En criant à s'en faire mal à la gorge, le nain parvint à capter l'attention du gros lézard ailé. Celui-ci tourna sa tête cornue vers Azric avec une expression indéchiffrable et poussa un faible grognement.
Mais Azric ne savait pas bien quoi en penser. Ce petit dragon approuvait-il ce qu'il disait ? Refusait-il sa demande ? Était-il en colère ? Comprenait-il seulement ce qu'il lui disait ? ... Son manque de connaissances sur cette espèce sensée avoir disparue l'handicapait et l'agaçait terriblement. Il s'apprêtait à pointer de plus belle l'immense créature marine du bout de sa hache, lorsque ses yeux se posèrent sur elle.
(
Par Meno, elle va attaquer ! ) Songea-t-il en voyant qu'elle se rassemblait sur elle-même et qu'elle allait fondre sur le dragonnet, qui était d'ailleurs trop occupé à le regarder pour remarquer le danger.
Le nain voulut mettre en garde le reptile ailé, il voulut lui crier quelque chose, faire un geste pour l'alerter, mais il n'en n'eut pas le temps. La gueule grande ouverte et dégoulinante de bave du serpent géant s'abattit sur la portion du ponton où se trouvait le petit dragon vert, le projetant dans les flots, lui et de nombreux débris de bois.
Le long corps ophidien du monstre baveux disparut dans l'écume, tandis que le dragonnet se débattait férocement dans l'eau, éclaboussant les environs. On aurait dit qu'il ne savait pas nager.
«
Merde ! » Laissa échapper le courtaud à travers sa barbe. Puis, le cœur battant fort dans sa poitrine, il se lança à la recherche d'un quelconque objet qui lui permettrai de sauver son seul allié potentiel avant qu'il ne se noie. Un cordage, une planche de bois, ou encore une poutre assez longue ... Non, il n'y avait rien de tel à portée de main, et Azric commença à désespérer. En effet, sans le dragon avec lui, il n'aurait probablement aucune chance contre les deux monstres marins encore en vie.
Mais, soudainement, le gros lézard vert s’éjecta bruyamment de l'eau et s'envola à toute vitesse en éclaboussant les alentours, Azric comprit. Ses ailes battant l'air frénétiquement, il fusa verticalement et en ligne droite.
Encore au dernier moment, apparemment, puisque le gigantesque serpent de mer s’élança à son tour hors de l'eau en arrosant Azric de plus belle. Ce dernier put observer alors le monstre dans son intégralité. Sa large tête couronnée de cornes se prolongeait en un long cou flasque de plusieurs mètres, d'où frétillaient inutilement une paire de courtes nageoires toutes aussi vertes que le reste du corps. S'ensuivait une interminable queue bordées de piquants.
Cette ignoble créature poursuivit sa proie dans les airs une courte poignée de secondes, puis ses mâchoires se refermèrent avec le même bruit glauque que la fois précédente ... dans le vide ! En effet, le dragon venait à nouveau d'éviter de peu de se faire gober et s'envolait toujours plus haut vers le ciel, porté par ses larges ailes déployées. Son poursuivant, lui, retomba dans l'eau agitée de la profonde rivière, sans pour autant le quitter des yeux.
Azric aurait aimé regarder plus longtemps les deux monstres verts s'affronter, l'un dans les eaux et l'autre dans les airs, dans un véritable ballet qui commença dés lors. Mais un mouvement dans son champs de vision l'avertit d'un danger. C'était encore le poisson volant qui revenait à l'assaut, malgré les blessures que le nain lui avait infligées.
La bestiole pâle rayée de orange se projeta hors des vagues tumultueuses pour tenter de percuter le nain, dans le but apparent de le faire chuter du haut de la passerelle sur pilotis, ou du moins ce qu'il en restait. Azric n'eut pas le temps d'esquiver l'attaque - et il n'en n'avait de toute façon pas envie : éviter l'attaque aurait permit à son assaillant de retourner se cacher dans les flots. Et ça, il n'en n'avait pas la moindre envie. Il préféra plutôt se camper sur ses deux pieds et brandir haut et fort son petit bouclier.
Le courtaud poussa un grognement de rage à travers ses dents serrées lorsque l'impact se fit sentir. Il devait tenir. Il devait tenir où il tomberait et s'en serrait finit de lui ... Et, au prix de grands efforts, il tint bon !
La bouche molle et béante du poisson blessé avait brutalement percuté l'acier de sa rondache, mais la parade l'avait stoppé net dans sa progression avec un grand fracas sourd. Azric, sous l'effet de la pression et de l'adrénaline, se mit alors à sourire et dut se retenir d'éclater de rire. Il éloigna péniblement son agresseur d'un revers de bouclier et abattit sa hache sur lui dans un nouveau cri.
Malheureusement, loin d'être sonné ou même ébranlé, l'hideux poisson volant s'éloigna d'un simple battement de voiles et la hache du nain fendit l'air en sifflant. Mais celui-ci ne se laissa pas abattre, et il profita aussitôt de son élan pour asséner un puissant coup de taille à l'horizontale ...
On lui avait pourtant bien dit ... «
Parez, encaissez, et ensuite seulement frappez ! Parer, encaisser, frapper ! C'est bien clair ?! Et pas frapper, frapper, frapper comme un vulgaire garzok en rûte ! » On lui avait dit et redit. On lui avait tellement répété que ça en était venu à l’énerver ...
Ses maîtres lui avaient pourtant rabâchés ... mais Azric ne les avait pas écouté ... Emporté par l'adrénaline du combat réel et par le sentiment que son prochain coup pourrait porter, il s'était obstiné à abattre à nouveau sa hache sur ce poiscaille affaibli sans protéger ses arrières ni même lever son bouclier ... Et il le paya cher.
L'humide adversaire d'Azric, animé d'une ténacité de fer, ne se fit pas prier. Dés lors que le nain se rassembla pour tenter une nouvelle attaque, il pivota vivement sur lui-même en balançant toutes ses voiles en direction de son prochain dîner. Celui-ci fut totalement pris au dépourvu et ses yeux s’écartèrent de surprise lorsque deux des larges nageoires voilées lui percutèrent le torse avec le bruit d'un drapeau qui claque dans le vent.
Toussant, suffoquant et se comprimant fortement la poitrine de sa main droite – sa hache était maintenant gisante sur le sol, à ses pieds -, Azric avait payé très cher son erreur de précipitation. Il avait cru pouvoir atteindre son adversaire le premier, et pas l'inverse, et il avait largement sous-estimé la puissance des nageoires de la bête qu'il affrontait.
Il resta ainsi une poignée de secondes, croyant apercevoir du coin de l’œil le dragonnet qui effectuait un rase motte pour échapper aux terribles mâchoires du serpent géant. Mais il n'avait pas le temps pour ça. Il s'était déjà laissé déconcentrer une fois, et il le regrettait amèrement. Il n'allait pas commettre à nouveau la même faute.
«
Par les foudres de Valyus, tu vas me le payer, excrément de garzok ! » Maudit Azric en relevant sa petite tête poilue, rougie par l'effort et la colère.
Puis, grommelant une autre imprécation dans sa barbe, il se saisit de son petit bouclier rond à deux mains et s'avança prudemment sans quitter son adversaire du regard. Il avait la ferme intention de récupérer son arme et d'en faire goutter le tranchant à la répugnante créature qui se tenait en face de lui.
Il fit un pas, et le poisson rayé réagit immédiatement. D'un seul coup de nageoire dans les airs, il se propulsa, sa bouche entaillée grande ouverte, en direction du nain roux qui s'abritait tant bien que mal derrière sa rondache. Azric put voir le coup venir, et eut donc le temps de réfléchir. Une poignée de secondes, du moins.
Sa hache était hors de portée, et sur la trajectoire du poiscaille voilé, donc inaccessible. Alors, tandis que son cœur battait la chamade et que la panique et le désespoir s'emparaient de lui, il eut recours à son instinct : il fit la première chose qui lui traversa l'esprit.
Sa cramponnant à la poignée de son bouclier, Azric plaqua son épaule contre celui-ci et campa ses pieds dans le sol. Puis, l'instant avant que la créature marine ne le percute, il se jeta en avant, toujours collé et agrippé à son bouclier.
Cette attaque improvisée eut un effet plutôt inattendu. La plaque d'acier lisse et incurvée heurta si violemment la tête du poisson que celle-ci s’aplatit littéralement dans un craquement sonore et en projetant du sang translucide et visqueux sur les alentours. Ses nageoires frétillèrent un court instant dans le vide puis le corps brisée de la créature défunte s'écrasa sur les planches du ponton avec un écœurant bruit de succion.
«
Ha ha ! » S'exclama haut et fort le nain en brandissant son bouclier et en se dirigeant en direction de sa hache afin de la ramasser. «
Je l'ai eu ! Je l'ai eu ! Ah, ça oui, par Thor et sa hache en or, je l'ai eu ! »
Mais le plaisir fut de courte durée. Le nain débordant de joie et de fierté se tourna là où les deux monstres, le dragon et le serpent marin, s'affrontaient ... pour ne remarquer que ce dernier. Le dragonnet agile et rapide, lui, semblait avoir disparu. Probablement dans l'estomac de cet immense monstre cornu et verdâtre. Son regard brillait d'une lueur malveillante et sa bouche semblait déformée par un genre de rictus, comme s'il souriait. La vérité, c'est qu'il s'apprêtait à se jeter sur Azric. Et ceci, le nain trapu le comprit bien vite. Malgré sa faiblesse et sa fatigue, il empoigna aussi fort qu'il le pouvait ses armes et se prépara à faire face, à la fois détermine et résigné.
«
Par Yuimen ... Cette fois c'est la fin ... » Souffla-t-il, avant d'ajouter : «
Meno ... Valyus ... Kubi ...»
Il était encore en train d’énumérer les noms des diverses divinités en lesquelles il croyait lorsque le titanesque monstre aquatique changea étrangement de comportement. Il ferma sa gueule dégoulinante de bave et commença à convulser. Ses yeux s'agrandir dans ce qu'Azric prit pour de l'incompréhension puis, soudain et contre toute attente, son cou explosa.
Au milieu d'une gerbe de sang et de tissus en lambeaux, une forme floue jaillit de l'immense créature ophidienne qui retombait déjà lentement dans les flots agités en convulsant encore, le regard vide et la gueule définitivement béante. Cette forme décrivit une courte parabole avant de s'écraser à deux pas d'Azric, qui la reconnut alors : le dragon !
«
Nom de ... » Commença-t-il, abasourdi et incapable de trouver une divinité qui correspondait à la situation.
Le dragon semblait dans un sale état. Faible, il respirait encore et se redressa même lentement afin de s'ébrouer, se débarrassant grossièrement des fluides visqueux desquels il était recouvert. Il tourna ensuite sa petite tête – il était encore plus petit vu de prés – vers le nain et poussa un faible grognement, comme un appel à l'aide.
Une certitude s'empara alors d'Azric. Il ne pouvait pas laisser cet être, cette créature légendaire, mourir ainsi. Pour une espèce en voie de disparition, perdre un seul de ses représentants peut être fatal. Le nain se surprit même à se demander s'il ne s'agissait pas là du dernier dragon encore en vie.
«
Mons... euh … Dragon ? Par Yuimen, vous avez besoin d'aide ? Vous … vous voulez quelque chose ? De l'aide ? Je peux aller chercher quelqu'un à l'auberge si vous voulez ! » Se mit à paniquer le nain empourpré, lui aussi très faible. Il avait laissé tomber ses armes au sol et pointait maintenant du doigt la direction de l'auberge, au delà des pics montagneux et anguleux qui parsemaient les environs.
((( Tentative d'apprentissage de la CC AA " Coup de Bouclier " )))
(((Apprentissage validé ! (GM8) )))