun de vous y aurait trouvé son compte. L’un aurait sauvé l’amour de ma vie et l’autre aurait pu tuer. L’un comme l’autre vous méritez que je vous transperce de part en part comme une brochette. »
Mon sang commence à bouillir, la rage s’empare de moi, je me lève brutalement et la chaise reculant d’au moins un ou deux pas. Je dégaine une de mes lames et la saisie à deux mains. Je fends en deux la table sur le coup de la colère. Jack semble se délecter de ma haine. Je me ressaisi puis lance mon épée dans sa direction. Il chute de sa chaise juste à temps. La lame pénétrant le bois et tremblant un instant. Jack se relève la fureur dans les yeux. Il commence à hurler et je lui dis de se taire de façon injurieuse et dans notre langue maternelle.
Michel commence à prendre la parole pour adoucir l’atmosphère :
”Daio, calme-toi. Je vais tout t’expliquer. Réinstalle-toi et discutons tranquillement. Nous avons notre raison de ne pas intervenir.”
Je reprends ma chaise, la redresse et me dirige vers Jack pour récupérer mon arme. Je l’arrache du dossier, le bois se répare rapidement. Nos regards se croisent, nous pourrions nous jeter à la gorge, mais nous n’en ferons rien. Je la rengaine et m’assois.
« Voilà, je vais t’expliquer pourquoi nous n’avons pas intervenu. Si tu veux à cette époque nous n’étions qu’à un stade embryonnaire en toi. Nous avons évolué avec toi. Etant donné que tu n’as jamais eu besoin de nous, nous n’avons pas vu la nécessité de nous développer. Nous aurions peut-être pu tenter d’apparaître, mais au final nous aurions été inutiles car nous n’avions pas l’apparence que nous avons aujourd’hui. Notre pouvoir combatif n’existait pas, tu n’étais pas un combat. De plus, tu n’aurais peut-être pas connu les amours que tu as connus après sa mort. Tu as rencontré des gens formidables, tu t’es fait des amis. Tu as un objectif dans la vie. Tu veux venger ta femme, mais tu veux aussi libérer ton peuple. Enfin nous aimions aussi Flora plus que tout.
- Moué, si tu le dis.
- Arrête de dire des inepties. Toi aussi tu l’aimais. Tu ne veux pas paraître pour un sentimental un point c’est tout. »
Les larmes montent dans mes yeux, un mélange de haine et de tristesse ainsi qu’un sentiment d’impuissance encore plus grand. Mes deux comparses sont en faites des facettes de ma personnalité. Je n’ai pas besoin d’en savoir plus, tout ceci me suffit. Je ne dis pas au revoir, car ils sont toujours au fond de moi, ils voient ce que j’observe, ils entendent ce que j’entends,…))))
J’ouvre les yeux, les bougies se sont entièrement consumées. Je me relève, je sèche mes larmes et repense aux dernières paroles de Michel, il a raison, j’ai deux buts dans la vie. Le premier est de venger la mémoire de Flora, ses assassins ont cherchés la guerre, ils ont voulus entrer sur un sentier, celui de la guerre. Je ne suis pas uniquement que Daio, ils pensent incarner le mal, mais je suis le bien dans la peau du mal. Ils pensent créer l’enfer sur cette terre, je suis l’enfer lui-même. Ils se prennent pour des démons, je suis Phaïtos lui-même. Ils croient être une armée, je suis une légion. J’ai déjà tué plusieurs de ses assassins, mais il en reste un ou deux. J’ai arrêté ma traque, mais elle reprendra encore plus acharné qu’il y a plusieurs années. Je vais ouvrir les portes des ténèbres. Je vais y pénétrer comme une flammèche vacillante puis je révèlerais ma puissance, mon désir afin d’inonder les lieux de la lumière de la vengeance. La rédemption n’est pas pour eux, jamais je leur pardonnerais, je les ferais souffrir jusqu’à ce qu’ils me supplient. La mort devra leur paraître être une libération. Ils devront sourire juste avant de mourir. Pour eux, je serais la désolation, la peste ou encore la bête.
Puis je libérerais mon peuple des griffes des prêtresses qui ont été manipulé par cette catin d’Oaxaca. Je reviendrais parmi les miens non pas comme un paria, mais comme un libérateur. Mes lames pourfendront les chairs, les sorts, le bois, les tissus et la pierre afin de pénétrer jusqu’à la liberté. Rien au monde ne me fera changer d’avis, mon chemin sera jonché de corps, de sang, mais aussi de joie, de bonheur et d’amour.
Je ramasse les restants de cire et les pose là où j’ai pu les trouver. J’enfile mon casque et me dirige vers la sortie, ouvrant les portes en bois d’un grand coup et laissant la pièce se retrouver inonder de lumière. Une seule ombre dans la pièce, la mienne avec deux autres moins nettes juste à côté, Jack et Michel.
(Maintenant, j’ai quatre destinations possibles, un magasin de magie, l’arène, la milice ou un temple de Gaïa. Je crois que je vais choisir le magasin de magie pour commencer. Ainsi je pourrais me débarrasser de tout ce qui ne me sert plus.)
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Trois êtres distincts pour une seule âme et une destinée
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