En me dirigeant vers ma place initiale, je constatai que d’autres étaient arrivées après moi. J’étais tellement concentré sur ce qui se passait devant moi, que mes oreilles n'avaient rien perçu. La première était une compatriote. Une Ynorienne et tout ce qu’on pouvait attendre de plus standard chez celle-ci. Un teint de pêche, des yeux en amande avec une curieuse couleur violette cependant. Sa belle stature et son air ferme et déterminé laissaient deviner une femme rompue à l’exercice guerrier
La deuxième était plutôt étrange dans son attitude. Une elfe blanche à la peau claire et aux longs cheveux noirs. Deux miliciens la trainait pour qu’elle aille signer. Elle n’avait pas l’air dans son assiette. Presque... Droguée ? Je n'en avais cure sur l’instant. Personne ne disait rien. Tout le monde avait l’air de trouver ça normal. Alors c'était normal.
Le troisième surgit des ombres de la pièce telle une âme silencieuse. Surpris, je l'observai se mouvoir pour aller signer de son nom. Je fronçai les sourcils pour mieux l'observer. C’était un Lykyor au pelage sombre et... Ciel ! Cette créature était une montagne ! Il dépassait l’assemblée réunie ici de toute sa hauteur et il parvint sans mal à se frayer un chemin dans cette marée qui s’ouvrit devant lui. Le moins que l’on pouvait dire c'est qu'il avait un talent naturel pour soigner ses entrées. Il avait fait sensation. Les Lykyor noir avaient de très mauvaises réputations par chez nous. Personellement j’éviterais de l’avoir dans le dos. Je ne me sentirais pas à l’aise.
À sa suite vint une autre silhouette, beaucoup plus engageante celle-ci. Une jeune femme aux longs cheveux bruns et aux beaux yeux bleu-gris. Par les rois qu’elle était belle et raffinée ! Un piège très bien conçu, ma foi. Depuis l’affaire Tihanna j’avais été vacciné. Un beau masque cachait parfois une âme traitresse.
Elle posa néanmoins une question forte intéressante sur cet immortel au sobriquet énigmatique de Sans-Visage. Quel était son crime et en quoi était-il dangereux ? Ce à quoi l’elfe mauve répondit qu’il risquait de se venger des peuples d’Aliaénon. Je n’arrivais toujours pas à m’intéresser à cette histoire faisant preuve d'un manque cruel d'empathie pour ce monde d'ailleurs. J’étais d’abord venu pour autre chose et il m'etait difficile de me concentrer dans les conditions actuelles.
Le capitaine agrippa le parchemin et commença à énumérer les noms un à un, on trouvait un : Ernold Thessier, de Bouhen. Le guerrier qui n’arrivait plus à tenir sur place. Celemar et Edmar Dongho de Tulorim. C’étaient l’archer balafré et le guerrier a l’espadon. Deux frères…
Krayne Vassiliev, le guerrier massif au crâne tondu originaire du Duché de Luminion. Elysea D’Astarnor et la blonde aux cheveux blonds qui discutait avec l'archer. Une Kendranne.
Dorika Knerses, la jolie femme masquée à l’épée fine. Originaire d’Exech, Thrag Varag le nain roux, Nastya Terenzia de Pohelis, la Nosverienne équipée comme un mamouth.
Puis vînt le tour des héros qui nous avaient fait l’honneur de leur présence, et dès le premier nom, je fus complètement désarçonné.
Karz Enhgrim. Je restais stoïque les yeux fixés avec étonnement sur l’homme que venait de regarder le capitaine Atsuhiko. C’était le blond aux cheveux courts et aux prothèses. Je ne voulus pas y croire au début, mais j’intégrai bientôt la vérité. Je me rappelais maintenant où j’avais déjà vu une scolopendre enroulée autour d’un bras. C’était dans le bagne. Et c’était Karz qui possédait ce cadeau offert par Cwedim lui-même. Et tout comme Naral son allégeance avait officielement changée. Pour preuve, on l’appelait désormais "Sauveur". Je souris malgré moi, même si je ne comprenais strictement rien à ce qui se passait ici, mais me rendre compte qu’il n’avait jamais vraiment été du côté d’Oaxaca me fit énormément plaisir. Ainsi, nous n’étions pas ennemis.
Et les noms continuèrent à défiler. Xël, le petit homme bronzé qui semblait s’être trompé de réunion. Lui aussi en était ? Sauveur ?! Il n’avait pourtant pas l’air très dangereux.
Kiyoheïki d’Esh Elvohk. Le semi-Shaakt. Où devais-je plutôt le considérer comme semi-Ynorien à l’entente de ses titres. Sauveur d’Aliaénon, Sergent de la milice locale, et Dragon d’Or d’Ynorie. C’était pour le moins clinquant. Je fus intrigué par l'un d'eux en particulier. Qu'entendait-il par Dragon ? Au sens propre, comme Shaam ? C’était à creusé, mais je devais avouer que mon regard d'abord négatif s’était empreint d’un peu plus de respect à son égard. Cependant, l’idée allait prendre du temps à être acceptée. Comme quoi les préjugés…
Sirat, mon humoran bien connu et bourru était aussi un héros. Nous allions de surprise en surprise…
Yurlungur Louvardent, la gamine que le capitaine découvrit avec stupeur. Comme la majorité des personnes dans cette pièce supposais-je. En tout cas, la présence d'une enfant si jeune eut le mérité de déclencher l’ire du soldat prêt à la renvoyer séance tenante.
Mais le Dragon mauve décida de se porter garant pour elle, décelant en la jeune femme un certain potentiel disait-il. Vraiment ? Ce serait surprenant mais pas inintéressant pour autant, me disai-je en jetant un peu plus longtemps qu’auparavant mon regard sur elle. Elle était pourtant d’une apparence si candide sous ses longs cheveux bruns et ses grands yeux bleus. Le temps finirait sûrement par apporter ses réponses.
Sibelle Mithrenniel, la guerriere Hinïonne au regard fier et au visage fermé. Sa compatriote Laewllyn et ses riches parures.
Endar, le Shaakt, que l’on qualifia également de Sauveur d’Aliaénon. Je soufflai d’exaspération sous ma capuche. C’était un titre que l’on gagnait la kermesse du coin, ma parole ?! Voilà une autre idée qui allait i avoir du mal à passer. Charis Kel Asheara, l'autre femme au visage cachée et au teint basané que je n’avais pas pu très bien écouter lors de sa présentation. Au moins, je sue son nom, et qu’elle était une des héroïnes. C’était tout à son honneur.
Et vint mon tour. Kyo Taïki. Mon cœur se serra et ma respiration se coupa net au même moment ou Naral Shaam interrompit le capitaine. Je sentis d’abord le plancher s’écrouler sous mes pieds quand il énonça sans ambiguïté m’avoir repéré. Énumérant nos liens puissant dans la mort et, les reliques de feu Mongoor Vlash en ma possession, il semblait s’amuser de la situation. D'ailleurs tout se se passa bien. Il demanda au capitaine de corriger l’information et on ne donna l’ordre à personne de se jeter sur moi. Non seulement, il semblait que je n’avais pas causé de vague sur Aliaénon et en plus, Naral avait géré cela avec beaucoup de tact. Ce mec était parfois un serpent finit mais il avait un certain code d'honneur…J'appréçiais.
Je fus, en tout cas, soulagé d’un poids si lourd que je ne pus m’empêcher de rire de ma bêtise sous ma capuche. D’un geste, je la retirai, libérant mes cheveux auxquels je tentai deredonner une certaine circonstance a l'aide mes doigts. Je dressai la tête fièrement pour plonger mon regard acier dans celui rempli d’or de Shaam. De nouveau, je pouvais être Ezak d’Arkasse. Et je n’allais pas me gêner.
« Comme souvent, il semble que vous ayez un coup d’avance sur tout Dragon Mauve. » repondis-je simplement un sourire énigmatique collé au visage. Il était clair que lui et moi avions à discuter de certains détails. Mais pour l’heure, le milicien continuait à faire défiler les noms de la liste.
Galélia l’elfe qui avait l'air hors d'elle même, Algaries le Lykior originaire des terres de Blakalangs et Hisaya Kusurubachi qui se révélait être une héritière d’un clan locale honorable selon les dires du capitaine. Mes yeux se reportèrent alors vers elle. Effectivement, ce nom sonnait comme commun à mon oreille, mais rien de très précis néanmoins. Elle avait en tout cas gagné mon attention avec cette information. Le capitaine devait avoir beaucoup de respect pour cette famille, à en juger par la déférence dont il faisait preuve à égard. Il la prévînt de la dangerosité de notre mission, et ajouta ne pas vouloir à avoir annoncer sa disparition à sa famille.
Elle n’était pas là de son plein gré assura-t-elle. Elle avait été envoyée par son grand-père et disait faire face à la mort sans peur. Les responsabilités d’un héritier… Je m’étais toujours demandé ce que ça faisait de naître en tant qu’héritier légitime. Malheureusement, ma condition de deuxième né m’avait condamné à errer dans l’ombre d’un frère. Quelle importance, le patrimoine laissé par Vandrak D’Arkasse en Ynorie m’intéressait de toute façon plus. Je voulais effacer la honte qu’il avait associée durablement à notre nom à Kendra-Kâr et construire mon empire selon ma vision. Je voulais beaucoup plus que ce qu’il avait à offrir, je voulais tout.
Le soldat se leva de son bureau, et traversa la masse que nous formions, pour nous guider à travers la milice. Je suivis le petit groupe les yeux rivés tour à tour sur les héros d’Aliaénon. Je me demandais réellement quel avait pu être la teneur de leurs actions là-bas. À mes côtés, marchant silencieusement, il y avait cette jeune femme masquée d’Exech, Dorika Knerses. Silencieuse depuis le début, elle avait scruté avec attention ce qui se passait. Elle était observatrice, discrète. Probablement le genre à en savoir beaucoup plus sur les autres qu’on en savait sur elle. Ça pouvait être intéressant de connaître les informations qu'elle avait.
« Ces héros d’Aliaenon, ceux présents avec nous, que savez-vous à leur propos ? »
Lui lançais-je alors que nous marchions.
La jeune femme me jeta un coup d’œil perturbé, avant de me répondre dans un simple et direct :
"Je ne les connais pas."
Je levai un sourcil dubitatif devant cette réaction. Se moquait-elle de moi ? Ou avait-elle vraiment pris ma question au sens premier et bête de ma phrase ?
"Je me doute bien. Là n'était pas vraiment le sens de ma question." Souris-je un peu moqueur.
"Je voulais juste savoir ce que vous aviez entendu comme rumeurs, comme légendes sur ce qu'ils ont fait là-bas ? Il doit bien y en avoir qui circulent."
Et je me repris en souriant, cherchant à expliqué mes intentions..
"Ça fait longtemps que je n'ai pas eu l'occasion de fréquenter les villes. Et je suis totalement mal informé sur toute cette histoire."
Ses réactions étaient masquées par le tissu qui barrait son visage, mais elle continuait à fuir mon regard. Visiblement, ma présence la mettait mal à l’aise.
"Des rumeurs ? Il y en a, oui."
Je sentis qu’elle voulut s’arrêter là, mais elle reprit tout aussi brièvement.
"Peut-être devriez-vous leur demander directement."
Pas très bavarde, la petite. Ces regards fuyants et ses réponses courtes et brèves. J’aurais parié à cet instant qu’elle suppliait les dieux de la débarrasser de moi. Je soupirai avant de répliquer.
"J’adore les rumeurs. Les faits sont parfois trompeurs alors que les rumeurs, vraies ou fausses, sont souvent révélatrices. » Énonçais-je songeur.
"Leur demander directement ne m'intéresse donc pas."
Je la regardais un instant, toujours interloqué par ses réactions. J'essayais de la déchiffrer sans succès. Quelque chose m’échappait encore chez cette femme. Cependant, je n’étais pas celui qui allait la cuisiner. Pas là, Pas maintenant. Ma foi, si elle avait vraiment envie d’être seule…
"Qu'importe, il semble que je ne l'apprendrais pas de vous. »
Conclus-je à la laissant retourner à son mutisme.
Elle plissa les yeux et hocha lentement la tête. Je pouvais sentir le soulagement de cette femme alors qu’elle commençait à se détourner de moi. Je continuai à marcher les yeux perdu dans la vague. La scène qui venait de se dérouler était assez surréaliste à mon sens.
C’est à ce moment précis, privé de toute garde, que je sentis un bras passer autour de ma nuque. Par réflexe, je manquai d’envoyer un coup de coude directement dans les cotes de l’individu trop tactile, avant de me rendre compte de son identité. Sirat !
J’étais trop peu habitué à ces manières familières, mais je me laissai faire finalement. Il n’était pas bien méchant, ça devait être une marque d’affection comme une autre. En tout cas, sa bonne humeur était contagieuse. Il me présenta son ami, l’elfe blanche. Il me conseilla de ne pas me frotter à elle. Je ne sue pas si cette recommandation était sens propre ou figuré, mais elle avait du sens. Aussi belle qu’elle avait l’air redoutable... D’aucuns auraient tôt risqué d’oublier ce conseil avisé. Il se mit ensuite à railler Karz, se moquant de son nouveau physique. Revînt alors ce qualificatif de pleureuse qui, je devais l’avouer, m’avait manqué. Je me revis ces nombreuses fois ou l’archer et moi nous lancions dans des joutes verbales, juste pour se piquer un peu. En même temps, il tendait souvent le bâton pour se faire battre le gaillard. Je devais quand même avouer à sa décharge qu’il avait de la réplique.
Sirat, lui, riait à gorge déployée, fier de son effet. Il avait parlé si fort que je n’aurais pas été étonné que tout le groupe l’ait entendu. Bien que lancé sur le ton de la pique, je pus sentir une sorte de tension palpable dans les mots de Sirat. Il y avait bien une provocation. Je ne savais pas qu’elle était le sujet ni l’ampleur de leur différent. Il y en avait-il seulement un ? Je ne voulais surement pas me retrouver au milieu de leurs histoires, mais j’essayai quand même de calmer le jeu, à ma manière bien sûr.
« Fous-lui un peu la paix Sirat! Surtout qu’il y aurait aussi pas mal de chose à dire propos de tes manières de rustre d’un autre âge… Sale barbare.» Je ponctuai ma phrase d’un sourire taquin avant de conclure en inclinant légèrement la tête :
« Tout le plaisir est partagé Sirat.»
Nous arrivâmes à la salle des fluides, qui se trouvait au sous-sol de la milice. Plusieurs cellules cachaient les secrets de l’espace. Nous pénétrâmes dans l’une d’elle, ou une grosse boule remuait en lévitation dans un mouvement vaporeux. J’étais déjà venu ici, en compagnie du nécromant…
C’est ce moment que choisit le capitaine Atsuhiko pour nous faire ses adieux. Il nous laissait entre les mains d’Aliaénon et en la compagnie de Naral Shaam de ses propres mots. Selon lui, nous allions arriver dans un lieu connu comme la Tour du Conseil d’Or. Au moins, j’aurais la réponse à la question que je me posais à leur sujet de mes yeux vu. Il promettait de nous rejoindre dans l’autre monde, plus tard, cela dit.
Le Dragon Mauve ne perdit pas de temps inutile et avança vers la boule lumineuse avant d’être comme dilué dans son infini contenu.
Une sensation étrange m’agitait les entrailles. Une sorte d’excitation, une joie immense que je n’avais plus ressentit depuis longtemps. C’était peut-être dû aux retrouvailles de mes trois vieux alliés, mais je ressentis le frisson de l’aventure et le désir d’en découdre grandir chaque seconde en moi.
Après tant de lunes à me faire discret, j’avais presque oublié ces sensations. Cette drogue.
Sirat, Sibelle, L’Heritière, Xël, le Shaakt, la Nosverienne, la jeune enfant, et la dénommée Charis pénétrèrent dans le fluide.
Derrière cette boule brumeuse, quelque part, il y avait mes souvenirs perdus, j’en étais sûr.
J’inspirai profondément et j’avançai vers le fluide en tapant dans mon poing tout sourire. Simplement heureux de reprendre cette vie que j’avais tant haïe au début, celle d’un aventurier.
« Ô que ça va saigner ! »
Il semblait que le feu de mes passions s’était rallumé.
Citation:
2569 mots. Réplique : « J’adore les rumeurs. Les faits sont parfois trompeurs alors que les rumeurs, vraies ou fausses, sont souvent révélatrices. » (Inglorious Basterds)