--> La milice d'EniodJadelle avançait à grands pas, à reculons, surveillant essentiellement les toits des maisons. Elle tenait spécialement à avoir ces redoutables cachettes comme cibles privilégiés. Parfois, à intervalles réguliers, elle jetait un regard circulaire sur la rue qui s’étendait devant elle. De temps en temps, toujours au bout du même nombre de secondes, elle se concentrait sur les voix des trois marchands qui souvent comparaient la qualité de leurs articles ou ricanaient à la suite d’une plaisanterie. Jadelle les maudit intérieurement et risqua un œil vers le mage : à n’en pas douter, il pensait la même chose qu’elle.
Jadelle se demanda combien de voleurs seraient contents de transpercer la gorge des bavards avec une flèche ou une dague. Ce qu’elle n’arrivait pas à déterminer était si leur mort serait due à leur richesse incommensurable ou à leurs gosiers eux aussi très productifs.
(Sang froid, rigueur et concentration.) A n’en pas douter, ces impératifs d’archer n’étaient pas ceux des marchands qui usaient de leur langue aussi bien qu’elle de ses yeux viseurs ou de ses bras musclés. Un manque de concentration démontrait une faute de rigueur mais aussi peu de sang-froid puisqu’on se laisse aller à toutes sortes de stress inutiles.
(Concentration est le plus important ! Pourquoi toujours plus de mots pour un seul vraiment essentiel ?) Jadelle y songerait une autre fois.
(Concentration) Elle reporta son œil perçant sur les toits mais tenait la rue en joue. Les ruelles étaient vides, trop vides au goût de l’archère. Bien sûr la population s’était massée aux abords des murailles, près des hommes au combat contre les Shakkts. Leurs offensives avaient été de plus en plus violentes ces derniers jours et Jadelle avait été tenue loin de ce climat guerrier du fait de sa convalescence. Par contre, elle ne parvenait pas à s’expliquer pourquoi le mage était encore en ville : un tel élément peut être déterminant sur un champ de bataille pour encourager les troupes, leur prêter main forte, les soigner.
(concentration)Enfin, au détour des rues étroites et sinueuses, couvertes de pavés inconfortables au pied, le temple de Moura, sous sa chemise de végétation sauvage et discrète, se montra. La naine, très peu favorable aux navigations et à tout ce qui touche à l’eau en dehors du bain et de la boisson, sentit ses épaules s’affaisser un peu. Pénétrer dans un lieu sacré consacré à un dieu qui lui est peu cher la rendait mal à l’aise. Elle craignait les questions des prêtres, leur regard dédaigneux sur son identité naine qui ne la classait pas dans les plus grands disciples de Moura. Toutefois, lorsqu’elle suivit les marchands pour entrer dans le bâtiment, on lui fit signe de s’arrêter ainsi qu’au mage. On leur expliqua avec une politesse peu généreuse que les marchands avaient à traiter avec un prêtre et que leur présence à la fois milicienne, mage de feu et naine dans un temple de l’eau était peu souhaitable.
Ainsi, Jadelle et le mage s’assirent à côté de trois autres miliciens refoulés sur les marches du perron du temple. Choqués, des chefs religieux qui sortaient du temple à ce moment là exigèrent que leur tenue soit plus respectueuse de Moura et ainsi, ils durent en plein soleil se tenir en faction devant le temple, raides comme des manches de haches humaines. Là aussi, pour oublier la chaleur sous un casque brulant chauffé par le soleil ou les plaintes silencieuses des pieds condamnés à porter le poids d’une naine équipée, la concentration était encore le meilleur des remèdes.
(concentration)Finalement, les trois marchands ressortirent en compagnie d’un prêtre, tout de bleu vêtu qui s’agita en apercevant le mage et la naine. Il les convoqua aussitôt.
« Vous êtes aux yeux de la déesse Moura des êtres peu aimés et peu aimants. Il est bien connu en effet que les mages de feu ne croient que peu en notre déesse admirable et les nains négligent son autorités sur les cours d’eau qu’ils détournent à leur gré dans leurs montagnes sans loi… » (Aïe, le discours commence mal). Jadelle se calma intérieurement.
(Concentration) Le prêtre termina après de longues illustrations de ces dires sur les mages et les nains en ces termes :
« Toutefois, Moura, dans sa grande bonté et sa générosité totale accepte que vous serviez d’escorte à un représentant de son culte si vous consentez à passer la nuit au temple et à reconnaître sa grandeur et son culte légitime dans la prière et l’honnêteté. » Le mage de feu eut un rictus comme simple réponse mais acquiesça d’un signe de tête.
(Mieux vaut ne contrarier personne et faciliter la mission) Jadelle l’imita. Ils se virent conduits à l’intérieur du temple.