Au moment où j'ai prononcé ces mots, l'ermansi s'est effacé pour me laisser pénétrer au coeur du domaine de Yuimen. Une grande salle se dessine devant mes yeux. Moi qui me croyais si forte, en cet instant, je sens mes jambes qui se dérobe. Je ressens l'appel de la forêt, un appel puissant qui fait vibrer la moindre particule de mon corps transit. Ce n'est pas la peur qui me ronge, ni aucune forme de crainte d'ailleurs, c'est un sentiment tout autre. (Est-ce que les rois ressentent la même chose au moment de leur sacre?) (Peut importe les rois, avance.) (Juste une question.) (Oui?) (Est-ce que tous les gardiens sont venus ici se faire sacrer par Yuimen?) (Non, avec Nuilë, ton père et Leona... Vous êtes les seuls, à ma connaissance.) (Pourquoi nous?) (Tu pourras lui demander, si tu veux.)
Avancer, même le combat contre le golem me paraissait plus simple que de faire les dix pas qui me séparent de la porte. Je finis cependant par les franchir, pénétrant au coeur du sanctuaire divin. Ce lieu respire entièrement la terre, comme si le fluide primaire, celui créateur du monde se trouvait en ces lieux et avait pénétrer les murs. Au centre, un magnifique jardin se déploie dans toute la richesse florale du plus beau des printemps. La tension qui s'était accumulée finit par s'évaporer. Une paix s'empare de l'entièreté de mon être, je vis un véritable rêve éveillée où seul mon élément domine. L'ambiance, contrairement à mes comas est plus paisible, moins torturée. Il s'approche, dans toute sa majesté. Yuimen... Non pas le Yuimen de mes rêves et de mes cauchemars, mais le seul, l'unique et le véritable. Il me domine en stature, même si je ne suis pas petite. Il est tout de cuir vêtu tandis que sa cape semble être faite entièrement de feuilles. Son visage est celui d'un elfe doré fin et racé, encadré de long cheveux bruns aussi fins que ceux d'un enfant. Mais c'est moins son physique que son aura qui m'éblouit. Il n'est pas comme moi, il est au-delà de tout ce qui est croyable. Son être n'accueille pas la terre comme c'est mon cas et celui des magiciens, Il Est la terre. Je m'effondre, genou à terre devant toute cette magnificence.
"Relève-toi, Lothindil et approche."
La voix est douce et chaleureuse, le genre de voix qui pourrait faire avancer un mourant au combat, qui pourrait redonner espoir et courage aux plus désespérés. On ne peut qu'obéir aux ordres intimer par une voix comme celle-ci. La voix est-elle ce qui distingue les dieux, des mortels? J'obtempère donc et me lève avant de m'avancer. Mes yeux ne l'ont pas quitté, à aucun moment, ce qui ne m'empêche pas de sentir une présence tout autour de nous.
"N'aie aucune crainte, ce ne sont que des disciples."
Je m'avance donc jusqu'à être à quelques pas à peine de mon Dieu. Il me dépasse en effet de près d'une tête. Sa majesté m'envahit et tétanise mon être, je me sens, en cet instant, incapable de faire le moindre geste sans son ordre. Lirelan m'intime de m'agenouiller sur la couverture de feuilles à mes pieds. Ce que je fais immédiatement. Yuimen lève alors une main, de manière à être vu par tous. Un chant profond retentit dans la salle, celui-ci est à la fois puissant et sourd. La langue est ancienne, peut-être plus que les mortels eux-mêmes. Le chant semble sortir de la terre et les arbres autant que les fleurs tout autour de moi le reprennent pour l'amplifier. Il semble m'envahir de la tête au pied, tout mon corps l'accueille tandis que mon esprit s'y soumet sans la moindre résistance. Mon corps et mon âme semblent se dissocier, je ne m'appartiens plus en cette heure-ci. Plus que jamais, je ne suis pas de ce monde, je n'appartiens plus à ma race, ni à aucune autre. Je n'appartiens plus à personne d'ailleurs. Aucun mortel en cet instant ne peut prétendre à mon âme.
Le chant redouble d'intensité tout autour de moi, tandis que tous les fluides de mon corps se régénèrent brutalement, envahissant mon corps d'une puissance qui m'était inconnue jusqu'alors. Tous mes sens sont en alerte, les mêmes sensations que celles lors de la traversée du fluide pour revenir en ces lieux. Je sens le moindre brin d'herbe caressant ma peau à travers mes vêtements. La musique envahit mes oreilles créant des lumières dans mon esprit même, des tâches brunes. Des odeurs viennent naître à mon nez aiguisé, la terre reste celle prédominante, même si toutes les fleurs autour de moi révèlent autour chacun leur parfum unique. Le goût n'est pas en reste car l'air touchant ma langue déploie brutalement toutes ses saveurs. Bien que n'ayant pour ainsi dire pas manger de la journée, je me sens rassasier, tant physique que spirituellement. Au moment où je réouvre mes yeux, ce sont les auras qui viennent s'incruster dans ma vision des choses et des êtres. Tous ici ont une aura terreuse d'un brun vert brillant, moi y compris d'ailleurs. Je suis dans un univers à part, où tout n'est que terre.
Le chant ne s'arrête pas, semblant rythmer l'entièreté de ma vie. J'en viens à me surprendre de penser que si l'incantation musicale s'arrêtait, mon coeur s'arrêterait immédiatement. Tout mon corps vibre au rythme de cette musique. La musique et l'ambiance profondément mystique vient entrer en résonance avec âme. J'ai l'impression en cet instant de n'avoir vécu mes 100 dernières années que pour être ici et pour vivre cette cérémonie. Je suis dans un état proche de la transe, incapable de réagir. Je me laisse faire totalement dans cette cérémonie. Un être voudrait me tuer, il pourrait le faire sans que je réagisse. Mais l'impression dominante est celle d'une soumission totale mais aussi d'être protégée jusqu'au coeur de mon être.
Puis toute la musique s'arrête soudain, sans que la magie du moment ne fasse de même. Un silence reposant s'installe et semble durer une éternité. Comme si Zewen en personne avait stoppé le temps pour cette cérémonie. A l'aide d'une liane, Yuimen me prend mon bâton de magicien, une autre vient cueillir mon épée chantante dans son fourreau. Il prend ma lame en premier et passe sa main gauche gantée dessus.
"Astinor! Toi qui a vaincu les éléments, viens à moi!"
Dans un feulement, une énorme panthère jaillit de la lame de cristal. C'est Astinor, l'âme de mes épées depuis mon retour de la tour élémentaire. Celle qui m'a permis de vaincre ma peur de l'eau. Astinor, la panthère, l'âme guerrière qui anime mon bras. Elle représente le coté animal de la terre, là où je représente les plantes. Loin de nous opposer, nous nous complétons dans une symphonie meurtrière pour les opposants à Yuimen. Astinor vient se coucher à mes cotés.
"Gardien!"
Un des disciples encapuchonné s'avance d'un pas, rompant le cercle. L'aura autant que la profonde capuche me cache qui est l'être.
"Gardien, approche-toi et regarde!"
Le disciple s'avance, lentement, à pas calculé. Son allure ne fait que renforcer l'aspect cérémoniel du moment tandis que le chant reprend lent et assourdi, à peine est-il musé par les dizaines de disciples rassemblés. Le "Gardien" s'arrête à à peine quelques pas de moi. Il me regarde, mais son aura me cache ses yeux et son visage, à moins que ça soit tout autre chose.
"Gardien, vois ce qu'est devenu ta fille." "Je vois."
Mon coeur fait soudain un bond, comme s'il avait raté un battement. C'est mon père, il est présent à cette cérémonie. Pourquoi cela me paraît-il tellement exceptionnel? Après tout, il est le gardien de Yuimen. Il fait tomber sa capuche, dévoilant ses cheveux d'un blanc de neige et son visage d'argent.
"Vous tous autour de nous. Voyez vous aussi!"
Le cercle se rompt alors, tous les disciples, un à un, passent devant moi et s'inclinent avant de rejoindre leur place. La panthère reste sans bouger, sa queue battant sur mes pieds. Le cercle se reforme, toujours au rythme de la mélodie toujours muser par tout ceux présents. Je suis toujours dans un état proche de la transe profonde et le cérémoniel vient prolonger cet état dont je ne parviens à me défaire. Yuimen saisit mon sceptre et le tend à mon père.
"Gardien! Pourquoi sommes-nous ici?" "Pour l'éveil de la gardienne, Ô Yuimen le plus grand de tous." "Gardien! Qui sera ton remplaçant?" "Ma fille, Ô Yuimen!" "Gardien! Tu sais quel sera ton rôle." "Je le sais, Ô Yuimen!" "Gardien! Es-tu certain de ta décision?" "Je le suis, Ô Yuimen!" "Gardien! Crois-tu que ta fille soit prête?" "Je le crois, Ô Yuimen!"
Mon père est manifestement très ému, sa voix tremble lorsqu'il répond à Yuimen. Il tourne vers moi son regard. Ce n'est plus le père qui lance un regard tendre vers sa fille chérie, c'est le vieux maître blasé de sa vie qui passe le relai à son jeune apprenti qui revient d'un long compagnonnage.
"Lirelan! Révèle-toi à l'assemblée!"
Lirelan, qui jusqu'à présent s'était fondue dans le décor sous la forme d'une des fleurs apparaît alors sous la forme d'une fée toute de vert vêtue. Elle vient rejoindre Astinor et se pose sur sa tête.
"Lirelan! Présente-toi à l'assemblée!" "Je suis une faera attachée aux Gardiens du sanctuaire du Naora depuis le premier qui fût Sargatrok le loup géant. Il me nomma Eratrium, la verte en sa langue ancienne. Je fus aussi la faera de Leona dont je vis la chute. Je fus la faera de Sarniam qui fût sacrifié pour avoir perpétué le culte de Yuimen sur le Naora. Je fus la faera des gardiens de sanctuaire du Naora depuis le premier jour jusqu'à ce jour."
La voix de cristal de ma faera se détache du cadre général. Elle paraît en cette heure plus immatérielle encore que d'habitude. Elle n'appartient pas à ce monde, mais à une réalité toute autre encore. (Qu'est-elle réellement?) (Et toi, qu'es-tu?) Que vouliez-vous que je puisse répondre en ce moment-là précis, où tout sembla changer autour de moi.
"Lirelan! A qui es-tu lié maintenant?" "A Lothindil, car tel est mon rôle." "Lirelan! Est-elle la future gardienne?" "Elle l'est, car elle fût choisie." "Lirelan! Pourquoi elle?" "Depuis l'enfance, elle t'est consacrée, Ô Yuimen!" "Lirelan! Est-elle prête?" "Elle est celle que tu marquas, Ô Yuimen. Elle est celle qui réveilla les ermites!" "Lirelan! Serait-elle prête à mourir pour moi?" "Elle a traversé les enfers sans t'oublier. Elle a vaincu la mort et la vie elles-même en passant les épreuves d'Inass Dera."
Le chant reprit, on sentait une bénédiction dans la musique même. Mais je ne parvenais pas à savoir si c'était une louange pour mes faits d'armes ou une bénédiction pour le futur. Puis le chant se calma à nouveau, laissant place à un silence. Yuimen s'adressa alors à Astinor en ces termes: "Astinor! Présente-toi!" "Je suis Astinor, l'âme guerrière qui fût enfermée par toi, Yuimen, du temps des anciennes guerres." "Astinor! Est-elle prête? "Les temps s'assombrissent. Tu auras besoin d'une guerrière. Elle a vécu plus de combats ici que nombreux Ermansi vivant sur Nyr."
Une dernière fois le chant repris, plus cérémoniel encore, plus puissant et plus vibrant. Bien que la langue me soient inconnues, je mêle ma voix puissante d'elfe encore jeune au choeur des disciples. J'ignore tout du chant, mais en cet instant seul compte l'harmonie du groupe. Nous ne faisons plus qu'un et nos voix se mêlent en une seule et unique voix d'une pureté extrême, comme le serait un diamant. Soudain, Yuimen rompt cette symbiose en plantant mon épée dans le sol.
"Lothindil! Qui es-tu?" Question difficile en temps normal. Etrangement, les termes me viennent tout seuls, comme si c'était un texte répété depuis de trop longues années et qui étaient venus se graver à même mon âme dans l'attente de ce lieu. "Je suis Lothindil, fille du Gardien du Sanctuaire du Naora. Mais en ce jour, je suis Lothindil, ta plus fidèle servante. Je suis née pour cet instant. J'ai vécu pour te servir. Je mourrais pour protéger ta foi." "Lothindil! Pourquoi es-tu en ce lieu?" A nouveau, la question pourrait paraître incongrue à d'autres que moi en cet instant. Mais il n'en est rien et si ma voix vacille, ce n'est point par peur d'une mauvaise raison. Seule l'émotion et le cérémoniel de cet instant fait trembler mon timbre. "Je suis une druide accomplie. Je suis celle qui brûla la cordelette du Premier. Je suis celle qui vainquit ma peur par amour de Toi. Je suis celle qui fût marqué. Je suis celle qui réussit les épreuves de L'inass Dera. Je suis celle qui rentra et qui sortit des Enfers. Je suis celle qui fût doublement marqué. Je suis celle qui réveilla les ermites. Je suis celle qui échappa au golem de fleur et qui ramena Siril de l'île sanctuaire." "Lothindil! Au-delà de cela, tu sais quel sera ton rôle?" "Je le sais, Ô Yuimen mon Dieu." "Lothindil! Es-tu prête?" "Je le suis, Ô Yuimen."
A nouveau, le chant puissant et pénétrant. Posant un genou à terre, Yuimen prend ma main. Le contact picote légèrement et mon coeur bat toujours plus fort, je crois que je vais défaillir. Il passe son doigt sur mon arbre et celui-ci se met à briller plus fort qu'avant. Il relève alors ma manche et dessine sur mon bras un long tatouage. Celui-ci s'enroule en une liane allant du poignet au coude. Il y ajoute 8 feuilles et 7 fleurs. Le tatouage brille un instant avant de s'éteindre. Toujours en silence, juste accompagné par la longue mélopée, il frôle le diadème de mon front, celui-ci se met alors à briller d'une lumière argentée. Il continue à tourner autour de moi et passe un doigt sur le tatouage de ma nuque. Celui-ci me fait mal, mais ça reste supportable. Il frôle ma cape alors, celle-ci se met à briller comme rarement. Une fois cela fait, il retourne devant moi.
"Lothindil! Désormais, tu me serviras. Tu ne pourras prier aucun Dieu, même pas ma soeur, Gaïa. Tu ne pourras te consacrer à aucune autre magie que celle de terre, sinon tu perriras, comme est morte Leona. Relève-toi Gardienne! Prend tes armes et relève-toi Gardienne!"
Je ne peux qu'obtempérer à l'ordre. Je prends mon épée de la main droite et mon sceptre de la main gauche et me tient droite devant mon Dieu. "Heramë Arstiran! Tu veilleras sur elle tant que les autres gardiens dorment! Lirelan! Veilles sur elle comme tu l'as toujours fait! Astinor! Combats à ses côtés et protège-là!"
Astinor répond en un feulement doux avant de rejoindre ma lame et de se fondre en elle.
Doucement, l'ambiance redescend tandis que la lumière semble reprendre sa place dans le lieu. Une fatigue intense me prend, mais je sens que la journée ne fait que commencer. "Heramë, Gardienne. Restez avec moi, le temps presse."
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Je suis aussi GM14, Hailindra, Gwylin, Naya et Syletha
Dernière édition par Lothindil le Ven 20 Aoû 2010 10:38, édité 1 fois.
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