À ta plus grande surprise, la sensation de transport de ce fluide est particulièrement différente à celles que tu as pu ressentir dernièrement. L’éternité immatérielle des autres voyages te semble plus courte, tout est moins sombre, comme si au lieu de t’évanouir dans le néant, du te déplaçais simplement à vitesse vertigineuse, bien que tu sois totalement inconsciente du trajet parcouru…
Lorsque tu reviens à une vision normale du monde, tu peux apercevoir la semi-elfe de bleu vêtue appuyée contre un rocher. Vous êtes en hauteur, et elle admire le paysage qui s’étend sous elle : une île aux contours bien délimités étrangement découpée en zones clairement exprimées. En contrebas, dans des vallons verdoyants, tu aperçois l’auberge d’où tu sors, et derrière elle, un petit village qui semble paisible. Plus loin, d’autres hameaux semblables, mais portant tous quelque chose de différent dans leur physionomie. Au loin, tu discernes clairement une nette séparation entre un pays fait de braises et de cendres, où trône une tour noirâtre au centre d’une ville ténébreuse et chaotique, et son vis-à-vis direct, totalement opposé, une ville blanche, ressemblant de loin à Kendra Kâr, cité-forteresse aux hauts murs défenseurs et aux pavillons clairs.
Là où tu te trouves, c’est un coin montagneux, et derrière toi se trouve une entrée de mine, mais pas une mine humaine à peine soutenue par des poutres : il s’agit là une œuvre naine, à n’en pas douter : une arche de pierre soutenant une voute taillée dans le roc le plus brut.
Sur ta gauche, une vaste et grande forêt s’étend, naturelle et respirant la liberté des arbres, des peuples sylvains. Sur ta droite, une baie abrite un port mouillant de nombreux bateaux, qui semblent de tous les bords, tant pirates que Taurion ou humains… Tout cela regroupé sur une île pas très grande en soi…
L’elfe bleue te regarde sans dire mot, puis s’exclame doucement, à mi-voix :
« Un beau point de vue vaut mieux qu’un long discours… Tu es ici sur une île Sanctuaire, qui n’existe dans aucun monde réellement, mais qui fait partie de tous. Ici, dans ce monde créé de toute pièce par des magies ancestrales et divines, les héros oubliés de nombreuses planètes vivent en harmonie. Chacun s’y adonne à ce qui lui plaisait le plus durant sa vie première : pêche, magie, beuverie…guerre… Ici, tous sont égaux et il n’y a aucun chef défini, bien que certains aiment à se pourvoir de ce rôle, ce qui arrangent bien les sous-fifres éternels, mais non moins héroïques… Je me nomme Siril’endäliss, mais tu pourras m’appeler Siril. Maintenant dis-moi, que viens-tu faire sur Hellianör ? »
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