Le lion resta un instant silencieux. Puis, il hocha calmement la tête, visiblement calmé et convaincu. Ne s'agissait-il donc que de ça ? L'elfe ne pouvait que s'en étonner. L'esprit s'approcha de lui et...
Que s'était-il passé ? Il ne savait pas vraiment. Il tituba légèrement, reculant d'un pas. Des images étranges... mystérieuses... mais il n'eut pas le temps d'y penser davantage. Tout son être pulsait et irradiait de lumière. La voix de l'être résonna, proche et distante à la fois, expliquant qu'il n'était ni élémentaire, ni dieu, mais l'incarnation des fluides de lumière. Réponse énigmatique s'il en est, mais à ce moment-là, Faëlis eut la conviction que de toute façon il ne pourrait comprendre. Il était des mystères qui le dépasseraient à jamais.
L'esprit s'approchait encore. Mais il ne s'approchait plus physiquement... L'hinïon était maintenant comme dans un rêve. Un rêve dans lequel résonna la voix :
« Montre moi l’Ombre qui point dans ton esprit, les brisures dans la Lumière »
Un instant de panique. De l'ombre ! Il n'y en a pas ! Ou si peu... Mais bien sûr que si, il y en a. Il y en a toujours. L'intrusion était douce. Comme un spectateur qui prendrait place sur son siège, attendant de voir ce que la pièce de théâtre lui réservait. Le lion attendait de voir ce que Faëlis lui montrerait. Mais ce dernier n'avait pas envie. De quel droit ? Sa vie personnelle ne concernait que lui ! Enfin, certains aspects de sa vie personnelle concernaient aussi un grand nombre de jeunes femmes séduisantes... mais tout de même !
Mais était-ce vrai ? Sa vie personnelle n'était-elle pas la définition de ce qu'il était ? Le lion n'était pas concerné par sa vie personnelle, mais il était concerné par la survie de son monde. Et pour cela, il voulait connaître son potentiel sauveur. Cela était juste et inévitable. Faëlis comprit qu'il n'y échapperait pas. S'il voulait être quelqu'un d'honnête et honorable, il devait le faire. Une étrange appréhension lui nouait l'estomac. Il était sûr d'être quelqu'un de juste et d'honnête. Mais il n'avait pas l'habitude de revenir en arrière sur sa vie. Ou alors seulement sur les parties les plus amusantes. Il ne savait pas pourquoi, mais il avait la conviction que c'était quelque chose qui ne devait pas se faire.
(Et vous verrez qu'honnêteté et honneurs ne sont pas acquis dans ma famille...)***
Et il se laissa aller... il remonta loin. Mais pas si loin. Car tout n'avait commencé que par une enfance heureuse. Un peu oublié, certes, mais heureuse. Quand ses parents étaient là, c'était pour l’encenser et vanter la beauté de leur enfant. Il n'avait que vaguement fait attention à cet homme qui était venu le voir avec un visage sombre...
« Vous rendez-vous compte de ce que vous avez fait, dame Faëlina ? »Pas de réponse.
« Pour moi, cet enfant est un monstre. Une image de votre ego surdimensionné. »« Pourquoi dites-vous ça ? »« Vous le savez mieux que moi... »Faëlis n'avait jamais su qui était cet homme, mais il comprenait maintenant qu'il avait dû deviner quelque chose. Il ne reparut jamais, apparemment exilé. À la même époque, Faëlina perdit son poste de grande druidesse par décret de la reine, sans explication. Mais elle sût regagner la confiance. Elle réintégra l'ordre vingt ans plus tard, avec le retour d'Oaxaca.
***
Évidemment, Faëlis mit du temps à comprendre qui était sa mère. S'il savait son père distant et hautain, sa mère en revanche était très proche par nature. Elle travaillait toujours sur ses « autres enfants » comme elle les appelait : ses roses. Elle en créait des magnifiques, qui étaient vendues pour les jardins les plus prestigieux du monde.
Mais un jour, un serviteur vola un nouveau plant de rosier pour le vendre à des concurrents. Une servante qui l'avait vu le dénonça, catastrophée, demandant ce que Faëlina allait faire. La superbe femme ne se démonta pas. Elle sourit avec tendresse en assurant qu'il ramènerait lui-même son « enfant » dans son giron.
En effet, le lendemain, le serviteur était revenu, pâle et terrifié. Le rosier s'était tordu entre ses mains et ses branches épineuses formaient un nœud inextricable autour de ses mains. Des menottes cruelles qui le saignaient au moindre mouvement. C'est à ce moment là, seulement, que Faëlis réalisa que sa mère était une magicienne aussi puissante qu'impitoyable. Néanmoins, son admiration pour elle restait intacte. Il ne l'avait jamais vu faire quoique ce soit d'injuste, et même aujourd'hui, alors qu'il connaissait mieux ses défauts, il continuait à l'aimer. Il y avait bien d'autres membres de sa famille qui ne l'avait pas autant soutenu.
***
Nariym était son cousin, aussi ténébreux que Faëlis était lumineux. Il était un vrai Kassilian, apparemment noble et honorable. Ils avaient passé une bonne partie de leur enfance comme des frères mais, aveugle du ressentit des autres, Faëlis n'avait jamais réalisé comme tous les compliments qu'il recevait pesaient sur son cousin... Car ces même compliments le rendaient chaque année un peu plus égocentrique, tandis que la peur qu'inspirait sa mère à son insu dissuadait quiconque de le critiquer. Avec le temps, ils s'éloignèrent. Et cet éloignement finit par éclater au grand jour...
… « Arrête, Faëlis, tu me chatouilles ! »Le fils de lumière gloussa en continuant à laisser sa main courir sur le corps de Saermos. Le jeune éphèbe n'était qu'un simple serviteur de la famille, mais il était plein de ressources ! Pour tout dire, c'était la première fois que Faëlis découvrait le plaisir que procurait un contact aussi rapproché avec un autre garçon.
Son compagnon riait aux éclats et déposa un petit baisé sur ses lèvres. Puis son regard se fit plus distant, presque triste :
« Je n'aurais pas cru vivre ça avec toi... c'est tellement gentil de... enfin... »Le noble haussa les sourcils :
« Quoi donc ? Nous sommes tous les deux des elfes, qu'est-ce que le rang social a à voir avec ce genre de bonheur ? Ici, nous sommes à égalité. »Saermos sourit en laissant sa main glissé sur le torse nu de son compagnon :
« Je n'en connais pas beaucoup d'autres, ici, qui diraient la même chose... »Ils furent interrompus par la porte de la chambre qui s'ouvrit pour laisser la place à Nariym. Celui-ci ouvrit des yeux ronds :
« Mais... qu'est-ce que vous faites ? »
Faëlis, tout sourire, lui fit signe de s'approcher :
« Vient, on s'amusera mieux à trois ! »Le visage de son cousin se tordit de dégoût :
« Tu es répugnant ! Avec un... homme... »Il se retira en claquant la porte, laissant un elfe abasourdit et l'autre attristé.
« Maintenant tu sais ce que j'endure... »… Faëlina fut bien vite mise au courant, probablement par Nariym. Heureusement, comme beaucoup d'elfes, elle ne voyait rien d'inconvenant ici. Et puis de toute façon, son fils ne pouvait qu'être parfait, et elle partageait l'avis de ce dernier comme quoi cette perfection devait profiter à tout le monde.. Elle se contenta de sermonner Faëlis sur l'importance d'avoir des enfants et donc de ne pas négliger pour autant la gente féminine. Ce n'était pas son intention de toute façon, mais à compté de ce jour, lui et Saermos se montrèrent plus discrets. Son amitié pour Nariym s'écorna, mais à la place, une pointe de respect apparut : au moins son cousin était un vrai Kassilian, vertueux à l'excès mais donc juste et fiable.
Hélas, cette image allait bientôt elle aussi disparaître.
***
La fête touchait à sa fin pour les convives les plus courtois, qui maintenant dormaient à poing fermé dans les bras de leurs épouses, sur l'un des innombrables divans apportés dans la grande salle de réception. Il n'y avait pas grand monde qui ne soit pas abruti par les vapeurs émises par le brasero, dans lequel brûlaient des plantes dont dame Faëlina avait le secret. Pour les convives de l'ombre, en revanche, la soirée ne faisait que commencer. C'était le moment où les plus bas instincts s'éveillaient. Dans la vie somme toute pas très passionnante de Faëlis, c'était le moment des sensations fortes. Le moment ou le corps était pris de frissons rien qu'à regarder dans les yeux de certains membres de la famille Nyris. Le jeune elfe savait que pour beaucoup d'entre eux, il était fait pour tenir le rôle de l'esclave masseur silencieux, qui se soumettait à toutes les demandes qui lui serait faite. C'était en effet la « discipline » dans laquelle il était le plus doué : les massages, qu'ils soient thérapeutiques ou sensuels. Heureusement, même les Nyris ne forçaient jamais personne à entrer dans leurs jeux parfois cruels.Il pouvait donc en tranquillité arpenter les couloirs sous les regards de loups affamés de certains membres de la famille qu'il connaissait courtois et même parfois drôle, mais qui devenaient à l'heure des ténèbres des animaux animés des plus bas instincts.
Les familles Nyris et Kassilian avaient été ennemis jadis. Les intrigants et cruels Nyris avaient cherché à prendre le pouvoir au cours d'odieux complot et les Kassilian avaient toujours été là pour les arrêter. Des histoires pleines d'aventure et de romance avaient été racontées... mais ces guerres civiles avaient fini par lasser la couronne qui avait demandé à unir ces deux familles. Ainsi était né le premier Nyris'Kassilian. Depuis, périodiquement, quand les familles sentaient que la tension remontait entre elles, une nouvelle union amenait à la naissance d'un Nyris'Kassilian, souvent amené à devenir un enjeu politique important et à vivre d'intrigue et d'aventure. Faëlis était le dernier en date. Il ignorait pourquoi ses parents avaient voulu lui donner ce nom, mais il aimait observer les relations complexes de ses deux familles.
Curieusement, il avait remarqué que la distinction entre les vertueux Kassilian et les épicuriens Nyris n'était plus aussi claire, et à l'heure des ténèbres, on trouvait de tout. Il avait notamment remarqué comment son père s'éclipsait lorsque le temps était venu... mais trop tard. L'heure était déjà entamée. Faëlis ne savait que peu de choses de ses activités. Il n'y avait qu'une fois qu'il l'avait vraiment vu à l'heure des ténèbres. Masqué et se livrant à un duel sauvage, témoignant de ses talents de bretteur, sous les acclamations des convives. Mais durant l'heure des ténèbres, ce n'était pas les combats qui intéressaient Faëlis. Surtout pas après avoir vu son père balafrer avec délectation le visage d'un adversaire plus coriace que les autres. Noremas Kassilian avait lui-même reçu une cicatrice particulièrement laide que les meilleurs maquillages ne pouvaient effacer complètement, aussi il se sentait en droit d'infliger de même à ses ennemis.
Un tel comportement avait achevé de faire perdre à Faëlis le peu d'estime qu'il avait pour son père, mais ce soir là, la surprise devait venir d'un Nariym légèrement éméché qui lui tomba dessus au détour d'un couloir :
« Tient ! Mais c'est... c'est ma cousine Faëlis ! »Le groupe qui le suivait, trois femmes et un homme, tous masqués de plumes noires, ricanèrent. Ce genre de commentaire de la part de Nariym était devenu courant, et le fait qu'il soit ivre poussait à l'indulgence. Faëlis fit la révérence, manquant de s'effondrer car il n'était lui-même plus très sûr de ses jambes. L'ivresse n'était pas très appréciée à Cuilnen, mais à l'heure des ténèbres, dans le palais Nyris'Kassilian, les elfes blancs ressemblaient bien plus à leurs cousins noirs du nord.
« Nariym ! Quel plaisir de voir mon cousin si Kassilian en cette heure ! »Le commentaire fait aussi rire l'assistance, mais l'elfe brun pinça les lèvres :
« Que dirais-tu de venir tester ta virilité avec nous ? »« Une invitation qui ne se refuse pas ! »Le blond suivit donc le groupe, s'attendant à une orgie quelconque, et curieux d'enfin découvrir le type de prestation que son cousin, qu'il connaissait plus préoccupé par les armes que par les femmes, pourrait offrir à ces demoiselles.
Le lieu dans lequel ils se rendirent, cependant, le surpris au plus haut point. N'était-ce pas... les vieux cachots ? Mais ils ne servaient plus à rien ! Pourtant, à l'intérieur, des foyers diffusaient une lueur chaude et sinistre. Les menottes, chevalets de torture et autres instruments douteux étaient bien entretenus. C'était donc ici... ce lieu que sa mère lui avait défendu de visiter... Son regard s'arrêta sur la légendaire rose de Nyris. Instrument interdit mais gardé en tant qu'emblème. Une tige de rose aux terribles épines, plongées pendant des mois dans l'eau salée jusqu'à devenir incroyablement dure, au point de garantir une lacération des chairs optimale...
Que ressentait-il à cet instant ? Du dégoût, bien sûr ! Son cousin, qui jugeait si sévèrement ses propres goûts en la matière, était comme hypnotisé par une boîte emplie de fines aiguilles, suppliant presque une des jeunes femmes de « l'employer à nouveau sur lui ». C'était répugnant, c'était révoltant, c'était...
Mais au fond de l'âme de Faëlis, il y avait aussi une petite voix maléfique qui ricanait. Qui disait que s'il détesterait subir cela, et c'était bien là ce que sa mère lui avait interdit, il adorerait l'utiliser.
(Non ! La douleur et le plaisir sont des choses différentes ! Je ne suis pas comme ça !)Les autres le regardaient comme des prédateurs, attendant de savoir ce qu'il en pensait. On lui tendit un fouet. Il tendit la main pour le prendre... avant de s'enfuir.
(Non ! Je ne suis pas comme ça !)Et pourtant, il savait. Il était un Nyris. Il avait ça dans le sang.
Qu'est-ce qui l'avait choqué le plus, en fin de compte ? Le fait de savoir que son cousin était adepte de ces pratiques douteuses ? Ou de découvrir l'étrange tentation qui l'avait étreinte ? À partir de ce jour, il se jura de toujours faire le bien autour de lui. Il resterait un maître des massages, et uniquement de cela. Tant pis si à compté de ce jour, Nariym le méprisa plus que jamais. Lui-même n'avait de toute façon plus de respect pour celui-ci. Ils étaient différents. Ils ne se comprenaient plus. À moins... que la morale ne soit qu'une question de point de vue ? Impossible ! Mais comment distinguer le bien du mal ? Sur quoi pouvait-on s'appuyer dans un monde aussi fluctuant ? Sur qui pouvait-on compter quand même une amitié pouvait ainsi basculer car l'autre devenait soudain impossible à comprendre ? Ils étaient différents.
Mais la petite voix était là pour lui dire qu'il se mentait à lui-même. Un Nyris ne vit que pour le jeu de la politique et les plaisirs les plus crus. Peu importait. Tout le monde mentait. Et à compté de ce jour, il se mentirait jusqu'à croire à ses propres mensonges.
(Je n'aime que la beauté et le bonheur. Il n'y a ni l'un ni l'autre dans le complot et la douleur. Je n'aime que la beauté et le bonheur, et je les apporterais à tous...)Il commençait à comprendre qu'en fait, on ne pouvait se fier qu'à une seule personne : soi-même. Le reste n'était qu'étrangeté. On ne se comprend que soi-même et par conséquent, les autres sont un mystère. Ils ne peuvent nous comprendre et on ne peut les comprendre. Les autres étaient les acteurs d'une pièce de théâtre dont on ne connaissait que son propre texte. Et son texte, il le changerait.
(Je n'aime que la beauté et le bonheur. Il n'y a ni l'un ni l'autre dans le complot et la douleur. Je n'aime que la beauté et le bonheur, et je les apporterais à tous...)***
Les années suivantes furent fort heureuses, avec le passage à l'age d'homme, mouvementé, certes, et l'entrée à l'armée. Il se distingua bien vite comme archer autant que comme séducteur. Incroyable comme les jeunes filles aimaient venir voir tous ces jeunes hommes en sueur pendant l’entraînement. Il flirtait avec elles, puis les abandonnait. Une fois il entendit que l'une d'elles s'était jeté d'une passerelle peu de temps après, ne survivant que de peu. Cela l'avait perturbé, mais sans plus. Quelque chose avait dû la peiner et comme elle ne l'avait plus comme réconfort, elle avait tenté de se donner la mort. Il n'était pas responsable. Il n'était responsable de rien.
Il fréquentait aussi toujours autant de jeunes hommes, ce qui lui posa tout de même un problème à la caserne. Les elfes étaient généralement tolérants vis-à-vis de ce comportement, mais la tolérance ne surmontait pas les affres de la jalousie. Comme certains critiquaient l'hinïon pour son comportement, l'instructeur leur demanda de régler l'affaire à coup de poing. Aussitôt, le compagnon de Faëlis, un certain Kaël, vint à son aide. L'instructeur leur raconta alors l'histoire toute récente des deux hinïon retrouvés dos à dos après une embuscade shaakt, une dizaine d'adversaires morts autour d'eux. Pour lui, il était évident que ces deux guerriers s'aimaient plus que de simples frères d'armes. Et cette unité, peu importe l'origine, il souhaitait la voir dans tout son régiment.
« J'en ai vu partir au combat, des bleusailles comme vous... et ce que j'aime plus que tout c'est les voir revenir. Tant que c'est pas qu'ils ont désertés, alors pour moi, c'est moral et acceptable. »Faëlis et Kaël n'avaient plus eu de problèmes, mais ce dernier avait pourtant fini par partir, lassé du caractère volage de son ami. Faëlis n'avait pas noté plus que ça l'événement. Une péripétie de plus dans la vie. Il ne comprenait pas, et il ne cherchait pas à comprendre.
La suite de l'histoire est bien connue. Il surprit un groupe de garde s'en prenant à une jeune humaine. Ils l'amenèrent à un homme masqué qui voulait la violer. Faëlis blessa l'homme masqué et découvrit qu'il n'était autre que son père. Horreur. Comment pourrait-il rentrer chez lui après ça ? Il était désespéré, ne sachant vers quoi se tourner. L'humaine, Célimène... il la protégerait jusqu'au bout. Elle était si belle ! Ils trouveraient bien un moyen de partir... Mais en chemin, la bataille avait éclaté. Les mystérieux hommes en noir les avaient attaqués et ils avaient été séparés. Il avait tenté de couvrir sa fuite. Il avait été assommé et s'était réveillé à Kendra Kâr. Là, on lui avait dit que sa mère l'avait déposé et était reparti chercher Célimène. Il ne s'inquiétait pas trop. Elle y parviendrait. Et lui, il avait commencé à chercher à se rapprocher de la cour pour également monter un réseau et la retrouver. Il la sauverait encore une fois ! Pour cela, il pouvait compter sur la renommée acquise au manoir hanté. Là, il avait affronté la folie et le désespoir, mais il n'avait pas peur. Il savait qu'il triompherait et que la joie reviendrait !
Non.
Si. Bien sûr qu'il en était ainsi.
Célimène. Non.
« Je suis désolé mon garçon, on ne l'a pas retrouvé. »Oui, c'était ça que le vieux Maeglor avait dit ! Sa mère était reparti pour la chercher !
« Je suis désolé mon garçon.... »Il avait pris contact avec le roi dans l'unique but de la retrouver. Il était regrettable que cela occupe si peu son esprit. Sans doute était-ce l'éloignement ?
« Je suis désolé mon garçon... »Est-ce que le vieil homme n'avait pas ajouté quelque chose après ?
« … on ne l'a pas retrouvé. »Oui, c'était ça... ou bien non ?
« Je suis désolé mon garçon, on ne la retrouvera pas. »C'était peut-être ça. Mais pourquoi ?
« C'est ta mère qui t'a amené ici en disant qu'il ne fallait pas que je parle trop de ta présence. Elle est ensuite parti chercher quelqu'un, en disant que tu saurais de qui il s'agissait et que tu n'avais pas à t'inquiéter... Je suppose qu'il s'agit de cette... Célimène. »
Oui, c'était ça, qu'il avait dit ! Mais comment avait-il pu se tromper à ce point ? Il était évident qu'il avait dit ça. Il avait menti si efficacement pour dissimuler la vérité ! Mais quelle vérité ? Et pourquoi... pourquoi avait-il menti ? Non. La vraie question était... pourquoi Faëlis pensait-il qu'il avait menti ? D'où lui venait les première phrase ?
« Je suis désolé mon garçon, on ne l'a pas retrouvé. »Il n'avait pas menti. C'était Faëlis qui avait passé sa vie à se mentir.
« Je suis désolé mon garçon. Elle est morte, ta mère me l'a dit avant de partir. »Vide. Obscurité. Néant. Comme un barrage qui se rompe, la mémoire submergea un jeune elfe qui voulait croire en des choses qui n'étaient pas réelles. Mais maintenant, le contact avec l'esprit de la lumière avait ramené les vrais souvenir... Elle était morte. Il avait juré de la protéger. Il avait cru bon se séparer d'elle pour cela. Et elle était morte.
(Nooooon !!!!!!)Il s’effondra. Il était seul dans l'obscurité, et devant lui se tenait la fière silhouette du lion altier. Il avait envie de vomir. Il était seul et misérable, ainsi qu'on est toujours en ce monde. Il avait appris à ignorer les critiques, à ignorer ce qu'il ne comprenait pas. Il n'aidait pas les autres pour leur faire plaisir, puisqu’il ne les comprenait pas. Il aidait les autres pour se faire plaisir à lui-même. Mais cette tâche était hors de sa portée.
« Je comprends... Vous ne pouvez avoir confiance en moi. Je n'ai pas pu sauver celle que j'avais juré de protéger. Comment pourrais-je sauver un monde entier ? Inconsciemment, je suis allé vers les intrigues de cours... non pour l'aider car au fond, je savais qu'il n'y avait plus rien à faire... mais simplement parce que je ne peux échapper à ma nature profonde : J'ai beau me dissimuler derrière l'humour et insouciance, je suis un menteur, un manipulateur... un monstre de plus de la famille Nyris. J'ai appris des choses à Kendra Kâr. Ma mère m'a conçu non pour avoir un enfant, mais pour créer le parangon des elfes. Objet de beauté ultime. De corps comme d'esprit, je ne suis que fausseté. Je ne suis pas lumière... je suis ténèbres. »Neolia... la belle archère du culte du cristal de neige. Dans son esprit passèrent encore quelques images. Des images de son aventure avec elle, fort peu soucieux de ce que son maris pourrait en penser. Les révélations qu'elle lui avait faites, il ne pouvait ne douter. Mais pourquoi sa mère ne lui avait rien dit ? Encore et toujours des mensonges. Il en avait subit, il en distribuait...
Il avait voulu montrer l'ombre de son âme au lion, il n'avait fait que découvrire à quelle point elle était profonde.
Il était de retour dans le jardin et avait les yeux levé vers le lion ailé. Cependant, il le voyait à peine au milieu de ses larmes. Il avait pu redouter que la créature ne le tue... maintenant il ne le redoutait plus, il le souhaitait. Il était la preuve vivante qu'aucun Nyris ne pouvait échapper à son destin. Même ici, ne faisait-il pas que suivre les mensonges qu'il se serait répété ? Voulait-il vraiment aider ces gens ? Ou n'était-ce encore qu'un mensonge ? Où était la réalité ?
« Je ne suis bon à rien... Comment une âme de traître débauché et dépourvu d'empathie pourrait-elle vous aider ? »(((3891 mots)))