Mais Karin ne répondit pas. C'est seulement alors que le jeune homme remarqua une tension latente dans le groupe. L'homme voilé semblait guetter les flots, et les autres n'en menaient pas large. Un gros costaud, pourtant assez impressionnant, et clairement pas le genre de type avec qui il chercherait des démêlés, semblait animé d'un léger tremblement.

Quand il parvenait à tourner son esprit vers autre chose que de l’apitoiement sur lui-même, Azra savait être un fin observateur, condition sine qua non pour survivre quand le reste du monde vous est globalement hostile.
Du même coup, il réalisa qu'Ombos n'avait pas mordillé la rame pour assouvir son appétit insatiable : il semblait bel et bien lui aussi très nerveux.

(Mais qu'est-ce qu'ils ont tous ?)

(Tu es dans un pays étranger avec les autochtones, grogna Chandakar, règle numéro un de la survie dans ces conditions : S'ils semblent subitement inquiets de quelque chose, tient toi prêt à en jeter un ou deux sur le chemin de la créature qui va te foncer dessus au galop, et cours dans l'autre sens !)

(Tu crois m'apprendre quelque chose ? J'aurais pu l'écrire moi-même, cette règle ! Le problème, c'est qu'il n'y a nulle-part où courir, sur une barque comme ça ! Je savais bien que je n'aurais jamais dû poser le pied sur un bateau...)

Tout en pensant cela, il plissa les yeux et se mit à scruter les flots lui aussi. Comme disait Chandakar, ils avaient sûrement de bonnes raisons de s'inquiéter. Mais il ne voyait rien, hormis un petit affluent qu'ils dépassèrent. La brume se faisait moins dense et il s'efforçait de la percer. Y avait-il des pirates par ici ? Ce fleuve avait l'air assez grand pour en abriter quelques-uns... Il demanda, à voix plus basse, mais audible :

« Dit-donc, les gars, je ne suis pas du genre polisson, d'une manière générale, j'adore l'ambiance des cimetières, mais je n'ai pas l'habitude de la ressentir quand je suis autant accompagné. Est-ce que quelqu'un peut m'expliquer ce qui se passe ? Il y a du danger par ici ? »

« hmm… »

Rosie garda le silence suite aux précisions peu satisfaisantes de Yébik et se concentra sur les arbres sombres qui les entouraient désormais les jugeant de leur hauteur. Elle crut sentir chez son interlocuteur une tentative de la rassurer et l’en remercia d’un sourire en coin malgré que cela n’eut pas l’effet espéré. Suite à un tel résumé, la jeune femme ne croyait pas en un voyage sans trop de danger.

Chassant un instant ce qui les attendait de son esprit, elle ferma les yeux pour profiter de l’air qui glissait sur son visage dans une ultime tentative de vivre un dernier moment de paix avant de devoir vivre constamment sous le poids d’une menace omniprésente. L’odeur de poissons et d’algues avait disparu étant plutôt remplacée par la fraicheur du fleuve qui s’agitait calmement. Bien que la situation semblait être à son meilleur, la semi-elfe ne réussit toutefois pas à atteindre la sérénité qu’elle espérait en fermant les yeux et respirant profondément. Le calme qu’elle recherchait était perturbé par une tension persistante dans l’air qui l’entourait. Elle n’eut donc pas d’autre choix que d’ouvrir les yeux pour constater un équipage aux mines embêtantes.

La nervosité semblait se dégager plus particulièrement des hommes pâles et Rosie ne put réagir autrement qu’en se montrant nerveuse à son tour. Le premier reflexe qu’elle eut fut donc de regarder Mérové qui se tenait toujours à l’avant, mais ne reniflant toutefois plus l’air, ayant plutôt la tête tournée vers elle pour partager cet angoisse. Elle se noya un instant dans les éclats dorés des pupilles de son compagnon alors que ce dernier plongeait dans l’eau d’émeraude de celles de Rosie. Ils restèrent immobile à se contempler, croyant un instant qu’ils auraient put se parler et se comprendre. Dans ce moment de compréhension incompréhensible, la jeune femme partagea sans l’exprimer le doute qui pesait en elle quant aux raisons de sa présence dans cette aventure trop grande pour un poigné d’hommes mortels. La bête répondit sans répondre son désir de l’héroïque, de son obstination à la survie et de sa seule conviction battante de la protéger jusqu’à ce cœur ne soit plus battant.

La jeune femme respira de nouveau étonnamment peu troublée par son échange avec Mérové. Elle observait désormais ses compagnons de voyage dont elle espérait ne pas avoir à regretter le choix.

« Tout va bien? »

La question était surement des plus futiles car la tension qui régnait y avait déjà répondu.

« Le voyage va être long dans cet état, aussi bien se dire les choses maintenant avant qu’on ne soit plus dans une situation propice à cela. »

Elle craignait la réaction à de tel mots, doutant soudainement des hommes qui l’accompagnaient juste à voir leur état actuel. En ce moment, les seules choses qu’elle espérait voir se vider c’était les cœurs, non pas les entrailles.

La jolie demoiselle ne pouvant me fournir davantage d’informations sur les créatures qui habitaient ce mystérieux lac Andels, je dus me résoudre à converser avec le chirurgien-barbier, un interlocuteur peu séduisant, possédant une voix traînante et dont les propos et le sourire malsain ne me rassurèrent guère. Si nous pouvions affirmer que les bestioles sous l’eau s’avéraient dangereuses, rien ne nous indiquait le contraire à propos de ce dénommé Trifalgin. De son côté, il me confia n’avoir jamais navigué sur les eaux de ce lac brumeux. Cependant, étant chirurgien-barbier, il avait soigné de nombreuses victimes. Et vu l’ampleur des blessures, il concluait à la présence de bestioles dotées de puissantes mâchoires.

Je détournai quelques instants mon regard de cet homme pour le poser sur la surface de ce lac d’apparence plutôt calme. La brume envahissant l’air ajoutait à cette ambiance lugubre, et permettait à peine de distinguer les occupants des autres embarcations. Réfléchissant à l’une des informations qu’il avait données, je reportai mon attention sur Trigolfin pour le questionner.

« Il est facile d’être brave lorsqu’on a qu'une vague idée de ce qui nous attend. Je vous trouve bien courageux de ne pas avoir la trouille alors que vous avez vu les blessures que pouvaient infliger les montres se cachant dans les profondeurs de ce lac… Vous avez parlé de poisons un peu plutôt. Avez-vous trouvé un antidote afin de soigner vos blessés ? »

Le bruit de l'eau clapotant sur la coque de l'embarcation et le chant des oiseaux et du vent dans les arbres, troublait le silence qui entourait la prêtresse shaakt. La brume s'était levée et la végétation sur les rives était déjà bien plus dense. Son arbalète à la main, surveillant le moindre mouvement depuis les rives, Marla se tenait prête en cas d'embuscade. Sa seule occupation pendant ce temps était de spéculer sur son avenir. Faerlynle pouvait intervenir à tout moment, mais elle n'en fit rien, laissant son esprit vagabonder suivant des scénarios parfois improbables.

Elle arriva quelque temps plus tard à un confluent, celui qu'elle avait remarqué sur la carte. Elle se leva pour manœuvrer, mais quelque chose la retint, après toutes ses spéculations, elle doutait réellement de trouver des réponses à une citée qui était sans doute perdue ou détruite. Elle se détourna de ce chemin là et continua la descente du fleuve. Elle en profita également pour manger un morceau quand le soleil parvint au zénith, le seul problème fut la gêne engendrée par les rayons faisant miroiter la surface de l'eau. Puis elle en arriva à poser une question ouverte à sa faera.


(Comment faisait Faerlynle pour éviter de te demander ce qui était le plus avantageux pour elle ? Parce que je sais que tu m'écoutes depuis un long moment maintenant et je ne sais pas si ce que je fais...Est l'idéal...Et je souhaite libérer mon esprit de ce questionnement perpétuel.)

(Ton ancêtre était loin d'être sage à ses débuts Yathrin, elle te ressemblait en de nombreux points, mais il est vrai qu'elle ne réfléchissait pas autant. On va dire que la situation était différente, elle réagissait à l'instinct et avait des subordonnés, de ton côté, tu es seule.)

(Donc tu crois que je devrai éviter de réfléchir à ce qui nous guette ? Ainsi, je devrai surement laisser mes envies dicter mon chemin et non mon esprit.)

(En quelque sorte, il est dur de faire la part des choses, surtout quand sa vie est menacée.)

Ni Marla, ni Farlynle n'ajoutèrent quelconque commentaire, méditant sur ses paroles, la traversé continuait, le bateau était maintenant à la merci des courants plus forts, à chaque confluent, celui-ci gagnait en vigueur. Mais après quelques heures et quelques méandres plus loin, la petite embarcation arriva à un autre confluent. Comme pour signaler à la shaakt qu'elle avait encore le choix de descendre si elle le souhaitait. Mais Marla tint bon, elle continua de manœuvrer dans le courant pour descendre jusqu'au bout. Plus bas, elle se souvint qu'il y avait des marais, puis après cela...Esseroth...

Gayit répondit :

« Ces hommes ont raison de faire silence. De monstrueuses créatures somnolent dans les flots du Lac. Mieux vaut les laisser reposer, croyez-moi. »

(Oh ! Super !) grinça intérieurement Azra.

Mais le meilleur restait à venir. Avant même qu'il ne puisse répondre, Karin se glissait prêt de lui en murmurant qu'il craignait plus ses propres hommes. Comme pour appuyer cela, il lança un regard alentour... qui attira aussitôt l'ire de l'homme le plus nerveux. Ce dernier s'en prit aussitôt à celui qui était censé être le chef... hélas, Azra réalisait un peu tard que l'emprise de Karin sur ses hommes était bien plus ténue qu'il semblait.
Le jeune homme se leva pour intervenir, aidé de plusieurs hommes pâles, mais l'énervé à face de brute accusa ouvertement les yuiméniens d'avoir volé du Thiir...
La mémoire revint au nécromancien sur cette drogue que les bandits des environs d'Andel'ys consommaient. Il avait eu la naïveté de penser que ce n'était pas leur cas... il s'était trompé.

Le jeune homme sentait une rage froide monter en lui. Parfaitement maîtrisée, elle n'en était pas moins un appel au combat et à la mort. Il se contint néanmoins, conscient que, si Gayit disait vrai, une bagarre risquait de réveiller les monstres du lac. Ils semblaient s'engager sur le fleuve maintenant, mais les créatures ne devaient pas se soucier des frontières sur la carte...

Il se tenait bien droit, le bâton, dont les trois crânes dominaient l'assistance, à la main. Ombos, dont la nervosité trouvait ses raisons, était toujours allongé derrière lui, mais il avait redressé la tête et émettait un grondement sourd...

(Ces gens n'étaient que des mécréants... siffla Chandakar. Si nous devons nous en séparer, cela ne me fera aucune peine...)

Azra prit alors la parole, et sa voix avait le calme glacial de celui qui est déjà prêt à toutes les éventualités :

« Vous montrez bien peu de reconnaissance, semble-t-il, envers votre chef. Karin, et moi dans une moindre mesure, vous avons sauvé la vie, qu'Egregor d'Esseroth se proposait de prendre. Quant-à votre... Thiir... je ne sais pas ce qu'il est devenu. Vous pourrez demander aux autres, sur le navire principal... »

S’efforcer de rester aussi calme et apaisant que possible... une discipline qu'Azra maîtrisait peu, mais elle était pourtant essentielle en cet instant. Aussi, il faisait de son mieux pour calmer les esprits... sans trop savoir comment s'y prendre. Qu'est-ce qui pourrait calmer des drogués ? Peut-être une drogue encore plus forte...

« Si vous voulez partir une fois débarqué, vous pourrez partir si vous voulez. Cela dit, je vous rappelle que nous allons théoriquement vers une ville de morts... Je préférerais qu'ils soient encore vivants, mais si ce n'est pas le cas, peut-être trouverons-nous un trésor qui vous permettra d'acheter de votre Thiir. »

"OUAH !"

Tel fut le cri poussé par le petit Hobbit lorsqu'il fut violemment poussé par le vieux Groldur. Comme s'il n'avait rien pesé le Sinari roula, s'arrêtant sous les bancs des rameurs sonné et à plat ventre et ne bougea plus, écoutant la voix rappeuse et teintée de rancœur du vieillard aux cheveux de nacre qui cracha à Rosie :

« Ce qui ne va pas ? C’est qu’on vous suit, vous qui avez tué nos frères. C’est que celui qui s’est désigné notre chef n’est qu’un lâche, et qu’il ne sert plus nos intérêts. Ce qui se passe, greluche, c’est qu’on reprend le contrôle de notre destinée, et pas sous vos ordres. »

À peine eut-il finit sa tirade que Sirop entendit une soudaine fanfare de brusques chuintements d'acier qui lui hérissa tous les poils de la nuque et lui glaça le sang mais ce n'était pas fini. Yebik qui tenta d'intervenir poussa un cri étranglé au milieu de sa phrase. Les yeux agrandis d'effroi, le Hobbit le vit tomber à genoux, pressant le côté de son abdomen d'où jaillissait un flot de sang.
La situation avait pétée bien plus rapidement que n'aurait jamais pu le soupçonner Sirop !

« Emparez-vous d’eux. Désarmez-les, qu’ils ne nous causent aucun tort… »

Pétrifié et tremblant tel un lapin prit au piège le petit Hobbit ne put qu'assister au resserrement du cercle des jambes des Hommes Pâles autour de Rosie, de son ours et de Ginfan.
Qu'allait-il faire ? Qu'allait-il faire ?

La semi-elfe avait mit les feux aux poudres et dû pleinement assumer son erreur lorsque Groldur éclata dans un discours de rébellion. Elle qui l’avait crut presque sympathique parce qu’il avait fait les présentations.

(Quel enfant naïve tu es Rosie.)

Suite à l’attaque Rosie n’eut d’autre choix que de dégainer à son tour et tenta de se positionner de manière a protéger Yebik, agenouillé. Elle avait réagit plus d’instinct qu’autre chose, toujours troublée de la façon dont la situation avait rapidement dégénérée. Mérové qui avait déjà sentit l’atmosphère qui s’envenimait, s’était approché de la troupe, particulièrement attentif aux mouvements de chacun, manifestement prêt à bondir au moindre signe d’agression contre lui ou sa protégée.

« Et… et alors ensuite? Vous allez faire quoi ensuite... hein? Où est l’intérêt dites-moi? »

S’écria-t-elle visiblement outrée.

Ces hommes étaient plus nombreux qu’eux et plus fous. Rosie n’avait pas besoin de compter pour s’en rendre compte. De plus, l’un des leurs était déjà blessé et Rosie doutait des capacités du Sinari qui ne s’était jusqu’alors peu manifesté en combat. Il ne restait donc déjà plus beaucoup de pions sur l’échiquier. Il y avait alors pour l’instant aucun avantage à tenter l’offensive, en plus qu'elle savait au fond d’elle-même que si un combat devait se déclencher, Mérové pourrait devenir une cible prioritaire. La bête, capable d’arracher des membres à la force de ses mâchoires, serait perçut comme une trop grande menace et aussi comme l’un de ceux qui a tué un de leurs frères. Même s’il est d’une force incroyable, Rosie doutait qu’il puisse facilement survivre longtemps à plusieurs assaillants en même temps. Serrant plus fort son arme, elle ne pouvait pas supporter la possibilité qu’on abatte son frère sous son nez. Elle ne pouvait concevoir vivre sans lui, ne serait-ce qu’un souffle ou un battement de cœur de plus, à moins que ce ne soit pour emporter les coupables avec elle dans la mort. Il fallait donc à tout prix éviter le sang.

Rosie respira profondément pour prendre une voix plus douce, gardant toutefois une cadence rapide, ne voulant certainement pas se faire couper au milieu comme Yebik. Ce serait bien embêtant.

« Si c’est nous suivre qui vous déranges, vous pouvez juste partir vous savez. Vous avez toujours pu partir, on ne vous a jamais forcé. Si ça ne vous intéresses pas de nous aider à gagner cette guerre qui menace vos terre, ce n’est certainement pas moi qui va vous retenir. S’il vous plait, on n’a pas besoin de se battre encore, trouvons une entente plutôt. Je suis sûre qu’il y a quelque chose qu’on peut faire pour vous en échange.»

Malgré, qu’elle tentait de montrer sa plus grande sincérité, la jeune femme ne baissa pas sa garde, elle ne pouvait pas se le permettre après ce qu’ils avaient fait à Yebik.

A coups de rames rythmés, les navires qui avaient frayés leur chemin abandonnèrent le lac pour pénétrer l’embouchure d’un fleuve. Des deux côtés des rives se dressaient de grandes forêts.

Mon malingre compagnon de rame m’affirma que si nous restions silencieux et calmes, les dangereux monstres marins ne viendraient pas à la surface, leur sommeil étant très lourd. Ce chirurgien barbier, qui se prénommait Trifalgin et non Trifolgin ou encore Tifolgrin ou pire Trigolfin, venait à peine d’émettre cette mise en garde que des éclats de voix retentirent des navires qui nous suivaient. Dans une telle situation, mon cousin superstitieux aurait clamé que les bêtes avaient surgi du lac parce que nous en avions énoncé la possibilité. Je ne croyais pas ces superstitions, mais j’étais tout de même inquiet. Je ne connaissais pas la cause de ce chahut et ce n’était pas ce qui me préoccupait le plus en ce moment. Peu importe le sujet de discorde, une chose était certaine, un tel boucan allait réveiller les dangereux prédateurs.
Je me levai donc de mon poste et tout en observant la surface de l’eau, je me dirigeai vers la capitaine.

« Vous qui avez de l’expérience dans la navigation sur ce fleuve, disposez-vous de harpons ? Je crains que tout ce bruit sur les autres navires ne réveille les féroces bestioles marines ? Il faudrait se tenir prêt à se défendre ! »

Mais les paroles d'Azra calmèrent pas les hommes-pâles. L'un d'eux bondit même vers lui... avant de tomber, mourant. Le jeune homme resta figé, surpris par la rapidité de l'action. Karin l'avait sauvé, encore une fois.

(Voilà ce qui arrive quand on essaye de parlementer ! grinça Chandakar. Tue tous ceux qui représentent une menace, ou tu seras toujours en danger...)

Le yuiménien en venait presque à être d'accord avec lui, pour une fois. D'une voix, glaciale, il murmura :

« Merci, Karin. Ton intervention arrive à point nommé, encore une fois... »

Il regarda le rebelle restant et serra le poing, il se tenait maintenant prêt à régir à toute autre attaque. Le prochain qui ferait un geste irait nourrir les monstres...

« Je suis le serviteur du dieu de la mort. Seule compte ma mission. Si vous vous y opposez, alors vous êtes un serviteur d'Oaxaca, et le jugement de Phaïtos tombera. Alors je vous le dis une dernière fois : Vous pouviez ne pas monter à bord. Maintenant vous attendrez la fin du voyage, et vous pourrez partir... mais ne vous dressez plus contre moi, ni contre mes amis. »

La tension était à son comble, l'adrénaline coulait à flots. D'une certaine manière, il comprenait maintenant son hôte intérieur. Le plaisir du pouvoir et de la bataille... si tout cela devait se terminer par des morts, il ne le regretterait pas. Il était prêt à accueillir tout opposant de son poing d'acier crispé.

La capitaine au regard de braise m’examina quelques secondes avant de me répondre que je n’avais rien à craindre des bêtes marines. Selon ses propos qui divergeaient de ceux du chirurgien-barbier, le sommeil de ces prédateurs s’avérait beaucoup trop profond pour être réveillé par le chahut qui sévissait sur les navires qui nous suivaient.


« Ma grand-mère disait qu’il valait mieux prévenir que guérir. Un peu superstitieuse, elle rajoutait que lorsqu’elle prévoyait le coup, il ne lui arrivait rien. Et puis, si ces bêtes nous attaquent, nous serons prêts ! Je préfère être armé que de me trouver sans défense et de risquer de me faire bouffer par ces créatures sans doute omnivores ! »


Bien que la jeune femme soit beaucoup plus agréable à regarder, je ne pouvais ignorer les propos du hideux Trifalgin. Après avoir acquiescé d’un élégant signe de tête, je me dirigeai donc vers les coffres qui m’avaient été désignés.
J’ouvris le coffre de gauche en sortis cinq harpons et mine de rien, je regardai s’il n’y avait pas autre chose que mes mains habiles pourraient chaparder et dissimuler sous ma cape. Je le fermai ensuite et ouvrit le second compartiment. J’y ramassai les harpons qui manquaient afin que nous puissions en avoir un chacun. Toujours aussi discrètement, mes yeux et mes mains en inspectèrent le contenu.
Cela fait, je remis un harpon à chaque occupant du navire, en commençant par Egregor et Seok, puis au capitaine, à la garde du corps et à Trifalgin, sans oublier la princesse et la capitaine. Je gardai pour moi le dernier, m’assurant qu’il soit en très bon état.

Cela faisant, je partageai mes inquiétudes :

« Surveillez la surface du lac. Si nous réussissons à repérer ces choses avant qu’elles nous attaquent, nous augmenterons nos chances de survie. »


Cela dit, je retournai à mon poste et me remis à ramer, le harpon non loin de moi, demeurant silencieux et scrutant la surface du lac.

Les dents serrées, Rosie se tourna vers son compagnon pour s’assurer qu’il ne fasse rien de téméraire. Mérové n’allait pas bien du tout. Bien qu’il ne montrait aucun signe d’agressivité apparent pour les yeux inexpérimentés, son regard et sa stature pouvait dire tout autre chose à ceux qui avaient l’expérience des bêtes. Rosie le voyait. Son frère d’arme n’était pas en état de soumission, tout au contraire. Toutefois, l’ours n’avait pas l’intention d’attaquer sans l’accord de Rosie. Il n’avait certes pas l’intelligence de comprendre ce qui se déroulait exactement sur le pont, mais il saisissait que si sa jeune amie le priait de ne pas bouger c’est qu’elle avait ses raisons. Cependant, malgré le désir de la semi-elfe de ne pas combattre, si par malheur il prenait l’envie à l’un des hommes pâle de lever la main sur elle, il ne se gênera pas pour faire à son idée. Le regard perçant, il attendait le moindre faux pas de leurs agresseurs.

Rosie réfléchissait aussi rapidement qu’un éclair traverse le ciel, mais ses pensés ne faisait que tourner en rond dans sa tête. Plutôt que de se chercher une sortie à cette situation, elle ne faisait que penser à la sécurité de son ours et aux menaces clairement formulé par Groldur à son égard.

« Merde... C’est vraiment n’importe quoi... »

S’exclama-telle toujours plus désemparée en jetant négligemment son sabre au sol sans vraiment s’inquiéter du fracas qu’elle causa. Elle demeura tout de même devant Yebik, entêtée à ne pas le laisser à découvert. Puis nerveusement, elle jeta un œil vers les autres bateaux qui les devançaient. Crier à l’aide n’étais pas une solution. C’était demander de se faire égorger pour avoir une faible chance de se faire entendre. Le mieux pour l’instant était sûrement de s’épargner de perdre la vie inutilement et espérer que ces hommes pâles fassent la même erreur qu’eux, leur laisser un moment de liberté.

(Que Valyus nous protège. Ces hommes n’entendent plus la raison.)

« Si vous me promettez de ne pas lui faire de mal… » Commença-t-elle en pointant Mérové. « …je vais me faire une joie de me soumettre complètement. »

Le terme était sûrement un peu fort. Elle n’allait certainement pas se faire un réel plaisir de devoir faire tout ce qu’on exigeait d’elle, mais la vie de Mérové était bien plus précieuse à ses yeux que celles de tous les être vaniteux qui vivaient sur les terres de ce monde. En ce moment, cette humanité qui ignore tout de la gratitude pouvait bien pourrir en enfer. Oaxaca pouvait bien purger ce monde de ces imbéciles.

« Qu’allez vous faire de nous? »


Mérové ne bougeait toujours pas.

Sirop serra les poings sous son banc lorsqu'il vit Rosie jeter son sabre à terre et faire comprendre qu'elle ne fera rien pour se rebeller... Il n'avait pas le droit de la laisser toute seule dans cette situation ! Il devait bouger ses petites fesses mollassonnes et tenter quelque chose ! Depuis le début de cette courte aventure il n'avait rien fait de constructif... Il n'avait tout bonnement rien fait ! Cela suffisait maintenant. La jeune femme au capuchon et son ours étaient dorénavant ses amis, pratiquement les seuls d'ailleurs parmi leurs grand groupe et ça se confirmait en ce moment-même. N'écoutant uniquement et pour le moment la colère qu'avait fait naître en lui les Hommes Pâles, leur trahison et leur cruel manque de pitié envers Rosie quasiment esseulée, il sortit doucement de sous sa cachette et s'éloigna au maximum des Hommes Pâles qui lui tournaient tous le dos puis, inspirant un grand coup, il s'adossa au bastingage du bateau en croisant les bras :

"Eh, les gars !" lança-t-il d'une voix dont il essayait de maîtriser les tremblements et en s'efforçant d'y mettre le plus d'arrogance possible. "Si j'étais vous, je rangerais tout de suite les canifs, reposerais mon cul terreux sur mon banc et continuerais de ramer."

Pendant le flottement qui eut lieu après sa tirade, il se remit droit et décroisa les bras en leur faisant face :

"Vous n'avez pas connaissance de mon identité ni de ma réputation aussi je peux encore passer l'éponge sur votre stupide tentative de mutinerie." dit-il de son ton le plus sérieux et le regard sombre.

Il espérait que personne ne remarquerait les tremblements de ses jambes qui avaient maintenant du mal à le porter ni n'entendrait les martèlements de son cœur affolé contre sa poitrine. Ignorant l'immense raz de marée de peur qui lui demandait pourquoi il avait ouvert sa gueule de Hobbit, il se concentra sur sa vénérable tentative de désamorçage de situation désespérée.

C'était l'heure du baroud d'honneur de Sirop Papum de Shory.

Manœuvrant sur le fleuve, la sombre se croyait en relative sécurité, seulement, tapis dans les fourrés un dragon observait la shaakt. D'un bond, il coula l'embarcation volée par la shaakt, envoyant celle-ci par-dessus bord ainsi que tout ce qui se trouvait dedans. Marla, la tête sous les eaux tourmentées du confluent, buvant la tasse par la même occasion, tenta de remonter à la surface pour emplir d'air ses poumons. Mais avant d'avoir pu cracher l'eau qu'elle venait d'avaler, une patte griffue l'attrapa et l'emmena dans les airs tel un poisson dans les serres d'un aigle. Seulement d'un regard, la sombre identifia son agresseur...un dragon !

Toussotant et crachant de l'eau, elle fut jetée sur l'herbe grasse non loin de l'orée de la forêt. A quatre pattes, vomissant et reprenant son souffle, elle jeta un coup d'œil au dragon qui venait de l'agresser. Pourquoi détruire son embarcation sans la blesser et la sauver après ? C'est à ce moment là que celui-ci pris la parole. Sa voix fit trembler sa personne, elle avait l'impression qu'une montagne l'entourait. Les ailes déployées, le dragon, de ses yeux d'ors, toisait la shaakt.

*Tousse* Loin de moi, *Tousse* de faire la cane en votre présence, *Tousse * mais je naviguais sur ces flots vers le sud. *Tousse* Et j'arrive d'un autre monde mais cela vous le savez déjà...vous avez visiblement déjà rencontré d'autres membres de mon peuple...Ahem...

La prêtresse essora sa robe, faisant le tri dans les informations qu'elle avait. Jamais elle n'aurait cru voir un dragon vivant. Elle avait là un allié de poids pour la guerre ou un ennemi dangereux.. Il fallait qu'elle en apprenne un peu plus de ce côté-là avant de poursuivre.

Et pourquoi avoir détruis l'embarcation dans laquelle je me trouvais ? Parce que mes provisions et mon arme se trouvaient à bord...et dans cette région qui n'est pas mienne, un moyen de défense est toujours agréable...

Même son arme lui manquait, elle venait de s'en rendre compte. L'attaque surprise et sa rentrée forcée dans les eaux lui avaient fait perdre sa besace de fortune contenant les vivres ainsi que son arme...Comment allait-elle faire maintenant ?