<<< précédemmentLa quête du titre
Hilimielle se trouvait devant l'entrée du temple. Elle lui paraissait monumentale, tout comme le bâtiment d'ailleurs. L'aldryde pénétra dans l'édifice sa pelisse à capuche toujours entre les mains. Bien que la nuit ne fût pas vraiment fraîche, la pluie qui avait fini de la détremper avait passablement refroidi notre amie. Elle grelottait dans ses habits de silm alourdis par l'eau.
Dans la coupelle à côté de l'entré brûlait un feu vers lequel elle s'avança. Il aurait semblé bien faible et petit pour le commun des fidèles. Mais de par sa taille minuscule, c’était pour la jeune exilée un grand brasier, réconfortant. Elle éprouvait tout de même un certain malaise au proche souvenir de ses mésaventures dans les caves de l'Arbre-Maison.
(L'Arbre-Maison...)Elle ne pouvait désormais plus le nommer ainsi... c'était devenu l'Arbre-Prison. La prison de Kipion...
(Kipion...)Cette pensée lui fit verser quelques larmes, mais elle se ressaisit assez vite. Elle savait que son nouveau dieu l'avait entendu et qu'il l'aiderait à retrouver son aimé. Elle étendit ses ailes devant l'âtre qui l'irradiait de sa bienfaisante chaleur.
Elle passa de longues minutes à les sécher ainsi que cette cape que lui avait offerte Fripin. Elle avait beaucoup apprécié cet habit lors de sa marche sous la pluie battante, bien qu'il comprimât néanmoins quelque peu ses plumes dans son dos.
La jeune mage ferma les yeux, se laissant simplement réchauffer par le doux crépitement des flammes. Une fois que plus une goutte ne restait dans ses vêtements ou son plumage, elle remit la pièce de velours brun sur ses épaules. Elle avait peur d'avoir froid loin du feu. Dehors, la tempête se déchaînait.
Ses membres duveteux repliés sous cette lourde étoffe lui donnaient l'allure d'une bossue.
Ainsi sèche et ragaillardie, elle s'avança dans le temple, regardant en tout sens, admirant le sol comme le plafond. Les centaines de bougies qui illuminaient l’endroit lui insufflaient un caractère féerique.
"- Que c'est beau ! pensa-t-elle tout haut.- Il y a quelqu'un ? répondit une voix qui laissait deviner l'ancestrale apparence de son possesseur."Hilimielle se figea. Tournant la tête dans la direction du son, elle remarqua un vieillard en chasuble bleu qui se levait visiblement avec difficulté. L'homme cherchait manifestement ce qui l'avait sorti de sa somnolence.
"- Je... Oui, je suis là, monsieur ! fit-elle avec un signe de main.- Mes yeux ne voient plus autant que jadis mon enfant. Approche-toi, que je puisse découvrir qui se cache derrière ce si joli gazouillement."Elle marcha doucement vers l'ecclésiastique qui attendait au centre des exèdres. Après quelques détours pour trouver un chemin entre ceux-ci elle atteignit l'ancêtre.
"- Oh, ma petite, tu es vraiment minuscule, je comprends à présent pourquoi je ne pouvais te voir.- Je ne suis pas si petite, c'est vous qui êtes immense.- Ah ah ! Rit le prêtre. Oui c'est vrai. Après tout, ce n'est qu'une question de point de vue... au sens propre d'ailleurs."Hilimielle sourit. La conversation était bien engagée. Elle la continua.
"- Pardonnez-moi cette question, mais qui êtes-vous, vieil homme ? Et pourquoi restez-vous seul ici en pleine nuit ? Mais surtout, où sommes-nous ?"Le vieillard la regarda avec un mélange d'étonnement et d'incrédulité. Il lui répondit tout de même avec gentillesse.
"- Nous sommes dans la maison de Valyus. Et toi qui y viens tu ne reconnais pas ses serviteurs ? Je suis depuis mon plus jeune âge un dévoué représentant de sa foi. J'attends ici toutes les nuits les fidèles qui se présentent. Ils sont assez rares à cette heure cependant."Hilimielle, avec des étoiles dans les yeux :
"- Les dieux ont des maisons ? Mais c'est formidable ! Est-ce qu'il est là ? Il doit m'attendre !"Le vieux prêtre encore plus abasourdi :
"- Tout doux, ma fille, tout doux. Non, il n'est pas ici. Nous sommes dans son temple. Là où on le prie et l'honore. Valyus a quitté la surface de notre monde depuis bien longtemps. Mais il est toujours là quelque part à veiller sur ses fidèles."À ces mots le visage enjoué de l'aldryde prit l'expression de la profonde déception :
"- Ah... Oui... Fripin m'avait dit que cela ne serait pas si facile.- Je ne comprends pas très bien ma fille.- J'ai... été chassé de chez moi. J'ai prié les Dieux de me venir en aide. Et Valyus m'a répondu. C'est lui qui m'a guidé en ce lieu. Je supposais trouver ici un moyen pour résoudre mes problèmes. Lorsque j'en ai parlé à mon ami, il m'a dit que le dieu de la foudre aimait mettre à l'épreuve ceux qu'il avait choisis. Il avait raison.- Ainsi tu penses avoir été choisie ?- Oui monsieur, je le crois. J'ai juré fidélité et dévotion à Valyus. En récompense, regardez, il m'a offert ces présents."Elle sortit alors les deux orbes de sa musette et les tendit aux yeux du vieil homme. Les sphères noires devenaient translucides au contact de la jeune mage et étaient parcourues de nombreux arcs électriques. Le prêtre se pencha pour mieux voir ce qu'il voyait comme deux petites billes.
Il les observa quelques secondes.
Gardant ses réflexions pour lui, il reprit :
"- Quel est ton nom, ma petite ?- Je m'appelle Hil..."Les paroles de sa mère lui revinrent :
"- Ainsi, moi, Xillanda, et le conseil te renions, renions ton nom et t'en destituons."Hilimielle referma ses bras contre sa poitrine en serrant les boules crépitant dans ses mains du plus fort qu'elle pouvait. Elle baissa la tête.
"- Je n'ai plus de nom. Il m'a été retiré.- Retiré ! Je n'ai jamais entendu que l'on faisait pareille chose chez les lutins !- Chez les lutins, je ne sais pas, mais chez nous c'est ce qui m'est arrivé..."L'aldryde n'avait pas remarqué la méprise du prêtre. Ce dernier ne savait trop qu'entreprendre devant la tristesse de la jeune femme.
Dans un éclair d'inspiration, il suggéra :
"- Eh bien, tu peux peut-être en adopter un nouveau, ma fille."Le visage de la pauvrette s'éclaira.
"- Oui ! Vous avez raison ! Mais lequel choisir ?"Son regard se posa alors sur les globes qu'elle tenait en main. Ses yeux s'agrandirent lorsque l'évidence se fraya un chemin dans son esprit.
"- Étincelle ! Je me nomme à présent Étincelle !- Enchanté alors, mademoiselle Étincelle. Je suis Valek.- Moi de même monsieur Valek, enchantée, dit-elle, avec le sourire qui lui était revenu.- Viens t'asseoir près de moi, ma petite. Tu as besoin d'aide, acceptes-tu que je te porte ? proposa-t-il en présentant sa paume ouverte."Elle refusa poliment :
"- Je n'ai nul besoin d'aide Valek. Je n'ai qu'à ôter cette pelisse qui me tient trop chaud et je viendrai près de vous."Ainsi fut fait.
Le prêtre découvrit avec stupéfaction la jeune femme aillée, habillée de sa tunique au tissu évanescent. Alors qu'elle rejoignait le banc, l'homme demanda avec de l'émerveillement dans la voix :
"- Mais de quelle espèce es-tu ?- Et bien je suis une Aldryde évidemment. N'en avez vous donc jamais vu ?- Par la foudre, non ! Tu es pleine de surprises, ma fille.- Heu... Je... hésitait-elle.- Pardonne-moi, j'étais simplement étonné.- Ce n'est rien... Il semble que les membres de mon espèce ne soient pas courants à la ville.- À la campagne non plus. J'ai beaucoup voyagé avant de venir ici et je n'ai jamais rencontré des créatures telles que toi.- Moi je n'avais jamais quitté mon foyer, mais j'avais déjà aperçu quelques humains, de loin."Il y eut un silence. Le prêtre observait la jeune femme avec fascination, essayant de bien discerner ses formes malgré sa vue que les ans avaient abîmée. L'aldryde était gênée d’être ainsi détaillée. Lorsqu'il s'en rendit compte, il rougit et reprit la conversation.
"- Heu, hum... Et que vas-tu faire à présent, mon enfant ?- Je ne sais pas vraiment. Si Valyus m'a conduite ici ça doit être pour une bonne raison. Sûrement voulait-il que je vous rencontre.- Je ne sais pas mon enfant. Peut-être..."Il marqua une pause et se gratta le menton en levant le regard sur l’immense sphère de métal qui flottait au-dessus de leur tête.
"- En fait, je pense qu'il y a ici une autre personne que tu devrais voir.- Ah oui, qui ça ?- C'est un Thorkin, je ne connais pas son nom, car lorsqu'il est arrivé au temple cet après-midi il n'a prononcé aucun mot et est descendu de suite dans la sale inférieure. Il est resté à prier devant la statue de Valyus depuis."Étincelle, la récemment nommée, avait l'air embarrassée. Elle se rendait compte à quel point elle était ignorante du monde et supposait ses questions agaçantes. Aussi, hésita-t-elle avant de demander :
"- Hum... Excusez-moi Valek, mais un Thorkin, c'est quoi ?- Eh bien... descends voir par toi-même ma fille, ce sera mieux, répondit-il en lui montrant la direction.- Très bien ! Merci. Je vous reverrai en remontant, fit-elle en s'envolant."Le prêtre la regardait s'éloigner vers les degrés de pierre qui s'enfonçaient sous le temple. Une fois qu'elle avait filé hors de sa vue, il remarqua qu'elle avait laissé sa cape à terre. Il la ramassa et entreprit un examen sommaire de ce bout de tissu pas plus grand qu'un mouchoir. Après quoi il reprit sa torpeur méditative.
Étincelle descendait l'escalier en demeurant près du mur. À mesure que les marches défilaient sous son vol gracieux, elle découvrait les éclairs qui s'agitaient au plafond de cette nouvelle salle. Ils apparaissaient et disparaissaient silencieusement dans des gerbes de lumière bleutée. Elle les trouvait splendides.
(Oh Valyus, ton temple est magnifique, louée soit ta foudre)Au centre se dressait la statue du dieu, dans la même position que celle qui surplombait le temple. Le piédestal avait la particularité de ne posséder que trois faces. Devant chacune était disposé un banc de pierre. Ils étaient plus bas que ceux du rez-de-chaussée, adaptés à la taille de ceux qui se recueillaient ici. Devant à la sculpture, à genoux, les mains jointes, les coudes posés sur l'assise, le Thorkin priait.
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