Earnar Corail se cachait au milieu de la populace de Tulorim, remontant son masque et se drapant dans sa longue cape couleur terre. Les habitants de Tulorim n'étaient pas des chantres de l'acceptation des autres races dans leur capitale, ainsi un Eàrion ne serait nullement leur égal du fait de son physique atypique. Enchâssé à sa main droite, il sentait l'acier de ses griffes rétractables et cette froideur le rassura, lui qui s'était habitué aux rues malfamées. Ainsi capé, seuls ses yeux translucides couverts d'une fine pellicule aqueuse et le sang bleu qui coulait dans ses veines trahissaient sa pure lignée. Sans peine, il avança à travers la foule dense sans peine, parvenant à ne toucher aucun paysans, bourgeois ou soldats qui se mélangeaient en son sein. Il se rappela des informations que le groupe de voleurs qu'il avait adhéré lui avait donné lors d'une entrevue secrète au milieu des ombres et des braseros. Un nouveau monde devait être conquis, il devait absolument trouver des alliés potentiels, obtenir des informations qui pouvaient se vendre au plus offrant et récupérer des objets précieux, tout cela, Earnar
Corail, l'unique fils de la noble famille Corail des Eàrions, en était capable.

Il s'approchait de la milice de Tulorim, les miliciens de la capitale n'étaient pas connus pour leur morale irréprochable ni pour leur sens de l'honneur mais il doutait que les deux factionnaires à l'entrée du bâtiment officiel le laissent passer aussi facilement. Plongeant sa main gauche dans sa bourse, il attrapa quelques yus et les lança près des miliciens pour attirer leur attention. Cela ne rata pas et le voleur Corail en profita pour s'engouffrer dans la brèche, juste derrière leur dos. L'intérieur du bâtiment était sobre bien que pourvu d'une table en bois et d'un coffre. Il s'approcha près du bureau couvert de paperasses et enleva son masque pour pouvoir s'adresser au milicien aux cheveux châtains qui portait le tabard de la milice dans la langue commune.

- Je viens pour le nouveau monde et ainsi, j'offre mon aide à Tulorim.

Il annonce ne connaître que le Naora et ses détours, mais ne s’offusque pas d’apprendre qu’un monde externe puisse exister, ni ne prend peur à l’idée de l’explorer, arguant qu’il s’agit surtout d’adaptation, et que c’est l’un de ses points forts. Mes impressions le concernant semblent se confirmer : il sera un bon allié sur ce monde inconnu. Inconnu, et dont on ne pourra apprendre l’état des lieux qu’il considère comme nécessaire qu’une fois sur place.

« Ce seront des questions à poser, oui. À qui de droit : un habitant des lieux. Mais s’ils se montrent hostiles à notre présence, la débrouillardise sera de rigueur. J’ai moi-même déjà vécu les deux cas de figure. »

Gramenou, où je n’ai rencontré que des personnes hostiles et belliqueuses, qu’elles soient originaires de la planète océane, ou de Yuimen à ma poursuite. Et Saldana, planète des sables, où cette fois seule la moitié de la planète voulait ma peau. Espérons que la moyenne soit plus en ma faveur, cette fois. Je note toutefois un commentaire qu’il avance : la connaissance est la clé du succès. Je ne peux m’empêcher de penser aux Amants, de par cette sentence qui leur colle si bien à la peau.

« Mais effectivement, vous avez raison : l’information est la plus grande des richesses, en particulier en temps troublés. Mais c’est un outil à manier avec précaution, et à ne pas répandre entre toutes les mains. »

Sous peine de désinformation, de modification des faits, de rumeurs ou de panique populaire. Et une information exclusive est bien plus chère et précieuse.

Il balaye d’un commentaire mes doutes sur ce qu’il pense de l’avis des autres. Au moins est-il libre de ça. Mais la question qu’il pose ensuite me laisse comme un rond de flanc. Le but exact de la quête ? Je dois avouer mon ignorance, sur ce point.

« Aider les populations locales à résoudre un problème. Là encore, il nous faudra rencontrer un indigène pour nous renseigner davantage. »

Et avec un sourire, et un ton plus convivial, mois grave :

« Oh… Et ne vous retenez pas de parler librement en ma présence. On ne m’offense ni ne m’outre pas facilement. »

D’ailleurs, en parlant de personnalité, une question me frôle l’esprit :

« Si ce n’est pas indiscret, quelles sont vos motivations pour être venu ici, à Tulorim, répondre à un appel ? Le simple appât du gain, ou espérez-vous y trouver quelque chose de plus profond et personnel ? »

Le réflexion que me fait le seigneur Sindel à propos des nécessaires connaissances à acquérir pour espérer être en mesure d'agir efficacement en terre inconnue me laisse songeur un instant. Mon esprit est en ébullition, et malgré la sourde exaltation qui m'envahit à l'idée de cette dangereuse aventure, mes pensées s'ordonnent selon un schéma précis, rigoureux, que je devine être un résidu de mon passé. Il me livre là diverses informations, idée que je tempère à l'aune de sa répartie suivante concernant la valeur des connaissances et le délicat exercice consistant à les délivrer à bon escient.

Néanmoins, j'en déduis qu'il ne dispose pas d'informations précises sur les us et coutumes des peuples de ce nouveau monde, sans quoi il m'aurait divulgué quelques éléments, même anecdotiques. Sa mention de ses expériences me donne envie de lui adresser un flot de questions, mais ce n'est guère le moment, aussi je les garde par devers-moi, le temps viendra. Je déguste une gorgée du breuvage que je tiens toujours en main avant de lui répondre, extrêmement attentif à la manière dont il me répondra:

"Quelqu'un a tracé, ou ramené cette carte, qui se trouve ici, sous nos yeux. Cette personne pourrait probablement nous fournir quelques éléments de base, ne pensez-vous pas? Non que je craigne de me lancer dans l'inconnu, mais cela nous rendrait plus vite opérationnels."

Je dois une nouvelle fois retenir une foule de questions qui me viennent, des questions auxquelles il me faudra des réponses avant de me trouver en situation critique. Patience, une chose après l'autre, nous ne serons sans doute pas que deux pour cette mission, je suis curieux de rencontrer ceux qui nous accompagneront. Abrégeant mes interrogations, je réplique à sa remarque sur la valeur de l'information:

"Le cloisonnement et le secret, oui, c'est la base de toute stratégie d'envergure. La clé de la surprise, et de la victoire bien souvent."

Je lui souris, sans chaleur car j'en suis incapable mais avec franchise, le dévisageant sans détour:

"Si j'ai bien compris, vous dirigerez plus ou moins officiellement cette mission. Ce qui signifie que vous devrez m'envoyer au casse-pipe tôt ou tard. Cela ne me dérange pas, au contraire, j'aime ça. Je n'ai pas besoin de savoir exactement pourquoi, dès l'instant où je vous fais confiance, mais faites-moi une faveur: ne me dissimulez pas le danger. Je n'en serai que plus déterminé à le surmonter, et plus efficace."

Ses mots suivants me font hausser un sourcil entendu.

"Aider les populations locales à résoudre un problème, dites-vous? Seigneur Cromax, j'ai cessé de croire en la charité désintéressée des gouvernements, je ne sais trop quand, mais ça ne date pas d'hier. Les dirigeants de Tulorim nous envoient là-bas, ce qui signifie qu'ils ont un intérêt important dans l'affaire. Ils n'envoient pas leurs troupes régulières, ce qui signifie qu'ils veulent pouvoir dissimuler leur lien avec cette mission, au cas où nous échouerions. Ils se ménagent une issue de repli, ce qui est sage, mais aussi révélateur. Cependant, s'ils veulent que nous menions à bien cette tâche, il faudra bien qu'ils nous donnent quelques explications, on ne mène pas une telle "campagne" sans ordres de mission. Je serais d'ailleurs curieux de savoir qui sera à nos côtés et combien nous serons..."

Le ton de la conversation change, devenant plus léger, et je suis vraiment content d'entendre Cromax me dire que ça ne le gêne pas que je lui parle franchement. Le contraire m'aurais dérangé, fortement. Je me contente d'acquiescer avec respect, reprenant la parole pour répondre à la question beaucoup plus personnelle qu'il me pose ensuite:

"Il y a une heure, j'ignorais avoir fait partie des troupes d'élite de Raynna, mes souvenirs me reviennent par bribes. Si je suis venu ici, c'est sur le conseil et à la demande d'une Magicienne du Feu du Naora, qui a sauvé ma peau en soignant cette balafre qui rend ma bobine si attrayante."

Je le fixe de mon regard le plus neutre, ajoutant à mi-voix:

"Elle m'a demandé de participer à cette mission, je ne vous le cache pas, pour des raisons qui la regardent et qui n'impacteront aucunement son bon déroulement. Elle m'a aussi conseillé de chercher à contacter une guilde, qui selon elle ne manquerait pas d'être présente pour une telle quête: Les Amants de la Rose Sombre. Elle m'a laissé entendre que je trouverai parmi eux à employer mes compétences à leur juste mesure, mais aussi un appui pour mener à bien la tâche qu'elle m'a confiée. Vous ayant rencontré...je pense que son conseil était sage et pertinent. J'ai...j'avais l'habitude de travailler au sein d'un groupe, j'ai besoin de m'identifier à un cercle de personnes de confiance, c'est dans ce cadre que je donne le meilleur de moi-même."

Ce qui devait être dit l'a été, je ne doute pas une seconde que Cromax ne saisisse l'allusion, encore moins la proposition que je viens de lui faire.

De nombreuses questions fusent encore de la bouche de mon interlocuteur. Certaine sur l’origine de la carte, avec l’hypothèse d’une personne présente ici à Tulorim pour nous renseigner, d’autres sur mon aptitude à diriger cette mission. À ce propos, je manque d’avaler de travers ma gorgée, et toussote pour me ravoir, avant de répondre en toute franchise :

« La diriger ? Je n’en ai ni l’intention, ni le désir. C’est davantage à titre personnel que je me joins à cette quête, que pour la milice. »

Ce qui est plutôt arrangeant, en vérité, puisque la milice elle-même m’a demandé de n’être pas trop mêlée officiellement à tout ça, préférant garder sa neutralité non engagée auprès des populations locales.

« Je suis un chantre de la liberté. Comptez sur mes avis, mes conseils et mes initiatives personnelles, mais je répugne à l’idée de donner en ordre ou même d’y obéir. Et dussions-nous aller au casse-pipe, vous m’auriez à vos côtés, si je pense cela nécessaire. Et non derrière vous à superviser vos gestes. »

Le masque tombe un peu : je ne suis pas leur superviseur. Ni leur surveillant. Et encore moins à l’origine de cette mission leur promettant or et renommée. L’elfe souligne un manque d’informations quant à la nature exacte de la demande de Tulorim. Je ne peux moi-même que le déplorer, acquiesçant à ses propos sans y répondre. Je précise toutefois :

« Ce n’est pas là une mission officielle de la milice, sinon elle n’aurait envoyé que ses propres hommes, et non fait appel à des aventuriers étrangers. Leurs buts me sont cachés, mais je n’ai besoin de savoir rien d’autre que la demande d’aide d’un peuple pour agir. Mon avis sur la situation, je me le ferai moi-même sur place, et Tulorim ne récoltera aucun laurier sur mes actions si je ne décide pas qu’ils le méritent. »

Enfin, il répond à ma question sur la raison de sa venue ici. Il est là sous les ordres d’une pyromancienne du Naora, l’ayant sauvé de ses plaies par le passé. Sans doute a-t-il une dette d’honneur envers elle… C’est une chose que je ne peux comprendre, hélas. Mais soudain, lui qui parlait de confiance et de franchise, il se fait trouble et secret, en évoquant son nom et ses buts. Je fronce les sourcils à mesure que ses paroles coulent de sa bouche avec prudence et détours ombrageux, mais écarquille soudain les yeux lorsqu’il évoque librement le nom des Amants de la Rose Sombre. J’hésite même à dégainer ma lame pour l’en menacer, mais je n’en fais rien. Il n’est pas un Amant, je l’aurais senti. Il n’y a donc aucune raison qu’il en connaisse l’existence. Le nom. Il a l’air de ne côtoyer aucun contact direct de la guilde. Peut-être est-ce le cas de sa maîtresse, mais alors on peut presque la considérer comme une traitresse à notre ordre. Je guette, instinctivement, aux alentours pour savoir si personne n’a entendu ses paroles, et lui réponds d’un murmure froid et presque accusateur :

« D’où connait-elle ce nom ? Et pourquoi vous l’a-t-elle transmis ? Si vous voulez prendre contact avec eux, il serait sage de ne plus jamais le prononcer. Le secret de leur existence est la clé de leur commerce. De… notre commerce. »

Mon regard s’intensifie, alors que je m’approche de lui. Je viens sciemment de lui révéler une information supplémentaire : mon lien avec eux. Plus qu’un lien, en ce qui me concerne. Mais il n’a pas à le savoir. Pas tout de suite.

« J’espère que vous comprenez l’importance de mes paroles. »

Je me tais, un instant, le scrutant dans le regard avec attention, avant de conclure :

« Considérez-vous comme des nôtres, Kerenn. Au moins jusqu’à ce que soit résolu le lien de cette mage de feu avec les miens. »

Les diverses précisions de Cromax à propos de la quête et de sa place au sein de celle-ci me laissent perplexe. Tout cela engendre davantage de questions que ça n'apporte de réponses, et visiblement il n'était pas dans mes habitudes d'être envoyé en mission aussi peu structurée car cela me rend légèrement nerveux. Je cogite ferme durant quelques instants, puis chasse de mon esprit toutes ces interrogations, pour le moment. A quoi bon se soucier de choses auxquelles on ne peut rien dans l'immédiat? Je me contente donc d'écouter ce que me répond le Sindel sans rien rajouter.

Alors que j'évoque la Magicienne du Naora et le fait qu'elle m'ait confié une tâche, je vois mon interlocuteur froncer les sourcils, puis se tendre de manière inquiétante. Ses doigts se crispent, comme s'il était prêt à dégainer son arme, et je sens un sentiment qui m'est totalement étranger envahir la moindre parcelle de mon corps et de mon âme, brutalement, implacablement: une peur si puissante qu'elle me tétanise sur le champ. Je n'ai pas trop de toute ma volonté pour rester immobile et m'abstenir d'une réaction idiote qui déclencherait sans doute un carnage, unilatéral j'en suis certain. Je frémis imperceptiblement, prenant une ample respiration pour me détendre, c'est la première fois de mon existence que je me trouve face à quelqu'un qui m'inspire une véritable crainte, et je hais cette faiblesse qui me saisit!

Le murmure glacial qu'il utilise pour me transpercer de questions accusatrices et de menaces à peines voilées est largement pire qu'un éclat de colère, j'ai la certitude absolue qu'à la moindre parole de travers, je suis un Sindel mort. Et c'est cette pensée qui me sauve: je ne crains pas de mourir. Et si je ne crains pas de mourir, je n'ai pas à le craindre lui. Le respecter, oui, mais en avoir peur...non. Ce n'est qu'à cet instant que je réalise qu'il vient de m'offrir une information capitale, et la confirmation des paroles sibyllines d'Aïlyaë.

Il s'approche de moi, me dévisageant d'un regard à peine soutenable, mais la peur m'a quitté et je le soutiens sans vaciller, avec un respect dénué de toute provocation ou soumission. J'incline simplement le visage pour lui confirmer que j'ai compris l'avertissement, les mots seraient de trop à cet instant. Il se tait quelques secondes, qui me semblent interminables. Puis conclut en me disant de me considérer comme l'un des leurs jusqu'à ce que soit résolu le problème de la Magicienne. Ce n'est qu'à cet instant que je me permets de reprendre la parole, avec un infime sourire en coin, d'amusement dénué de moquerie:

"Vous voyez, au final, je suis bel et bien sous votre commandement, d'une certaine manière. Merci. Je suis tout à fait disposé à répondre à vos questions dans la mesure de ce que je sais, ce qui revient à dire pas grand chose en réalité."

J'hésite un instant, non pas à lui révéler des secrets qui n'en sont pas vraiment, mais sur le choix des mots à employer, puis je me décide à me lancer avec ceux qui me viennent, imperceptiblement gêné, ce qui est rare chez moi:

"Aïlyaë est son nom, c'est une femme...volcanique...très sensuelle et...exigeante. Si elle m'a soigné, c'est parce que mon corps l'intriguait, un voyageur m'avait amené à elle en guise de...présent. Comme vous pouvez l'imaginer, je n'ai pas refusé ses avances...mais ma mémoire étant ce qu'elle est, je lui ai semblé, disons...débutant dans le domaine. Elle m'a alors dit sur le ton de la plaisanterie qu'il me faudrait m'améliorer avant de revenir, c'est à cette occasion qu'elle a cité le nom en question et sous-entendu qu'une aide pourrait éventuellement m'être apportée pour mener à bien la tâche qu'elle m'a confiée, une sorte de prix pour m'avoir sauvé la vie, en quelque sorte. Elle ne m'a pas donné d'ordre, ni forcé à quoi que ce soit, mais elle a cité votre nom dans la même conversation, voilà pourquoi je me suis permis d'évoquer cela avec vous, supposant qu'il y avait un lien."

Je désigne mon poignard en Xiuhl d'un geste du menton, sans le dégainer ni y porter la main, rendu prudent par les tensions des dernières minutes:

"Ce qu'elle m'a demandé m'a semblé un bien modeste prix pour ma carcasse, alors j'ai accepté, par gratitude. C'est très simple, du moins en apparence: je dois lui ramener ceci, après l'avoir fait modifier d'une façon ou d'une autre par la magie la plus proche de celle du feu que je trouverai sur ce nouveau monde. A des fins d'études, j'imagine."

Finalement, le jeune homme arriva devant le siège de la milice de Tulorim. Un baroudeur siégeait à l'entrée. Cette milice n'avait clairement pas la classe de celle de Kendra Kâr, et encore moins de Cuilnen. Il s'approcha néanmoins.

« Bonjour, je suis à la recherche seigneur Cromax. On m'a dit de le retrouver ici... »

Le 'seigneur' était peut-être de trop, mais on n'était jamais trop poli.

La tension est palpable dans la pièce, suite à ma réaction défensive un peu trop ostensible et manquant cruellement de prudence et de retenue. Mais l’elfe comprend que mes mots ne sont une menace que s’il trahit le secret, et s’explique à son tour sans réserve apparente sur ce qu’il sait de sa magicienne. Ses mots me rassurent. Les termes d’Amants de la Rose Sombre n’ont été utilisés ici, bien que secrets, que pour désigner les pratiquants du Temple des Plaisirs. Rien qui ne mette en danger les activités dans l’ombre cachées derrière cette façade de luxure et de faste grandiloquent. Et c’est pour acquérir de l’expérience dans le domaine du stupre qu’il a été envoyé nous voir. À moins que ce ne fut une ruse habile de sa maîtresse flamboyante pour trouver une raison de nous le refourguer… pour notre bien ou pour des raisons plus obscures et dangereuses pour nous. Je pose une main, doucement, sur son avant-bras. Amical, le contact veut engranger un sentiment de confiance en mon vis-à-vis, ébranlé par ma propre méfiance.

« Je suis effectivement coutumier du Temple des Plaisirs de Kendra Kâr, lorsque j’y séjourne. Il n’est guère surprenant que mon nom y soit rattaché. »

En parlant, je me rends compte que ma précédente réaction, trop vive, révélait presque trop la nature cachée de nos actions. Celle-ci remet les choses dans l’ordre, même si une fois de plus, je répugne mentir par devoir. Je n’aime guère être pris dans un secret qu’on ne peut révéler, même si je sais les raisons de celui-ci, et que je les accepte.

Je pointe un doigt vers son visage en lâchant son bras. Un simulacre pacifique et moqueur d’un geste initialement menaçant.

« Mais que je ne vous reprenne plus à dire encore que vous êtes sous mon commandement. Dans la milice comme dans le Temple, je ne m’accompagne que d’amis, de compagnons, et non de subalternes. »

Et reprenant le sujet de son poignard et de la raison de sa présence ici, je poursuis, récupérant mon doigt et reniflant mon verre :

« Pour enchanter ce poignard, il faudra déjà que ce monde soit muni d’enchanteurs. Votre amie a-t-elle quelque connaissance sur la magie présente sur Elysian ? Vous en a-t-elle fait part ? »

Cette pyromancienne… volcanique et sensuelle. Il me serait plaisant de la rencontrer, d’aventures, si mes pas me menaient sur le Naora. Et pas uniquement pour parler de magie et de poignards, je gage. Mais sans doute mes déboires passionnés sont-ils mal perçus, sur mon continent d’origine. Connaissant certains des miens, et leur fanatisme législatif et culturel prononcé, je n’en doute pas.

Lorsque la main de Cromax se pose sur mon avant-bras, je ne peux m'empêcher de baisser les yeux pour la contempler, profondément surpris, déboussolé. Je doute fort que beaucoup d'hommes se soient jamais permis tel geste, et je sens ma musculature se tendre légèrement à ce contact, comme si mon corps me poussait à réagir avec une débauche de violence en un réflexe défensif enraciné en moi. Pourtant, bizarrement, je réalise que venant de lui cela ne me dérange pas vraiment, je le prends naturellement comme un simple geste amical, une fois la surprise passée.

Je reste de granit lorsque il me dit être coutumier du Temple des Plaisirs de Kendra Kâr, songeant que c'est une jolie manière de rendre anodin quelque chose qui ne l'est pas, si j'en juge la virulence de sa réaction lorsque j'ai mentionné imprudemment le nom de cette guilde. J'ai retenu la leçon toutefois, et je me contente donc d'acquiescer comme si cela était l'explication évidente. Il lâche mon bras pour pointer un doigt taquin vers moi, soutenu par une plaisanterie qui n'en révèle pas moins une partie de son caractère et de ses habitudes. Des amis, des compagnons...je sais ce que cela signifie, mais je ne me souviens pas de ceux que j'ai pu avoir, ma mémoire est vierge d'images à ce niveau là. Peu importe, c'est une sorte de perche qu'il me tend, à laquelle je réponds en le fixant droit dans les yeux, un rictus amusé aux lèvres:

"Dans ce cas, j'aurai plaisir à mener cette mission à vos côtés en tant que compagnon. Pour commencer. Amis...l'avenir en décidera?"

Il hume son breuvage, tandis que je bois une nouvelle gorgée du mien, manquant avaler de travers à ses paroles suivantes qui me soutirent un rire rauque, vraisemblablement peu usuel. Je secoue négativement la tête, rétorquant:

"Ce n'est pas mon amie, Seigneur Cromax. Pas plus que je ne suis le sien. Un amant de passage, divertissant peut-être, mais aussi vite oublié que mis dans son lit. Sans doute tient-elle plus à son poignard qu'à ma personne, ce qui vaut aussi pour moi car il m'est plus utile pour voyager qu'une magicienne recluse dans son antre."

Je reprends rapidement mon sérieux, ajoutant:

"Je doute fort qu'elle sache quoi que ce soit sur cette nouvelle terre, en tout cas elle ne m'en a rien dit. Elle ne sort jamais de sa demeure pour ce que j'en sais, le voyageur qui m'a apporté chez elle a dû évoquer les rumeurs de ce nouveau monde, et sa curiosité l'aura incitée à me confier cet objet et cette "mission", je le sens plus comme une forme de caprice que comme quelque chose de réfléchi."

En parlant de mission et de rumeur, je me demande combien de temps nous devrons attendre qu'une équipe soit constituée, il faudra possiblement des semaines avant que ne soient réunis assez d'aventuriers, suivant le nombre requis. A tout hasard, je pose la question à Cromax:

"Avez-vous une idée du nombre que nous serons à nous lancer dans cette aventure? Peut-être connaissez-vous certains êtres qui se joindront à nous?"

Même si je n’avais jamais visité Tulorim, j’en avais déjà entendu parler par les habitants de Kendra Kâr, sa ville concurrente. Ceux-ci affirmaient que Tulorim n’avait point la beauté de la cité blanche, qu’elle était gouvernée par un conseil de sept nobles marchands qui pensaient plus à leurs profits personnels qu’aux intérêts de ses résidents, et que les rues grouillaient d’assassins et de voleurs.

Sitôt que j’eus foulé les pieds sur le sol de Tulorim, je constatai que cette cité était beaucoup plus belle et propre qu’Omyre ! En frais d’assassin, la cité noire était championne.
Sans perdre un instant de plus dans mes réflexions, j’examinai le plan de la ville que m’avait gentiment remis l’agent de bord dans l’anyore, et je me mis en route accompagnée de mon ami ailé.

Ne connaissant point les quartiers, je n’osai m’y aventurer, me contentant d’emprunter les grandes rues. C’est ainsi que je contournai un bâtiment nommé le dépôt de Marluck pour atteindre une rue principale. Je la suivis, passant devant une taverne pour me retrouver dans un très grand marché. La population y était tellement dense que je dus surveiller tous ces grands pieds afin d’éviter de me faire écraser. Avec soulagement, je sortis de cet endroit pour reprendre la route. Puis, je m’arrêtai un bref moment, le temps de consulter ma carte pour m’assurer que j’étais sur le bon chemin. Je repartis donc de plus belle, contournant un parc, pour finalement me retrouver devant le bâtiment de la milice.

Je restai immobile quelques secondes levant les yeux sur la grande porte, légèrement intimidée. Je pris ensuite une grande respiration, jetai un petit coup d’œil à mon compagnon avant de m’avancer et pousser la porte.

Une fois à l’intérieur, j’aperçus deux hommes. Le premier debout, un grand blond bien habillé que je reconnus immédiatement, bien que je ne le vis que de dos. Le second, assis derrière une table encombrée de papier, avait toutes les allures d’un soldat, tant par son habillement, que par sa posture droite et un peu figé. J’attendis poliment qu’il termine de parler avec le dénommé Faelis que j’avais croisé dans l’anyore, puis je m’approchai de lui, suivie de près de Pataud qui cancanait tout en se dandinant comme tout bon canard.
Abaissant son regard vers moi, il me demanda la raison de ma visite à la milice.
Tentant de parler bien fort afin de bien être entendu, le corps droit, je m’annonçai :

« Je me nomme Guasina Roquin. J’arrive tout juste de Kendra Kâr, où l’on m’a dit que vous cherchiez des volontaires afin de faire la conquête d’un nouveau monde. Je serais bien intéressée de compter parmi ces aventuriers. »

Je m’interrompis, pointant du doigt mon canard, je poursuivis :

« Je préférerais par contre y aller seule et vous confier ma monture. Est-ce possible ? »


Tout en attendant la réponse du milicien, je fis un petit sourire à Faelis.

Milice de Tulorim – Entrée.

Le soldat lève les yeux sur Earnar et hausse un sourcil.

- Boarf, c’est plus au nouveau monde que vous allez apporter votre aide, si vous voulez mon avis, quoi que j’suppose que la milice de Tulorim y gagne quelqu’chose sinon j’serais pas là à faire le troufion. En tout cas z’êtes le bienvenu. C’est en haut à gauche, y’a d’jà du monde, j’crois.

Il désigne l’escalier qui se trouve à côté avant de se tourner vers l’elfe qui s’approche, vêtu comme un noble et l’air certain de lui.

- Oh… Bah j’crois que j’ai aperçu le sergent Cromax monter. J’suppose qu’il s’est joint à la demande d’Elysian. ‘fin, vous l’trouverez en haut à gauche, j’pense, s’il n’a pas encore traversé le fluide.

Lorsque Faëlis s’éloigne, le milicien se penche pour regarder Guasina avec une surprise non feinte et tend l’oreille pour l’écouter.

- Mazette ! C’pas tout les jours qu’on en voit des comme vous ! En tout cas vous vous enfilez les aventuriers, quand y’en a un qui s’pointe, c’est tout l’monde qui rapplique ! M’enfin, vous êtes la bienvenue m’dame de petite taille. C’est en haut à gauche.

Il regarde le caneton, l’air de se demander ce qu’il va bien pouvoir faire de lui.

- Ouais, laissez-moi votre caneton, j’vais lui trouver une… mare. Oh ! j’ai d’la famille à la ferme, ils ont une toute jolie mare, j’suis certain qu’y va s’plaire là bas, partez sans crainte !

Milice de Tulorim – Salle de l’Etat-Major

Un petit oiseau s’approche de la fenêtre, émet un petit trille joyeux, rapidement rejoint par un compère. Ils restent quelque secondes sur le rebord de la fenêtre, s’échangeant de petits piaillements avant de reprendre leur envol.


[Earnar : xp – 0,5 (post)
Cromax : xp – 6 (posts) ; 0,5 (discussion intéressante)
Kerenn : xp – 6 (posts) ; 0,5 (discussion intéressante)
Faëlis : xp – 0,5 (post)
Guasina : xp - 0,5 (post)]

L'homme ne lève même pas les yeux de son bureau et me répond qu'il faut que je monte et me rende dans la pièce à gauche.

(De plus en plus poli, ces miliciens.)

Je m'arrête en plein milieu pour me retourner et revenir doucement sur mes pas.
En effet, un étrange individu masqué et enroulé dans une cape vient tout juste d'entrer. Peu de temps après, un elfe blanc se présente devant le milicien. Il rayonne la beauté et l'élégance. Un vrai représentant de sa race.
Et enfin, une toute petite créature entre. Une lutine rousse, aux traits joyeux et enfantins.

Après ces quelques observations, je termines de monter l'escalier et, suivant les instructions du milicien, j'entre dans la pièce sur sa gauche.

La pièce est grande, aucun ornement ne décore les murs. Éclairée à l'aide de quelques bougies et d'une grande fenêtre dont les rideaux sont rabattus, les seuls meubles de la pièce sont une grande et large table trônant au milieu, des bancs de part et d'autre de la pièce, et une petite table sur laquelle repose de l'alcool et des verres.
La table centrale n'était qu'un tas de papiers en désordre, d'encrier et de plume.

La salle n'est pas inoccupée. Deux personnes s'y trouvent. La première respire la noblesse et le charisme d'un chef. Ses habits élégants et sa peau grisâtre laissent entrevoir ses origines Sindeldi. À vérifier. L'autre personnage est nettement moins beau, bien que sur-musclé. Ces longs cheveux gris encadrent son visage balafré. Il porte des habits simples et discrets.

M'approchant un peu, je déclare simplement, ne sachant pas trop comment se comportait face à deux étrangers si différents.

« Bien le bonjour. »

Le milicien n'était pas des plus bavards mais Earnar Corail ne l'était pas non plus. Toutefois, il aurait aimé avoir eu plus d'informations sur leur mission plutôt que de simples allégations comme quoi il se doutait que la milice de Tulorim y gagnait quelque chose à intervenir dans le monde découvert. S'il se rappelait bien ce nouveau monde s'appelait Elysian selon ses supérieurs. Au moins le milicien lui souhaitait la bienvenue et lui indiquait l'escalier qu'il devait emprunter ainsi que d'autres aventuriers étaient à l'étage. Venaient-ils pour l'or, la gloire ou pour d'autres raisons plus mystiques ? Ce nouveau monde allait sans nul doute le mettre à l'épreuve, l'adaptation, son don le plus précieux allait lui servir, lui qui ne faisait que tuer ou voler selon les ordres de ses commanditaires. L'Eàrion s'inclina devant le milicien.

- Je vous remercie, je m'en vais de ce pas pour avoir plus d'informations sur notre mission.

Trois autres personnes qui venaient aussi pour la mission se présentèrent devant le factionnaire. Un elfe, un hinïon sans doute de la noblesse au vu de ses atours, était à la recherche du seigneur Cromax qui était en réalité un sergent se trouvait à l'étage. Une autre information donnée par le milicien le renseigna sur la présence possible du fluide les menant vers Elysian. Ce devait être un fluide spatial et non temporel, il se remémorait les vieilles histoires que lui racontait sa noble famille sur l'existence des fluides. Par la suite, une lutine nommée Guasina Roquin qui venait tout droit de Kendra Kâr semblait être aussi de la partie, ce qui étonna le milicien au plus au point. Un homme déboula dans la milice aussi vite qu'une tornade avant de se stopper net pour observer les alentours, puis il les abandonna pour se rendre à l'étage. Les pas lents et discrets du voleur suivirent ceux de l'humain qui se présenta devant deux autres elfes, des Sindeldi à ce qu'il lui semblait. Earnar avait rarement vu autant d'ethnies différentes d'elfe dans une même pièce, il ne manquait plus qu'un Shaakt pour compléter le tableau.
Derrière l'homme qui se présenta devant les deux aventuriers en pleine discussion, l'Eàrion dévoila sa véritable nature en abaissant sa capuche, ses mains palmées dépassant de l'ourlet de ses manches.

-Bonjour, l'un d'entre vous est-il le sergent Cromax ? Le milicien en contrebas semblait dire que ce dernier pouvait nous renseigner. Appelez-moi Corail.

Il précisa, en même temps que l’honneur qu’il avait d’être mon compagnon dans cette aventure, ses relations avec la magicienne de feu. Une amante de passage, sans réel intérêt, et n’ayant que peu de lien avec lui. Aucune intimité, si ce n’est celle d’une nuit. Elle ne l’a donc envoyé ici que sur un simple conseil d’orientation. Serait-il si mauvais amant, qu’elle lui réserve des cours pratiques au sein du Temple ? Ou en ma compagnie. Même si mon expérience concernant les elfes hyper musclés pleins de testostérone s’arrête… à mon propre cas. Encore aurait-il été humain, aurais-je pu le conseiller, mâle comme femelle. Mais là. Enfin, il ne semblait en tout cas guère y faire référence, et je le sens un peu tendu à mon contact. Autant ne pas insister dans cette voie, même si un sourire intérieur nait en moi, sous les envies notables de Lysis de le voir totalement dénudé. Il annonce son poignard plus utile qu’une magicienne recluse dans son antre… Je lance, à l’envolée :

« Ça dépend dans quel domaine on œuvre ! »

Le sous-entendu est notable, mais sans doute faut-il avoir l’esprit un peu tordu pour le saisir dans sa pleine valeur sémantique. Sinon… il pourra toujours croire que je parle de la puissance de ses pouvoirs, voire même de l’intérêt plus pertinent d’une conversation avec une magicienne qu’avec un poignard, fut-il stylisé.

À sa question pour savoir combien d’êtres se joindront à nous, je ne peux qu’hausser les épaules, n’en sachant rien.

« Je l’ignore. Mais j’espère que nous ne serons pas que deux. Explorer un monde neuf peut s’avérer fort épuisant. Je reviens tout juste de Saldana, une planète de sable où sévissait une guerre civile. Nous n’étions que deux sergents de la milice pour régler toute la situation sur place, sans autre effectif… C’était rude, mais j’y suis parvenu. Mon… compagnon y étant resté. »

Mort de ma main. Mais ça, je ne le révèlerai pas.

« Vu qu’il s’agit d’un appel à volontaires, j’imagine que plusieurs aventuriers se présenteront. En espérant qu’ils trient un peu les prétendants. Tous les vénaux avides d’argent et de gloire risque de se bousculer, sans aucune envie d’aider plus que ça. Et ceux-là ne pourraient être qu’une plaie pour notre mission. »

Curieux, et n’observant que peu les oiseaux s’amuser dehors, je m’avance vers la porte de droite, restée close depuis mon arrivée ici, pour l’ouvrir… Ou en tout cas vérifier qu’elle s’ouvre bien, et révéler à notre vue une personne qui saurait nous renseigner, ou mieux : le fluide vers Elysian.

A ce moment, deux êtres entrèrent dans la pièce. Un homme, plutôt musclé, à l'apparence un peu sombre, mystérieuse et savamment négligée. Et un elfe, encapuchonné dans un premier temps, mais qui révèle sa nature assez vite en ôtant ce voile noir nous masquant ses traits : un earion. Mon geste s'interrompt de lui-même alors que je me tourne vers Kerenn :

"Il semblerait bien que nous ne serons pas que deux. Bonjour, messieurs."

L'elfe à la peau bleutée annonça qu'il cherchait un dénommé Cromax. Moi, quoi. Le milicien en poste à l'entrée, celui qui a la tête à bouffer ses crottes de nez, aurait dit que je le renseignerais sur la mission. Je hausse un sourcil, perplexe. Est-ce réellement une mission de coordination d'aventuriers, que je me paie là ? Sans doute Est-ce dans mes nouvelles attributions de Sergent, après tout.

"Je suis Cromax, mais je crains n'avoir grand chose à vous dire que vous ne sachiez déjà. Pourquoi êtes-vous là, tous deux ?"

Leur venue ne m'empêchera cependant pas de savoir ce que cache cette porte...

La réponse blasée du milicien était que le « sergent » Cromax était « en haut à gauche » et qu'il avait répondu à la demande d'une certaine Elysian... Il était aussi question d'un fluide. Mais de quel élément ? Impossible à dire.

Cependant, l'homme fut bien vite surpris par autre chose. Et quelle ne fut pas la surprise pour Faëlis de voir qu'une fois de plus, il avait été suivi sans le voir par la petite Guasina ! Celle-ci, suivit de près par son jeune canard, affirma être venue de Kendra Kâr pour participer à « la conquête d'un nouveau monde ». Comme quoi une petite taille ne présumait pas de la mesure de l'ambition ! Mais décidément, ces gens étaient bien étranges ! Le milicien, visiblement amusé autant qu'impressionné, proposa de garder son canard, qu'elle souhaitait laisser en sécurité.

Il fallait se renseigner au plus vite, et en outre, puisqu'il semblait qu'il faille passer par des escaliers, qui seraient sûrement fort pénibles pour une aussi petite personne, Faëlis s'agenouilla et tendit un bras, espérant qu'un tel comportement ne soit pas une insulte, et dit :

« Rebonjour, madame la lutine ! Voulez-vous profiter de mon épaule pour aller plus vite ? Quel est donc ce monde que vous parlez de conquérir ? »

"Cela dépend dans quel domaine on oeuvre", me répond Cromax à propos de la magicienne et du poignard. Je souris légèrement, plus un rictus qu'un vrai sourire, amusé du sous-entendu mais n'étant pas vraiment certain de le comprendre de la même manière que lui. Je manque quelque peu de références pour ce genre de subtilités, mais qu'importe. Le Sindel hausse ensuite les épaules, et me parle de l'une de ses expériences sur un autre monde, ce que j'écoute avec le plus grand intérêt. A mi-voix, d'un ton neutre car j'ignore tout du lien qu'il avait avec cette personne disparue, je lui réponds:

"Désolé pour la perte de votre compagnon."

Mes souvenirs fragmentaires sont suffisants pour que j'aie conscience d'avoir vu crever bon nombre de soldats dans le désert, sans doute assez pour ne plus perdre mon temps à me lier avec les nouveaux venus, éphémères comparses dont on n'aura pas même le loisir de connaître vraiment les traits.

La réplique suivante du Sergent me fait hausser les épaules, tandis que je le dévisage avec une indifférence dédaigneuse pour ceux qu'il décrit comme de possibles plaies. Il y en aura forcément, il y en a toujours, mais la solution à ce problème est simple en ce qui me concerne:

"Ceux qui nuiront à notre mission en paieront les conséquences, voilà tout."

Il se dirige vers l'une des portes, j'en profite pour m'approcher de la table où sont dipsosés en vrac quelques papiers, dont je m'empare afin d'en prendre connaissance, en quête d'informations sur cette mission si occulte. Des légendes, des listes...rien de palpitant à première vue mais, si elles sont dans cette pièce destinée à regrouper les aventuriers en partance pour Elysian, il doit y avoir une raison...je forme un rouleau du tout et le garde en main, examinant méticuleusement de l'autre ce qui reste sur la table, sait-on jamais?

L'ouverture de la porte par laquelle nous sommes arrivés me fait tourner la tête, j'opine à l'attention de Cromax qui me dit que nous ne serons pas que deux, scrutant le nouveau venu sans manifester la moindre bribe d'émotion. Un humain...forcément nous sommes dans une ville qui en est remplie, j'aurais pu m'en douter. Il me semble un peu moins anémique que la plupart des représentants de cette race faible et vile, et fait l'effort de nous saluer poliment, ce qui est déjà un début moins calamiteux que prévu. S'il doit nous accompagner, autant me faire de suite à cette idée et préserver un semblant de politesse envers lui, aussi j'incline imperceptiblement la tête en lui répondant:

"Bonjour, humain."

Derrière ce premier arrivant, un deuxième se pointe, plus discret, fluet, qui révèle sa nature en abaissant sa capuche et en montrant ses mains. Je hausse cette fois un sourcil presque étonné. Par les entrailles de Meno...un Elfe croisé avec une poiscaille...aussi bleu que s'il avait retenu son souffle depuis son océan natal! Un Earion, sans doute, je ne crois pas en avoir déjà vu un, sans doute le climat du Dragomélyn n'est-il pas précisément à leur goût? Il cherche Cromax, et nous indique son nom, ou un surnom..."Corail"...a-t'on idée d'un nom pareil? C'est comme si je me prénommais "sable"! Enfin, au moins c'est une espèce d'Elfe, même si ces lointains cousins sont loin d'avoir la grandeur des Sindeldi. Je le salue d'un simple hochement de tête, après tout ce n'est pas à moi qu'il s'adresse, et je poursuis ma fouille systématique de ce qui se trouve sur la table.