La nuit fut calme. Il n'aurait su en être autrement, après l'épreuve physique et mystique de la veille, et ce repos fut réparateur. Pas assez cependant, car les lourds rayons du soleil ne tardèrent pas à envahir notre couche de leur étreinte matinale.

J'eus du mal à me réveiller. Peut-être voulais-je rester dans cet état entre la conscience et l'inconscience, où les douleurs des souvenirs n'étaient pas et où tout était plus facile. Mais je finis cependant pas ouvrir les yeux, émergeant des bras d'un Morphée trop rapidement dissipé.

Ce fut pour rencontrer les yeux de Lyssena, qui me fixaient. Des yeux au charme profond, et envouteur. Des yeux dont j'avais l'habitude à présent, et une habitude dont je ne comptais pas me passer.

Je lui murmurai le bonjour, ne quittant pas le contact avec son regard. Oui, aujourd'hui était un autre jour, et j'espérais bien lui faire oublier les folies de la nuit. J'allai alors chercher un baiser tendre, avant de, lentement, me lever.

Je regardai Longinus, peu à peu il sortit de son sommeil plongeant son regard dans la mien et restant à me fixer il vint m'embrasser tendrement. Au fond je voulais refuser et mon corps ne put résister devant cet homme.

Depuis que je l'avais rencontré, quelque chose en moi avais changé. Voilà maintenant deux ans je m'étais embarquée dans une relation avec un humain race que je méprisais pour son infériorité. Mais sa force, sa puissance qui émanait de lui m'a tout de suite fait changer d'avis. Il n'était pas de la race humaine, il était autre chose de beaucoup plus fort.

Le doux contact de ses lèvres dura un court instant, je voulus le faire durée, mais un pincement au coeur me rappela la dure réalité des évènements passés. Je ne lui en voulais pas, mais les images passaient en boucle dans mon esprit traumatisé. Ses lèvres avaient goutées celle d'une autre et il avait désir ou plutôt prit les désirs de cette succube pour se mettre à la désirer à la vouloir plus que tout au monde. Plus que moi au fond ?

Je ne fis donc rien me contentant de sourire, un sourire quelque peu mélancolie, mais qui essayait de tourner une page sur ce passé récent.

"Vous n'avez plus sommeil ? Il est bien tôt et un humain comme vous est un grand dormeur ... Enfin si vous voulez ... Je vais dans la salle d'eau."

J'emportai la robe au corsage de dentelles noires et allai dans la salle pour changer et faire un brin de toilette. Son contact m'était agréable, mais il y avait ce quelque chose qui me donnait envie de me retrouver seul un instant. Pour simplement pleurer et sortir cette peine beaucoup trop lourde.

Lyssena me dit qu'il était bien tôt pour un humain, ce qui était des plus vrais. Elle s'absenta alors, se rendant dans la salle de bain. Elle ne vit pas la petit enveloppe qui était imperceptiblement glissée sous la porte.

Je la saisis, l'ouvris. Il s'agissait d'un acte de propriété, concernant un jardin dans l'une des fermes voisines de Tulorim. J'avais fait cela pour le bon plaisir de Lyssena, mais il était vrai que devenir propriétaire terrien était un chemin efficace pour s'assurer des rentes régulières et importantes.

Je me changeai, m'habillant d'un pantalon noir et d'une chemise blanche, aux manches très légèrement bouffantes. Je glissai dans ses plis l'acte. Je m'attelai alors à démêler mes cheveux, ce qui n'était pas une mince affaire avec les événements de la veille.

Le soleil du matin venait délicatement réchauffer mes mains froides, apportant un peu de protection, et nous rappelant que tout était bien fini.

Après m'être habillée avec difficulté, je passai mon visage dans l'eau fraîche réveillant une peau endormie.

Mon esprit partait dans des rêveries futiles pour éviter le cauchemar qui me hantait depuis la nuit dernière. Sortant de la salle d'eau je rentrai dans la chambre où Longinus s'était levé et même habillé d'une chemise blanche ainsi qu'un pantalon noir. Assit devant le miroir de la coiffeuse il s'occupait de démêler ses cheveux.

Je pris place près de lui me pouponnant avec les quelques moyens mis à ma disposition. Après m'être rendue plus belle, je m'attachai les cheveux d'un outil de coiffure les relevant, les pointes touchant le haut de mes omoplates.

Je laissai Longinus démêler la plus grande partie de sa chevelure avant de lui demander d'ajuster ma robe. Je patientai au bord du lit observant le temps chaud et ensoleillé qui se préparait.

Lyssena revint alors que j'avais presque fini ma délicate tâche. Elle me demanda de l'aider à refermer sa robe, ce que je fis aussitôt mes cheveux propres.

"Lyssena, j'ai un endroit à vous montrer si cela vous tente. Nous aurons un peu de marche à faire, à moins que nous ne prenions une voiture. Cela vous dirait d'y aller après déjeuner?"

Je me dirigeai alors vers la porte, que j'ouvris. Comme pour répondre à mes attentes, un fin fumet de pain griller se faisait sentir jusqu'ici.

"En attendant je pense que nous restaurer serait une excellente idée. Venez vous?"

Longinus accepta après avoir finis la corvée de ses cheveux, m'aidant avec délicatesse et sans abuser d'une partie intime de mon corps à sa merci.

Mon compagnon me parla alors d'un lieu qu'il voulait me montrer. Et qu'une marche s'imposait pour y accéder je lui dis qu'une voiture serait la meilleure chose à faire. Je n'étais pas flemmarde, mais le sommeil léger de la nuit ne me donnait pas assez d'énergie pour faire une longue marche.

Longinus ouvrit la porte, les odeurs émanant de la cuisine me rappela la faim qui commençait à se faire sentir. Mon bien-aimé me proposa donc de déjeuner avant de partir dans le lieu inconnu. Je descendis les escaliers aux côtés de mon Chevalier Noir.

Notre nez nous guidâmes dans la bonne pièce, celle d'une salle à manger boisée aux couleurs claires et aux moulures raffinées.

La salle à manger était joliment décoré, et le couvert était mis. Nous croisâmes une servante, qui nous proposé de nous installer et nous demanda ce qui nous ferait plaisir. Ainsi le manoir commençait à revivre, et des êtres vivants le peuplaient de nouveau. Viktor était réellement d'une redoutable efficacité, et la chose était on ne peut plus plaisante.

Je lui demandai un petit déjeuner complet, et fut ravi d'apprendre qu'il y avait même du café, met rare s'il en est. Elle prit aussi la commande de Lyssena et partit aussitôt.

"Et bien, ce manoir commence à prendre vie. Cela en devient agréable, n'est-ce pas?"

La bonne revint rapidement, nous servant allègrement des plats raffinés et à l'odeur envoutante.

Les couverts étaient mis en place, nous nous installâmes l'un en face de l'autre. Une servante d'âge mûre vint prendre notre commande. Nous prîmes tous les deux la même chose, un plat complet. La servante partit donc finissant de préparer les mets dans la cuisine qui était la pièce voisine.

Longinus me dit après que nous étions seuls que la maison était plus agréable à présent, vivant grâce aux employés de maison. Cette demeure paraissait plus chaleureuse et moins infestée de cette magie sombre, qui je le savais nous protégeait contre une quelconque menace.

L'employée de maison revient avec les plats chauds, du pain grillé, un nectar et de quoi remplir nos ventres affamés. Quand la servante fut sortit je regardai Longinus et lui demandai quel était cet endroit inconnu que nous allions visiter.

Je goûtai le pain croustillant pour me délecter ensuite du nectar exotique qui nous avait été servit. Ce fut véritablement le premier repas que nous partagions ensemble, le précédent avait été interrompu par de petits joueurs d'un clan des Montagnes qui s'amusaient à terroriser le chef de l'établissement.

Nous pûmes déguster ce repas ensemble, et bien que les événements de la veille soient toujours gravés dans ma mémoire, la chose fut des plus agréable. Lyssena me demanda où je comptais l'emmener, et je me contentais de lui dire que c'était là une surprise.

Une fois notre déjeuner avalé nous sortîmes de tables. Je trouvai un autre serviteur, auquel je demandai de faire avancer une voiture. Il s'empressa d'accomplir la volonté de son maître très nouvellement rencontré.

Je fis quelques remarques sur la tenue encore une fois bien choisie de Lyssena, tandis que nous nous préparions à partir.

Longinus s'empressa de demander de préparer une voiture une fois le repas terminé. Repas que je n'avais pas eu la force de finir, mon ventre ne me permettant pas d'avaler autant de nourriture un seul repas.

Les serviteurs étaient très bien choisis, ils étaient respectueux et faisaient avec rapidité et qualité toutes nos demandes particulières. Le serviteur qui avait exécuté la demande de Longinus nous informa qu'une voiture se tenait dans la cour.

Nous sortîmes donc poussant les deux battants de la porte de bois du Manoir. En effet notre moyen de transport se tenait face à nous, la porte ouverte nous invitant à monter. Je grimpai tenant la robe avec précaution, pour ensuite m'installer.

Je me sentais rassure d'être dans cette voiture. La journée ne commençait pas comme la précédente.

"Qu'aimeriez-vous faire après visiter ce lieu mystère ? Peut-être serait-il judicieux de faire quelques achats. Vêtements, chaussures et autres accessoires seraient très utiles ..."

Revenant des Ruelles

Longinus semblait plongé dans ses pensées marchant avec douceur sur les pavés de la ville. Sa main vint prendre mes hanches renforçant le contact. La sortie ne fut pas difficile à atteindre et nous marchâmes bientôt sur les premières pierres des alentours. Après un retour sous le signe du silence et de la réflexion nous passâmes le portail et le parc. Un frisson me parcourut l'échine, la veille au soir, dans ce même lieu des succubes nous avaient emportés pour nous prendre comme sacrifice et faire de moi une des leurs. Quelques images revinrent dans ma tête, des souvenirs de plus en plus flous, mais aux sensations toujours intenses.

La demeure éclairée par de nombreuses bougies nous laissant dans une légère pénombre prenant pleinement conscience de l'heure.

« Allons tout de même nettoyer cette plaie avant de dormir. Le sang n'est pas très bon pour la peau vous savez. »

Je nous dirigeai donc vers la cuisine, pièce adjacente à la salle à manger où nous avions mangé avant notre départ pour la surprise qui ne l'était plus vraiment. Aidée de Longinus, je nettoyai du bout d'un tissu propre la blessure superficielle sur mon bras nu.

« Il ne faut pas avoir peur pour moi Longinus. Tout va bien. »

Je regardai Longinus avec sourire serein, ce genre de sourire que je n'avais pu dessiner sur mes lèvres après les derniers évènements ...

Nous rentrâmes dans notre demeure, faiblement éclairée par les candélabres. Les domestiques avaient déjà regagné l’aile qui leur était réservée, et nous étions donc seuls. Viktor ne s’était pas remontré à nous depuis une journée, en majordome on ne peut plus prévenant et intelligent. Il avait fait un travail remarquable dans la remise en état des lieux, et il faudrait que je le félicite quand j’en aurai l’occasion.

Lyssena nous conduisit dans une petite cuisine. J’allai aussitôt tremper une serviette, qui lui servit à éponger le sang. La blessure n’était que superficielle, mais il faudrait tout de même la bander. Je découpai alors un bout de ma chemise à l’aide de mon wakizashi, m’en servant ensuite comme bandage.

La belle elfe me dit alors de ne pas m’inquiéter pour elle, que ça allait bien se passer. Un sourire sincère s’était dessiné sur ses lèvres, un sourire qui me pinça le cœur. Je détournai le regard, incapable de le soutenir. Je n’avais pas réussi à la protéger efficacement, et au fond c’était la seule chose qui importait.

Je ne pus cependant poser les yeux ailleurs bien longtemps, et je les reportai rapidement sur le doux visage de Lyssena. Les lèvres un peu serrées, et ne sachant quoi lui dire. Devais-je me répandre en excuse, ou au contraire la rassurer pour écarter mes propres peurs.

« Je pense que le bandage tiendra. N’en faîtes pas trop Lyssena. »

Longinus s'occupa de moi, s'attelant à bander ma plaie pour ne pas prendre de risque. Le silence régnait dans le Manoir déjà assoupit. Pourtant une forme se dessina et je reconnus presque qu'immédiatement Viktor s'avancer vers nous dans une démarche lente et calculée. Mes yeux s'agrandirent par la crainte et l'ignorance.

« Messire, Dame Lyssena que s'est-il passé ?
- Une mauvaise rencontre dans les ruelles de Tulorim, mais rien de très affolant.
- Vos vêtements sont tachés et arrachés ... Si vous le permettez je peux aller faire quelques emplettes pour vous.
- Ce serait parfait, merci bien ! »

A ce moment, je pensais que notre majordome allait prendre congé, mais au lieu de cela il resta les yeux fixés sur ma blessure, ses pupilles se changèrent en une couleur rouge sombre. Viktor sembla se reprendre contenance quand il s'aperçut que mes yeux étaient restés fixés sur lui. Il prit congé s'éloignant dans une allure saccadée moins détendue qu'à son habitude.

Je proposai à mon compagnon de monter dans la chambre pour se reposer après ses nouveaux évènements. Les escaliers claquant sous mes talons donnant à cette nuit trop silencieuse un rythme léger.

Ce fut alors Viktor qui se présenta à nous, et qui sembla horrifié de voir Lyssena blessé. Horrifié mais aussi quelque part captivé. Son regard se chargea en effet d’une teinte sombre, lugubre même. Cela dit il ne resta pas à fixer Lyssena, et s’éclipsa pour aller chercher de nouveaux vêtements. Il y’en avait déjà beaucoup dans les armoires, mais après avoir passé deux années dans une unique tenue je comprenais que Lyssena désire beaucoup d’atours.

Nous montâmes ensuite dans notre chambre.

« Je pense qu’un bain serait des plus bienvenus. »

Je m’éclipsai alors un instant, allant mettre de l’eau à chauffer dans la pièce voisine. Je versai plusieurs seaux dans la grande bassine centrale, avant d’y glisser la main. Je me concentrai un instant, puis ma main se fit brûlante. L’eau fut rapidement à bonne température, et je quittai la salle de bain.

« Voulez-vous vous baigner avant moi ? » dis-je tout en ôtant ma chemise.

Nous rentrâmes tous les deux dans la chambre, Longinus s'éclipsa alors dans la salle de bain pour aller préparer un bain bien mérité. Après plusieurs minutes dans cette chambre à observer les dégâts du combat sur mon visage, mon compagnon revint me signalant que le bain était prêt et me laissant la place.

Je voulais oublier ces derniers moments, je ne voulais plus de cette tristesse qui semblait me hanter nuit et jour depuis ce fameux soir. Il fallait être patient oui, mais que faisait-elle encore dans mon esprit ? Que me voulait-elle encore ?
Cet homme en face de moi, cette douceur, cette chaleur. Il était délicat, refermait peu à peu cette plaie ouverte dans mon âme d'elfe blanche. Il était là pour moi ...

Je me tournai vers mon bien-aimé qui défaisait sa chemise déchirée. D'une main délicate je glissai mes doigts dans les siens, l'attirant pour sortir de la pièce et entrer dans la salle de bain où l'air humide régnait. Durant le court trajet entre les deux pièces, j'essuyai une larme qui perlait sur ma joue fraîche. Il fallait tout simplement oublier ...

"Je vous autorise à prendre votre bain avec moi très Cher, il me faut bien quelqu'un pour me détendre et me laver correctement le dos !"

Je regardai ou plutôt admirai celui qui m'a protégé et aidé pendant toute cette période et qui était à présent mien. Dans geste délicat je dégageai ses cheveux de ses épaules et finis par donner un doux baiser aux lèvres de Longinus.